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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
1B_137/2015  
   
   
 
 
 
Arrêt du 1er septembre 2015  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, 
Chaix et Kneubühler. 
Greffière : Mme Kropf. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________, 
3. C.________,, 
toutes les trois représentées par Me Robert 
Assaël, avocat, 
recourantes, 
 
contre  
 
 D.________, représenté par Me Claude Aberlé, avocat, 
intimé, 
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
 E.________, représentée par Me Michel Bosshard, avocat, 
 A.F.________ et B.F.________, représentés par leur curateur Me Vincent Spira, avocat, 
 
Objet 
Procédure pénale, constitution de partie plaignante, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 2 mars 2015. 
 
 
Faits :  
 
A.   
D.________ est prévenu d'avoir tiré, dans la nuit du 13 au 14 juin 2014, un nombre indéterminé de coups de feu sur son ex-épouse, G.________, causant ainsi la mort de cette dernière (procédure P/11909/2014). Leurs deux enfants, A.F.________ et B.F.________, ainsi que la mère de la victime, E.________, se sont constitués parties plaignantes. 
Le 29 juillet 2014, A.________, B.________ et C.________, les trois soeurs de la victime, se sont annoncées, par le biais de leur mandataire, en tant que parties plaignantes dans la procédure pénale susmentionnée. A la suite de différents échanges d'écritures relatifs aux liens des trois soeurs avec la victime, le Ministère public de la République et canton de Genève a refusé, par décision du 10 septembre 2014, de leur octroyer la qualité de partie plaignante; il a en particulier considéré que des appels téléphoniques réguliers avec la victime ne constituaient pas des relations particulièrement étroites. 
 
B.   
Le 2 mars 2015, la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours intenté par A.________, B.________ et C.________ contre cette décision. Cette autorité a retenu que la qualité de soeurs de la victime ne leur permettait pas d'être automatiquement parties à la procédure pénale. Elle a alors examiné si les rapports entretenus par les quatre soeurs revêtaient une intensité telle que les trois soeurs survivantes devaient être admises en tant que parties plaignantes. Elle a cependant constaté que les quatre soeurs ne semblaient pas s'être vues depuis des années et que, dès lors, l'appel téléphonique hebdomadaire qu'elles se faisaient ne paraissait pas suffisant pour admettre l'existence de relations d'une intensité particulière. La cour cantonale a aussi considéré que l'assistance, offerte postérieurement au décès, à leur mère ainsi qu'à leurs neveu et nièce n'était pas pertinente pour déterminer la relation qui existait préalablement avec la victime. 
 
C.   
Par acte du 17 avril 2015, A.________, B.________ et C.________ (ci-après les recourantes) forment un recours en matière pénale contre ce jugement, concluant à son annulation et à l'admission de leur constitution de parties plaignantes dans la procédure P/11909/2014. Relevant que le courrier du 18 septembre 2014 écrit par leur mère avait été produit sans signature devant l'instance cantonale, elles ont joint une copie de celui-ci dûment signé. 
Invité à se déterminer, le Ministère public s'en est rapporté à justice s'agissant de la recevabilité et a conclu au rejet sur le fond. Le 12 mai 2015, l'intimé a déposé une requête de sûretés en garantie des dépens à hauteur de 3'000 fr.; sur le fond, il a conclu, le 13 juillet suivant, au rejet du recours. Agissant par leur curateur, A.F.________ et B.F.________ ont appuyé les conclusions prises par les recourantes. La cour cantonale n'a pas formulé d'observations. Le 16 juillet 2015, les recourantes ont persisté dans leurs conclusions. Le 24 août 2015, A.F.________ et B.F.________ en ont fait de même. 
Par ordonnance du 13 mai 2015, les recourantes ont été astreintes à verser 2'000 fr. à titre de sûretés en garantie des dépens; ce montant a été payé en temps utile. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
La décision attaquée a été rendue dans le cadre d'une procédure pénale par une juridiction cantonale statuant en dernière instance (art. 80 LTF) et peut donc faire l'objet d'un recours en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF
Les recourantes, qui ont pris part à la procédure devant l'autorité précédente (art. 81 al. 1 let. a LTF), se voient dénier la qualité de parties plaignantes. Elles sont ainsi privées de la possibilité de faire valoir les prétentions en tort moral qu'elles affirment détenir en tant que soeurs de la victime (ATF 118 II 404 consid. 3b/cc p. 409; arrêt 6B_369/2012 du 29 septembre 2012 consid. 2.1.2). La question de savoir si cette qualité leur permet dans le cas présent de prendre de telles conclusions peut, au stade de la recevabilité, rester indécise dès lors que cette problématique se recoupe avec celle soulevée au fond. Elles ont donc un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF). 
La décision qui rejette une demande de constitution de partie plaignante dans le procès pénal présente pour la partie concernée, qui se trouve définitivement écartée de l'instruction, les traits d'une décision finale au sens de l'art. 90 LTF (ATF 139 IV 310 consid. 1 p. 312). Le recours a en outre été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et les conclusions qui y sont prises sont recevables (art. 107 al. 2 LTF). Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
Invoquant des violations des art. 115, 116 al. 2 et 118 al. 1 CPP, les recourantes reprochent à la juridiction précédente de n'avoir pas retenu l'existence de liens suffisamment étroits avec leur soeur décédée et ainsi de leur avoir dénié la qualité de parties plaignantes dans la procédure pénale ouverte contre l'auteur présumé de l'agression ayant entraîné la mort de leur soeur. 
 
2.1. Selon l'art. 116 al. 2 CPP, on entend par proches de la victime son conjoint, ses enfants, ses père et mère et les autres personnes ayant avec elle des liens analogues. Cette liste correspond à celle posée à l'art. 1 al. 2 de la loi fédérale du 23 mars 2007 sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI; RS 312.5).  
Le conjoint, les enfants, le père et la mère ont ainsi la qualité de proches de par la loi, indépendamment de liens affectifs qu'ils entretiennent avec la victime ( MAZZUCCHELLI/POSTIZZI, in BSK StPO, 2ème éd. 2014, n°17 ad art. 116 CPP; CHRISTINE GUY-ECABERT, in Commentaire romand CPP, 2011, n° 14 ad art. 116 CPP). 
Quant aux "autres personnes", elles n'ont pas nécessairement à être apparentées à la victime (arrêt 1B_594/2012 du 7 juin 2013 consid. 3.4.2, publié in Pra 2013 118 907) et ne font pas obligatoirement vie commune avec celle-ci (Jo Pitteloud, Code de procédure pénale suisse, 2012, n° 259 p. 167). Sont alors déterminantes les circonstances concrètes, l'intensité du lien entretenu avec la victime ("Lebensverhältnissen"; arrêt 1B_594/2012 susmentionné consid. 3.4.2) et/ou la fréquence des rencontres, éléments que ceux alléguant être des proches au sens de l'art. 116 al. 2 in fine CPP devront rendre vraisemblables afin de démontrer qu'ils ont, avec la victime, des liens analogues aux premières personnes mentionnées dans cette disposition (Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire, Code de procédure pénale, 2013, n° 18 ad art. 116 CPP; Jo Pitteloud, op. cit., n° 259 p. 167; Christine Guy-Ecabert, op. cit., n° 14 ad art. 116 CPP; en matière civile pour l'application de l'art. 47 CO, cf. Max B. Berger, Die Genugtuung und ihre Bestimmung, in Weber/Münch (édit.), Haftung und Versicherung, Beraten und Prozessieren im Haftplicht- und Versicherungsrecht, 2ème éd. 2015, n° 11.23 p. 506). 
Peuvent ainsi généralement être considérés comme des proches de la victime le concubin (ATF 138 III 157 consid. 2), le partenaire enregistré, les petits-enfants qui auraient été élevés par leurs grands-parents en raison par exemple du décès de leurs parents, ainsi que, cas échéant, une relation d'amitié ou fraternelle très étroite (arrêt 1B_594/2012 susmentionné consid. 3.4.2 et 3.4.3; cf. également Mazzucchelli/Postizzi, op. cit., n° 17 ad art. 116 CPP; Viktor Lieber in Donatsch/Hansjakob/Lieber (édit.), Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), 2ème éd. 2014, nos 5 ss ad art. 116 CPP; Niklaus Schmid, Schweizerische Strafprozessordnung (StPO), Praxiskommentar, 2ème éd. 2013, n° 9 ad art. 116 CPP; Moreillon/ Parein-Reymond, op. cit., n° 18 ad art. 116 CPP; Jo Pitteloud, op. cit., n° 259 p. 166 s. et n° 260 p. 167 pour des exemples de refus; Christine Guy-Ecabert, op. cit., n° 14 ad art. 116 CPP; en matière de LAVI, Dominik Zehntner, in Gomm/Zehntner (édit.), Opferhilfegesetz, Bundesgesetz vom 23. März 2007 über die Hilfe an Opfer von Straftaten, 3ème éd. 2009, nos 48 ss ad art. 1 LAVI). 
S'agissant du cas particulier des frères et soeurs, ils comptent parmi les membres de la famille qui peuvent prétendre à une indemnité pour tort moral (ATF 118 II 404 consid. 3b/cc p. 409). Cependant, ce droit dépend des circonstances et la pratique en la matière est plutôt restrictive (arrêts 6B_714/2013 du 25 mars 2014 consid. 4.2; 6B_369/2012 du 28 septembre 2012 consid. 2.1.2; 1B_15/2012 du 23 mars 2012 consid. 1.4 publié in SJ 2012 I 458 et les références citées). Le fait de vivre sous le même toit est cependant un indice important de l'intensité de la relation pouvant exister dans une fratrie, ce qui peut ainsi ouvrir le droit à une indemnisation (arrêts 6B_714/2013 consid. 4.2 et 1B_15/2012 susmentionnés; en droit de la responsabilité civile, cf. Max B. Berger, op. cit., n° 11.24 p. 506). Si tel n'est pas le cas au moment du décès du frère ou de la soeur, l'allocation d'une indemnité pour tort moral n'est envisageable qu'en présence de contacts très étroits, seuls susceptibles d'occasionner des souffrances morales exceptionnelles (arrêts 6B_714/2013 et 1B_15/2012 susmentionnés; 1B_272/2011 du 22 mars 2012 consid. 2.3; cf. l'approche similaire en matière de LAVI, arrêts 1C_544/2009 du 26 mars 2010 consid. 6.2; 1C_286/2008 du 1er avril 2009 consid. 5.2 in fine; Stéphanie Converset, Aide aux victimes d'infractions et réparation du dommage, 2009, ad II.B/5/d p. 40 et VI.A/4/b p. 266). 
En d'autres termes, déterminer si une personne est un proche de la victime au sens de l'art. 116 al. 2 in fine CPP s'examine au regard des circonstances d'espèce; il s'agit donc d'une question d'appréciation délicate puisque la problématique peut varier au gré d'un cas à l'autre (arrêt 1B_594/2012 susmentionné consid. 3.4.3; en matière de LAVI, cf. Dominik Zehntner, op. cit., no 51 in fine ad art. 1 LAVI). 
 
2.2. En l'occurrence, les différentes circonstances alléguées par les recourantes démontrent incontestablement une bonne entente familiale. En revanche, elles ne permettent pas de retenir qu'il existait entre les quatre soeurs, au moment du décès de la victime, une relation particulièrement intense qui justifierait de leur reconnaître le statut de proches au sens de l'art. 116 al. 2 in fine CPP.  
En effet, les quelque vingt ans passés sous le même toit (1974-1994; cf. ad g p. 3 du jugement attaqué) semblent correspondre à l'enfance des quatre soeurs; cet élément - mis à part son éloignement dans le temps - n'est ainsi pas caractéristique d'un lien particulier. Quant aux photos de famille produites - non datées -, aux visites effectuées pour le moins jusqu'en 2008, aux cadeaux adressés semestriellement et aux coups de téléphone hebdomadaires, ils permettent encore une fois de démontrer que les membres de la famille continuaient avoir des relations affectives et périodiques entre eux. Cependant, leur fréquence relativement limitée - notamment celle des appels téléphoniques - ne suffit pas pour retenir que ces échanges auraient été au-delà de ceux existant généralement dans une fratrie ayant quitté le giron parental. 
Une telle constatation ne découle pas non plus du courrier de la mère des recourantes, ni de l'attestation du centre de consultation LAVI. A cet égard, c'est le lieu de préciser que, dans cette matière et de manière conforme à ses buts d'assistance, une conception plus large des proches peut être admise que celle prévalant en procédure (cf. Jo Pitteloud, op. cit., n° 260 p. 167; Christine Guy-Ecabert, op. cit., n° 19 ad art. 116 CPP; en matière de LAVI, cf. Stéphanie Converset, op. cit., ad II.B/4 p. 33 s.). Le contenu des deux courriers susmentionnés vient confirmer les liens existant entre les quatre soeurs - non contestés -, le chagrin éprouvé au décès de la victime, ainsi que l'implication des trois recourantes à la suite de celui-ci, notamment par rapport à leurs neveu et nièce. Ces éléments - notamment la souffrance ressentie et la réaction en faveur des enfants de la victime - attestent de l'existence d'une relation fraternelle harmonieuse. Ils ne permettent en revanche pas d'apprécier la nature, respectivement l'intensité des liens qui existaient antérieurement entre les quatre soeurs. 
Sur le vu de ce qui précède, la Chambre pénale des recours n'a pas violé le droit fédéral, a fortiori fait preuve d'arbitraire, en confirmant le refus du Ministère public d'accorder aux trois recourantes la qualité de parties plaignantes. 
 
3.   
Il s'ensuit que le recours est rejeté. 
Les recourantes, qui succombent, supportent les frais judiciaires, solidairement entre elles (art. 66 al. 1 LTF). L'intimé a droit à une indemnité de dépens à la charge solidaire des recourantes (art. 68 al. 1 LTF). Cette indemnité de dépens sera prélevée sur les sûretés déposées en garantie conformément à l'art. 62 al. 2 LTF. La mère de la victime n'a pas procédé; il n'y a dès lors pas lieu de lui mettre des frais judiciaires à sa charge ou de lui allouer de dépens. Quant aux enfants, ils ont appuyé le recours, sans déposer d'observations; il se justifie donc de ne pas leur faire supporter des frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) ou des dépens (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des recourantes. 
 
3.   
Une indemnité de dépens, fixée à 2'000 fr., est allouée à l'intimé à la charge des recourantes. Cette indemnité est prélevée sur les sûretés déposées en garantie des dépens à la caisse du Tribunal fédéral. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Ministère public de la République et canton de Genève, au mandataire de E.________, au curateur de A.F.________ et B.F.________, ainsi qu'à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 1 er septembre 2015  
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Fonjallaz 
 
La Greffière : Kropf