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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4C.66/2004/ech 
 
Arrêt du 1er juin 2004 
Ire Cour civile 
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges Corboz, président, Klett, Nyffeler, Favre et Kiss. 
Greffière: Mme Aubry Girardin. 
 
Parties 
la banque A.________, 
défenderesse et recourante, représentée par Me Cécile Ringgenberg, et par Me Carlo Lombardini, 
 
contre 
 
la banque B.________, 
demanderesse et intimée, représentée par Me Jacques Cottier. 
 
Objet 
accréditif; paiement anticipé; fraude 
 
(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice genevoise du 12 décembre 2003). 
 
Faits: 
 
A. 
C.________ est une société genevoise active notamment dans le commerce de matières premières. Elle était en relation d'affaires depuis plusieurs années avec la banque B.________, succursale (recte: filiale) suisse de la banque française B.________. 
 
A partir de 1998, C.________ a connu des difficultés financières, mais B.________ n'en a eu connaissance qu'en juillet 1999. Jusqu'à cette année-là, les opérations commerciales menées par C.________ et financées par B.________ s'étaient déroulées régulièrement et la banque avait confiance en sa cliente. 
 
B.________ accordait des financements à C.________ sous forme d'avances en blanc consenties pour permettre à cette dernière d'acheter des métaux qu'elle revendait ensuite. Le paiement des marchandises s'effectuait en "open account": C.________ adressait à B.________ des instructions de paiement écrites, sans joindre les factures, de sorte que la banque ignorait l'identité des fournisseurs. Le prix des marchandises était versé par l'acheteur au moyen de lettres de crédit à paiement différé que B.________ confirmait en général et escomptait à C.________ avant l'échéance. 
 
B. 
Le 22 janvier 1999, sur instruction de C.________, B.________ a viré, sous forme d'avance en blanc non garantie, la somme de US$ 792'102,36 sur le compte de la société D.________ Ltd auprès de E.________Bank. Ce montant a été débité du compte de C.________ auprès de B.________. 
 
Le 22 février 1999, la banque A.________, dont le siège est à Dubaï, a émis une lettre de crédit irrévocable, sur requête de la société F.________ Ltd (ci-après: F.________), sise aux Emirats Arabes Unis, en faveur de C.________ pour un montant de US$ 851'700. 
 
Cet accréditif irrévocable devait être confirmé par B.________ sur requête de A.________. Il était valable jusqu'au 21 avril 1999 et payable auprès de B.________ à Genève, à 180 jours dès la date de présentation des documents à la banque confirmante. Il se référait à 25'500 kg. d'un alliage de plomb et d'argent qui devait être expédié à Dubaï depuis un port européen. 
Le 24 février 1999, B.________ a notifié à C.________ la lettre de crédit en y ajoutant sa confirmation. 
 
Le 26 février 1999, B.________ a reçu les documents. Après vérification, la banque les a considérés comme conformes aux conditions de l'accréditif et, le 2 mars 1999, elle les a transmis à A.________, signalant à la banque émettrice qu'elle demanderait le paiement de US$ 851'599,80 à l'échéance, le 30 août 1999. 
 
Le 3 mars 1999, B.________ a crédité le compte de C.________ d'un montant de US$ 820'075, soit la contre-valeur des documents présentés dans le cadre de l'accréditif, sous déduction d'un escompte, de commissions et de frais divers. Ce paiement anticipé sous forme d'escompte est venu rembourser l'avance en blanc consentie le 22 janvier 1999. L'avis de crédit mentionnait "notre escompte sans recours sur le risque financier uniquement". Il a été retenu que, pour B.________, cette clause signifiait que la banque n'entendait assumer que le risque "pays" et le risque d'insolvabilité de la banque émettrice, à l'exclusion du risque commercial pouvant opposer l'acheteur au vendeur. 
 
Le paiement anticipé a été accordé avant même la réception et l'acceptation des documents par A.________. Ce faisant, B.________ a escompté son propre engagement et n'en a pas informé A.________. 
 
Tous les précédents accréditifs à paiement différé en faveur de C.________ avaient également été escomptés par B.________, qui n'avait pas pour habitude d'en aviser la banque émettrice. 
 
Le 9 mars 1999, sur la base des documents correspondant aux conditions de l'accréditif, A.________ a endossé les connaissements et les a remis à F.________, afin que cette dernière puisse disposer de la marchandise. En échange, F.________ a remis à A.________ des billets à ordre d'une valeur égale au montant de l'accréditif échéant au 30 août 1999. F.________, qui était alors en mesure de prendre possession des marchandises sans les payer immédiatement, pouvait les vendre et honorer l'accréditif à l'échéance. 
 
Le 10 mars 1999, A.________ a informé B.________ qu'elle acceptait les documents jugés conformes également par ses soins et qu'elle payerait les US$ 851'579,80 dus selon l'accréditif à l'échéance du 30 août 1999. 
A.________ n'a pas informé B.________ qu'elle s'était dessaisie des documents en faveur du donneur d'ordre. 
 
C. 
Au début du mois de mai 1999, B.________ a eu connaissance de rumeurs de fraude perpétrée par F.________ et en a tout de suite informé C.________. 
 
Avant le 7 mai 1999, C.________ a avisé B.________ que F.________ rencontrait des difficultés et tentait d'obtenir des banques un rééchelonnement de ses dettes. A.________ a également été alertée à la mi-mai 1999. 
 
Le 17 mai 1999, B.________ a sommé C.________ de lui fournir divers documents et de lui prouver d'une part que les marchandises avaient bien été embarquées et délivrées à Dubaï et, d'autre part, que les connaissements n'étaient pas apocryphes. 
 
A fin mai 1999, l'ICC-International Maritime Bureau, chargé d'enquêter notamment sur les cas de fraude maritime, a appris que le contenu réel du container qui devait être financé par l'accréditif litigieux n'était pas conforme à ce qui avait été convenu. Elle en a informé A.________ le 27 mai 1999. 
 
Le 1er juin 1999, A.________, sur requête de B.________, a indiqué qu'elle avait endossé les connaissements et qu'elle les avait remis au donneur d'ordre le 9 mars 1999. 
 
Le 7 juin 1999, B.________ a fait parvenir à C.________ les premiers rapports reçus de l'ICC, réitérant sa demande du 17 mai 1999 tendant à l'obtention de différents documents. 
 
Le 11 juin 1999, C.________ a répondu à B.________ qu'elle ignorait tout de la fraude de F.________, rappelant qu'elle s'était toujours limitée au financement des affaires passées avec celle-ci. 
 
Le 28 juin 1999, B.________ a informé C.________ qu'elle déclinait toute responsabilité, invitant cette société à lui fournir un dépôt de garantie de US$ 5 millions, ainsi qu'un engagement tendant à couvrir tout dommage qui serait dû à un non-règlement des contreparties bancaires. 
 
Un second rapport de l'ICC du 15 juillet 1999 a confirmé que la fraude s'étendait également au contenu du deuxième container concerné par l'accréditif. 
 
L'enquête a révélé que, dans les opérations commerciales financées par le biais de C.________, soit aucune marchandise n'était transportée, soit celle-ci avait une valeur très inférieure à celle indiquée dans les documents. L'argent non affecté à l'achat des marchandises était détourné par F.________. Le préjudice global a été évalué à US$ 300 millions. 
 
C.________ était la bénéficiaire de l'accréditif et apparaissait ainsi comme la venderesse. Il a toutefois été retenu que son rôle réel était difficile à cerner et que cette société agissait plutôt comme un intermédiaire financier. Elle n'avait, contrairement aux apparences, pas participé à l'expédition des marchandises, mais elle savait que la vente financée était fictive. 
 
La fraude étant avérée, A.________ et B.________ ont cherché en vain à trouver un compromis à l'échéance de l'accréditif litigieux. 
 
Le 2 août 1999, A.________ a déposé une plainte pénale à Genève contre les responsables de C.________, qui a été jointe à une autre procédure pénale en cours depuis le 10 juin 1999. 
 
La requête de mesures provisionnelles urgentes sollicitées par A.________ le 26 août 1999 en vue d'interdire à B.________ de lui réclamer à l'échéance le montant dû en vertu de l'accréditif litigieux a été rejetée par décision du 21 septembre 1999. 
 
A l'échéance du 30 août 1999, A.________ n'a pas payé à B.________ le montant de l'accréditif et n'a pas obtenu, pour sa part, le paiement des traites remises par F.________ le 9 mars 1999. 
 
D. 
Le 5 novembre 1999, B.________ a déposé, auprès des autorités judiciaires genevoises, une demande en paiement à l'encontre de A.________ pour un montant total de US$ 851'579,80 plus intérêt. 
 
Par jugement du 13 février 2003, le Tribunal de première instance a condamné A.________ à verser à B.________ US$ 851'599,80 sous déduction de US$ 20, avec intérêt à 5 % l'an dès le 31 août 1999. 
 
Statuant sur appel de A.________, la Chambre civile de la Cour de justice genevoise a confirmé ce jugement par arrêt du 12 décembre 2003. 
 
E. 
Parallèlement à un recours de droit public, A.________ (la défenderesse) interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral à l'encontre de l'arrêt du 12 décembre 2003. Elle conclut à l'annulation de la décision entreprise et au déboutement de B.________ de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens. 
 
B.________ (la demanderesse) propose, sous suite de frais et dépens, le rejet du recours dans la mesure où il est recevable et la confirmation de l'arrêt attaqué. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
 
1. 
Selon l'art. 57 al. 5 OJ, lorsque la décision attaquée est en même temps l'objet d'un recours en réforme et d'un recours de droit public, il est sursis en règle générale à l'arrêt sur le premier recours jusqu'à droit connu sur le second. Il peut toutefois être dérogé à ce principe dans des situations particulières qui justifient l'examen préalable du recours en réforme. Il en va notamment ainsi lorsque la décision sur le recours de droit public ne peut avoir aucune incidence sur le sort du recours en réforme (ATF 123 III 213 consid. 1 p. 215), ce qui est le cas si le recours en réforme paraît devoir être admis indépendamment des griefs soulevés dans le recours de droit public (ATF 122 I 81 consid. 1; 120 Ia 377 consid. 1 et les arrêts cités). Cette hypothèse étant en l'occurrence réalisée, le recours en réforme sera traité avant le recours de droit public. 
 
2. 
2.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions libératoires et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile (cf. ATF 129 III 415 consid. 2.1) dont la valeur litigieuse dépasse largement le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile compte tenu des féries (art. 34 al. 1 let. c et 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ). 
 
2.2 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 63 al. 1 OJ), mais il n'est pas lié par les motifs invoqués par celles-ci (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 129 III 129 consid. 8; 128 III 22 consid. 2e/cc p. 29). 
 
2.3 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2; 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Hormis ces exceptions que le recourant doit invoquer expressément, il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). 
 
Dans la mesure où les parties présentent certains faits qui ne figurent pas dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'en sera pas tenu compte (cf. ATF 130 III 102 consid. 2.2). 
 
3. 
3.1 Selon l'arrêt entrepris, la défenderesse A.________ a émis, le 22 février 1999, une lettre de crédit irrévocable sur requête de F.________ en faveur de C.________, pour un montant de US$ 851'700. Cet accréditif était valable jusqu'au 21 avril 1999 et payable auprès de la demanderesse B.________ (la banque confirmante) à Genève, à 180 jours dès la date de la présentation des documents. A la fin du mois de février 1999, la demanderesse a confirmé le crédit documentaire et a vérifié les documents qui paraissaient conformes aux conditions de l'accréditif. Le 3 mars 1999, après avoir transmis les documents à la banque émettrice et lui avoir signalé qu'elle demanderait le paiement à l'échéance, la demanderesse a versé par anticipation le montant de l'accréditif à C.________, sous déduction d'un escompte et de commissions, sans en aviser la banque émettrice. Le 10 mars 1999, la défenderesse a informé la demanderesse qu'elle acceptait les documents jugés conformes et qu'elle paierait la somme due selon l'accréditif à l'échéance du 30 août 1999. Postérieurement au paiement anticipé, mais avant l'échéance, une fraude a été révélée. 
Le litige oppose les deux banques parties à ce rapport d'accréditif et revient à déterminer si, dans les circonstances qui viennent d'être évoquées, la banque émettrice est ou non tenue de rembourser le montant du crédit documentaire à la banque confirmante. 
 
3.2 La cour cantonale a admis les prétentions en paiement formées par la banque confirmante. Elle a en substance relevé qu'il ne lui appartenait pas de s'écarter de la jurisprudence suisse selon laquelle il était possible d'escompter un accréditif à paiement différé, de sorte qu'en payant de manière anticipée, la demanderesse n'avait pas violé ses obligations contractuelles. Dès l'acceptation des documents, par ailleurs correctement vérifiés, elle disposait ainsi d'une créance envers la défenderesse. Les conséquences de la fraude révélée entre le paiement anticipé et l'échéance de l'accréditif ont ensuite été examinées. Tout en retenant que C.________ savait que la vente financée était fictive, les juges ont souligné que la fraude était avant tout l'oeuvre du donneur d'ordre. Ils n'en ont toutefois rien déduit, estimant que seul un abus de droit de la part de la demanderesse permettrait à la défenderesse de refuser valablement le remboursement de l'accréditif, ce qui n'était pas le cas, puisqu'au moment de l'escompte, la fraude n'était pas encore révélée. L'arrêt attaqué souligne encore que, comme la défenderesse n'avait plus les documents à disposition, elle devait de toute manière rembourser la demanderesse. 
 
3.3 Dans son recours en réforme, la défenderesse se plaint d'une violation des art. 397 al. 1, 398 al. 2 et 402 al. 1 CO. Elle soutient en résumé qu'en payant par anticipation, la banque confirmante ne s'est pas conformée au mandat la liant à la banque émettrice et qu'elle a créé une situation préjudiciable aux intérêts de sa mandante. De plus, comme la demanderesse peut réclamer au bénéficiaire la restitution de la somme versée, elle n'est pas légitimée à en exiger le remboursement auprès de la banque émettrice. Enfin, la défenderesse relève que la motivation liée à la non-remise des documents est totalement infondée. 
 
3.4 Avant d'examiner les critiques soulevées dans le recours, il convient de vérifier le for et le droit applicable (cf. infra consid. 4), puis de définir les caractéristiques du crédit documentaire en cause et les relations juridiques entre les parties (cf. infra consid. 5). 
 
4. 
4.1 Le litige comporte des éléments d'extranéité, notamment en raison du fait que la défenderesse est un établissement bancaire dont le siège se trouve à Dubaï. Les parties n'ayant pas conclu de clause d'élection de for ni de droit et en l'absence de traité international entre la Suisse et les Emirats Arabes Unis, la LDIP est applicable (cf. art. 1 LDIP). 
 
S'agissant d'une dette d'argent, il n'est à juste titre pas contesté que les tribunaux suisses sont compétents, le for du lieu d'exécution de la prestation se situant à Genève, au siège de la banque qui invoque la créance (cf. art. 113 LDIP; art. 74 al. 2 ch. 1 CO). 
 
Le droit applicable, désigné selon la lex fori, est celui avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits (art. 117 al. 1 LDIP). Dans un litige portant sur les relations entre une banque confirmante et une banque émettrice, on considère que c'est la banque confirmante qui fournit la prestation caractéristique (ATF 119 II 173 consid. 2, rappelé in ATF 121 III 436 consid. 4b/bb). La demanderesse ayant son siège à Genève, c'est donc bien le droit suisse qui est applicable, ce qui correspond du reste au droit sur lequel les parties se fondent. 
 
4.2 Il y a également lieu de tenir compte des Règles et usances uniformes de la Chambre de commerce internationale, dans leur version de 1993 (ci-après: RUU 500). En effet, bien que l'arrêt attaqué ne précise pas si le crédit documentaire en cause renvoie aux RUU, ces règles trouvent de toute manière application dans les rapports d'accréditif entre deux banques (ATF 78 II 42 consid. 2; cf. en ce sens Lombardini, Droit bancaire suisse, Zurich 2002, p. 327 no 36; Guggenheim, Les contrats de la pratique bancaire suisse, 4e éd. Genève 2000, p. 387). 
 
5. 
5.1 Dans le commerce international, l'accréditif ou crédit documentaire est un instrument de garantie de paiement qui tend à protéger les deux parties ayant conclu généralement une vente à distance (Tevini Du Pasquier, Commentaire romand, n. 2 ad Appendice aux art. 466-471 CO), en les assurant de l'exécution correcte du contrat (ATF 113 III 26 consid. 2a; Koller, Commentaire bâlois, n. 2 ad Anhang zum 18. Titel). Il fait intervenir des intermédiaires indépendants et solvables, les banques, qui jouent un rôle essentiel (Dohm, FJS no 314, p. 3). Ainsi, l'acheteur se trouvant à l'étranger s'adresse à une banque située habituellement dans son pays (la banque émettrice) et la charge de verser au vendeur le montant de l'accréditif contre remise des titres prévus dans le crédit documentaire (ATF 114 II 45 consid. 4b p. 49). La banque émettrice fait, pour sa part, en général appel à une banque correspondante se trouvant dans le pays du vendeur, afin qu'elle communique à celui-ci l'ouverture de l'accréditif, voire qu'elle le confirme (ATF 113 III 26 consid. 2a p. 30). 
 
La relation d'accréditif entre le donneur d'ordre et la banque émettrice se caractérise comme une combinaison entre un mandat (art. 394 ss CO) et une assignation (art. 466 ss CO; ATF 117 III 76 consid. 6a; 114 II 45 consid. 4a p. 48). Lorsqu'il est fait appel à une seconde banque, le rapport entre les parties devient alors quadrangulaire (Tevini Du Pasquier, Le crédit documentaire en droit suisse, thèse Genève 1990, p. 15 s.; Dohm, FJS no 314 p. 18). Si cette banque confirme l'accréditif, une relation identique à celle existant entre le donneur d'ordre et la banque émettrice se noue entre cette dernière et la banque confirmante, qui s'engage de la même manière envers le bénéficiaire (Schönle, Rechtsprobleme des Dokumentenakkreditivs mit hinausgeschobener Zahlung, in Droit des obligations et droit bancaire, Genève 1995, p. 241 ss, 242). La banque confirmante est mandatée et assignée par la banque émettrice et sous-mandataire du donneur d'ordre, alors que le bénéficiaire (le vendeur) est deux fois assignataire (cf. ATF 114 II 45 consid. 4b p. 49). Les règles du mandat, en particulier l'art. 402 CO, sont donc applicables entre la banque émettrice et la banque confirmante (Engel, Contrats de droit suisse, 2e éd. Berne 2000, p. 756). Ainsi, la banque confirmante qui paie au bénéficiaire un crédit documentaire pourra obtenir de la banque émettrice son remboursement sur la base de l'art. 402 al. 1 CO (Guggenheim, op. cit., p. 385). En payant le bénéficiaire, la banque n'acquiert pas par subrogation la créance de ce dernier contre le donneur d'ordre (Lombardini, Droit et pratique du crédit documentaire, 2e éd. Bâle 2000, p. 23 no 76). 
 
5.2 Le crédit documentaire irrévocable signifie que la banque émettrice s'engage fermement à exécuter l'accréditif en faveur du bénéficiaire, pour autant que les documents stipulés soient remis à la banque désignée ou à la banque émettrice et que les conditions du crédit soient respectées (art. 9a RUU 500). En l'absence d'indication, un crédit documentaire est présumé irrévocable (cf. art. 6c RUU 500; de Gottrau, Le crédit documentaire et la fraude, thèse Genève 1999, p. 19). 
 
5.3 On parle de crédit documentaire à paiement différé lorsque le moment de l'utilisation du crédit, c'est-à-dire le moment de la présentation des documents, ne correspond pas au moment du paiement (ATF 122 III 73 consid. 6a/aa p. 75 s.). Ce mode de réalisation a pour fonction de procurer du crédit au donneur d'ordre et de le libérer de l'obligation de s'exécuter trait pour trait (cf. ATF 100 II 145 consid. 4b p. 152). Ainsi, le paiement au bénéficiaire n'intervient pas au moment où les documents sont levés, mais à une date ultérieure stipulée dans le crédit; le donneur d'ordre peut donc entrer en possession de la marchandise, avant d'en verser le prix. Il a alors la faculté de revendre les biens avant l'échéance et sera en mesure de payer le montant du crédit documentaire au jour prévu du règlement (ATF 122 III 73 consid. 6a/aa p. 76 et les références citées). 
 
6. 
Pour s'opposer à son obligation de rembourser le montant du crédit documentaire irrévocable à paiement différé à la banque confirmante, la défenderesse se prévaut d'une fraude. Il convient donc, dans un premier temps, d'examiner si cet élément aurait permis à la banque assignée de refuser le versement du montant de l'accréditif au bénéficiaire à l'échéance. Ce n'est en effet que dans cette hypothèse qu'il faudra se demander qui, de la banque émettrice ou de la banque confirmante, doit en supporter les conséquences. 
 
6.1 Il découle des règles de l'assignation applicables au crédit documentaire (cf. supra consid. 5.1) que, dès l'acceptation sans réserve de l'assignation, la banque assignée est obligée d'effectuer le versement, sans pouvoir faire valoir des exceptions tirées du rapport de provision ou du rapport de valeur (art. 468 al. 1 CO; cf. ATF 127 III 553 consid. 2e/bb p. 557; 124 III 253 consid. 3b p. 256). Il s'agit de la concrétisation du principe de l'abstraction, qui est une règle essentielle du crédit documentaire (de Gottrau, thèse op. cit., p. 191; Koller, op. cit., n. 16 ad Anhang zum 18. Titel). Seule l'existence d'un abus de droit (art. 2 al. 2 CC) permet à la banque assignée de ne pas fournir sa prestation (ATF 115 II 67 consid. 2b p. 71 s.; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 4C.344/2002 du 12 novembre 2003 consid. 5.1). 
 
La jurisprudence se montre toutefois très restrictive et n'admet la faculté pour l'assigné de se prévaloir d'un abus de droit du fait d'un vice affectant le rapport de valeur que dans des cas particulièrement graves (arrêt du Tribunal fédéral 4C.172/2001 du 28 mars 2001 in PJA 2002 p. 464 ss, consid. 4b; en ce sens également ATF 100 II 145 consid. 4b p. 151). Il faut que l'illicéité ou la contrariété aux moeurs de la créance de base soit évidente; le vice doit être patent sur le plan juridique et sa démonstration doit pouvoir être apportée de façon immédiate en fait; le moment déterminant pour juger de la réalisation de ces conditions est celui où l'assignataire réclame l'exécution de l'assignation; on admet que l'assignataire abuse de son droit lorsqu'il sait ou doit savoir qu'il ne dispose d'aucun droit actuel ou futur en vertu du rapport de valeur, sur la base de preuves immédiatement disponibles (arrêt du 28 mars 2001 précité, in PJA 2002 p. 467 ss, consid. 4c; confirmé in arrêt du 12 novembre 2003 précité, consid. 5.1). Tel est en particulier le cas s'agissant d'un crédit documentaire en présence de machinations frauduleuses (ATF 100 II 145 consid. 4b p. 151), par exemple lorsqu'il est établi que la vente à la base de l'accréditif porte sur des marchandises inexistantes ou d'une valeur bien moindre que le montant que la banque s'est engagée à verser à l'assignataire (Koller, Bemerkungen, PJA 2002 p. 464 ss, 469; de Gottrau, thèse op. cit., p. 113; Dohm, FJS no 315 p. 15; Schütze, Das Dokumentenakkreditiv im internationalen Handelsverkehr, 5e éd. Heidelberg 1999, p. 176). 
 
6.2 En l'espèce, il ressort des constatations cantonales qu'une fraude a été révélée après le paiement anticipé par la demanderesse et la vérification des documents par les banques, mais avant l'échéance de l'accréditif. L'enquête menée par l'ICC a permis d'établir, fin mai 1999, que le contenu réel du premier container qui devait être financé par l'accréditif litigieux n'était pas conforme à ce qui était convenu et, dans un rapport du 15 juillet 1999, l'ICC a confirmé qu'il en allait de même s'agissant du deuxième container concerné par l'accréditif. Ces opérations s'inséraient dans le cadre d'autres fraudes similaires, dans lesquelles la marchandise à transporter était inexistante ou d'une valeur très inférieure à celle indiquée dans les documents. C.________ apparaissait formellement en qualité d'expéditrice et de venderesse, se faisant rembourser par F.________ l'avance consentie par le biais d'une vente fictive, payée par un accréditif à paiement différé d'ordre de cette dernière. Il a toutefois été constaté que son rôle réel était difficile à cerner et que C.________ semblait plutôt agir comme intermédiaire financier. Elle ne participait pas à l'expédition des marchandises, mais elle savait que la vente financée était fictive. 
 
Il découle de ces éléments qu'avant l'échéance de l'accréditif, l'enquête de l'ICC a permis d'établir que les livraisons financées par le crédit documentaire ne correspondaient pas à ce qui était convenu. Il a également été constaté que C.________ était au courant du caractère fictif de la vente, de sorte que, même si l'opération a été initiée par F.________, le bénéficiaire était également impliqué (cf. sur ce type de fraude: de Gottrau, thèse op. cit., p. 113). La demanderesse ne peut donc être suivie lorsqu'elle affirme que l'on est en présence d'une fraude émanant du seul donneur d'ordre. En outre, il importe peu qu'aucun jugement condamnatoire n'ait été prononcé avant le 30 août 1999, dès lors qu'il suffit que la manoeuvre frauduleuse apparaisse évidente à ce moment, ce qui est le cas en l'occurrence. Le montage litigieux s'inscrit du reste dans le cadre d'une opération de grande envergure, citée comme un exemple caractéristique de fraude dans l'accréditif à paiement différé (cf. de Gottrau, Crédit documentaire et garantie bancaire: fraude dans l'accréditif à paiement différé et choix des parties citées dans les mesures provisionnelles, in Journée 2001 de droit bancaire et financier, Berne 2002, p. 65 ss, 67). Conformément à la jurisprudence précitée, la banque assignée aurait donc pu valablement opposer l'exception d'abus de droit à C.________ pour refuser le paiement de l'accréditif, si elle s'était exécutée à l'échéance du 30 août 1999. 
 
7. 
Dans ce contexte, il faut s'interroger sur les conséquences d'une telle fraude quant à l'obligation de la banque émettrice de rembourser à l'échéance la banque confirmante. 
 
7.1 Cette question, qualifiée de délicate et controversée par la doctrine (cf. notamment de Gottrau, Crédit documentaire op. cit., p. 67), suppose tout d'abord de déterminer si l'on peut reprocher à la banque confirmante d'avoir violé ses obligations découlant du crédit documentaire en versant le montant de l'accréditif au bénéficiaire avant l'échéance sous forme d'un escompte, ce qu'affirme la défenderesse. Si tel devait être le cas, cette dernière pourrait, en application de l'art. 398 al. 2 CO, refuser de payer à l'échéance en invoquant la fraude subséquente avérée. 
7.1.1 Dans un arrêt datant de 1974, le Tribunal fédéral s'est prononcé sur la problématique du paiement anticipé d'un accréditif à paiement différé, alors que cet instrument n'était pas encore réglé dans les RUU (cf. ATF 100 II 145 consid. 3c). Il a indiqué que, comme le crédit documentaire à paiement différé ne sert qu'à procurer du crédit au donneur d'ordre et à le libérer de l'obligation de s'exécuter trait pour trait, la banque émettrice peut, sauf convention contraire et si l'assignataire le souhaite, s'acquitter de son obligation de paiement avant l'échéance, conformément à l'art. 81 CO. Ce faisant la banque ne viole pas l'art. 397 CO qui lui impose de suivre précisément les instructions du donneur d'ordre (ATF 100 II 145 consid. 4c p. 151). 
7.1.2 La défenderesse soutient que cette jurisprudence n'est plus applicable compte tenu des nouvelles dispositions figurant dans les RUU, qui traitent désormais du crédit documentaire à paiement différé. 
 
L'art. 9a/ii des RUU 500 indique qu'en présence d'un crédit irrévocable à paiement différé, la banque émettrice doit, pour autant que les documents stipulés aient été remis et que les conditions du crédit soient respectées, payer à la date ou aux dates d'échéance déterminable(s) conformément aux stipulations du crédit. Si une banque confirmante intervient, l'art. 9b/ii RUU 500 précise que la confirmation d'un crédit irrévocable constitue un engagement ferme de la banque confirmante s'ajoutant à celui de la banque émettrice, de sorte que, si le crédit est réalisable par paiement différé, celle-ci doit également payer à la date ou aux dates d'échéances déterminable(s) conformément aux stipulations du crédit. 
 
Certains auteurs en déduisent qu'un paiement anticipé n'est pas compatible avec l'accréditif à paiement différé tel que décrit à l'art. 9 RUU 500 (Caprioli, Le crédit documentaire: évolution et perspectives, Paris 1992, p. 246; Lombardini, Droit bancaire, op. cit., p. 323 no 22; du même auteur, Droit et pratique, op. cit., p. 26 no 85). Cette position ne ressort toutefois pas clairement du texte de l'art. 9 RUU 500, de sorte que rien ne permet d'affirmer que la banque assignée violerait les RUU en versant le montant du crédit documentaire à paiement différé au bénéficiaire avant l'échéance (cf. en ce sens: de Gottrau, Crédit documentaire op. cit., p. 77 s.). Sous l'angle du droit suisse, il n'y a donc aucune raison de s'écarter de la position soutenue par la Cour de céans dans l'arrêt de 1974, selon laquelle les règles du crédit documentaire ne s'opposent pas à ce que la banque assignée, en application de l'art. 81 al. 1 CO, paie de manière anticipée le montant de l'accréditif à paiement différé (ATF 100 II 145). Cet avis est du reste partagé par la doctrine majoritaire (cf. notamment Guggenheim, op. cit., p. 402 s.; Stauder, Das Dokumentenakkreditiv mit hinausgeschobener Zahlung, in Liber Amicorum A. Schnitzer, Genève 1979, p. 433 ss, 451; Dohm, FJS no 315 p. 13; position différente, Tevini Du Pasquier, Le crédit documentaire, op. cit., p. 65 s.) et correspond à l'usage bancaire suisse et étranger (de Gottrau, Crédit documentaire, op. cit., p. 77; Engel, op. cit., p. 758). 
Par conséquent, à moins que les parties l'aient expressément exclu (cf. art. 397 al. 1 CO), ce qui n'est pas le cas en l'occurrence, il y a lieu de considérer que la banque assignée ne viole pas les art. 394 ss CO ou les RUU 500 lorsqu'elle s'acquitte du crédit documentaire avant l'échéance. 
 
7.2 Il faut encore se demander si le donneur d'ordre ou la banque émettrice peut tout de même se prévaloir d'une fraude révélée postérieurement au paiement par anticipation pour refuser de rembourser la banque assignée à l'échéance. 
7.2.1 Le Tribunal fédéral n'a pas directement abordé la question. Dans l'ATF 100 II 145 précité, la Cour de céans, après avoir admis le principe du paiement anticipé, a certes confirmé un jugement cantonal rejetant l'action des donneurs d'ordre (acheteurs) qui invoquaient une fraude pour essayer de récupérer les avoirs qu'ils avaient mis en gage auprès de la banque, mais sans motiver précisément sa position. 
7.2.2 La doctrine est partagée sur le sujet. 
 
Pour les auteurs minoritaires qui soutiennent qu'en payant de manière anticipée, la banque commet une irrégularité (cf. supra consid. 7.1.2), il est logique que celle-ci ne puisse exiger d'être remboursée à l'échéance si un cas de fraude survient (cf. en ce sens, Caprioli, op. cit., p. 246; Tevini Du Pasquier, Le crédit documentaire, op. cit., p. 65 s). 
 
Parmi les tenants de la théorie majoritaire, selon laquelle le paiement anticipé est compatible avec l'institution du crédit documentaire à paiement différé, plusieurs courants se dégagent. Les uns, invoquant l'ATF 100 II 145, considèrent que, dès lors que la fraude n'est pas encore connue au moment du paiement anticipé, le donneur d'ordre ou la banque émettrice ne peut invoquer l'art. 2 al. 2 CC pour s'exonérer de ses obligations de payer à l'échéance, même si une fraude manifeste a été découverte postérieurement (de Gottrau, Crédit documentaire, op. cit., p. 89; Dohm, FJS no 315 p. 13; Stauder, op. cit., p. 450 s.; Vasseur, Note in Recueil Dalloz/Sirey 1987 p. 399 ss, no 14). En effet, une fois les documents remis et le paiement effectué, même de manière anticipée, les engagements irrévocables et inconditionnels de la banque émettrice ou, le cas échéant, confirmante se figent (de Gottrau, Crédit documentaire, op. cit., p. 80 s.). D'autres auteurs estiment qu'en escomptant l'accréditif, la banque assignée prend un engagement distinct du crédit documentaire. En octroyant un prêt indépendant, elle agit à ses risques et périls de sorte que, si une machination frauduleuse permettant de s'opposer au paiement de l'accréditif est révélée avant l'échéance, c'est à la banque qui a accordé le crédit d'en supporter les conséquences (Schütze, op. cit., p. 56; Eschmann, Der einstweilige Rechtsschutz des Akkreditiv-Auftraggebers in Deutschland, England und der Schweiz, Neuwied 1994, p. 14; Schönle, op. cit., p. 256 s.; aussi en ce sens: Tevini Du Pasquier, Commentaire, op. cit., n. 15 s. ad Appendice aux art. 404-471 CO). Enfin, une partie de la doctrine parvient également à cette dernière conclusion, mais sans utiliser la construction juridique découlant du prêt. Elle considère que, lorsqu'elle escompte un accréditif, la banque assignée prive le donneur d'ordre de la possibilité d'invoquer un abus de droit pour s'opposer au paiement si une fraude est révélée postérieurement au versement anticipé, mais avant l'échéance prévue dans le crédit documentaire. C'est donc à la banque qui a payé de manière anticipée d'en assumer le risque (Nielsen, Neue Richtlinien für Dokumenten-Akkreditive, Heidelberg 1994, n. 37 ad art. 9 RUU; Bühler, Sicherungsmittel im Zahlungsverkehr, Zurich 1997, p. 100). 
7.2.3 Les solutions adoptées par la jurisprudence étrangère sont révélatrices de la diversité des conceptions doctrinales qui viennent d'être évoquées. 
 
Ainsi, en Italie, il résulte d'une décision du Tribunal de Bologne du 15 mai 1981 que la banque confirmante est en droit de payer avant l'échéance en escomptant le crédit, après avoir constaté la régularité formelle des documents. Si tel est le cas, alors elle peut prétendre à être remboursée à l'échéance (sur cette jurisprudence, cf. de Gottrau, Crédit documentaire, op. cit., p. 73 s.; du même auteur, thèse op. cit., p. 285 s.), ce qui laisse entendre qu'une fraude serait sans incidence. 
 
En Allemagne, le Bundesgerichtshof considère que le paiement d'un accréditif avant l'échéance correspond à un prêt accordé par la banque au bénéficiaire et celle-ci doit en assumer les risques (arrêt du 16 mars 1987 II ZR 127/86 in NJW 1987 p. 2578). Il convient toutefois de préciser que cette jurisprudence se rapporte à une banque notificatrice, seulement chargée de payer pour la banque émettrice et non d'une banque confirmante (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4P.28/1997 du 15 décembre 1997, in SJ 1998 p. 388, consid. 2b/bb; de Gottrau, Crédit documentaire, op. cit., p. 73). 
 
En France, la Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans une décision du 7 avril 1987 confirmant un arrêt de la Cour d'appel de Paris (Recueil Dalloz/Sirey 1987, Jurisprudence p. 399), a admis que la banque confirmante qui paie avant l'échéance peut se voir opposer l'exception de fraude, car la réalisation du crédit documentaire à paiement différé se situe au moment de l'échéance convenue (cf. Caprioli, op. cit., p. 264 s.; de Gottrau, Crédit documentaire, op. cit., p. 74; critique, Vasseur, op. cit., no 9 ss). 
 
Enfin, la jurisprudence anglaise a adopté une position se rapprochant des tribunaux français. Elle soutient également que la pratique bien établie du paiement anticipé du crédit réalisable par paiement différé est admissible, mais que la créance du bénéficiaire envers la banque confirmante n'intervient qu'à l'échéance convenue. La banque confirmante qui prend la décision seule de payer par anticipation le bénéficiaire doit supporter le risque de découverte d'une fraude avant l'échéance (arrêt de la High Court of Justice de Londres du 9 juin 1999 résumé in Revue de Droit Bancaire et Financier 2000/1 p. 22; Doise, Contrats internationaux, Lamy tome 7, Paris 1999, no 700). Cette décision a été confirmée par la Court of Appeal le 25 février 2000 (case no QBCMF 1999/0673/A3; cf. à ce sujet de Gottrau, Crédit documentaire, op. cit., p. 74 s.). 
 
7.3 Il ressort de ce survol doctrinal et jurisprudentiel que la position soutenue dans l'ATF 100 II 145, selon laquelle la banque assignée ne viole pas ses obligations contractuelles en versant au bénéficiaire le montant du crédit documentaire à paiement différé avant l'échéance, est en l'état actuel largement admise. Même si les constructions juridiques proposées divergent, une tendance nette se dessine également, tant dans la doctrine que dans la jurisprudence étrangère, pour reconnaître que la banque qui agit de la sorte doit en supporter elle-même les risques, notamment si un cas de fraude est révélé après le paiement anticipé, mais avant l'échéance de l'accréditif. 
 
7.4 Cette conception paraît convaincante. En effet, l'accréditif irrévocable à paiement différé prévoit, par définition, un délai entre la présentation des documents et le paiement. A moins que les parties ne l'aient expressément exclu, les relations juridiques régissant le crédit documentaire ne s'opposent pas à ce que la banque émettrice ou, le cas échéant, la banque confirmante verse par anticipation le montant de l'accréditif au bénéficiaire. Si un tel procédé est admissible, il ne saurait en revanche permettre à la banque qui a payé avant l'échéance de modifier unilatéralement et à son avantage les termes de l'accréditif à paiement différé, alors que, comme le rappelle l'art. 9d/i RUU 500, une fois ouvert, le crédit documentaire irrévocable ne peut être modifié sans l'accord de toutes les parties. Dans l'hypothèse où l'on refuserait au donneur d'ordre ou à la banque émettrice en cas de rapport quadrangulaire (cf. supra consid. 5.1) la possibilité de se prévaloir d'une fraude découverte postérieurement au paiement anticipé pour s'opposer au remboursement de la banque confirmante assignée à l'échéance, on laisserait cette dernière se prémunir unilatéralement contre un tel risque. Il lui suffirait d'escompter l'accréditif le plus rapidement possible après l'acceptation des documents, pour éviter toute objection liée à une fraude découverte postérieurement. Par conséquent, si elle reste libre de payer par anticipation un accréditif irrévocable à paiement différé sans en aviser la banque émettrice, la banque confirmante qui procède de la sorte doit assumer les risques d'une fraude révélée postérieurement à l'escompte accordé, mais avant l'échéance du crédit documentaire. 
 
L'objection liée au caractère abstrait du crédit documentaire invoquée par la cour cantonale et la demanderesse ne résiste pas à l'examen. S'il est vrai que le crédit documentaire à paiement différé n'a pas pour but de permettre au donneur d'ordre de vérifier l'état de la marchandise dans le délai de paiement ou de le protéger contre une fraude éventuelle (ATF 100 II 145 consid. 4b), sous peine de faire perdre à l'accréditif sa fonction de garantie de paiement (Guggenheim, op. cit., p. 401), il n'en demeure pas moins que l'exception tirée de l'art. 2 al. 2 CC en cas de fraude constitue précisément une situation exceptionnelle dans laquelle il est admis que l'on puisse s'écarter de l'abstraction documentaire. En faisant supporter les risques du paiement anticipé à la banque qui procède à l'escompte, on n'accorde pas à la banque émettrice ou au donneur d'ordre davantage de droits que ceux dont ils auraient disposé si le crédit documentaire avait été payé à l'échéance. 
 
8. 
Il reste à examiner si la cour cantonale pouvait se fonder sur l'art. 14e RUU 500 pour condamner la défenderesse à rembourser à la demanderesse le montant de l'accréditif malgré la fraude, au motif que la banque émettrice n'était plus en mesure de restituer à la banque confirmante les documents en cause. 
 
L'art. 14e RUU 500 impose tant à la banque émettrice qu'à la banque confirmante un certain formalisme relatif au refus des documents (Doise, op. cit., no 669). Il vise le cas où la banque n'entend pas accepter les documents (cf. Nielsen, op. cit., n. 102 ad art. 14 RUU) et prévoit qu'elle doit alors les refuser et les rendre intacts à celui qui les a présentés ou les tenir à sa disposition. Si elle a fait usage d'une autre manière de ces documents et ne peut ainsi les restituer ou les tenir à disposition, la banque sera réputée avoir accepté les documents sans réserve (Dohm, FJS, no 314 p. 16). 
 
Comme le relève pertinemment la défenderesse, l'art. 14e RUU 500 ne concerne que la procédure liée à l'acceptation des documents. Or, en cas de fraude découverte postérieurement, les documents qui avaient l'apparence de la conformité ont, par définition, été acceptés. Cette disposition ne saurait donc empêcher la banque qui s'aperçoit par la suite qu'elle a été trompée de se prévaloir d'une fraude, pour la seule raison qu'après avoir accepté sans réserve des documents conformes en apparence aux conditions de l'accréditif, elle en a disposé. La cour cantonale ne pouvait donc donner suite aux prétentions de la demanderesse en faisant abstraction de la fraude, sous prétexte que la défenderesse ne s'était pas conformée aux exigences formelles de l'art. 14e RUU 500. 
 
9. 
Dans ces circonstances, le recours doit être admis et l'arrêt attaqué annulé, ce qui implique le rejet des conclusions en paiement prises par la demanderesse à l'encontre de la défenderesse. 
10. 
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge de la demanderesse, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ): 
 
L'affaire sera par ailleurs renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle se prononce à nouveau sur les frais et dépens de la procédure cantonale (cf. art. 157 et 159 al. 6 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. Les conclusions en paiement prises par la demanderesse envers la défenderesse sont rejetées. 
 
2. 
Un émolument judiciaire de 12'000 fr. est mis à la charge de la demanderesse. 
 
3. 
La demanderesse versera à la défenderesse une indemnité de 14'000 fr. à titre de dépens. 
 
4. 
La cause est renvoyée à l'autorité inférieure pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale. 
 
5. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice genevoise. 
Lausanne, le 1er juin 2004 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: