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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_153/2022  
 
 
Arrêt du 26 avril 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, Moser-Szeless et Scherrer Reber. 
Greffier : M. Bürgisser. 
 
Participants à la procédure 
Caisse cantonale neuchâteloise de compensation, Faubourg de l'Hôpital 28, 2000 Neuchâtel, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représentée par Me Melvin L'Eplattenier, avocat et curateur, 
intimée. 
 
Objet 
Prestation complémentaire à l'AVS/AI, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 22 février 2022 (CDP.2021.195). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, née en 1978, est au bénéfice d'une rente entière d'invalidité depuis le 1 er mars 2016 et d'une rente pour enfant en faveur de sa fille (née en mars 2016), qui vit avec elle. Elle perçoit par ailleurs des prestations complémentaires depuis le 1 er mars 2018.  
Par décision du 5 janvier 2021, confirmée sur opposition le 28 mai 2021, la Caisse cantonale neuchâteloise de compensation (ci-après: la caisse de compensation) a arrêté à 1'129 fr. la prestation complémentaire mensuelle allouée à A.________ à partir du 1 er janvier 2021. En substance, l'administration a fait abstraction de la fille de l'assurée dans le calcul de la prestation complémentaire et n'a tenu compte que de la moitié du loyer pour déterminer les charges de A.________ (répartition à parts égales du loyer entre l'assurée et sa fille).  
 
B.  
Statuant le 22 février 2022 sur le recours de l'assurée, le Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, l'a admis. Il a annulé la décision sur opposition du 28 mai 2021 et renvoyé la cause à la caisse de compensation pour une nouvelle décision au sens des considérants (selon lesquels elle devait tenir compte de l'entier du loyer dans les charges de l'assurée). 
 
C.  
La caisse de compensation interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont elle demande l'annulation. Elle conclut principalement à la confirmation de sa décision sur opposition du 28 mai 2021. Subsidiairement, elle requiert le renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants. 
A.________, représentée par son curateur, conclut principalement au rejet du recours et subsidiairement à la réforme de l'arrêt attaqué, en ce sens que le loyer est réparti à raison de 80 % pour elle-même et de 20 % pour sa fille, ainsi qu'au renvoi de la cause à la caisse pour nouveau calcul des prestations. Elle requiert également le bénéfice de l'assistance judiciaire. A la suite de la prise de position de l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS), qui conclut à l'admission du recours, A.________ s'est encore déterminée. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le dispositif (ch. 2) de l'arrêt entrepris renvoie la cause à la recourante pour nouvelle décision au sens des considérants. D'un point de vue formel, il s'agit d'une décision de renvoi, soit d'une décision incidente qui ne peut faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral qu'aux conditions de l'art. 93 LTF (ATF 133 V 477 consid. 4.2. et 4.3). Toutefois, la caisse de compensation est tenue de se conformer aux considérations de la juridiction cantonale selon lesquelles elle doit, à compter du 1 er janvier 2021, tenir compte de l'entier du montant du loyer de l'intimée, sans répartition, afin de déterminer les charges de celle-ci. L'arrêt attaqué contient ainsi des instructions impératives destinées à l'autorité inférieure qui ne lui laissent plus aucune latitude de jugement sur ce point pour la suite de la procédure. En cela, la recourante subit un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur son recours (cf. arrêt 9C_246/2022 du 6 décembre 2022 consid. 1.1 et les références).  
 
1.2. La recourante n'a pas qualité pour former un recours en matière de droit public contre l'arrêt entrepris en tant qu'il concerne des prestations complémentaires de droit cantonal (ATF 134 V 53 consid. 2). Dans la mesure où la décision sur opposition ne fait pas le départ entre les prestations complémentaires de droit fédéral et celles de droit cantonal, les conclusions de la recourante - qui ne contiennent pas de précision sur ce point - seront interprétées en ce sens qu'elles se limitent aux prestations complémentaires fondées sur le droit fédéral.  
 
1.3. La loi sur le Tribunal fédéral ne connaît pas l'institution du recours joint (ATF 145 V 57 consid. 10; 144 V 173 consid. 2.1; 138 V 106 consid. 2.1), de sorte qu'en principe, si une partie entend contester une décision sujette à recours devant le Tribunal fédéral, elle doit agir dans le délai de recours de l'art. 100 LTF. A défaut, elle ne peut, dans sa détermination sur le recours, que proposer l'irrecevabilité et/ou le rejet de celui-ci. Elle peut en revanche présenter des griefs contre la décision attaquée à titre éventuel, pour le cas où les arguments du recourant seraient suivis. Ses arguments doivent toutefois rester dans le cadre de l'objet de la procédure de recours devant le Tribunal fédéral (ATF 142 IV 129 consid. 4.1; arrêt 2C_880/2020 du 15 juin 2021 consid. 2.1 et les références). Il suit de ce qui précède que les arguments présentés par l'intimée à l'appui de sa conclusion subsidiaire (irrecevable) peuvent être pris en considération, dans la mesure où ils demeurent dans le cadre de l'objet du litige.  
 
2.  
Le recours en matière de droit public peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), que le Tribunal fédéral applique d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'étant limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). 
 
3.  
Le litige porte sur l'étendue du droit de l'intimée à des prestations complémentaires de droit fédéral dès le 1 er janvier 2021. Compte tenu des conclusions et motifs du recours, il s'agit de déterminer si la juridiction cantonale a admis à bon droit qu'il n'y a pas lieu de procéder à une répartition du loyer entre l'intimée et sa fille mineure dans le calcul du droit aux prestations complémentaires.  
 
4.  
Les premiers juges ont constaté qu'il incombait à l'intimée d'assurer l'entretien de sa fille en vertu d'un devoir légal ou moral, puisqu'elle était mineure et n'était manifestement pas en mesure de réaliser un revenu. Dans cette mesure, il se justifiait de faire une exception à la règle, prévue par l'art. 16c OPC-AVS/AI, selon laquelle le loyer doit être réparti entre toutes les personnes non comprises dans le calcul des prestations complémentaires. Dès lors, l'administration ne pouvait pas tenir compte d'une déduction de la moitié du loyer à titre de participation de l'enfant mineur dans le calcul des prestations complémentaires. Il s'ensuivait que le montant de 5'940 fr. retenu par la recourante comme "participation du colocataire" ne devait pas être déduit des dépenses de l'intimée. 
 
5.  
 
5.1. La recourante reproche aux premiers juges une violation de l'art. 16c OPC-AVS/AI, ainsi que d'avoir constaté les faits de manière arbitraire, en ayant refusé de partager le loyer par moitié entre l'assurée et sa fille. Pour la caisse de compensation, la juridiction cantonale aurait omis à tort de ne pas tenir compte des revenus propres de l'enfant mineur, qui permettraient notamment une participation au paiement du loyer. L'OFAS soutient cette argumentation, en faisant valoir en particulier que l'exception retenue par la juridiction cantonale ne correspondrait pas à la jurisprudence (ATF 142 V 299) et donc à une application uniforme du droit fédéral.  
 
5.2. L'intimée relève pour sa part que le ménage commun avec sa fille repose sur un devoir légal d'entretien et que la juridiction cantonale a appliqué correctement la jurisprudence fédérale (ATF 142 V 299); celle-ci imposerait de faire une exception, en l'espèce, à la règle du partage égal du loyer entre les personnes faisant ménage commun avec l'ayant-droit. Elle fait toutefois valoir que si par hypothèse une répartition du loyer entre l'assurée et sa fille mineure devait être admise, il conviendrait de ne déduire que 20 % du loyer dans le cadre du calcul de ses prestations complémentaires, ce pourcentage correspondant à la part au loyer du parent gardien, fixée dans la contribution d'entretien versée par le père de l'enfant mineur.  
 
6.  
 
6.1. Selon l'art. 9 al. 2 LPC, les dépenses reconnues et les revenus déterminants des conjoints et des personnes qui ont des enfants ayant droit à une rente d'orphelin ou donnant droit à une rente pour enfant de l'AVS ou de l'AI sont additionnés. Il en va de même pour des orphelins faisant ménage commun. En vertu de l'art. 9 al. 4 LPC, il n'est pas tenu compte, dans le calcul de la prestation complémentaire annuelle, des enfants dont les revenus déterminants dépassent les dépenses reconnues.  
L'art. 8 al. 2 OPC-AVS/AI (dans sa teneur en vigueur au 1 er janvier 2021 applicable en l'occurrence [cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1]) prévoit que conformément à l'art. 9 al. 4 LPC, il n'est pas tenu compte, dans le calcul de la prestation complémentaire annuelle, des enfants ayant droit à une rente d'orphelin ou donnant droit à une rente pour enfant de l'AVS ou de l'AI, et dont les revenus déterminants atteignent ou dépassent les dépenses reconnues. Pour déterminer de quels enfants il ne faut pas tenir compte, on comparera les revenus déterminants et les dépenses reconnues, y compris le montant pour l'assurance obligatoire des soins visé à l'art. 10 al. 3 let. d LPC, des enfants susceptibles d'être éliminés du calcul.  
 
6.2. Ni en instance cantonale, ni devant le Tribunal fédéral, les parties ne contestent qu'en application de l'art. 9 al. 4 LPC, la fille de l'assurée n'est pas prise en considération dans le calcul des prestations complémentaires de sa mère, parce que ses revenus déterminants dépassent les dépenses reconnues au sens de l'art. 8 al. 2 OPC-AVS/AI. Il n'y a pas lieu d'y revenir.  
 
7.  
 
7.1. Sous le titre marginal "partage obligatoire du loyer", l'art. 16c OPC-AVS/AI prévoit que lorsque des appartements ou des maisons familiales sont aussi occupés par des personnes non comprises dans le calcul des PC, le loyer doit être réparti entre toutes les personnes. Les parts de loyer des personnes non comprises dans le calcul des PC ne sont pas prises en compte lors du calcul de la prestation complémentaire annuelle (al. 1). En principe, le montant du loyer est réparti à parts égales entre toutes les personnes (al. 2).  
En d'autres termes, l'art. 16c OPC-AVS/AI précise quand le loyer doit être réparti (al. 1) et comment il doit l'être (al. 2) (ATF 127 V 10 consid. 5c). 
 
7.2.  
 
7.2.1. Selon la jurisprudence rendue avant l'entrée en vigueur de l'art. 16c OPC-AVS/AI au 1er janvier 1998, la pratique administrative selon laquelle le montant total du loyer des appartements loués en commun par plusieurs personnes devaient être, en règle générale, réparti à parts égales entre chacune de ces personnes - indépendamment du point de savoir au nom de laquelle le contrat de bail avait été conclu et qui payait le loyer - devait être suivie (arrêt du TFA du 15 juillet 1974, in RCC 1974 p. 510; voir aussi ATF 105 V 271 consid. 2 [dont la portée s'agissant de la situation concrète de vie commune entre un ayant droit et une personne qui prend soin de lui a été fortement relativisée; voir à ce sujet ATF 142 V 299 consid. 5.2.3]). Il s'agissait cependant d'une règle générale, à laquelle il était possible de déroger dans des situations particulières, une exception à la répartition du montant du loyer à parts égales ne devant être admise qu'avec prudence pour éviter le risque de graves abus. Une telle situation pouvait se présenter lorsque l'intéressé avait des motifs valables de supporter à lui seul le loyer, bien qu'il partageât l'appartement avec un tiers, et de ne demander aucune participation de la part de celui-ci au loyer; ces motifs pouvaient être d'ordre juridique (p. ex. une obligation d'entretien), mais aussi d'ordre moral (p. ex. la contrepartie de services rendus gratuitement). La jurisprudence avait ainsi admis une dérogation au partage du loyer dans le cas où la bénéficiaire des prestations complémentaires vivait avec son petit-fils âgé d'un peu plus de six mois au moment où elle l'avait accueilli chez elle. Selon le Tribunal fédéral, il ne pouvait être raisonnablement question d'une location commune d'un appartement, voire d'un rapport de location payant entre l'assurée et son petit-fils (arrêt P 21/90 du 16 novembre 1990). Ce cas a conduit à l'adaptation du ch. 3023 des Directives concernant les prestations complémentaires à l'Assurance-vieillesse, survivants et invalidité (DPC), dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 1992 (jusqu'au 31 décembre 1997) : à titre d'exemple d'une dérogation à la règle du partage du loyer à parts égales, il a été mentionné que les enfants placés chez des parents nourriciers de moins de seize ans n'ont pas à être pris en considération pour la répartition du loyer.  
 
7.2.2. L'art. 16c al. 1 OPC-AVS/AI a été adopté pour ancrer dans la réglementation d'exécution les principes de la pratique administrative en matière de répartition du loyer. Le but de la disposition est d'éviter le financement par les prestations complémentaires de personnes qui ne sont pas incluses dans le calcul des PC (VSI 1998 p. 34). Le ch. 3023 des DPC (dans sa version en vigueur de janvier 1992 à mars 2011), devenu par la suite le ch. 3231.03 (DPC dans leur version à partir d'avril 2011) a été adapté en conséquence: en conformité au texte réglementaire, il indique que les parts du loyer des personnes non comprises dans le calcul des PC ne sont pas prises en compte.  
Depuis l'adoption de l'art. 16c OPC-AVS/AI - qui a été jugé conforme à la législation supérieure (ATF 127 V 10) -, le Tribunal fédéral a considéré que même après l'entrée en vigueur de la disposition, la vie commune sous un même toit ne conduit pas dans tous les cas à la répartition du loyer. D'une part, selon la lettre de la règle d'exécution, le partage ne doit être effectué que si les personnes qui vivent sous le même toit ne sont pas incluses dans le calcul des prestations complémentaires. Une répartition du loyer n'entre dès lors pas en considération pour des conjoints ou des personnes qui vivent avec des orphelins ayant droit à une rente ou des enfants donnant droit à une rente pour enfant de l'assurance-vieillesse et survivants ou de l'assurance-invalidité (cf. art. 10 al. 1 let. b ch. 2 LPC). D'autre part, la jurisprudence rendue jusque-là en matière de répartition du loyer n'a pas perdu toute sa signification, de sorte que des exceptions restent possibles. Notamment, le fait que la cohabitation est dictée par un devoir (d'entretien) juridique ou moral peut conduire à une autre répartition du loyer, voire même - exceptionnellement - à une renonciation à toute répartition du loyer. La jurisprudence rendue sous l'ancien droit reste d'actualité sous l'empire de l'art. 16c OPC-AVS/AI (ATF 142 V 299 consid. 3.2.1; arrêt P 56/00 du 5 juillet 2001 consid. 2b, in VSI 2001 p. 237). 
 
7.2.3. En particulier, le Tribunal fédéral a retenu que des exceptions doivent en tout cas être admises lorsque la cohabitation (gratuite) repose sur une obligation d'entretien du droit civil. A défaut, une répartition du loyer devrait être opérée même lorsque l'ayant droit des prestations complémentaires ferait ménage commun avec ses propres enfants (non compris dans le calcul des prestations complémentaires) dans un appartement commun, ce qui ne saurait manifestement être le sens voulu par l'art. 16c OPC-AVS/AI. Le but de la disposition est d'empêcher que les prestations complémentaires aient également à intervenir à l'endroit de personnes qui ne sont pas comprises dans le calcul des prestations complémentaires. Or indépendamment du fait qu'il ne paraît guère approprié d'évoquer des parts de loyer dans un tel contexte, la répartition du loyer ne serait pas compatible avec le but des prestations complémentaires, qui est de couvrir de manière appropriée les besoins vitaux compte tenu des circonstances concrètes personnelles et économiques. Elle aurait de plus pour conséquence une inégalité de traitement flagrante, en tant que des bénéficiaires avec des enfants sans droit à une rente seraient en règle générale prétérités non seulement envers des bénéficiaires sans enfants mais également en règle générale envers des bénéficiaires avec des enfants qui ouvrent le droit à une rente (ATF 142 V 299 consid. 3.2.2 et les références; arrêts P 53/01 du 13 mars 2002 consid. 3a/bb et P 56/00 du 5 juillet 2001 consid. 2b, in VSI 2001 p. 237). La pratique administrative prend en compte ces principes: le ch. 3231.04 DPC prévoit qu'une répartition différente du loyer est possible dans des cas spéciaux. Ainsi, pour les bénéficiaires de prestations complémentaires qui font ménage commun avec des enfants qui n'ont pas droit à une rente pour enfant, mais vis-à-vis desquels ils ont une obligation d'entretien, aucun partage de loyer n'est en principe opéré.  
 
8.  
 
8.1. Sans remettre en cause les principes jurisprudentiels rappelés ci-avant, que la juridiction cantonale a suivis en admettant la renonciation à toute répartition du loyer parce que la cohabitation de l'intimée et de sa fille s'inscrivait dans le cadre de l'obligation d'entretien de la première à l'égard de la seconde, on constate que les premiers juges n'ont pas pris en considération l'ensemble des circonstances concrètes du cas d'espèce.  
 
8.2. S'il est manifeste que l'intimée a un devoir d'entretien à l'égard de sa fille en vertu de l'art. 276 CC - ce qui justifie en soi, selon la jurisprudence, de s'écarter du principe de la répartition du loyer entre chacune des personnes vivant sous le même toit -, on constate qu'en plus d'une rente pour enfant de l'assurance-invalidité, l'assurée perçoit pour sa fille mineure une contribution d'entretien mensuelle de 745 fr. depuis le 1er août 2018. Ainsi que cela ressort de la convention du 19 juillet 2018 signée entre les parents de l'enfant mineure et ratifiée par la Présidente du Tribunal régional de V.________, cette contribution comprend une part au loyer à hauteur de 200 fr., qui correspond à environ 20 % du loyer de l'intimée s'élevant à 993 fr. [recte: 990 fr.; bail à loyer du 2 décembre 2019]. Une partie de la contribution d'entretien vise dès lors à couvrir les frais de logement de l'enfant mineur.  
Compte tenu de l'ensemble des revenus et dépenses de l'enfant, le calcul comparatif au sens de l'art. 9 al. 4 LPC (en relation avec l'art. 8 al. 2 OPC-AVS/AI) a mis en évidence que le calcul des prestations complémentaires de l'intimée lui était plus favorable sans prendre en considération sa fille. C'est dire que les revenus déterminants de l'enfant - y compris la rente pour enfant et la contribution d'entretien pour l'enfant (ch. 3124.06 DPC) - dépassaient ses dépenses reconnues. Or dans le calcul, la variante "sans enfant" a été effectuée en prenant en considération uniquement le loyer de l'intimée après déduction de la part du loyer de l'enfant, sans qu'il ait été renoncé à une répartition du loyer. Une telle renonciation - qui serait fondée sur l'obligation d'entretien de l'intimée - n'a en effet pas lieu d'être, parce que cela reviendrait à tenir compte d'une part du droit à l'entretien de l'enfant sans égard à ses revenus, ce qui ne serait pas compatible avec le but et le sens de l'art. 9 al. 4 LPC (RALPH JÖHL/PATRICIA USINGER-EGGER, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, in Soziale Sicherheit, 3e éd. 2016, p. 1759 N 70 note de bas de page 271). Par ailleurs, une référence à l'entretien de l'enfant dans ce contexte n'est pas déterminante, parce que le calcul comparatif de l'art. 9 al. 4 LPC permet d'éviter que l'ayant droit qui a la garde de l'enfant et vit avec lui soit moins bien traité en comparaison avec une personne sans enfant, eu égard aux circonstances concrètes personnelles et économiques. Dès lors que le calcul des prestations complémentaires doit être effectué sur la base des seuls revenus et dépenses reconnus par la LPC de l'intimée, sans prendre en considération sa fille, la renonciation à la répartition du loyer au sens de l'art. 16c OPC-AVS/AI n'est pas justifiée (ATF 130 V 263 consid. 5.2; comp. aussi arrêt 9C_242/2018 du 21 février 2018 consid. 4.1). Une telle renonciation n'est pas incompatible avec les principes dégagés par la jurisprudence, dès lors qu'il s'agit ici d'une assurée cohabitant avec sa fille mineure, qui est précisément exclue du calcul des prestations complémentaires parce que ses besoins vitaux sont couverts grâce aux "revenus" qui sont versés pour elle à sa mère. 
 
8.3. En ce qui concerne la répartition des parts de loyer, conformément à la jurisprudence, une dérogation au partage par parts égales est possible - ce qu'exprime l'art. 16c al. 2 OPC-AVS/AI par le terme "En principe" -, en tenant compte de la situation personnelle et économique concrète de l'intéressé, dont l'existence d'une obligation d'entretien à l'égard de son enfant vivant sous le même toit. En effet, il a été reconnu qu'un partage du loyer par tête pouvait conduire à des résultats insatisfaisants (cf. ATF 142 V 299 consid. 3.3.2; 127 V 10 consid. 5c et les références), les exceptions à celui-ci devant rester compatibles avec le système intrinsèque du domaine juridique en question comme avec l'ensemble de l'ordre juridique (ATF 142 V 299 consid. 5.2.1).  
 
8.3.1. Sous l'angle du droit civil, lors du calcul de la contribution à l'entretien de l'enfant (art. 285 CC), il convient de tenir compte d'une participation aux frais de logement du parent gardien dans les frais d'entretien (ATF 147 III 265 consid. 7.2). Le Tribunal fédéral a jugé que l'étendue de cette réduction devait être déterminée dans chaque cas par le juge, au vu du nombre d'enfants et du montant du loyer (arrêt 5A_1065/2020 du 2 décembre 2021 consid. 4.2.3 et la référence). A cet égard, il a déjà admis un pourcentage de 15 %, respectivement de 20 % pour deux enfants (cf. arrêt 5A_803/2021 du 18 mars 2022 consid. 4.2 et les références).  
 
8.3.2. Dans le cas d'une assurée qui vivait séparée de son époux et qui avait un devoir d'entretien envers sa fille mineure - percevant une rente pour enfant de l'assurance-invalidité - et faisant ménage commun avec elle, la participation de l'enfant au loyer de l'intéressée a été fixée, eu égard aux circonstances du cas d'espèce, à un quart (ATF 130 V 263 consid. 5.3).  
Une réduction correspondant à un quart du loyer telle que retenue par le Tribunal fédéral dans l'ATF 130 V 263 n'apparaît pas adéquate en l'espèce. Il est en effet établi que la contribution d'entretien mensuelle perçue par l'intimée en faveur de sa fille comprend une participation au loyer à hauteur de 200 fr. (consid. 8.2 supra). Dès lors et en pareil cas, soit lorsque le calcul de la contribution d'entretien qui couvre l'entretien de l'enfant (et ratifié par l'autorité compétente) comprend une part au loyer, il sied de prendre en considération cette part dans la répartition prévue par l'art. 16c OPC-AVS/AI, de sorte que les charges du parent bénéficiaire de la prestation complémentaire en sont réduites d'autant. Par conséquent, la part du loyer mensuel afférente à sa fille et qui doit être déduite du montant du loyer à prendre en considération à titre de charges de l'intimée s'élève à 200 fr., soit 2'400 fr. par année. 
Cette solution permet d'assurer une cohérence avec la fixation des contributions d'entretien du droit de la famille d'une part, et de garantir que l'objectif des prestations complémentaires, à savoir une couverture appropriée des besoins vitaux en tenant compte de la situation personnelle et économique concrète soit réalisé d'autre part (supra consid. 7.2.3 et 8.2). A cet égard, l'argumentation de l'OFAS, selon laquelle une répartition différente de celle à parts égales conduirait à favoriser les bénéficiaires de prestations complémentaires dont les enfants sont au bénéfice d'une contribution d'entretien par rapport aux bénéficiaires ayant des enfants pour lesquels ils ne reçoivent pas de contribution d'entretien n'emporte pas la conviction. En effet, dans le cadre du calcul comparatif effectué en l'espèce par la caisse de compensation (consid. 8.2 supra), l'assurée pouvait prétendre à une prestation complémentaire mensuelle de 949 fr., en tenant compte d'un plein loyer et de la contribution d'entretien reçue pour sa fille mineure, alors qu'en ne retenant que la moitié du loyer et l'absence de contribution d'entretien dans la détermination des revenus, la prestation complémentaire mensuelle s'élevait à 1'129 fr. 
 
9.  
Il s'ensuit que le recours est partiellement admis. L'arrêt du 22 février 2022 doit être annulé et la cause renvoyée à la Caisse afin qu'elle procède, pour les prestations complémentaires de droit fédéral, à un nouveau calcul du droit de l'assurée. Dans ce contexte, la caisse de compensation déduira dès le 1er janvier 2021 des charges de l'intimée la somme annuelle de 2'400 fr. à titre de participation de sa fille mineure au loyer. 
 
10.  
Les frais judiciaires doivent être répartis par moitié entre les parties, dans la mesure o ù la recourante ne voit ses conclusions que partiellement admises. L'intimée a droit à des dépens réduits (art. 68 al. 1 LTF). La requête d'assistance judiciaire qu'elle a présentée est, pour cette partie de la procédure, sans objet. Pour le surplus, les conditions de l'assistance judiciaire sont réunies (art. 64 al. 1 et 2 LTF), de sorte que la part des frais judiciaires mise à la charge de l'intimée ainsi que la part des honoraires de l'avocat d'office qui n'est pas couverte par le montant des dépens réduits seront supportés par la Caisse du Tribunal fédéral. L'attention de l'intimée est cependant attirée sur le fait qu'elle devra rembourser la Caisse du Tribunal si elle devient ultérieurement en mesure de le faire (art. 64 al. 4 LTF). 
Compte tenu de l'issue du litige en instance fédérale, la juridiction cantonale statuera à nouveau sur les frais et les dépens de la procédure antérieure (art. 67 et 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. L'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, du 22 février 2022 et la décision de la Caisse cantonale neuchâteloise de compensation du 28 mai 2021 sont annulés. La cause est renvoyée à la Caisse afin qu'elle rende une nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
2.  
L'assistance judiciaire est accordée et M e Melvin L'Eplattenier est désigné comme avocat d'office de l'intimée.  
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis pour 250 fr. à la charge de la recourante, et pour 250 fr. à la charge de l'intimée. Les frais judiciaires mis à charge de l'intimée sont toutefois supportés provisoirement par la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
4.  
La recourante versera une indemnité réduite de 1'400 fr. à l'avocat de l'intimée à titre de dépens pour la procédure fédérale. 
 
5.  
Une indemnité de 1'400 fr., supportée par la Caisse du Tribunal fédéral, est allouée à l'avocat de l'intimée à titre d'honoraires. 
 
6.  
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, afin qu'il statue à nouveau sur les dépens de la procédure antérieure. 
 
7.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 26 avril 2023 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Bürgisser