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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_120/2022  
 
 
Arrêt du 10 juin 2022  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Beusch. 
Greffier : M. Dubey. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________, 
tous les deux représentés par Me Per Prod'Hom, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Administration fiscale cantonale du canton de Genève, 
rue du Stand 26, 1204 Genève, 
intimée. 
 
Objet 
Impôt cantonal et communal pour les années 2017 et 2018 d'un des biens immobiliers, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice 
de la République et canton de Genève, 
Chambre administrative, 4ème section, 
du 21 décembre 2021 (ATA/1401/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 1er octobre 2012, A.________ et B.________ ont acquis, en copropriété d'une moitié chacun pour un montant total de 7'200'000 fr., la parcelle n° 4'476 de la commune de U.________, sise chemin V.________. Le bâtiment se trouvant sur la parcelle a été démoli en février/mars 2014 et des travaux de reconstruction d'une villa individuelle, qui ont duré jusqu'en 2017, ont été entrepris. 
 
Pour la période fiscale 2016, l'Administration fiscale cantonale du canton de Genève a fixé la valeur fiscale de base de l'immeuble de U.________ à 4'162'000 fr., soit 7'200'000 fr., prix d'achat, diminué des 3'038'000 fr. correspondant à la valeur du bâtiment démoli. 
 
Le 3 avril 2019, dans leur déclaration fiscale 2017, les contribuables ont déclaré ce bien immobilier, sous la rubrique « Immeubles locatifs ou loués.», pour un montant total de 12'924'253 fr. soit, en détail, 156'000 fr. pour la construction en 2013; 2'113'843 fr. pour la construction en 2014; 2'250'075 fr. pour la construction en 2015; 1'958'256 fr. pour la construction en 2016; 2'284'079 fr. pour la construction en 2017; 4'162'000 fr. pour le terrain. 
 
Le 3 octobre 2019, ils ont demandé à l'Administration fiscale cantonale l'organisation d'une réunion pour fixer une nouvelle évaluation du bien immobilier plus proche de sa valeur vénale. Le 4 février 2020, dans leur déclaration fiscale 2018, les contribuables ont déclaré le bien en cause, dans la même rubrique que l'année précédente pour un montant de 9'668'333 fr. Dans la rubrique « Observations », ils ont indiqué que la valeur fiscale de la maison en construction avait été déterminée par la moyenne de trois expertises attestant de la valeur vénale de la propriété au 31 décembre 2018. Les documents suivants étaient joints à cette déclaration: une évaluation de C.________ du 10 juillet 2019, estimant la valeur vénale du bâtiment et du terrain à 9'560'000 fr.; une estimation immobilière de D.________, du 14 octobre 2019, retenant une valeur vénale de 9'770'000 fr.; une estimation immobilière de E.________ Sàrl du 17 juin 2019, retenant une valeur vénale de 9'675'000 fr. 
 
B.  
Par bordereau d'impôt cantonal et communal pour la période fiscale 2017 du 26 février 2020, l'Administration fiscale cantonale a repris, comme valeur fiscale du bien immobilier, le montant total déclaré par les contribuables, soit 12'924'253 fr. 
 
Par bordereau d'impôt cantonal et communal pour la période fiscale 2018 du 2 mars 2020, l'Administration fiscale cantonale a retenu un montant de fortune de 12'924'253 fr. pour le bien immobilier. 
 
Par deux décisions du 17 septembre 2020, l'Administration fiscale cantonale a maintenu les taxations des 26 février et 2 mars 2020 pour les périodes fiscales 2017 et 2018. 
 
Par jugement du 8 mars 2021, après avoir joint les causes, le Tribunal administratif de première instance du canton de Genève a rejeté les recours que les contribuables avaient déposés contre les décisions sur réclamations du 17 septembre 2020. 
 
C.  
Par arrêt du 21 décembre 2021, la Cour de justice du canton de Genève a rejeté le recours que les contribuables avaient interjeté contre le jugement rendu le 8 mars 2021 par le Tribunal administratif de première instance. Les contribuables n'avaient pas requis une nouvelle estimation de leur bien avant le 31 décembre des années fiscales 2017 et 2018, comme l'exigeait le droit cantonal. Les travaux de construction avaient pris fin en 2017 déjà et le tassement du marché immobilier des objets de prestige, au demeurant non démontré par les contribuables, ne pouvait pas être qualifié de changement important de la valeur du bien. La valeur fiscale arrêtée par l'Administration fiscale cantonale correspondait à la valeur du terrain nu de 4'162'000 fr., ayant remplacé la valeur d'acquisition de 7'200'000 fr. après démolition du bâtiment à laquelle ont été ajoutés 8'762'253 fr. qui correspondaient au montant des travaux de démolition et de reconstruction tels que déclarés par les contribuables. 
 
D.  
Les contribuables ont déposé auprès du Tribunal fédéral un recours en matière de droit public contre l'arrêt rendu le 21 décembre 2021 par la Cour de justice du canton de Genève. Ils demandent, sous suite de frais et dépens, l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à l'autorité intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Ils se plaignent de la violation de leur droit d'être entendu et de leur droit d'accès au juge, ainsi que du défaut de base légale pour restreindre l'examen de la valeur vénale d'un bien immobilier. 
La Cour de justice ne formule aucune observation. L'Administration fiscale cantonale conclut au rejet du recours. Les contribuables n'ont pas répliqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. L'arrêt attaqué porte sur l'impôt direct cantonal 2016 et 2017 sur la fortune, plus précisément sur la question de savoir si les recourants ont valablement déposé une demande de nouvelle estimation fiscale de leur immeuble et si celle-ci est admissible. L'impôt direct sur la fortune fait partie du droit fiscal harmonisé (cf. art. 1 et 2 LHID).  
 
1.2. Aux termes de l'art. 106 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral applique le droit d'office. Par conséquent, il vérifie en principe librement l'application du droit fédéral et, notamment, la conformité du droit cantonal harmonisé et son application par les instances cantonales aux dispositions de la loi fédérale sur l'harmonisation fiscale. L'art. 106 al. 2 LTF prévoit toutefois que le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal que si ces griefs ont été invoqués et motivés. Il en va ainsi lorsque les dispositions de la loi fédérale sur l'harmonisation fiscale laissent une certaine marge de manoeuvre aux cantons; l'examen de l'interprétation du droit cantonal est alors limité à l'arbitraire (ATF 143 II 459 consid. 2.1; 134 II 207 consid. 2). L'art. 106 al. 2 LTF exige que l'acte de recours contienne, à peine d'irrecevabilité, un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés et précise en quoi consiste la violation. Autrement dit, le Tribunal fédéral n'a pas à vérifier de lui-même si l'arrêt entrepris est en tous points conforme au droit et à l'équité; il n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (ATF 143 II 283 consid. 1.2.2).  
 
1.3. Dans la mesure où le principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst.) est invoqué en relation avec l'application du droit cantonal non harmonisé en-dehors du domaine de protection de droits fondamentaux spécifiques, la cognition du Tribunal fédéral est limitée à l'arbitraire (cf. à ce sujet ATF 140 I 381 consid. 4.4; arrêts 2C_113/2021 du 22 décembre 2021 consid. 2.1, 2C_578/2018 du 4 février 2019 consid. 4.1 avec renvois).  
 
2.  
 
2.1. Réglé aux art. 13 et 14 de la loi du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID; loi sur l'harmonisation fiscale, RS 642.14), l'impôt sur la fortune des personnes physiques a pour objet l'ensemble de la fortune nette (art. 13 al. 1 LHID) qui se détermine selon les règles d'évaluation prévues à l'art. 14 LHID. Selon l'al. 1 de l'art. 14 LHID, la fortune est estimée à la valeur vénale. Toutefois, la valeur de rendement peut être prise en considération de façon appropriée.  
 
La loi fédérale sur l'harmonisation fiscale ne prescrit pas au législateur cantonal une méthode d'évaluation précise pour déterminer cette valeur. Les cantons disposent donc en la matière d'une marge de manoeuvre importante pour élaborer et appliquer leur réglementation, aussi bien dans le choix de la méthode de calcul applicable que pour déterminer, vu le caractère potestatif de l'art. 14 al. 1. 2e phr. LHID, dans quelle mesure le rendement doit être pris en considération dans l'estimation (ATF 134 II 207 consid. 3.6; arrêt 2C_418/2020 du 21 décembre 2021, consid. 4.4.2 prévu pour la publication aux ATF). 
 
2.2. Le canton de Genève a mis en oeuvre ces règles dans la loi du 27 septembre 2009 sur l'imposition des personnes physiques (LIPP; RSGE D 3 08, en vigueur depuis le 1er janvier 2010). L'impôt sur la fortune a pour objet l'ensemble de la fortune nette après déductions sociales (art. 47 LIPP). Selon l'art. 49 al. 1 et 2 LIPP, l'état de la fortune mobilière et immobilière est établi au 31 décembre de l'année pour laquelle l'impôt est dû (al. 1). La fortune est estimée, en général, à la valeur vénale (al. 2). Les art. 50 ss LIPP établissent les principes d'évaluation des immeubles situés dans le canton (cf. à cet égard: ATF 134 II 207 consid. 3).  
 
Selon l'art. 51 LIPP, tout propriétaire qui fait construire un bâtiment nouveau ou qui, par des travaux quelconques, augmente la valeur d'un bâtiment ou d'une propriété, est tenu de faire au département, dans les 12 mois qui suivent l'achèvement de la construction ou des travaux, une déclaration indiquant la nature, l'importance et la valeur des modifications ou des nouvelles constructions (al. 1). Le coût de ces constructions et travaux est intégré à la valeur fiscale (al. 2). 
 
 
2.3. En vertu de l'art. 52 al. 2 et 5 LIPP, l'évaluation des autres immeubles, soit des immeubles non locatifs, est faite par des commissions d'experts et vaut pour une période de 10 ans appelée période décennale (al. 2). Le Conseil d'Etat, comme le contribuable, ont, en tout temps, la faculté de faire procéder à de nouvelles estimations si des changements importants dans la valeur des immeubles le justifient (al. 5). Pendant la période décennale, les nouvelles constructions peuvent être évaluées par experts, tant à la demande du propriétaire qu'à celle du département (art. 52 al. 6 LIPP).  
 
2.4. En l'espèce, l'instance précédente a constaté que la valeur fiscale arrêtée par l'autorité intimée correspondait à la valeur du terrain nu de 4'162'000 fr., ayant remplacé la valeur d'acquisition de 7'200'000 fr. après démolition du bâtiment, à laquelle ont été ajoutés 8'762'253 fr., qui correspondaient au montant des travaux de démolition et de reconstruction tels que déclarés par les contribuables (arrêt attaqué, p. 8 in fine). Elle a jugé que cette manière de calculer la valeur fiscale était conforme au droit cantonal. Les recourants ne se plaignent pas de ce que l'instance précédente aurait procédé à une application arbitraire de l'art. 51 al. 2 LIPP, selon lequel le coût des constructions et travaux est intégré à la valeur fiscale. Ils ne contestent à cet égard du reste ni la valeur fiscale de 2016, qui équivaut au prix du terrain, ni la valeur des travaux de reconstruction, qu'ils ont eux-mêmes produite ni avoir déposé une nouvelle demande d'estimation après le 31 décembre de chaque année fiscale en cause en l'espèce.  
 
3.  
Les recourants soutiennent en revanche que l'obligation de déposer une demande de nouvelle estimation fiscale avant le 31 décembre de chaque année fiscale en cause ne repose sur aucune base légale. 
 
3.1. Selon la jurisprudence de l'instance précédente rendue en application des art. 50 ss LIPP, en matière d'estimation des immeubles, dont le contenu est exposé ci-dessus, le contribuable n'a pas la faculté de substituer sa propre appréciation à celle de l'administration ou de la commission d'experts (ATA 1223/2019 du 5 mars 2019 consid. 6; ATA/71/2018 du 23 janvier 2018 consid. 7b; ATA/45/2018 du 16 janvier 2018 consid. 4b). Si le contribuable considère que la valeur de son bien immobilier a été mal estimée, il doit former une demande de nouvelle estimation. Il est tenu de motiver sa requête et d'indiquer en quoi consistent le ou les changements survenus dans la valeur de sa propriété. Une expertise ne peut être requise pour la première fois devant la juridiction de recours, car la demande en ce sens doit être présentée préalablement à l'administration. La jurisprudence cantonale ajoute que, pour avoir une incidence sur l'impôt d'une année déterminée, la demande d'expertise doit avoir été formée avant la date déterminante pour la situation du contribuable et la fixation de la matière imposable, soit le 31 décembre de ladite année (ATA/45/2018 précité consid. 4b; ATA/960/2014 consid. 5b; RDAF 2000 Il p. 280).  
 
3.2. Dirigé contre l'interprétation du droit de procédure cantonal en matière de délai pour demander une expertise de la valeur fiscale d'un immeuble dans le canton de Genève, qui ne tombe pas dans la champs d'application de la loi sur l'harmonisation fiscale, le grief de violation du principe de la légalité formulé par les recourants doit être considéré comme un grief de violation de l'interdiction de l'arbitraire dirigé contre la jurisprudence de l'instance précédente (cf. consid. 1.2 ci-dessus).  
 
Or, à cet égard, les recourants se bornent, à l'aide d'un examen historique, à substituer leur compréhension du droit cantonal à la position juridique de l'instance précédente sans exposer concrètement en quoi l'interprétation de celle-ci serait insoutenable. Une telle façon de procéder - en tant qu'elle remet en question comme devant une autorité d'appel la manière dont sont exposés, dans l'arrêt attaqué, la procédure d'estimation des immeubles et les délais dans lesquels une nouvelle estimation doit être demandée - ne répond pas aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF et est, partant, inadmissible devant le Tribunal fédéral. 
 
Le grief des recourants doit par conséquent être écarté, car il ne peut pas être examiné. 
 
4.  
Les recourants soutiennent enfin que l'instance précédente a violé leur droit d'être entendu et commis un déni de justice, en considérant que leurs arguments au sujet de la valeur vénale d'un bien immobilier ne devaient pas être examinés s'ils n'avaient pas fait valoir leur point de vue avant le 31 décembre de l'année fiscale considérée. 
 
Tel qu'ils sont formulés, les griefs de violation du droit d'être entendu et de déni de justice se confondent en l'occurrence. En effet, le formalisme excessif est un aspect particulier du déni de justice prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst., qui est également le siège des garanties relatives au droit d'être entendu. Il y a déni de justice, et partant une forme de violation du droit d'être entendu, lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 130 V 177 consid. 5.4.1; 128 II 139 consid. 2a; 127 I 31 consid. 2a/bb). 
 
Or, le Tribunal fédéral a déjà jugé que le délai pour demander l'expertise d'un bien immobilier ne relevait pas du formalisme excessif (arrêt 2C_734/2008 du 29 janvier 2009 consid. 4.2 et 6.2). Cela signifie que les recourants ne peuvent pas se plaindre de n'avoir pas pu faire valoir leurs arguments contre la valeur fiscale fixée par l'autorité intimée, puisqu'ils n'ont pas, ce qui n'est pas litigieux, respecté le délai fixé au 31 décembre de chaque année fiscale par le droit cantonal à cette fin. 
 
Les deux grief sont par conséquent rejetés. 
 
5.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours 
 
Succombant, les recourants doivent supporter les frais de la procédure fédérale solidairement entre eux (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge des recourants solidairement entre eux. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 4ème section, et à l'Administration fédérale des contributions. 
 
 
Lausanne, le 10 juin 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : Dubey