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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
1B_306/2016  
   
   
 
 
 
Arrêt du 23 novembre 2016  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, 
Merkli et Chaix. 
Greffière : Mme Kropf. 
 
Participants à la procédure 
 A.________, représenté par 
Me Patrick Ocak, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
 Anne-Laure Huber, p.a. Ministère public de la République et canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3, 
intimée. 
 
Objet 
Procédure pénale; récusation, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 15 juin 2016. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Depuis le 15 janvier 2015, A.________, né en 1956, fait l'objet d'une enquête pour actes d'ordre sexuel avec un enfant (art. 187 CP), contrainte sexuelle (art. 189 CP) et voies de fait (art. 126 CP). Ces infractions lui sont reprochées en lien avec la garde régulière, effectuée avec son épouse, B.________, de l'enfant C.________, née en 2005. Le prévenu conteste les faits. La curatrice nommée pour représenter les intérêts de l'enfant, s'est constituée, au nom de celle-ci, partie plaignante. Selon le rapport d'expertise du 16 octobre 2015, les propos de la victime seraient crédibles. 
Le 7 mars 2016, le prévenu a requis l'audition, en qualité de témoins, de son épouse, ainsi que de sa fille, D.________. La Procureure Anne-Laure Huber a entendu, le 16 mars 2016, en tant que témoins, la soeur aînée - majeure - de la victime, ainsi que la femme du prévenu. Au cours de l'audition de cette dernière, celle-ci a été avertie de son obligation de témoigner, de dire la vérité et rendue attentive aux conséquences pénales d'un faux témoignage; la Procureure lui a également rappelé, à trois reprises, ses droits et obligations au sens de l'art. 307 CP. A l'issue de l'audience, la témoin a été informée qu'elle serait convoquée ultérieurement en qualité de prévenue pour faux témoignage et le conseil du prévenu, interpellé par la Procureure, a maintenu sa réquisition de preuve tendant à auditionner la fille de son client. 
Le 18 mars 2016, A.________ a demandé la récusation de la Procureure en charge de l'instruction de son dossier. Celle-ci s'y étant opposée, elle a transmis cette demande à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève qui l'a rejetée le 15 juin 2016. 
 
B.   
Par acte du 17 août 2016, A.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt, concluant à son annulation, à la récusation de la Procureure Anne-Laure Huber, ainsi qu'à l'annulation et à la répétition des actes de procédure auxquels a participé cette dernière. A titre subsidiaire, il demande le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. Le recourant sollicite également l'octroi de l'assistance judiciaire. 
Invitée à se déterminer, la cour cantonale s'est référée à sa décision. Quant à la Procureure intimée, elle a conclu au rejet du recours. Le 31 octobre 2016, le recourant a persisté dans ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Conformément aux art. 78 et 92 al. 1 LTF, une décision relative à la récusation d'un magistrat pénal peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière pénale. Le recourant, dont la demande de récusation a été rejetée, a qualité pour recourir en vertu de l'art. 81 al. 1 LTF. Pour le surplus, le recours a été interjeté en temps utile (art. 46 al. 1 let. a et 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF) et les conclusions prises sont recevables (art. 107 LTF). Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
Le recourant se plaint de violations de l'art. 56 let. f CPP. Il fait grief tout d'abord à l'autorité précédente de n'avoir pas examiné dans leur globalité les comportements reprochés à la Procureure. Il soutient en substance que ces actes - à savoir les erreurs réitérées de la magistrate intimée dans l'exposition aux témoins de leurs droits et devoirs, le recours à trois reprises à la menace "peu justifiée" de l'art. 307 CP et la menace de mise en prévention de faux témoignage d'un témoin qui n'avait pas encore été entendu - démontreraient la prévention de celle-ci à son encontre. 
 
2.1. Un magistrat est récusable pour l'un des motifs prévus aux art. 56 let. a à e CPP. Il l'est également, selon l'art. 56 let. f CPP, "lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil, sont de nature à le rendre suspect de prévention". Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes. Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 § 1 CEDH. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.1 p. 179; 138 IV 142 consid. 2.1 p. 144 s. et les arrêts cités).  
Des décisions ou des actes de procédure qui se révèlent par la suite erronés ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat, peuvent fonder une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances dénotent que le juge est prévenu ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention. En effet, la fonction judiciaire oblige à se déterminer rapidement sur des éléments souvent contestés et délicats. Il appartient en outre aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre. La procédure de récusation n'a donc pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises par la direction de la procédure (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.3 p. 180; 138 IV 142 consid. 2.3 p. 146; arrêt 1B_46/2016 du 29 avril 2016 consid. 3.1). 
 
2.2. Au cours de l'instruction, le ministère public n'a pas encore la qualité de partie au sens de l'art. 104 al. 1 let. c CPP (sur cette position, cf. ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2 in fine p. 180; 138 IV 142 consid. 2.2.2 p. 145 s.). En tant que direction de la procédure (art. 61 CPP), son attitude et/ou ses déclarations ne doivent donc pas laisser à penser que son appréciation quant à la culpabilité du prévenu serait définitivement arrêtée (art. 6 et 10 CPP; arrêt 1B_430/2015 du 5 janvier 2016 consid. 3.4). Il est ainsi tenu à une certaine impartialité même s'il peut être amené, provisoirement du moins, à adopter une attitude plus orientée à l'égard du prévenu ou à faire état de ses convictions à un moment donné de l'enquête. Cela est en particulier le cas lorsqu'il décide de l'ouverture d'une instruction (qui suppose l'existence de soupçons suffisants au sens de l'art. 309 al. 1 CPP) ou lorsqu'il ordonne des mesures de contrainte. Tout en disposant, dans le cadre de ses investigations, d'une certaine liberté, le magistrat reste tenu à un devoir de réserve. Il doit s'abstenir de tout procédé déloyal, instruire tant à charge qu'à décharge et ne point avantager une partie au détriment d'une autre (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2 p. 180; 138 IV 142 consid. 2.2.1 p. 145).  
 
2.3. La Chambre pénale de recours a tout d'abord estimé que l'application de l'art. 168 al. 4 let. a CPP (en lien avec les infractions des art. 187 et 189 CP) dispensait la Procureure intimée d'avertir l'épouse du recourant de son droit de se taire (art. 168 al. 1 let. a CPP).  
La cour cantonale a ensuite considéré que la procédure ne démontrait pas que la magistrate intimée aurait instruit uniquement à la charge du prévenu, par exemple en refusant de citer ses témoins ou de consigner certains propos, respectivement en les dissimulant et/ou en les déformant. L'autorité précédente a relevé qu'après avoir rappelé à la témoin, par trois fois, la teneur de l'art. 307 CP, la Procureure lui avait, à chaque fois, reposé sa question; la témoin avait, à une reprise, maintenu sa déclaration et, par deux fois, modifié ou précisé ses propos. La juridiction cantonale a considéré que ces rappels - qui laissaient certes sous-entendre le scepticisme de la Procureure par rapport aux propos tenus - n'étaient par conséquent ni disproportionnés, ni déplacés. Selon la cour cantonale, les réponses - une maintenue, respectivement deux corrigées - données à la suite de ces rappels démontraient également que la témoin n'avait pas perdu ses moyens. 
En lien avec la discussion relative à la demande du recourant d'auditionner sa fille, l'autorité précédente a rappelé les déclarations prétendument tenues par la Procureure selon le prévenu, à savoir qu'elle ne voulait pas "avoir à mettre toute la famille en prévention pour faux témoignage". La cour cantonale a cependant estimé que, même en tenant compte de tels propos, cela ne signifiait pas que la magistrate intimée avait l'intention de le faire, mais qu'elle craignait une telle issue, dès lors que la fille du recourant risquait de se trouver dans une situation difficile, telle celle de l'épouse du prévenu lors de son audition. Selon l'autorité précédente, ces déclarations - très maladroites - tendaient donc à faire réfléchir le conseil du recourant sur l'opportunité du maintien de sa demande d'audition de la fille de son client. 
A la suite de ces considérations, la Chambre pénale de recours a conclu que les faits exposés par le recourant ne constituaient pas des motifs de récusation. 
 
2.4. Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique. On ne voit en effet pas quels actes ou erreurs crasses pourraient être reprochés à la Procureure, que ce soit individuellement ou pris dans leur ensemble.  
En particulier, il ressort du dossier que l'audition de l'épouse du recourant a été demandée par ce dernier et qu'il y a été donné suite (cf. ses déterminations du 25 novembre 2015, p. 8 et du 7 mars 2016); la possibilité d'apporter des éléments à décharge lui a ainsi manifestement été offerte. Si le contenu du témoignage apporté - notamment en raison des deux rectifications apportées par la témoin à ses propos à la suite du rappel de la teneur de l'art. 307 CP (cf. p. 6 et 8 du procès-verbal) - ne correspond pas aux expectatives du recourant, cela ne démontre pas pour autant que la Procureure serait prévenue à son encontre. Une éventuelle infraction à l'art. 307 CP concerne au demeurant la témoin et non pas le prévenu. Il n'appartient enfin pas au Tribunal fédéral d'examiner si les déclarations effectuées par la témoin sont constitutives en l'espèce de l'infraction visée par l'art. 307 CP et dès lors, l'argumentation y relative est dénuée de pertinence (cf. notamment ad 57 ss du mémoire de recours). 
La magistrate intimée ne s'est pas non plus opposée à l'audition de la fille du recourant. Les propos tenus sur cette question à la fin de l'audience du 16 mars 2016 - certes peut-être sous une forme discutable - n'apparaissent finalement pas contraires aux intérêts du recourant; il lui a ainsi été offert l'occasion de réévaluer l'opportunité de cette réquisition, respectivement peut-être d'éviter de se trouver à nouveau confronté à des déclarations éventuellement différentes de celles attendues. 
Si le procès-verbal d'audition ne fait pas mention du droit de l'épouse de refuser de témoigner (cf. art. 168 al. 1 let. a CPP), il n'appartient pas à l'autorité de récusation de déterminer les éventuelles conséquences de cette omission - notamment quant à la validité du procès-verbal -, ni dans quelle mesure il pourrait être fait application en l'espèce de l'art. 168 al. 4 let. a et b en lien avec l'art. 168 al. 1 let. f CPP, dès lors que la victime avait été confiée aux soins du prévenu et de son épouse. En tout état de cause, cette éventuelle violation ne suffit pas à elle seule pour retenir un soupçon de prévention de la part de la Procureure à l'encontre du recourant. Il est au demeurant douteux, sous l'angle de l'interdiction de l'abus de droit, de requérir l'audition d'une personne, puis de se prévaloir du droit de se taire de celle-ci lorsque ses déclarations divergent de celles espérées. 
Partant, la Chambre pénale de recours n'a pas violé le droit fédéral en rejetant la requête de récusation formée par le recourant, faute de motifs de récusation. 
 
3.   
Il s'ensuit que le recours est rejeté. 
Les conclusions du recourant étant vouées à l'échec (art. 64 al. 1 LTF), il ne saurait être fait droit à sa demande d'assistance judiciaire. Le recourant, qui succombe, supporte les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
La requête d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.   
Les frais judiciaires, fixés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 23 novembre 2016 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Fonjallaz 
 
La Greffière : Kropf