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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1A.235/2003 /svc 
 
Arrêt du 8 janvier 2004 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Reeb et Fonjallaz. 
Greffier: M. Zimmermann. 
 
Parties 
N.________ AG, 
recourante, représentée par Me Lucius Huber, avocat, 
à Bâle, 
 
contre 
 
Ministère public de la Confédération, 
Taubenstrasse 16, 3003 Berne. 
 
Objet 
assistance judiciaire internationale en matière pénale à la France; langue de la procédure; communication de pièces; participation de fonctionnaires étrangers aux opérations - MPC/ECI/4/03/0089 - OFJ B 142929/BOT, 
 
recours de droit administratif contre l'ordonnance du Ministère public de la Confédération du 17 octobre 2003. 
 
Faits: 
A. 
Le 22 juillet 2003, le Vice-président du Tribunal de grande instance de A.________ a fait parvenir à l'Office fédéral de la justice une demande d'entraide judiciaire fondée sur la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (CCEJ; RS 0.351.1), entrée en vigueur le 21 août 1967 pour la France et le 20 mars 1967 pour la Suisse. La demande était présentée pour les besoins de la procédure pénale ouverte contre inconnus pour blanchiment d'argent, abus de biens sociaux, faux et usage de faux, en relation avec des faits commis dans la gestion de la société française P.________. 
 
Selon la demande et ses annexes, P.________ avait passé, le 6 juin 2001, un contrat (portant le n°yyy) avec une société de Hong Kong dénommée U.________ Co Ltd. Ce contrat portait sur la fourniture par P.________ d'équipements et de services en vue de la construction, pour le compte de la société russe O.________, d'un terminal pour le transport de l'azote à L.________, sis en Russie, sur les rives de la Mer Noire. Le prix des services de P.________ a été fixé à 43'255'000 millions d'euros, dont le paiement était échelonné sur plusieurs mois. N.________ AG est une société, filiale de la société suisse M.________ AG. Elle commercialise la production de O.________ et contribue au financement de ses activités. Le 7 juin 2001, N.________ a fait virer sur le compte ouvert au nom de P.________ auprès de la Banque T.________ un montant de 999'984 euros désigné comme « avance sur paiement du contrat yyy ». Le 10 août 2001, ce compte avait été débité d'un montant de 420'000 euros en faveur d'une société dénommée K.________ Ltd. P.________ avait en outre versé à K.________, entre novembre 2001 et mai 2002, un montant total de 3'405'122,42 euros. Entre août 2001 et avril 2002, puis entre mai 2002 et juin 2003, U.________ avait approvisionné les comptes de P.________ pour un montant total de 33'006'284 euros. Les autorités françaises soupçonnaient que ces transactions suspectes étaient de nature à masquer des opérations de détournement de fonds et de blanchiment, sous couvert de P.________. La vérification de ce soupçon commandait d'établir l'origine des fonds acheminés sur les comptes de P.________ et d'identifier les destinataires des montants payés à K.________. La demande tendait notamment à l'audition des dirigeants de N.________ à propos de leur relation avec P.________, ainsi qu'à la transmission de la documentation bancaire relative au virement effectué le 7 juin 2001. Il était requis que les fonctionnaires de l'Office central français pour la répression de la grande délinquance financière (ci-après: OCRGDF) soient autorisés à participer à l'exécution de la demande. 
 
Le 19 août 2003, l'Office fédéral de la justice (ci-après: l'Office fédéral) a délégué au Ministère public de la Confédération (ci-après: le Ministère public) l'exécution de la demande. 
 
Le 17 octobre 2003, le Ministère public a rendu en français une décision d'entrée en matière au sens de l'art. 80a de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale, du 20 mars 1981 (EIMP; RS 351.1), par laquelle il a autorisé la présence des fonctionnaires de l'OCRGDF lors de l'exécution de la demande (ch. 2 du dispositif), tâche confiée à la Police fédérale (ch. 3). Cette décision a été notifiée à N.________ le 21 octobre 2003. 
 
Les 22 et 27 octobre 2003, les dirigeants et mandataire de N.________ ont demandé au Ministère que la décision du 17 octobre 2003 leur soit remise dans une traduction allemande, ainsi que la demande d'entraide. Celle-ci a été communiquée à N.________ le 29 octobre suivant. 
B. 
Agissant par la voie du recours de droit administratif, N.________ AG demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler la décision du 17 octobre 2003 en tant qu'elle autorise la présence de fonctionnaires français lors de l'exécution de la demande (cf. ch. 2 et 3 du dispositif de la décision attaquée). A titre subsidiaire, elle conclut à ce que cette présence ne soit autorisée qu'à la condition qu'aucun document ne soit dévoilé qui toucherait à son domaine secret, celui de ses organes ou de ses relations d'affaires, que l'exécution de la demande soit limitée aux informations et documents concernant le virement du 7 juin 2001 et que les agents étrangers soient cantonnés dans un rôle passif. Elle requiert l'effet suspensif. Elle invoque l'art. 65a al. 2 et 3 EIMP et se plaint d'une violation des principes de la proportionnalité et de la spécialité. 
 
Le Ministère public et l'Office fédéral concluent au rejet du recours dans la mesure où il serait recevable. 
C. 
Par ordonnance du 27 novembre 2003, le Président de la Ire Cour de droit public a admis partiellement la demande d'effet suspensif dans le sens d'exclure la participation d'agents étrangers lors de l'exécution de la demande jusqu'à droit jugé. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le présent arrêt est rédigé en français, langue de la décision attaquée (art. 37 al. 3 OJ). Il n'y a pas lieu de déroger à cette règle en l'espèce; comme tous les avocats exerçant en Suisse, le mandataire de la recourante est censé comprendre les langues nationales de la Confédération. 
2. 
L'entraide judiciaire entre la République française et la Confédération est régie par la CEEJ, ainsi que l'accord bilatéral complétant cette Convention (ci-après: l'Accord complémentaire; RS 0.351.934.92), conclu le 28 octobre 1996 et entré en vigueur le 1er mai 2000. Les dispositions de ces traités l'emportent sur le droit autonome qui régit la matière, soit l'EIMP et son ordonnance d'exécution (OEIMP; RS 351.11). Celles-ci restent toutefois applicables aux questions non réglées, explicitement ou implicitement, par le droit conventionnel, et lorsque le droit interne est plus favorable à l'entraide que la Convention (ATF 123 II 134 consid. 1a p. 136; 122 II 140 consid. 2 p. 142; 120 Ib 120 consid. 1a p. 122/123, et les arrêts cités). Est réservé le respect des droits fondamentaux (ATF 123 II 595 consid. 7c p. 617). 
3. 
A teneur de l'art. 80e let. b EIMP, les décisions incidentes antérieures à la décision de clôture sont attaquables séparément par la voie du recours de droit administratif, lorsqu'elles causent à leur destinataire un dommage immédiat et irréparable découlant de la saisie d'objets ou de valeurs (ch. 1) ou de la présence de personnes qui participent à la procédure à l'étranger (ch. 2). Contrairement à ce que le libellé du texte légal laisse supposer, le prononcé d'un séquestre ou l'autorisation accordée à des fonctionnaires étrangers de participer à l'exécution de la demande ne causent pas, ipso facto, un dommage immédiat et irréparable au sens de l'art. 80e let. b EIMP (cf. ATF 128 II 211 consid. 2.1 p. 215/216, 353 consid. 3 p. 254). Il faut pour cela que la personne touchée démontre que la mesure qu'elle critique lui cause un tel dommage et en quoi l'annulation de la décision attaquée ne le réparerait pas (ATF 128 II 211 consid. 2.1 p. 215/216). 
 
L'art. 80e let. b ch. 2 EIMP doit être interprété à la lumière de l'art. 65a al. 2 EIMP, à teneur duquel la présence de représentants de l'Etat requérant peut être permise si cela facilite considérablement l'exécution de la demande d'entraide ou la procédure pénale étrangère. Dans l'affirmative, l'art. VII par. 1 de l'Accord complémentaire précise que l'Etat requis consent à cette participation. De cette formulation, il ressort que la marge d'appréciation de l'autorité suisse d'exécution, déjà réduite malgré le caractère potestatif de l'art. 65a al. 2 EIMP, est limitée à l'empêchement de comportements abusifs de la part de l'Etat requérant (cf. le Message du 17 septembre 1997, FF 1997 IV p. 1077 ss, 1082). Tel n'est pas le cas en l'espèce. Sur le vu de la demande et compte tenu de son objet, il est légitime que les personnes chargées de l'enquête en France puissent participer à l'examen des pièces détenues par la recourante, en présence des représentants de celle-ci. Cette manière de faire simplifiera la tâche de l'autorité d'exécution et permettra aussi à la recourante de faire valoir immédiatement les motifs qui s'opposeraient, selon elle, à la transmission de telle ou telle pièce. Il lui sera en outre loisible d'exposer ses arguments à ce sujet, conformément à son droit d'être entendue, avant le prononcé d'une éventuelle décision de clôture. 
 
Sous l'angle de l'art. 65a al. 3 EIMP, la recourante craint le dévoilement intempestif de renseignements touchant à son domaine secret, en violation des principes de la spécialité et de la proportionnalité. Pour parer tout risque à cet égard, l'autorité d'exécution peut exiger des agents étrangers l'engagement de ne pas utiliser les informations portées à leur connaissance lors de l'exécution de la demande avant l'entrée en force de la décision de clôture. Elle peut par exemple différer jusqu'à ce moment la remise du procès-verbal de l'audition ou de la copie de pièces (cf. arrêt 1A.82/1998 du 17 juin 1998, consid. 3b). Il convient enfin de relever que le Ministère public a pris la précaution de limiter la présence des agents français à ceux de l'OCRGDF, à l'exclusion des fonctionnaires du fisc. 
 
La recourante n'ayant pas démontré l'existence d'un danger immédiat et irréparable au sens de l'art. 80e let. b EIMP, il n'y a pas lieu d'entrer en matière. 
4. 
Le recours doit ainsi être déclaré irrecevable. Les frais en sont mis à la charge de la recourante (art. 156 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 159 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est irrecevable. 
2. 
Un émolument de 5'000 fr. est mis à la charge de la recourante. Il n'est pas alloué de dépens. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, au Ministère public de la Confédération, ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice, Division des affaires internationales, Section de l'entraide judiciaire internationale (B 142929/BOT). 
Lausanne, le 8 janvier 2004 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: