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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
2C_892/2014  
 
2C_893/2014  
 
{T 0/2}  
   
   
 
 
 
Arrêt du 7 mai 2015  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Zünd, Président, 
Seiler, Donzallaz, Stadelmann et Haag. 
Greffier : M. Dubey. 
 
Participants à la procédure 
Service des contributions du canton de Neuchâtel, 
recourant, 
 
contre  
 
A.X.________et B.X.________, 
représentés par Me Jonas de Pury, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Impôt fédéral direct, cantonal et communal 2011, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, Cour de droit public, du 29 août 2014. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par acte notarié du 14 décembre 2010, A.X.________ a acquis de Y.________ et Z.________ un immeuble sis à Neuchâtel pour le prix de 2'000'000 fr. L'acte prévoyait la constitution d'une servitude de jouissance (servitude personnelle irrégulière au sens de l'art. 781 CCS) par A.X.________ au profit de Y.________, accordant à la bénéficiaire "la possession, l'usage et la jouissance" jusqu'au 31 décembre 2020 de locaux en nature de bureaux, dépôt et cave sis dans le bâtiment. L'acte prévoit également que le droit est gratuit dans le sens où aucune redevance ne sera versée par la bénéficiaire en faveur du propriétaire de l'immeuble. Il indique que la valeur de la servitude est fixée à 450'000 fr. et qu'il a été tenu compte de ce montant dans le prix de vente (2'000'000 fr. - 450'000 fr = 1'550'000 fr. à payer comptant). Il précise enfin qu'en cas de renonciation volontaire anticipée à la servitude par la bénéficiaire ou en cas de décès de cette dernière, le propriétaire du fond grevé l'indemnisera (respectivement ses héritiers)  pro rata temporis dès la libération des locaux mais au plus tôt dès échéance de la renonciation à raison de 45'000 fr. par année restante jusqu'à l'extinction contractuelle du droit de jouissance.  
 
Par décisions taxation du 9 octobre 2013 pour les impôts fédéral direct, cantonal et communal de la période fiscale 2011, le Service cantonal des contributions du canton de Neuchâtel a considéré qu'il s'agissait d'un contrat de bail et imposé un loyer de 45'000 fr. dans le chapitre du propriétaire en tant que rendement locatif et pris en compte une dette du propriétaire envers la bénéficiaire s'élevant initialement à 450'000 fr. mais diminuant chaque année de 45'000 fr., soit pour 2011 une dette de 405'000 fr. Par décision du 10 mars 2014, la réclamation a été rejetée. 
 
A.X.________ et B.X.________ont interjeté recours contre la décision du 10 mars 2014 auprès du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
 
B.   
Par arrêt du 29 août 2014, le Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a admis le recours. Il a considéré en substance que la servitude de jouissance en cause devait être considérée comme un usufruit ou un droit d'habitation accordé en contre-prestation du versement d'un capital unique fourni sous la forme d'une réduction du prix de vente, de sorte qu'il fallait admettre que la servitude avait été constituée à titre gratuit. Il s'ensuivait que c'était la bénéficiaire de la servitude qui devait être imposée sur la valeur locative des locaux dont elle avait la jouissance au titre d'impôt fédéral direct, cantonal et communal sur le revenu et sur la valeur fiscale de l'immeuble grevé de l'usufruit au titre d'impôt cantonal et communal sur la fortune et non pas les propriétaires de l'immeuble grevé dont la taxation devait être corrigée en ce sens qu'ils n'étaient pas imposables sur un rendement locatif de 45'000 fr et ne pouvait déduire de la fortune une dette de 405'000 fr. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, le Service cantonal des contributions du canton de Neuchâtel demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt rendu le 29 août 2014 et de dire en substance qu'un rendement locatif de 45'000 fr. est imposable dans le chapitre de A.X.________ et B.X.________ au titre d'impôt fédéral direct, cantonal et communal sur le revenu et qu'une dette de 405'000 fr. soit déduite au titre de l'impôt sur la fortune cantonal et communal. Il se plaint de la violation du droit fédéral. 
 
Le Tribunal cantonal et l'Administration fédérale des contributions renoncent à déposer des observations sur recours. A.X.________ et B.X.________ concluent au rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le Tribunal cantonal a rendu un seul arrêt valant pour les impôts cantonal et communal, d'une part, et pour l'impôt fédéral direct, d'autre part, ce qui est admissible (cf. ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 p. 262 s.). Dans ces circonstances, on ne peut reprocher au recourant d'avoir pris des conclusions valant pour les deux catégories d'impôts dans son recours au Tribunal fédéral. Par souci d'unification par rapport à d'autres cantons dans lesquels deux décisions sont rendues, la Cour de céans a ouvert deux dossiers, l'un concernant l'impôt fédéral direct (2C_893/2014), l'autre l'impôt cantonal et communal (2C_892/2014). Comme l'état de fait est identique et que les questions juridiques se recoupent en partie, les deux causes seront néanmoins jointes et il sera statué dans un seul arrêt (cf. art. 71 LTF et 24 PCF [RS 273]).  
 
1.2. Le recours est dirigé contre une décision finale (cf. art. 90 LTF) rendue dans une cause de droit public (cf. art. 82 let. a LTF), par une autorité cantonale supérieure de dernière instance (cf. art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) sans qu'aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF ne soit réalisée, de sorte que la voie du recours en matière de droit public est en principe ouverte, comme le précisent l'art. 146 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11) et l'art. 73 al. 1 la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts des cantons et des communes (LHID; loi sur l'harmonisation fiscale; RS 642.14). Le Service cantonal des contributions a qualité pour recourir (art. 89 al. 2 let. d LTF; art. 146 LIFD et 73 al. 2 LHID). Au surplus, déposé en temps utile et dans les formes requises (cf. art. 42 al. 1 et 2 et art. 100 al. 1 LTF), le recours est en principe recevable.  
 
2.   
Le recourant se plaint de ce que l'Instance précédente a considéré le droit d'usage réservé à l'aliénatrice comme un usufruit, imposable dans son chapitre fiscal, alors même qu'il ressort de l'acte de vente et de constitution de la servitude que l'estimation de la valeur de ce droit n'a pas été effectuée selon les principes de capitalisation d'un usufruit. Il est d'avis qu'il s'agit bien plutôt d'un droit d'usage constitué à titre onéreux dont la contre-prestation annuelle de 45'000 fr. est imposable auprès des acquéreurs et qui diminue de ce même montant la créance de ces derniers en faveur de l'aliénatrice. 
 
I.       Impôt fédéral direct  
 
3.  
 
3.1. Aux termes de l'art. 21 al. 1 LIFD, est imposable le rendement de la fortune immobilière, en particulier: tous les revenus provenant de la location, de l'affermage, de l'usufruit ou d'autres droits de jouissance (let. a) ainsi que la valeur locative des immeubles ou de parties d'immeubles dont le contribuable se réserve l'usage en raison de son droit de propriété ou d'un droit de jouissance obtenu à titre gratuit (let. b).  
 
3.2. De jurisprudence constante, lorsqu'un transfert de propriété d'immeuble et la constitution d'une servitude ont lieu simultanément - autrement dit lorsqu'il y a transfert de propriété avec réserve d'usage -, l'immeuble ne change pas de propriétaire libre de toute charge pour qu'ensuite seulement, l'acquéreur en rétrocède un droit d'usage contre un montant compensé avec le prix de vente ; du point de vue des droits réels limités, l'immeuble est bien plutôt transféré  uno actu déjà grevé du droit d'usage stipulé et à une valeur inférieure ("  deductio servitutis "). Cela vaut de manière générale et non pas seulement en cas de donation ou de donation mixte. Le titulaire de la servitude personnelle est alors imposé pour la durée du rapport de servitude sur la valeur d'usage de l'objet en application de l'art. 21 al. 1 let. b LIFD. En effet, l'acquisition d'une servitude personnelle (droit de jouissance) par le versement d'un capital au propriétaire est une acquisition gratuite, en ce sens que le bénéficiaire de cette jouissance ne fait plus de prestations périodiques après ce versement en capital (arrêts 2C_542/2010 du 24 novembre 2010 consid. 2.1 in StE 2011 B 27.2 n° 34; 2C_256/2010 du 6 septembre 2010 consid. 2.2.2 in RF 65 2010 951 et les références citées; Cf. N. Merlino, Commentaire romand de la LIFD, Bâle 2008, n° 94 ad art. 21 LIFD).  
 
3.3. En l'espèce, il ressort clairement de l'acte notarié du 14 décembre 2010 que le transfert de propriété a eu lieu simultanément à la constitution d'une servitude personnelle irrégulière au sens de l'art. 781 CC : l'aliénatrice s'est en effet réservé un droit d'usage pour une durée d'emblée limitée; cet usage est en outre restreint à une partie de l'immeuble grevé, ce qui est admissible sous l'angle des droits réels limités et permet de qualifier dite servitude d'irrégulière et de la distinguer de l'usufruit (cf. sur ce point : P.-H. Steinauer, Les droits réels, tome II, 4e éd., p. 403 n° 2193 et 2197 ainsi que tome III, 4e éd., Berne 2012, p. 139, n° 2573 s.). Elle a obtenu ce droit d'usage à titre gratuit puisqu'elle n'est tenue à aucune prestation périodique en contre-partie. Contrairement à ce qu'affirme le recourant, en raison de la théorie de l'acte unique qui prévaut en matière de droits réels, le "versement" d'un capital par réduction du prix de vente ne permet pas de considérer que le droit d'usage a été obtenu à titre onéreux. La stipulation d'une indemnisation  pro rata temporis constitue uniquement une modalité de compensation en cas de renonciation volontaire anticipée à la servitude par la bénéficiaire ou en cas de décès de cette dernière ; elle n'a aucune influence en l'espèce sur la théorie de l'acte unique. C'est par conséquent à bon droit que l'instance précédente a annulé l'imposition d'un rendement locatif dans le chapitre des nouveaux propriétaires de l'immeuble grevé de la servitude personnelle irrégulière en application de l'art. 21 al. 1 let. b LIFD. Ce régime fiscal durera jusqu'à extinction de la servitude en cause, soit 10 ans. Le recours est rejeté.  
 
II.       Impôt cantonal et communal  
 
4.  
 
4.1. En vertu de l'art. 7 LHID, l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, le rendement de la fortune y compris la valeur locative de l'habitation du contribuable. En vertu de l'art. art. 24 al. 1 de la loi cantonale du 21 mars 2000 sur les contributions directes (LCdir; RSNE 631.0), le rendement de la fortune immobilière est imposable, en particulier, tous les revenus provenant de la location, de l'affermage, de l'usufruit ou d'autres droits de jouissance (let. a) et la valeur locative des immeubles ou de parties d'immeubles dont le contribuable se réserve l'usage en raison de son droit de propriété ou d'un droit de jouissance obtenu à titre gratuit (let. b). Ces dispositions ont une teneur similaire à celle de l'art. 21 LIFD, de sorte que les considérations qui ont été exposées en matière d'impôt fédéral direct valent aussi pour l'impôt cantonal et communal. C'est par conséquent à bon droit que l'instance précédente a annulé l'imposition d'un rendement locatif dans le chapitre des nouveaux propriétaires de l'immeuble grevé de la servitude personnelle irrégulière. Cela résulte de l'art. 24 al. 1 let. b LCdir.  
 
4.2. En vertu de l'art. 13 al. 2 LHID, qui n'a pas d'équivalent en droit cantonal neuchâtelois et qui trouve de ce fait application en vertu de l'art. 72 al. 2 LHID, il y a lieu de n'imposer au titre de la fortune dans le chapitre des nouveaux propriétaires qu'une quote-part de la valeur fiscale de l'immeuble en cause, comme l'a jugé à bon droit l'instance précédente, sans être critiquée par le recourant.  
 
5.   
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours en matière d'impôt fédéral direct ainsi qu'en matière d'impôt cantonal et communal pour la période fiscale 2011. Succombant, le recourant, qui s'adresse au Tribunal fédéral dans l'exercice des ses fonctions officielles et dont l'intérêt patrimonial est en cause, doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 et 4 LTF). Les intimés, représentés par un mandataire professionnel, ont obtenu gain de cause; ils ont droit par conséquent à une indemnité à titre de dépens à charge du canton de Neuchâtel (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Les causes 2C_892/2014 et 2C_893/2014 sont jointes. 
 
2.   
Le recours en matière d'impôt fédéral direct est rejeté. 
 
3.   
Le recours en matière d'impôt cantonal et communal est rejeté. 
 
4.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr, sont mis à la charge du canton de Neuchâtel. 
 
5.   
Une indemnité de dépens, arrêtée à 2'500 fr., est allouée à A.X.________ et B.X.________ à charge du canton de Neuchâtel. 
 
6.   
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au mandataire des intimés, au Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, Cour de droit public, ainsi qu'à l'Administration fédérale des contributions. 
 
 
Lausanne, le 7 mai 2015 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Zünd 
 
Le Greffier : Dubey