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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
4A_627/2013  
   
   
 
 
 
Arrêt du 8 avril 2014  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux Klett, Présidente, Kolly et Niquille. 
Greffière: Mme Godat Zimmermann. 
 
Participants à la procédure 
X.________, représenté par Me Alexandre Böhler, 
recourant, 
 
contre  
 
Z.________, représentée par Me Serge Patek, 
intimée. 
 
Objet 
bail à loyer; évacuation; cas clair, 
 
recours contre les arrêts de la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève du 16 décembre 2013. 
 
 
Faits:  
 
A.  
 
A.a. En 1995, X.________ est devenu locataire de locaux commerciaux à Genève, destinés à l'exploitation d'un café-restaurant. Un nouveau contrat de bail a été conclu le 11 avril 2005.  
Selon un contrat daté du 21 juillet 1991, X.________ était déjà locataire, dans le même immeuble, d'un appartement de 3,5 pièces, destiné à l'habitation privée de l'un de ses employés. 
En 2000, le locataire a conclu avec la société U.________ Sàrl en formation un contrat de gérance libre portant sur les locaux commerciaux, entièrement équipés, et l'appartement. Le café-restaurant dont la gérance a été confiée à U.________ Sàrl s'appelle "xxx". Par la suite, la société gérante a changé sa raison sociale en V.________ Sàrl. 
Par avis officiel du 24 août 2009, A.Z.________, devenu bailleur à une date indéterminée, a résilié le bail lié aux locaux commerciaux pour le 30 septembre 2010, au motif que X.________ n'exploitait pas personnellement le café-restaurant depuis de nombreuses années. Le même jour et pour le même motif, le bailleur a résilié le bail relatif à l'appartement pour le 31 août 2010. 
 
A.b. X.________ a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers du canton de Genève d'une requête en contestation des congés.  
Au terme de l'audience de conciliation du 3 mars 2010, les parties ont convenu ce qui suit: 
 
" Les congés sont acceptés pour le 31 août 2010. Une unique prolongation est accordée au 31 décembre 2012 étant précisé que les congés seront retirés si et pour autant que Monsieur X.________ et son épouse exploitent personnellement "xxx", ceci au plus tard le 1 er janvier 2013.  
De nouveaux baux seront conclus dès cette date entre les parties, autant pour l'établissement public que pour l'appartement de 3,5 pièces. " 
Par avis officiel du 30 juin 2010, X.________ a résilié le contrat de gérance libre pour le 31 décembre 2012. La société V.________ Sàrl n'a pas contesté cette résiliation. 
A.Z.________ est décédé le 27 août 2012. Sa fille, Z.________, a acquis par succession la propriété des locaux litigieux. 
 
A.c. Par courrier du 20 septembre 2012, le conseil de X.________ a informé W.________ SA, chargée de la gérance des objets loués (ci-après: la régie), que l'exploitante du café-restaurant n'avait pas contesté la résiliation du contrat de gérance libre et qu'elle était apparemment prête à quitter les lieux pour le 31 décembre 2012; il ajoutait que son client était désireux de reprendre l'exploitation du "xxx" et priait la régie d'examiner l'opportunité de lui communiquer un projet de bail.  
Le 10 décembre 2012, le conseil de X.________ a averti la régie que son mandant avait convoqué l'exploitante du "xxx" à un état des lieux de sortie le 31 décembre 2012 et qu'il sollicitait derechef l'établissement d'un nouveau contrat au 1 er janvier 2013.  
La faillite sans poursuite préalable de la société V.________ Sàrl a été prononcée en date du 13 décembre 2012. 
Par courrier du 19 décembre 2012, le conseil de X.________ a informé l'Office des faillites que son client était prêt à reprendre l'exploitation du café-restaurant dès le 1 er janvier 2013. Il le priait de fermer l'établissement et de poser les scellés afin d'éviter que du matériel ou de l'ameublement, propriété de X.________, ne disparaisse; il demandait également que les clés lui soient remises immédiatement.  
Le lendemain, X.________ a confirmé à la régie qu'il remplissait les conditions pour exploiter personnellement "xxx" au 1 er janvier 2013. Il sollicitait un nouveau bail, pour l'établissement public et l'appartement, conformément au procès-verbal de conciliation du 3 mars 2010.  
Par pli du 4 janvier 2013, la régie a répondu que X.________ et son épouse ne respectaient pas les termes de l'accord conclu le 3 mars 2010 puisqu'ils n'exploitaient pas personnellement les locaux en cause et qu'ils ne disposaient pas des clés pour le faire; les congés notifiés ne seraient dès lors pas retirés et aucun nouveau bail ne serait conclu avec X.________. 
Dans l'échange de correspondance qui a suivi, chaque partie a campé sur ses positions. 
Le 4 février 2013, l'Office des faillites a annoncé qu'il restituerait les clés à la régie, représentant la propriétaire, après établissement de l'inventaire. La plainte que X.________ a déposée contre cette décision a été rejetée par la Cour de justice du canton de Genève le 4 avril 2013. 
 
B.  
 
B.a. Par requêtes déposées le 27 mars 2013 devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève, Z.________ a demandé l'évacuation de X.________ des locaux commerciaux et de l'appartement, ainsi que l'exécution directe de l'évacuation (causes C/8065/2013 et C/8084/2013).  
Statuant par voie de procédure sommaire pour les cas clairs, le Tribunal des baux et loyers a fait droit aux requêtes dans deux jugements, dont l'un est daté du 29 juillet 2013 (cause C/8065/2013) et l'autre du 2 septembre 2013 (cause C/8084/2013). 
X.________ a formé appel de ces jugements. Par arrêts du 16 décembre 2013, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève a confirmé les deux décisions de première instance. 
 
B.b. Après l'introduction de la procédure en évacuation, X.________ a déposé, le 19 avril 2013, une requête tendant à la constatation de sa titularité des baux signés les 21 juillet 1991 et 11 avril 2005 concernant les locaux commerciaux et l'appartement litigieux (causes C/8804/2013 et C/8806/2013). La conciliation a échoué et la Commission de conciliation en matière de baux et loyers a délivré à X.________ l'autorisation de procéder en date du 4 juillet 2013. L'affaire est actuellement pendante devant le Tribunal des baux et loyers.  
Dans le cadre de cette procédure, X.________ a requis des mesures provisionnelles, tendant à ce qu'il soit fait interdiction à la bailleresse de mettre en location, en gérance ou, sous toute autre forme, de mettre à disposition d'un tiers les locaux commerciaux et l'appartement loués jusqu'à droit jugé sur l'action en constatation. Le Tribunal des baux et loyers a rejeté cette requête. Par arrêt du 4 juillet 2013, la Cour de justice a confirmé l'ordonnance refusant les mesures provisionnelles. Dans un arrêt du 23 octobre 2013, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours interjeté contre cette décision par X.________ (cause 4A_353/2013). 
 
C.   
X.________ interjette un recours en matière civile contre les arrêts rendus le 16 décembre 2013 dans les causes C/8065/2013 et C/8084/2013. Il demande au Tribunal fédéral de débouter Z.________ des fins de ses requêtes d'expulsion. 
Le recourant requiert des mesures provisionnelles tendant, d'une part, à la jonction des deux causes et, d'autre part, à la suspension de la procédure devant le Tribunal fédéral jusqu'à droit connu sur l'action en constatation dans les causes C/8804/2013 et C/8806/2013. 
Il sollicite par ailleurs l'octroi de l'effet suspensif à son recours. 
Z.________ conclut au rejet de la requête en suspension de la procédure et de la demande d'effet suspensif. Sur le fond, elle propose le rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. 
Le recourant a déposé une réplique, suivie d'ultimes observations de l'intimée. 
Pour sa part, la Cour de justice se réfère aux considérants de ses décisions. 
 
 
Considérant en droit:  
 
1.  
 
1.1. Le recours est dirigé contre deux arrêts du 16 décembre 2013 mettant aux prises les mêmes parties et comportant au fond des considérants identiques. Dans un cas de ce genre, rien n'empêche la cour de céans de rendre un seul arrêt. Comme le Tribunal fédéral ne se trouve pas saisi de plusieurs recours, la requête de mesures provisionnelles tendant à la jonction des causes est sans objet.  
 
1.2. La requête tendant à la suspension de la procédure de recours jusqu'à droit jugé sur l'action en constatation, déposée postérieurement aux requêtes d'expulsion, doit être rejetée. En effet, le point litigieux est de savoir si la bailleresse peut invoquer la protection pour les cas clairs. Or, de deux choses l'une: soit, les conditions du cas clair sont réalisées et il n'y a aucune raison de retarder l'évacuation; soit, elles ne le sont pas et les requêtes d'expulsion deviennent irrecevables.  
 
1.3. Les arrêts attaqués ont été rendus en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance statuant sur recours (art. 75 LTF). Il s'agit au surplus de décisions finales (art. 90 LTF). Le litige porte sur la question de savoir si les conditions d'une expulsion sont données dans une procédure fondée sur l'art. 257 CPC. En pareil cas, la valeur litigieuse correspond au dommage prévisible causé par le retard au cas où les conditions d'une évacuation selon la procédure de l'art. 257 CPC ne seraient pas réalisées (consid. 1.2.2 non publié de l'ATF 138 III 620). Comme la cour cantonale l'a constaté dans ses deux arrêts, la valeur litigieuse minimale de 15'000 fr. est atteinte en l'espèce dans les deux cas d'évacuation (art. 74 al. 1 let. a LTF). Au surplus, le recours est interjeté par la partie qui a succombé en instance cantonale (art. 76 al. 1 LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.  
 
1.4. Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 138 II 331 consid. 1.3 p. 336; 137 II 313 consid. 4 p. 317 s.; 135 III 397 consid. 1.4 p. 400). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 137 III 580 consid. 1.3 p. 584; 135 II 384 consid. 2.2.1 p. 389; 135 III 397 consid. 1.4 p. 400).  
 
1.5. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 137 II 353 consid. 5.1 p. 356) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).  
 
2.   
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 257 al. 1 CPC. Selon lui, l'intimée ne pouvait pas bénéficier de la protection des cas clairs, car "ses requêtes d'expulsion portent sur un état de fait qu'elle a rendu elle-même litigieux et sur une situation juridique dont elle porte la responsabilité de l'incertitude". Il fait valoir à cet égard que l'intimée n'a pas respecté l'accord du 3 mars 2010 en refusant de signer de nouveaux baux, qui auraient permis au locataire d'obtenir l'autorisation d'exploiter le restaurant. Il ajoute que l'action en constatation porte sur un objet identique à celui des requêtes d'évacuation et que l'existence même d'un litige de fond rend l'état de fait litigieux et la situation juridique incertaine. 
 
2.1. Aux termes de l'art. 257 al. 1 CPC relatif aux cas clairs, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé (let. a) et que la situation juridique est claire (let. b). L'état de fait exigé par l'art. 257 al. 1 let. a CPC peut être établi sans délai ni moyens particuliers, en général par pièces (ATF 138 III 123 consid. 2.1.1 p. 125, 620 consid. 5.1.1 p. 621). Cela étant, le demandeur n'est pas dispensé d'apporter la preuve stricte des faits fondant sa prétention. Si la partie adverse conteste les faits de manière vraisemblable, la protection dans les cas clairs ne peut pas être accordée, faute de caractère liquide de l'état de fait. Le cas clair est déjà nié lorsque la partie adverse avance des objections ou des exceptions qui n'apparaissent pas vouées à l'échec. En revanche, les objections manifestement mal fondées ou dénuées de pertinence sur lesquelles il peut être statué immédiatement ne suffisent pas à exclure le cas clair (ATF 138 III 620 consid. 5.1.1 p. 621 ss et consid. 6.2 p. 624).  
 
2.2. En l'espèce, la bailleresse a requis l'évacuation en mars 2013 en invoquant l'absence de titre juridique du recourant à occuper les locaux commerciaux et l'appartement. Elle a produit la transaction du 3 mars 2010. Selon cet accord, la validité des congés était reconnue et les baux bénéficiaient d'une prolongation unique au 31 décembre 2012; les résiliations seraient toutefois retirées à la condition que, au plus tard le 1er janvier 2013, le recourant et son épouse exploitent personnellement le restaurant; de nouveaux baux seraient alors conclus à partir de cette date. Il n'a jamais été contesté que le recourant n'exploitait pas le restaurant personnellement à la date butoir du 1er janvier 2013. Sur la base de cet état de fait non litigieux, les juges cantonaux pouvaient admettre sans autre que la condition posée par la transaction pour le retrait des congés n'était pas réalisée. Le locataire a objecté alors que c'est la bailleresse qui l'avait empêché d'exploiter le restaurant à partir du 1er janvier 2013, en refusant de lui soumettre de nouveaux baux qui lui auraient permis d'obtenir l'autorisation d'exploiter et en s'opposant à la remise des clés du restaurant par l'Office des faillites. Apparemment, le recourant entendait invoquer l'art. 156 CO, qui prévoit que la condition est réputée accomplie quand l'une des parties en a empêché l'avènement au mépris des règles de la bonne foi.  
L'objection du recourant apparaissait d'emblée inconsistante. Indépendamment de la question de savoir si la bailleresse a effectivement empêché le locataire d'obtenir l'autorisation d'exploiter au 1er janvier 2013, il ressortait des faits clairement établis que le recourant ne disposait pas des clés du restaurant à cette date ni auparavant, car l'Office des faillites n'avait pas donné suite à sa requête du 19 décembre 2012. Le locataire n'était donc matériellement pas en mesure d'exploiter "xxx" à la date butoir. Une éventuelle responsabilité de l'intimée dans cet état de fait pouvait être écartée immédiatement. En effet, le recourant fondait sa thèse selon laquelle la bailleresse s'était opposée à la remise des clés au locataire par l'Office des faillites sur une lettre de la régie du 4 janvier 2013, soit postérieure à la date fatidique du 1er janvier. 
Dans ces conditions, les juges genevois pouvaient considérer sans violer l'art. 257 CPC que l'objection selon laquelle la bailleresse avait empêché l'avènement de la condition était manifestement mal fondée. 
De manière générale, le recourant soutient que l'existence même de l'action en constatation rendait l'état de fait litigieux et la situation juridique incertaine, de sorte que la protection du cas clair était d'emblée exclue dans ces circonstances. L'argument est spécieux. Il ne suffit pas que le locataire, après l'introduction d'une requête en évacuation par le bailleur, ouvre action en constatation de ses prétendus droits contractuels sur la chose louée pour priver, ipso facto, le juge saisi en procédure sommaire de sa compétence d'examiner si les conditions de l'art. 257 al. 1 CPC sont réunies ou non. 
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. 
 
3.   
La cour de céans s'étant prononcée sur le recours, la requête d'effet suspensif est sans objet. 
 
4.   
Vu le sort réservé au recours, les frais judiciaires seront mis à la charge du recourant (art. 66 al. 1 LTF), lequel versera en outre des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:  
 
1.   
La requête tendant à la suspension de la procédure de recours jusqu'à droit connu sur l'action en constatation dans les causes genevoises C/8804/2013 et C/8806/2013 est rejetée. 
 
2.   
Le recours est rejeté. 
 
3.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.   
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 3'500 fr. à titre de dépens. 
 
5.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 8 avril 2014 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente: Klett 
 
La Greffière: Godat Zimmermann