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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
6B_987/2015  
   
   
 
 
 
Arrêt du 7 mars 2016  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, 
Rüedi et Jametti. 
Greffier : M. Thélin. 
 
Participants à la procédure 
X.________, représenté par Me Ivan Zender, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public du canton de Neuchâtel, rue du Pommier 3, 2000 Neuchâtel, 
A.________, 
représentée par Me Yves Grandjean, avocat, 
B.________et 
C.________, 
représentés par Me Jean-Frédéric Malcotti, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Abus d'autorité et faux dans les titres, 
 
recours contre le jugement rendu le 18 août 2015 par 
la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par jugement du 19 septembre 2014, le Tribunal de police de l'arrondissement du Littoral et du Val-de-Travers a reconnu X.________ coupable de contrainte, abus d'autorité et faux dans les titres; il l'a condamné à quarante jours-amende au taux de 100 fr. par jour, avec sursis durant deux ans, et à une amende de 3'000 fr. sans sursis. Le prévenu était également poursuivi pour usurpation de fonctions; le tribunal l'a acquitté de cette prévention. 
La Cour pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a statué le 18 août 2015 sur l'appel du prévenu et sur deux appels de parties plaignantes, l'un de A.________, l'autre de B.________ et C.________. La Cour a acquitté le prévenu de la prévention de contrainte; pour le surplus, elle a rejeté son appel. La Cour a accueilli les appels des parties plaignantes en ce sens que les qualifications retenues s'appliquent à d'autres faits également et que la peine pécuniaire est augmentée à soixante jours-amende au taux de 160 fr. par jour, avec sursis durant deux ans; l'amende est en revanche réduite à 1'900 francs. 
 
B.   
En substance, les faits sont constatés comme suit: 
X.________ était membre du Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel et chef du Département de l'Economie. Y.________, avec qui il entretenait une liaison, était inspectrice au service cantonal de surveillance et des relations du travail, service rattaché au Département. Le service conduisait une enquête contre A.________, soupçonnée de percevoir frauduleusement des prestations d'aide sociale. 
Le 12 février 2010 vers 19h30, X.________, Y.________ et un autre inspecteur se sont rendus au domicile de A.________, à Neuchâtel, dans l'intention d'interroger sa fille B.________. L'ayant trouvée, il lui ont ordonné de les conduire avec sa propre voiture aux locaux de la police cantonale sis à la rue des Poudrières à Neuchâtel. Ils l'ont interrogée. A la fin de l'audition, ils ont téléphoné à A.________ pour lui ordonner de se rendre aux locaux de l'inspection du travail à La Chaux-de-Fonds, afin d'y être interrogée; elle fut avertie que sa fille serait retenue au poste de police jusqu'à son arrivée. B.________ fut effectivement retenue au poste et empêchée de téléphoner à sa mère. Celle-ci s'est présentée au lieu indiqué; B.________ a alors été libérée. A.________ a été derechef interrogée le lendemain 13 février. 
C.________ logeait au domicile de A.________. Le 4 mars 2010 à 6h30, X.________, Y.________ et deux autres inspecteurs l'ont réveillé. Après avoir fouillé l'appartement, ils lui ont ordonné de se déplacer sans délai à La Chaux-de-Fonds, aux locaux de l'inspection du travail, pour y être interrogé. 
Avec Y.________, X.________ a personnellement pris part aux interrogatoires de A.________, de B.________ et de C.________. Il n'a cependant pas mentionné sa participation dans les procès-verbaux établis le 13 février et le 4 mars 2010. Il a aussi pris part à trois interrogatoires accomplis dans une autre enquête le Vendredi saint 2 avril 2010, sans mentionner sa participation dans les procès-verbaux. 
Selon l'appréciation juridique de la Cour pénale, X.________ a contraint B.________ à se rendre sans délai, hors des heures de bureau, aux locaux de la police pour un interrogatoire, et à se charger du transport des enquêteurs; parce qu'aucune urgence ne justifiait ces procédés, il a agi de manière disproportionnée. Retenir B.________ après la fin de son interrogatoire était illicite. Il était aussi disproportionné d'imposer un interrogatoire à A.________ tard dans la soirée, puis d'en imposer un à C.________ aussitôt après la perquisition de l'appartement le 4 mars au matin, avec un déplacement à La Chaux-de-Fonds. X.________ a ainsi commis des abus d'autorité. Les procès-verbaux des interrogatoires sont des titres; en omettant d'y mentionner sa participation, X.________ a dissimulé un élément important du déroulement des opérations et il a ainsi créé des faux. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière pénale, X.________ requiert le Tribunal fédéral de l'acquitter entièrement. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Les conditions de recevabilité du recours en matière pénale sont satisfaites, notamment à raison de la qualité pour recourir. 
 
2.   
L'art. 312 CP rend punissable le fonctionnaire ou le membre d'une autorité qui abuse des pouvoirs de sa charge dans le dessein de se procurer un avantage illicite, de procurer un avantage illicite à autrui, ou de nuire à autrui. 
 
2.1. L'infraction suppose que l'auteur agisse dans l'accomplissement ou sous le couvert de sa tâche officielle, et qu'il abuse des pouvoirs inhérents à cette tâche. L'abus est réalisé lorsque l'auteur, en vertu de sa charge officielle, décide ou use de contrainte dans un cas où il ne lui est pas permis de le faire (ATF 127 IV 209 consid. 1a/aa p. 211; 114 IV 41 consid. 2 p. 43; 113 IV 29 consid. 1 p. 30); l'abus est également réalisé lorsque l'auteur poursuit un but légitime mais recourt, pour l'atteindre, à des moyens disproportionnés (ATF 113 IV 29 consid. 1 p. 30; 104 IV 22 consid. 2 p. 23).  
Les fonctions officielles de X.________ et de Y.________ étaient régies par le droit cantonal neuchâtelois. La Cour pénale retient que dans le cadre des enquêtes auxquelles Y.________ collaborait, celle-ci avait qualité pour recueillir les déclarations de toute personne susceptible de fournir des renseignements, par analogie avec les pouvoirs d'un agent de la police judiciaire; l'inspectrice n'était en revanche pas habilitée à contraindre une personne à se déplacer pour un interrogatoire et elle ne pouvait pas non plus arrêter provisoirement une personne. Le recourant, chef du Département de l'Economie, était le supérieur hiérarchique de Y.________. La Cour n'a pas retenu qu'à l'encontre des personnes à interroger dans les enquêtes, le chef du Département fût doté de pouvoirs plus étendus que ceux conférés à l'inspectrice. L'application du droit cantonal n'est pas critiquée devant le Tribunal fédéral. 
 
2.2. La Cour pénale juge qu'en prenant personnellement part aux interrogatoires de A.________ et de C.________, le recourant a abusé de sa position élevée de membre du gouvernement cantonal dans le dessein d'impressionner et de déstabiliser les personnes interrogées. Devant le Tribunal fédéral, le recourant fait valoir qu'il était légalement habilité, à l'instar de tous les chefs de département, à surveiller et contrôler les services qui lui étaient subordonnés. Ce pouvoir de surveillance est indiscutable; il est seulement reproché au recourant d'en avoir fait en l'occurrence un usage intempestif et disproportionné, nuisible à la personne soumise à l'interrogatoire. Cela n'est pas sérieusement réfuté. L'intervention personnelle du chef du Département ne saurait être jugée licite pour cette seule raison que ses subordonnés pouvaient légalement procéder à des interrogatoires. Pour le surplus, élucider ce que l'auteur savait ou voulait, ou ce dont il s'accommodait au moment d'agir relève de la constatation des faits (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2 p. 156; 125 IV 242 consid. 3c p. 252 i.i.), laquelle est en principe soustraite au contrôle du Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF); le recourant ne peut donc pas utilement mettre en doute le dessein d'impressionner et de déstabiliser la personne interrogée.  
 
2.3. Le recourant ne conteste pas avoir usé de contrainte pour déterminer A.________, B.________ et C.________ à subir inopinément des interrogatoires et à se déplacer dans les locaux de service. Il affirme que l'organe communal compétent avait suspendu les prestations d'aide sociale allouées à A.________ et que dans cette situation, l'avancement du dossier répondait à « une certaine urgence ». La suspension des prestations n'est pas constatée dans le jugement de la Cour pénale; elle ne s'inscrit donc pas dans les faits déterminants selon l'art. 105 al. 1 LTF. De toute manière, la suspension remontait prétendument à « fin 2009 »; si réellement l'affaire était tenue pour urgente, les enquêteurs n'auraient certainement pas attendu plus d'un mois avant de procéder aux premiers interrogatoires le 12 février 2010, et ils n'auraient pas non plus attendu un mois encore avant de les terminer le 4 mars 2010. Enfin et surtout, le droit cantonal n'habilitait ni les enquêteurs ni leur chef de département à user de contrainte envers les personnes à interroger. L'usage illégal de la contrainte est punissable à titre d'abus d'autorité aussi dans des cas où cette contrainte illégale ne compromet pas, voir favorise l'accomplissement des tâches officielles de l'auteur.  
 
2.4. Le recourant admet que B.________ s'est trouvée privée de sa liberté pendant un laps qu'il évalue à une heure et demie après la fin de son interrogatoire. Il affirme que cette mesure de contrainte se justifiait parce que la personne ainsi arrêtée avait fait des déclarations mensongères et qu'il fallait parer à un risque de collusion entre elle et sa mère, jusqu'au moment où celle-ci serait elle aussi interrogée. Là également, cette argumentation n'est pas concluante parce que ni les enquêteurs ni leur chef de département n'étaient légalement habilités à opérer une arrestation provisoire, quels qu'en fussent les motifs.  
 
2.5. Le recourant affirme que discerner les limites des pouvoirs d'investigation reconnus aux agents de la police judiciaire, pouvoirs auxquels il est fait référence dans le jugement attaqué, nécessitaient une appréciation juridique qui n'était « pas forcément évidente » dans le cours de l'enquête; que Y.________ n'avait pas de formation de policier, et que dans ces conditions, ni lui ni cette inspectrice n'ont eu conscience et volonté d'outrepasser leurs propres pouvoirs. C'est pourtant bien avec conscience et volonté, donc intentionnellement selon l'art 12 al. 1 et 2 CP, que le recourant et Y.________ ont déterminé A.________, B.________ et C.________ à se soumettre aussitôt et contre leur propre volonté à des interrogatoires, à se déplacer dans les locaux de service, et, dans le cas de B.________, à y rester encore après la fin de l'interrogatoire. L'art. 21 CP prévoit que l'auteur d'une infraction est exonéré de toute responsabilité en cas d'erreur sur l'illicéité, ou que la peine est atténuée lorsque l'erreur était évitable. L'exonération suppose que l'auteur, au moment d'agir, ne sache pas et ne puisse pas savoir que son comportement est illicite; il ne suffit pas que l'auteur ignore par erreur que son comportement est punissable (ATF 138 IV 13 consid. 8.2 p. 27). En l'occurrence, de la part d'un chef de département prétendant surveiller et contrôler les services subordonnés, une erreur - au demeurant grossière - sur les limites de ses pouvoirs de contrainte est absolument inexcusable.  
 
2.6. Le recourant conteste avoir agi dans le dessein de nuire à autrui, dessein retenu par la Cour pénale. Il expose qu'il ne connaissait aucune des personnes à interroger dans les enquêtes, qu'il n'avait aucun motif de leur nuire et qu'il avait pour seul objectif, « en participant [aux] actes d'enquête, de se rendre compte concrètement, sur le terrain, de la situation d'un office dépendant de son département ».  
Le dessein de nuire est réalisé dès que l'auteur cause par dol ou par dol éventuel un préjudice non négligeable (rétention du courrier expédié par un détenu: arrêt 6S.554/1992 du 19 mars 1993, consid. 2b; personne conduite puis abandonnée en forêt après contrôle de son identité: arrêt 6B_831/2011 du 14 février 2012, consid. 1.4.2; arrestation provisoire: arrêt 6S.885/2000 du 26 février 2002, consid. 4a/bb; coups infligés à des prévenus: ATF 99 IV 13). En l'occurrence, le dessein d'impressionner et de déstabiliser la personne soumise à l'interrogatoire, constaté par la Cour pénale, est indiscutablement un dessein de nuire. Pour le surplus, il n'a certainement pas échappé au recourant que les personnes contraintes de subir inopinément un interrogatoire, de se déplacer sans délai dans les locaux de service, ou d'y rester après la fin de l'interrogatoire, subissaient une restriction notable de leur liberté individuelle. Le recourant échoue donc à mettre en évidence une application incorrecte de l'art. 312 CP
 
3.   
L'art. 251 ch. 1 CP rend punissable celui qui, dans un titre, constate faussement un fait ayant une portée juridique dans le dessein de se procurer un avantage illicite. 
La Cour pénale retient que les procès-verbaux d'interrogatoire établis dans les enquêtes du service de surveillance et des relations du travail sont des documents dotés d'une crédibilité accrue, et donc des titres aux termes de la disposition précitée (cf. ATF 138 IV 130 consid. 2.1 p. 134). Cela n'est pas contesté. 
La Cour retient encore que l'identité des personnes procédant à l'interrogatoire revêt une certaine importance et doit être consignée pour permettre ultérieurement un contrôle de la régularité des opérations; en conséquence, la Cour juge que les procès-verbaux établis le 13 février, le 4 mars et le 2 avril 2010 sont des faux parce qu'un fait important - la participation du chef du Département - y est omis et qu'ils apportent ainsi une représentation trompeuse du déroulement de l'interrogatoire (cf. ATF 115 IV 225 consid. 2d p. 228). Cette appréciation juridique mérite d'être approuvée alors même que, comme le recourant le relève, un procès-verbal est tenu pour complet et régulièrement établi aussi lorsque les questions posées par les enquêteurs ne sont pas transcrites et que les réponses reçues ne sont pas non plus reproduites mot à mot. 
La Cour retient que le recourant a intentionnellement omis de mentionner sa participation afin de dissimuler son implication dans des enquêtes conduites de manière insolite et peu respectueuse des personnes interrogées, et d'échapper ainsi à une éventuelle responsabilité. Il s'agit là également d'une constatation de fait qui lie le Tribunal fédéral, de sorte que le recourant propose inutilement une appréciation différente des indices relevés par la Cour. Au stade de l'application du droit, cette autorité retient avec raison que l'intention ainsi constatée est un dessein de se procurer un avantage illicite aux termes de l'art. 251 ch. 1 CP. Le recourant ne parvient donc pas non plus à mettre en évidence une application incorrecte de cette disposition-ci. 
 
 
4.   
Le jugement d'appel n'est pour le surplus pas contesté, de sorte que le recours en matière pénale se révèle privé de fondement. A titre de partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Le recourant acquittera un émolument judiciaire de 2'000 francs. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
 
 
Lausanne, le 7 mars 2016 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Denys 
 
Le Greffier : Thélin