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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
4A_210/2014  
   
   
 
 
 
Arrêt du 17 juillet 2014  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les juges Klett, présidente, Hohl et Niquille. 
Greffier : M. Thélin. 
 
Participants à la procédure 
X.________ et 
Y.________, 
représentés par Me Karin Grobet Thorens, 
demandeurs et recourants, 
 
contre  
 
A.________, 
B.________, 
ceux-ci représentés par Me Olivier Cramer, 
C.________, 
défendeurs et intimés. 
 
Objet 
bail à loyer; résiliation 
 
recours contre l'arrêt rendu le 24 février 2014 par la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Dès le 1er juin 2010, X.________ et Y.________ ont pris à bail une villa de huit pièces à usage d'habitation, avec piscine et garage, sise dans le quartier de Champel à Genève. Le contrat était résiliable moyennant un délai de préavis de trois mois pour le 31 mai de chaque année, la première fois pour le 31 mai 2013; le loyer mensuel était fixé à 11'000 fr., frais accessoires en sus. 
Le bailleur était alors O.________, usufruitier de l'immeuble. Il a renoncé à son droit réel le 6 mai 2011, en faveur de ses enfants A.________, B.________ et C.________ qui étaient jusqu'alors nus-propriétaires. 
Dès le mois de mars 2011, Y.________ a adressé de nombreuses réclamations à la régie et, après que le mandat d'icelle eut pris fin, à l'avocat représentant les bailleurs, au sujet d'importants désagréments qui résultaient notamment, à ses dires, de chantiers en cours sur les parcelles voisines et d'un entretien insuffisant du chemin d'accès. Le 27 juillet, la locataire s'est également manifestée au sujet de l'entretien futur du jardin et de ses difficultés à obtenir des informations sur la gestion de la propriété. 
Le 5 août 2011, usant de formules officielles adressées aux deux locataires, le mandataire des propriétaires A.________, B.________ et C.________ a déclaré la résiliation du contrat avec effet au 31 mai 2013. Le mandataire expliquait que ses clients envisageaient de remplacer la villa par un bâtiment de plusieurs logements et que ce projet était alors à l'étude. 
 
B.   
En temps utile, devant l'autorité de conciliation compétente puis devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève, X.________ et Y.________ ont ouvert action contre A.________, B.________ et C.________; ils requéraient principalement l'annulation du congé et, subsidiairement, la prolongation du bail pour une durée de quatre ans. 
Devant l'autorité de conciliation, les défendeurs ont produit des plans, en particulier un plan d'implantation et une coupe, relatifs à deux bâtiments résidentiels destinés à remplacer la villa. 
Devant le tribunal, ils ont conclu au rejet de l'action, à ceci près qu'ils acquiesçaient à une unique prolongation du bail d'un an et trois mois, venant à échéance le 31 août 2014. 
Interrogés à l'audience du 4 mars 2013, ils ont nommément désigné deux bureaux d'architectes qui étaient prétendument chargés, à l'époque du congé le 5 août 2011, d'élaborer des projets de construction. Ils ont en outre exposé qu'en raison d'une très récente modification du plan d'affectation, tendant à permettre une utilisation plus intense du sol, leur projet était soumis à une nouvelle étude. Ils ont produit un nouveau jeu de plans le 15 avril 2013. 
Le tribunal s'est prononcé le 3 mai 2013. Il a constaté la validité du congé et il a accordé aux demandeurs une première prolongation de bail d'un an et trois mois, venant à échéance le 31 août 2014. 
La Chambre des baux et loyers de la Cour de justice a statué le 24 février 2014 sur l'appel des demandeurs; elle a confirmé le jugement. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière civile, les demandeurs requièrent le Tribunal fédéral, principalement, d'annuler le congé; subsidiairement, ils réclament l'annulation de l'arrêt de la Cour de justice et le renvoi de la cause à cette autorité pour complément d'instruction et nouvelle décision; plus subsidiairement, ils réclament la prolongation du bail pour une durée de quatre ans. 
Représentés par leur avocat, les défendeurs A.________ et B.________ concluent au rejet du recours, dans la mesure où celui-ci est recevable; sous sa propre signature, C.________ prend les mêmes conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont satisfaites, notamment à raison de la valeur litigieuse. 
 
2.   
Il est constant que dès le 1er juin 2010, O.________ s'est lié aux demandeurs par un contrat de bail à loyer. Il est également incontesté qu'à l'extinction de son droit réel limité sur l'immeuble, le 6 mai 2011, les propriétaires actuellement défendeurs lui ont de plein droit succédé en qualité de bailleurs par l'effet des art. 261 et 261a CO (cf. ATF 113 II 121 consid. 3 p. 126). 
 
3.   
A titre principal, la contestation porte sur l'annulation du congé signifié le 5 août 2011. 
 
3.1. Aux termes de l'art. 271 al. 1 CO, la résiliation d'un bail d'habitation ou de locaux commerciaux est annulable lorsqu'elle contrevient aux règles de la bonne foi. Cette disposition protège le locataire, notamment, contre le congé purement chicanier qui ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection, et dont le motif n'est qu'un prétexte. Le locataire est aussi protégé en cas de disproportion grossière des intérêts en présence; il l'est également lorsque le bailleur use de son droit de manière inutilement rigoureuse ou adopte une attitude contradictoire. La protection ainsi conférée procède à la fois du principe de la bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit, respectivement consacrés par les al. 1 et 2 de l'art. 2 CC; il n'est toutefois pas nécessaire que l'attitude de la partie donnant congé à l'autre constitue un abus de droit « manifeste » aux termes de cette dernière disposition (ATF 120 II 105 consid. 3 p. 108; 31 consid. 4a p. 32; voir aussi ATF 135 III 112 consid. 4.1 p. 119; 136 III 190 consid. 2 p. 192).  
L'art. 271 al. 1 CO laisse en principe subsister le droit du bailleur de résilier le contrat dans le but d'adapter la manière d'exploiter son bien selon ce qu'il juge le plus conforme à ses intérêts; le bailleur peut ainsi légitimement vouloir se procurer un rendement plus élevé (ATF 136 III 190 consid. 3 in fine p. 194). En particulier, le bailleur peut légitimement vouloir démolir les locaux loués, ce qui suppose leur restitution par le locataire, en vue d'en reconstruire d'autres dont la valeur sera plus importante. Le congé est toutefois abusif lorsque le projet du bailleur ne présente pas de réalité tangible ou apparaît objectivement impossible, notamment parce qu'il est de toute évidence incompatible avec les règles du droit administratif applicable et que le bailleur n'obtiendra donc pas les autorisations nécessaires; la preuve de l'impossibilité objective incombe alors au locataire (arrêts 4A_503/2013 du 5 mars 2014, consid. 4.2; 4A_726/2012 du 30 avril 2013, consid. 1.2; voir aussi ATF 136 III 190 consid. 4 p. 194/195). La validité du congé ne suppose pas que le bailleur ait déjà obtenu ces autorisations, ni même qu'il ait déjà déposé les documents dont elles dépendent (arrêt 4A_726/2012 déjà cité, ibid.). 
Selon l'art. 271a al. 1 let. a CO, parmi d'autres cas spécialement énumérés par cette disposition, le congé est annulable lorsqu'il est donné par le bailleur parce que le locataire fait valoir de bonne foi des prétentions fondées sur le bail. Cette disposition vise à permettre au locataire d'exercer librement ses droits - par exemple, réclamer la suppression de défauts de la chose louée (Peter Burkhalter et al., Le droit suisse du bail à loyer, 2011, n° 11 ad art. 271a CO; David Lachat, Le bail à loyer, 2008, n° 5.2.3 p. 740) - sans avoir à craindre un congé en représailles. Il incombe au locataire de prouver qu'il existe un rapport de cause à effet entre la prétention qu'il a élevée et la résiliation. Le bailleur a le droit d'apporter la contre-preuve en démontrant que le congé répond à un autre motif. Le juge constate alors le véritable motif du congé selon l'impression objective qui résulte de toutes les circonstances; le congé-représailles est d'autant plus vraisemblable qu'il survient plus rapidement après que le locataire a élevé une prétention (Burkhalter et al., op. cit., n° 13 ad art. 271a CO; Lachat, op. cit., n° 5.2.4 p. 740/741, avec références à d'autres auteurs). 
 
3.2. La validité d'un congé doit être appréciée en fonction des circonstances présentes au moment de cette manifestation de volonté (ATF 109 II 153 consid. 3b p. 156). En élucider le motif relève de la constatation des faits (ATF 136 III 190 consid. 2 p. 192; 115 II 484 consid. 2b p. 486), de sorte que, sous réserve du contrôle restreint prévu par les art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, ce point échappe au contrôle du Tribunal fédéral. Les déductions opérées ou à opérer sur la base d'indices - tels que des faits postérieurs au congé, propres à en dénoter rétrospectivement le motif (cf. arrêts 4A_155/2013 du 21 octobre 2013, consid. 2.3, et 4A_623/2010 du 2 février 2011, consid. 2.4) - relèvent elles aussi de la constatation des faits (ATF 117 II 256 consid. 2b p. 258; 136 III 486 consid. 5 p. 489; 128 III 390 consid. 4.3.3 in fine p. 398).  
Les art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF habilitent le Tribunal fédéral à compléter ou rectifier même d'office les constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes, c'est-à-dire arbitraires aux termes de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 133 II 249 consid. 1.1.2 p. 252). Les constatations de fait sont arbitraires lorsque l'autorité omet de prendre en considération, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, sur la base des éléments recueillis, elle parvient à des constatations insoutenables (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560; 129 I 8 consid. 2.1). Au reste, en vertu de l'art. 105 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral est lié par les constatations de l'autorité précédente. 
 
3.3. Les défendeurs ont motivé le congé présentement litigieux en même temps qu'ils l'ont signifié aux demandeurs: leur mandataire a expliqué qu'ils envisageaient de remplacer la villa par un bâtiment de plusieurs logements et que ce projet était alors à l'étude. Les demandeurs tiennent ce motif pour fallacieux; ils affirment que le motif réel se rapporte aux réclamations légitimement élevées dès mars 2011 par Y.________, et que le congé doit donc être annulé en application de l'art. 271a al. 1 let. a CO.  
A l'audience du 4 mars 2013, devant le Tribunal des baux et loyers, les défendeurs ont déclaré que lors du congé, deux bureaux d'architectes étaient chargés d'élaborer un projet de construction. Ils ont également expliqué les circonstances en raison desquelles les études n'avaient pas encore abouti à un projet détaillé. 
Les demandeurs ne prétendent pas avoir mis en doute, dans la suite du procès, les déclarations ainsi faites à l'audience. A cela s'ajoute que des plans ont été effectivement réalisés et produits en justice, en procédure de conciliation puis devant le tribunal; dans ces conditions, la Cour de justice peut sans arbitraire reconnaître ces déclarations comme l'expression de la vérité. 
En conséquence, puisque les défendeurs en avaient confié l'élaboration à des professionnels en la matière, il n'apparaît pas que le projet de démolition et construction annoncé aux demandeurs le 5 août 2011 fût dépourvu de toute réalité tangible. 
Les demandeurs ne prétendent pas que la villa soit ou doive être protégée par une mesure administrative telle qu'un classement, ni que le droit applicable interdise d'ériger à sa place un ou plusieurs bâtiments plus importants. Il n'apparaît donc pas non plus que le projet soit objectivement impossible. Contrairement à l'argumentation développée devant le Tribunal fédéral, il importe peu que les demandeurs ne soient pas en mesure d'étudier eux-mêmes les plans comme le ferait l'autorité administrative compétente; il leur incombait de soumettre ces documents à un conseil autorisé s'ils entendaient discuter la viabilité du projet. Les défendeurs n'avaient pas non plus à fournir, dans le procès, des justifications concernant leur aptitude à financer les travaux. 
En conséquence, la Cour de justice peut retenir sans plus d'arbitraire que les défendeurs ont prouvé le motif du congé par eux annoncé avec celui-ci, soit leur intention de démolir la villa et la remplacer par des bâtiments plus importants. Il s'agit d'un motif intrinsèquement compatible avec l'art. 271 al. 1 CO. Cette preuve étant apportée, il y a lieu d'admettre que les défendeurs auraient résilié le bail même si Y.________ n'avait pas élevé de réclamations dans les mois précédents; il s'ensuit que le cas d'annulation prévu par l'art. 271a al. 1 let. a CO, invoqué par les demandeurs, n'est pas réalisé. La Cour refuse ainsi à bon droit l'annulation du congé. Les demandeurs lui reprochent d'avoir admis arbitrairement, selon les termes de sa décision, le « caractère sérieux » du motif avancé avec le congé; ce grief n'est pas fondé. 
 
4.   
A titre subsidiaire, la contestation porte sur la durée de la prolongation du bail. 
Aux termes des art. 272 al. 1 et 272b al. 1 CO, le locataire peut demander la prolongation d'un bail d'habitation pour une durée de quatre ans au maximum, lorsque la fin du contrat aurait pour lui des conséquences pénibles et que les intérêts du bailleur ne les justifient pas. 
Dans cette limite de temps, le juge peut accorder une ou deux prolongations. Le juge apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité, s'il y a lieu de prolonger le bail et, dans l'affirmative, pour quelle durée. Il doit procéder à la pesée des intérêts en présence et tenir compte du but d'une prolongation, consistant à donner du temps au locataire pour trouver des locaux de remplacement. Il lui incombe de prendre en considération tous les éléments du cas particulier, tels que la durée du bail, la situation personnelle et financière de chaque partie, leur comportement, ainsi que l'état du marché locatif local (art. 272 al. 2 CO; ATF 136 III 190 consid. 6 p. 195; 135 III 121 consid. 2 p. 123; 125 III 226 consid. 4b p. 230). 
La Cour de justice s'est référée à l'appréciation des premiers juges et elle y a entièrement adhéré. Elle a ainsi retenu que les demandeurs jouissent l'un et l'autre d'une situation financière aisée et qu'ils devraient donc pouvoir, en dépit de la pénurie qui est notoire, trouver un autre logement « sans grande difficulté ». Elle a aussi retenu qu'en dépit d'un délai de préavis proche de deux ans, les demandeurs n'ont pas cherché activement un autre logement. Ils n'ont pas prouvé les travaux qu'ils disaient avoir fait exécuter dans la villa et ses dépendances, à leurs frais, ni l'autorisation prétendument reçue de O.________, de sorte qu'il n'y a pas lieu de prendre en considération une durée d'amortissement convenable. Enfin, selon la Cour, les défendeurs n'ont pas rendu vraisemblable que le chantier projeté par eux puisse s'ouvrir dès l'automne de 2014; c'est pourquoi il se justifie de ménager la possibilité d'une deuxième prolongation du bail. En définitive, la Cour accorde une première prolongation d'un an et trois mois, venant à échéance le 31 août 2014. 
Les demandeurs rejettent ce jugement mais ils ne développent aucune argumentation consistante. Ils insistent sur quelques éléments de leur situation personnelle, telle que la Cour l'a constatée, et ils persistent à mettre en doute que l'opération immobilière des défendeurs soit proche de se concrétiser. Cela ne suffit pas à mettre en évidence un excès ou un abus du pouvoir d'appréciation reconnu à la juridiction cantonale. 
 
5.   
Le recours se r évèle privé de fondement, ce qui conduit à son rejet. A titre de parties qui succombent, ses auteurs doivent acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels leurs adverses parties peuvent prétendre en tant qu'elles procèdent avec le concours d'un mandataire. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les demandeurs acquitteront un émolument judiciaire de 6'500 francs. 
 
3.   
Solidairement entre eux, les demandeurs verseront aux défendeurs A.________ et B.________, créanciers solidaires, une indemnité de 7'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.   
Il n'est pas alloué de dépens à la défenderesse C.________. 
 
5.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 17 juillet 2014 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
La présidente :       Le greffier : 
 
Klett       Thélin