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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_646/2022  
 
 
Arrêt du 23 août 2023  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Maillard, Heine, Viscione et Abrecht. 
Greffier : M. Ourny. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
représentée par Me Loïc Pfister, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Division juridique, Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-accidents (rente d'invalidité), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 26 septembre 2022 (AA 60/21 - 123/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.A.________, née en 1946, et son époux B.A.________, né en 1945, ont fondé l'entreprise de décoration d'intérieur et de nettoyage C.________ en 1989. Ils ont conclu une assurance-accidents facultative auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).  
 
A.b. Le 6 novembre 2017, la CNA a soumis à A.A.________ et B.A.________ une offre de prolongation de contrat - lequel était renouvelable tacitement d'année en année - pour l'assurance des chefs d'entreprise pour l'année 2018. L'offre comprenait notamment, sous la rubrique "aperçu des prestations", une "rente d'invalidité à vie: 90 % avec la rente AVS/AI en cas d'invalidité totale". Pour B.A.________, l'offre mentionnait, pour un taux d'occupation de 40 %, un gain assuré de 30'000 fr. par an (2'500 fr. par mois), des indemnités journalières jusqu'à concurrence de 24'000 fr. par an (2'000 fr. par mois) et une rente d'invalidité de 27'000 fr. par an (2'250 fr. par mois) pour un taux d'invalidité de 100 %, rente de l'assurance-invalidité comprise. La prime annuelle s'élevait à 1'203 fr. 70. La proposition établie pour A.A.________ était structurée de la même manière et indiquait également le taux d'occupation, le gain assuré ainsi que les montants annuels et mensuels des indemnités journalières et de la rente d'invalidité.  
A.A.________ et B.A.________ ont souscrit la proposition d'assurance. La CNA a notamment établi une police d'assurance pour chefs d'entreprise en faveur de A.A.________ pour la période du 1 er janvier au 31 décembre 2018, avec renouvellement tacite, prévoyant une prime annuelle de 1'092 fr. 55 pour un gain assuré de 30'000 fr. et un taux d'occupation de 40 %. La police d'assurance, datée du 1 er février 2018, renvoyait aux "Conditions de l'assurance des chefs d'entreprise, édition 04.2017" (ci-après: les conditions de l'assurance), censées faire partie intégrante du contrat, lequel a été tacitement renouvelé pour l'année 2019.  
 
A.c. Le 4 décembre 2019, A.A.________ a chuté alors qu'elle effectuait des nettoyages dans les combles d'un immeuble. Les médecins consultés ensuite de cet accident ont fait état d'une "fracture tassement de la vertèbre T11 instable, [d'un] traumatisme crânio-cérébral sans perte de connaissance, [d'une] fracture du sacrum dans sa partie S3, [d'une] fracture du bord postérieur du sternum 1/3 inférieur [ainsi que d'une] plaie longitudinale en lambeau de deux centimètres prenant le tissu sous-cutané du bord radial de l'interphalangienne distale de l'annulaire gauche". Une opération de stabilisation par ostéosynthèse de la colonne vertébrale de D9 à L1 a été pratiquée. La CNA a pris en charge les frais de traitement et a alloué des indemnités journalières.  
 
A.d. Par décision du 25 février 2021, confirmée sur opposition le 23 mars 2021, la CNA a, sur la base du rapport d'examen final de son médecin d'arrondissement, nié le droit de A.A.________ à une rente d'invalidité, au motif que l'accident du 4 décembre 2019 était survenu après l'âge ordinaire de la retraite de l'assurée. En revanche, une indemnité pour atteinte à l'intégrité (IPAI) de 37'050 fr., correspondant à un taux de 25 %, lui a été octroyée en raison d'un "status après fracture instable de D11 ayant nécessité une fixation interne de D9-L1".  
 
B.  
Saisie d'un recours contre la décision sur opposition, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud l'a partiellement admis par arrêt du 26 septembre 2022, en ce sens que la décision sur opposition a été annulée en tant qu'elle portait sur le droit à une IPAI et la cause renvoyée à la CNA pour instruction complémentaire - sous la forme de la mise en oeuvre d'une "expertise otoneurologique" et d'un "examen neuropsychologique" - et nouvelle décision. Le recours a été rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, en tant qu'il portait sur le droit à une rente d'invalidité. 
 
C.  
A.A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant principalement à sa réforme en ce sens qu'une rente d'invalidité fondée sur un "taux de 90 % avec la rente AVS/AI" lui soit allouée. A titre subsidiaire, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
L'intimée conclut au rejet du recours. La juridiction cantonale se réfère purement et simplement à son arrêt. La recourante a répliqué. Prié de se déterminer sur la question de savoir s'il pouvait être dérogé à l'art. 18 al. 1 in fine LAA dans le cadre de la conclusion d'un contrat d'assurance-accidents facultative, l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) a estimé que tel n'était pas le cas. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office (art. 29 al. 1 LTF) et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 333 consid. 1; 146 IV 185 consid. 2; 144 II 184 consid. 1). 
 
1.1. Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) est recevable contre les décisions finales, soit celles qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF), et contre les décisions partielles, soit celles qui statuent sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause (art. 91 let. a LTF) ou qui mettent fin à la procédure à l'égard d'une partie des consorts (art. 91 let. b LTF). Les décisions préjudicielles et incidentes autres que celles concernant la compétence ou les demandes de récusation (cf. art. 92 LTF) ne peuvent faire l'objet d'un recours que si elles peuvent causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF).  
 
1.2. En l'espèce, en tant qu'il renvoie la cause à l'intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision sur le droit à une IPAI, l'arrêt entrepris constitue une décision (partielle) incidente car il ne met pas fin à la procédure (cf. ATF 140 V 282 consid. 2; 138 I 143 consid. 1.2). S'agissant du droit à une rente d'invalidité, la cour cantonale a en revanche définitivement tranché le litige, dès lors qu'elle a sur ce point débouté la recourante et confirmé la décision sur opposition du 23 mars 2021. Cette partie de l'arrêt cantonal revêt donc les caractéristiques d'une décision finale, contre laquelle un recours est recevable, au sens de l'art. 91 LTF (cf. ATF 135 III 212 consid. 1.2.1). Le recours contre l'arrêt du 26 septembre 2022 portant sur le droit à une rente d'invalidité, la voie du recours en matière de droit public contre cet arrêt est ainsi ouverte.  
 
1.3. Pour le reste, l'arrêt attaqué a été rendu par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans une cause de droit public (art. 82 LTF) qui n'entre pas dans le catalogue des exceptions prévues par l'art. 83 LTF. Le recours en matière de droit public, déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi, est donc recevable.  
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur le point de savoir si les juges cantonaux ont violé le droit fédéral en confirmant la décision sur opposition du 23 mars 2021, par laquelle l'intimée a nié le droit de la recourante à une rente d'invalidité.  
 
2.2. S'agissant d'une procédure concernant l'octroi de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 3 LTF).  
 
3.  
La recourante soutient tout d'abord que son opposition contre la décision du 25 février 2021 aurait porté non seulement sur le droit à une IPAI, mais aussi sur le droit à une rente d'invalidité. L'intimée objecte que l'opposition aurait porté exclusivement sur l'IPAI, de sorte que le recours devrait déjà être rejeté pour ce seul motif. Comme on le verra, les premiers juges ont à bon droit rejeté le recours cantonal en tant qu'il portait sur le droit à une rente d'invalidité, de sorte que cette question de recevabilité peut - comme devant la cour cantonale - demeurer indécise. 
 
4.  
Sur le fond, la recourante soutient avoir une prétention contractuelle à l'octroi d'une rente d'invalidité. 
 
4.1.  
 
4.1.1. Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Si l'assuré est invalide (art. 8 LPGA [RS 830.1]) à 10 % au moins ensuite d'un accident, il a droit à une rente d'invalidité, pour autant que l'accident soit survenu avant l'âge ordinaire de la retraite (art. 18 al. 1 LAA). Selon l'art. 4 al. 1 LAA, les personnes exerçant une activité lucrative indépendante et domiciliées en Suisse, ainsi que les membres de leur famille qui collaborent à l'entreprise, peuvent s'assurer à titre facultatif, s'ils ne sont pas assurés à titre obligatoire. Selon l'art. 5 LAA, les dispositions sur l'assurance obligatoire s'appliquent par analogie à l'assurance facultative (al. 1); le Conseil fédéral édicte des prescriptions complémentaires sur l'assurance facultative (al. 2, première phrase); il réglemente notamment l'adhésion, la démission et l'exclusion ainsi que le calcul des primes (al. 2, seconde phrase). Le Conseil fédéral a fait usage de cette compétence en édictant les art. 134 à 140 OLAA (RS 832.202).  
Dans l'assurance facultative, le rapport d'assurance se fonde sur un contrat écrit qui fixe notamment le début, la durée minimale et la fin du rapport d'assurance (art. 136 OLAA). Il s'agit d'un contrat d'assurance de droit public qui doit être interprété, dans le cadre des limites fixées par la loi, de la même manière qu'un contrat de droit privé, à savoir selon la réelle et commune intention des parties, respectivement selon le principe de la confiance (arrêt 8C_200/2017 du 2 mars 2018 consid. 3.2 et les références citées). 
 
4.1.2. Lorsqu'il s'agit d'interpréter un contrat de droit administratif, le juge doit, comme pour un contrat de droit privé, rechercher d'abord la réelle et commune intention des parties au moment de la conclusion du contrat (interprétation subjective; ATF 148 V 70 consid. 5.1.1; 144 V 84 consid. 6.2.1). S'il ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre (principe de la confiance; ATF 148 V 70 consid. 5.1.1; 144 V 84 consid. 6.2.1; 144 III 93 consid. 5.2.3).  
D'après le principe de la confiance, la volonté interne de s'engager du déclarant n'est pas seule déterminante; une obligation à sa charge peut découler de son comportement, dont l'autre partie pouvait, de bonne foi, déduire une volonté de s'engager. Ce principe permet ainsi d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; 130 III 417 consid. 3.2). L'interprétation objective permet de protéger la partie destinataire dans la compréhension qu'elle avait de la volonté manifestée par la partie adverse. Cette protection est accordée si la partie a donné à la déclaration de volonté reçue la signification qu'elle pouvait lui accorder de bonne foi selon les circonstances qu'elle connaissait ou aurait dû connaître (BÉNÉDICT WINIGER, in: Commentaire romand, Code des obligations I, 3 e éd. 2021, n° 135 ad art. 18 CO et les arrêts cités).  
Si l'interprétation selon le principe de la confiance ne permet pas de dégager le sens de clauses ambiguës, celles-ci sont à interpréter en défaveur de celui qui les a rédigées, en vertu de la règle "in dubio contra stipulatorem" (ATF 148 III 57 consid. 2.2.2; 133 III 61 consid. 2.2.2.3; 124 III 155 consid. 1b). En droit des assurances, conformément au principe de la confiance, c'est en effet à l'assureur qu'il incombe de délimiter la portée de l'engagement qu'il entend prendre et le preneur n'a pas à supposer des restrictions qui ne lui ont pas été clairement présentées (ATF 133 III 675 consid. 3.3; sous une forme résumée: ATF 148 III 57 consid. 2.2.2 in fine; 135 III 410 consid. 3.2; arrêt 4A_92/2020 du 5 août 2020 consid. 3.2.2). 
Dans l'interprétation de contrats de droit administratif, il y a lieu de présumer que l'administration n'est pas prête à convenir de quelque chose qui serait en contradiction avec l'intérêt public qu'elle doit préserver ou avec la législation topique (ATF 144 V 84 consid. 6.2.1; 135 V 237 consid. 3.6; 122 I 328 consid. 4e). Ainsi, en cas de doute, le contrat de droit administratif doit être interprété de manière conforme à la loi (ATF 139 V 82 consid. 3.1.2; 135 V 237 consid. 3.6). 
 
4.2. Les juges cantonaux ont relevé que l'art. 18 al. 1 LAA, applicable par analogie conformément à l'art. 5 al. 1 LAA, excluait en principe l'octroi d'une rente d'invalidité à la recourante, dès lors qu'elle avait déjà atteint l'âge ordinaire de la retraite lorsque l'accident du 4 décembre 2019 était survenu. L'intimée avait toutefois induit la recourante en erreur en lui proposant la signature ou le renouvellement d'une police d'assurance-accidents fixant expressément le montant de la rente d'invalidité, alors même que l'assurée avait déjà largement passé l'âge ordinaire de la retraite, ce qui excluait d'emblée le droit à cette prestation en cas d'accident. On devait attendre d'un assureur social qu'il ne propose pas un tel produit d'assurance à une personne retraitée sans l'informer clairement, conformément à l'art. 27 al. 1 et 2 LPGA, du fait que le droit à la rente était exclu pour elle. Les conditions de l'assurance remises à l'assurée lui avaient laissé penser qu'elle concluait un contrat largement fondé sur ces conditions, alors que leur portée était en réalité réduite. Ces conditions n'excluaient nulle part le versement d'une rente d'invalidité en cas d'accident postérieurement à l'âge de la retraite et le simple renvoi de l'art. 1 aux prescriptions de la LAA "dans la mesure où les présentes conditions et la police ne prévoient pas d'autres dispositions" était particulièrement trompeur. Malgré le renseignement erroné qui lui avait été communiqué, la recourante ne pouvait toutefois pas prétendre au versement d'une rente d'invalidité en application du principe de la bonne foi, dès lors qu'elle n'avait pas apporté la preuve qu'elle s'était fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions auxquelles elle ne pouvait pas renoncer sans subir de préjudice (cf. ATF 148 II 233 consid. 5.5.1; 146 I 105 consid. 5.1.1; 143 V 341 consid. 5.2.1).  
 
4.3. La recourante soutient avoir conclu avec l'intimée un contrat portant sur le droit à une rente d'invalidité. Elle relève qu'une telle rente était mentionnée explicitement dans la proposition d'assurance à la base de la police d'assurance émise pour l'année 2018, alors qu'elle avait à cette époque déjà dépassé l'âge ordinaire de la retraite. Elle a accepté cette proposition d'assurance et les conditions générales qui y étaient jointes ne mentionnaient pas que la rente ne serait pas due si un accident survenait après la retraite. Même si l'on devait considérer que les clauses du contrat d'assurance étaient ambiguës, celui-ci devrait être interprété en défaveur de son rédacteur, à savoir l'intimée, en application du principe "in dubio contra stipulatorem". En outre, dans le cadre d'un contrat relevant de l'assurance-accidents facultative, rien n'empêcherait l'assureur de proposer une clause allant au-delà du régime applicable de l'assurance obligatoire. Il ne serait ainsi pas exclu, dans le cadre de l'assurance facultative, de proposer à une personne exerçant une activité indépendante un contrat prévoyant une rente d'invalidité en cas d'accident survenu après l'âge ordinaire de la retraite, de surcroît lorsque, comme en l'espèce, la personne assurée était contrainte de continuer de travailler après l'âge ordinaire de la retraite pour des motifs économiques.  
 
4.4. L'intimée expose que selon l'art. 1 des conditions de l'assurance acceptées par la recourante, les dispositions sur l'assurance obligatoire s'appliquent par analogie à l'assurance facultative. En vertu de l'art. 18 al. 1 LAA, la recourante, âgée de 73 ans au moment de l'accident, n'aurait pas droit à une rente d'invalidité. L'OFSP est d'avis qu'il ne peut pas être dérogé à l'art. 18 al. 1 in fine LAA dans le cadre de la conclusion d'un contrat d'assurance-accidents facultative.  
 
4.5. Une volonté réelle et commune des parties sur le point litigieux n'ayant pas pu être établie, il convient d'interpréter le contrat selon le principe de la confiance (cf. consid. 4.1.2 supra). La police d'assurance pour l'année 2018 remise à la recourante ensuite de la signature de la prolongation du contrat pour l'année 2018 - renouvelé tacitement pour l'année 2019 - indique que les conditions de l'assurance "font partie intégrante de la présente police". Selon l'art. 1 desdites conditions de l'assurance, "les prescriptions de la LAA concernant l'assurance obligatoire sont applicables par analogie à l'assurance facultative des chefs d'entreprise dans la mesure où les présentes conditions et la police ne prévoient pas d'autres dispositions". Or le contrat signé par la recourante, sur la base duquel la police a été établie, contient de manière explicite une clause s'écartant du prescrit de l'art. 18 al. 1 in fine LAA, en tant qu'un droit à une rente d'invalidité est prévu quand bien même la recourante avait déjà dépassé l'âge ordinaire de la retraite au moment de la conclusion du contrat. Il n'est en effet pas contesté que l'offre de prolongation de contrat du 6 novembre 2017 soumise à la recourante par l'intimée - dont la spécialisation dans le domaine de l'assurance-accidents en Suisse est largement reconnue - mentionnait explicitement, sous la rubrique "aperçu des prestations", le droit à une rente d'invalidité à vie (90 % avec la rente AVS/AI en cas d'invalidité totale) et que cette offre de prolongation précisait les montants (annuels et mensuels) d'une éventuelle rente en cas d'accident. L'intimée, qui a elle-même rédigé l'ensemble des clauses contractuelles, ne pouvait au demeurant pas ignorer que la recourante avait largement dépassé l'âge ordinaire de la retraite au moment où l'offre de prolongation de contrat du 6 novembre 2017 a été faite; l'assurée était alors âgée de 71 ans, soit bien au-delà de 64 ans. Au vu de ces éléments, la recourante pouvait de bonne foi déduire de la lecture de l'offre de prolongation de contrat, de la police et des conditions de l'assurance que l'intimée s'engageait à lui verser une rente d'invalidité en cas d'accident. Par conséquent, en application du principe de la confiance, on doit conclure que le contrat liant les parties prévoit un droit à une rente d'invalidité au bénéfice de la recourante, même si celle-ci avait dépassé l'âge ordinaire de la retraite au moment de l'accident.  
 
4.6. Il reste encore à déterminer s'il peut être dérogé à l'art. 18 al. 1 in fine LAA dans le cadre de la conclusion d'un contrat d'assurance-accidents facultative.  
 
4.6.1. Selon le Message additionnel du 19 septembre 2014 relatif à la modification de la LAA (FF 2014 7691), le droit à une rente d'invalidité pour les accidents survenant après l'âge ordinaire de la retraite a été supprimé - avec entrée en vigueur au 1 er janvier 2017 - pour éviter toute surindemnisation; au-delà de cet âge, la prévoyance professionnelle obligatoire (à savoir les prestations prévues par la LAVS et la LPP) est en principe entièrement constituée, si bien qu'il ne peut plus y avoir de dommage de rente que l'assurance-accidents devrait compenser (FF 2014 7691, p. 7703 à 7705).  
 
4.6.2. Dans son Message du 18 août 1976 à l'appui du projet de la LAA (FF 1976 III 143), le Conseil fédéral soulignait, s'agissant de l'assurance-accidents facultative, qu'il convenait de donner la possibilité aux employeurs et autres personnes de condition indépendante, à l'exception des personnes sans activité lucrative occupant des employés de maison, de s'assurer facultativement aux mêmes conditions que les travailleurs (FF 1976 III 143, p. 166). Concernant l'art. 5 LAA (cf. consid. 4.1.1 supra), il précisait que le genre et la durée de l'assurance obéissaient aux règles de l'assurance obligatoire pour les personnes qui pouvaient adhérer facultativement à l'assurance selon la loi. Il en allait notamment ainsi pour le droit aux prestations, les primes, la prévention des accidents, les rapports entre les assureurs et les personnes exerçant une activité dans le domaine médical, les questions tarifaires, le contentieux et les dispositions pénales. S'agissant de l'art. 5 al. 2 LAA, le Conseil fédéral relevait que s'il en était besoin, il édicterait des prescriptions spéciales pour l'assurance facultative, avant tout quant à l'adhésion et à la démission, quant à l'exclusion, par exemple lorsque cesse l'activité lucrative, et quant au calcul des primes; ces prescriptions devaient empêcher que l'on abuse des avantages de l'assurance facultative (FF 1976 III 143, p. 188 et 189). Sur la base de cet alinéa 2, le Conseil fédéral a édicté les art. 134 à 140 OLAA.  
 
4.6.3. L'ancien Tribunal fédéral des assurances a précisé que l'assurance facultative n'est pas, de par la loi, conçue de manière différente de l'assurance obligatoire. Il est toutefois possible de déroger aux dispositions relatives à l'assurance obligatoire, applicables "par analogie" ("sinngemäss" dans la version allemande et "per analogia" dans la version italienne) selon l'art. 5 al. 1 LAA, dans la mesure où la nature et la structure de l'assurance facultative le justifient. La volonté du législateur n'était en effet pas de mettre systématiquement sur un pied d'égalité les assurés volontaires et les assurés obligatoires (cf. ATF 148 V 286 consid. 7.1 et les références); il a au contraire été prévu que le Conseil fédéral puisse édicter des prescriptions particulières dans la mesure où l'assurance facultative le requérait. Selon une correcte interprétation de l'art. 5 LAA, les dispositions de l'assurance obligatoire ne doivent être appliquées à l'assurance facultative que si cela paraît judicieux ("wenn dies sinnvoll erscheint"). En d'autres termes, des dérogations à la LAA sont autorisées si elles sont justifiées par le caractère différent de l'assurance obligatoire et de l'assurance facultative (arrêts U 41/05 du 13 juin 2006 consid. 3, in: RAMA 5/2006 p. 403 s.; U 358/98 du 9 décembre 1999 consid. 4a, in: RAMA 3/2000 p. 172 s.; cf. aussi VOLKER PRIBNOW, in: Frésard-Fellay/Leuzinger/Pärli [éd.], Basler Kommentar, Unfallversicherungsgesetz, 2019, n° 2 ad art. 5 LAA; MARCO CHEVALIER, in: Marc Hürzeler/Ueli Kieser [éd.], Kommentar zum schweizerischen Sozialversicherungsrecht, UVG, 2018, n ° 1 à 3 ad art. 5 LAA). Les dérogations à l'assurance obligatoire ne se limitent ainsi pas aux dispositions particulières des art. 134 ss OLAA (cf. VOLKER PRIBNOW, op. cit., n° 2 ad art. 5 LAA). Le travailleur indépendant doit toutefois pouvoir partir du principe qu'il obtiendra, grâce à l'assurance facultative, la même protection que celle dont bénéficient ses salariés (ibidem, n° 6 in fine ad art. 5 LAA).  
 
4.6.4. L'assurance-accidents facultative au sens de la LAA est à distinguer de l'assurance-accidents facultative complémentaire ("Unfallzusatzversicherung"), qui en tant qu'assurance privée est soumise à la LCA (RS 221.229.1) et ne tombe pas sous le coup de la LAA. La CNA ne peut pas proposer des assurances-accidents facultatives complémentaires; les employeurs assurés auprès de la CNA qui souhaitent une couverture d'assurance-accidents plus complète pour leurs employés (peuvent et) doivent s'adresser à d'autres assureurs au sens des art. 68 ss LAA. Aux termes de l'art. 70 al. 1 LAA, ces assureurs sont tenus d'allouer au moins les prestations d'assurance prévues dans la LAA aux personnes assurées à titre obligatoire ou facultatif (cf. MARC HÜRZELER / BETTINA BÜRGI, in: Frésard-Fellay/Leuzinger/Pärli [éd.], Basler Kommentar, op. cit., n° 3 et 4 ad art. 70 LAA; HARDY LANDOLT, in: René Schaffhauser/Ueli Kieser [éd.], Invalidität von Selbstständigerwerbenden, 2007, p. 68). L'art. 70 al. 1 LAA ne porte pas sur le rapport entre l'assurance obligatoire et l'assurance facultative (arrêt U 358/98 du 9 décembre 1999 précité consid. 4b).  
 
4.6.5. L'OLAA ne contient aucune prescription spéciale faisant exception à l'art. 18 al. 1 in fine LAA, en cohérence avec le Message du 18 août 1976, dans lequel le Conseil fédéral indiquait que le droit aux prestations des personnes assurées facultativement obéissait aux règles de l'assurance obligatoire (cf. consid. 4.6.2 supra). Or on ne voit pas qu'une dérogation à cette disposition légale dans le domaine de l'assurance facultative puisse être entérinée par la jurisprudence, dès lors qu'une telle dérogation ne se justifierait pas par le caractère différent des deux types d'assurances. Certes, certaines personnes de condition indépendante peuvent être contraintes de travailler au-delà de l'âge ordinaire de la retraite pour des motifs économiques. Tel peut toutefois aussi être le cas de salariés qui ne se sont pas constitué une épargne suffisante. En outre, les indépendants ont la possibilité de se constituer volontairement un deuxième pilier ainsi qu'un troisième pilier, de sorte que leur situation est également sur ce point comparable à celle des salariés. Le risque de surindemnisation (cf. consid. 4.6.1 supra) concerne donc aussi les indépendants. Pour revenir aux salariés, on notera que l'art. 18 al. 1 in fine LAA s'applique aux personnes assurées obligatoirement contre le risque d'accidents indépendamment du fait qu'ils continuent ou non de travailler après l'âge ordinaire de la retraite ainsi que de l'état de leur prévoyance retraite. On rappellera encore que les prescriptions spéciales en matière d'assurance facultative ont pour but d'empêcher que l'on abuse des avantages de cette assurance (cf. consid. 4.6.2 in fine supra). Or admettre un droit à la rente d'invalidité en faveur des personnes assurées facultativement en cas d'accident au-delà de l'âge ordinaire de la retraite - en dérogation à l'art. 18 al. 1 in fine LAA - reviendrait à procurer un avantage aux assurés soumis au régime facultatif.  
 
4.7. Il découle de ce qui précède qu'il ne peut pas être dérogé à l'art. 18 al. 1 in fine LAA dans le cadre de la conclusion d'un contrat d'assurance-accidents facultative. Par conséquent, le contrat liant les parties doit être interprété conformément à cette disposition légale. Malgré la volonté objective des parties de prévoir un droit à une rente d'invalidité en cas d'accident après l'âge ordinaire de la retraite de la recourante (cf. consid. 4.5 in fine supra), celle-ci ne peut pas prétendre à l'octroi d'une rente d'invalidité sur une base contractuelle. Il reste ainsi à examiner ci-après si tel pourrait être le cas sur la base des principes relatifs à la protection de la bonne foi.  
 
5.  
 
5.1. Aux termes de l'art. 27 LPGA, dans les limites de leur domaine de compétence, les assureurs et les organes d'exécution des diverses assurances sociales sont tenus de renseigner les personnes intéressées sur leurs droits et obligations (al. 1); chacun a le droit d'être conseillé, en principe gratuitement, sur ses droits et obligations (al. 2, première phrase); sont compétents pour cela les assureurs à l'égard desquels les intéressés doivent faire valoir leurs droits ou remplir leurs obligations (al. 2, deuxième phrase).  
Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration. Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) que l'administré se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée et (6) que l'intérêt à l'application du droit n'apparaisse pas prépondérant (ATF 146 I 105 consid. 5.1.1; 143 V 95 consid. 3.6.2; 137 I 69 consid. 2.5.1; arrêt 9C_252/2022 du 15 mai 2023 consid. 7.2 et l'arrêt cité). Ces principes s'appliquent par analogie au défaut de renseignement, la condition (3) devant toutefois être formulée de la façon suivante: que l'administré n'ait pas eu connaissance du contenu du renseignement omis ou que ce contenu était tellement évident qu'il n'avait pas à s'attendre à une autre information (ATF 143 V 341 consid. 5.2.1; 131 V 472 consid. 5). 
 
5.2. La cour cantonale a retenu que la recourante ne pouvait pas prétendre au versement de la rente litigieuse malgré le renseignement erroné qui lui avait été communiqué par l'intimée. En effet, la preuve d'un comportement préjudiciable à ses intérêts en raison de ce renseignement n'avait pas été apportée. La recourante n'avait allégué que très vaguement le fait qu'elle n'avait pas constitué de prévoyance professionnelle et qu'elle comptait sur son activité indépendante pour financer sa retraite. On voyait toutefois mal comment elle aurait encore pu financer une telle retraite entre le moment de la conclusion du contrat d'assurance et celui de la survenance de l'accident, dans l'hypothèse où elle aurait été informée du fait qu'une invalidité résultant d'un accident n'ouvrirait pas le droit à une rente. Cette lacune aurait de toute façon dû être comblée en relation avec le risque de maladie invalidante, ce qui n'avait apparemment pas été fait. Il était par ailleurs peu vraisemblable que la recourante ait trouvé, après l'âge de la retraite, auprès d'une compagnie d'assurance privée, un contrat d'assurance de rente en cas de réalisation du risque d'accident, voire un contrat d'assurance de somme couvrant ce risque de manière équivalente pour un prix abordable. Enfin, le contrat conclu était tout de même globalement favorable pour la recourante, les indemnités journalières (28'000 fr.) et l'IPAI (37'050 fr.) versées par l'intimée excédant largement les cotisations payées (20'000 à 25'000 fr.), sans compter la prise en charge des frais médicaux.  
 
5.3. La recourante reproche aux juges cantonaux d'avoir limité leur appréciation du dommage aux dispositions "actives" qu'elle aurait pu prendre. Or une telle notion du dommage ne prendrait pas en compte le fait que l'intimée avait assuré à la recourante un droit à une rente d'invalidité. Le comportement actif adopté par cette dernière sur la base du renseignement erroné aurait été de se fier de bonne foi à la rente promise et de conclure le contrat d'assurance. En se fondant sur ce renseignement erroné, elle aurait adopté un comportement passif préjudiciable à ses intérêts en ne cherchant pas d'autres sources de revenus ou d'autres couvertures d'assurance. Elle ne pourrait toutefois pas prouver des dispositions qu'elle n'a précisément pas prises en raison des assurances de couverture données par l'intimée. En outre, on ne pourrait pas considérer que puisqu'elle avait une lacune d'assurance en matière de maladie invalidante, elle n'aurait pas entrepris d'autres démarches pour s'assurer contre le préjudice économique lié à un accident professionnel. En définitive, l'instance précédente aurait appliqué de manière erronée la condition selon laquelle l'administré doit s'être fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne peut plus renoncer sans subir de préjudice.  
 
5.4. Cette critique est mal fondée. Quand bien même la perspective d'un droit à une rente d'invalidité en cas d'hypothétique accident aurait conduit la recourante à conclure le contrat litigieux, elle n'a pas rendu vraisemblable avoir subi un quelconque préjudice. Comme retenu à juste titre par les premiers juges, on ne voit pas - et la recourante n'expose pas - quelles mesures elle aurait pu prendre au titre de la prévoyance professionnelle entre le moment où l'offre de prolongation du contrat lui a été soumise - alors qu'elle était âgée de 71 ans - et l'accident quelques mois plus tard. Elle ne soutient notamment pas qu'elle aurait travaillé davantage pour combler une prévoyance retraite insuffisante. Par ailleurs, l'intéressée ne rend toujours pas plausible qu'elle aurait pu, à 71 ans, conclure auprès d'une assurance privée un contrat qui aurait prévu le droit à une rente d'invalidité en cas d'accident au-delà de l'âge ordinaire de la retraite ou, plus généralement, qui lui aurait permis d'obtenir des prestations nettes - soit en tenant compte des primes versées - plus élevées que celles reçues de l'intimée (cf. consid. 5.2 in fine supra).  
 
6.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 23 août 2023 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
Le Greffier : Ourny