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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_428/2022  
 
 
Arrêt du 7 mars 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Merz. 
Greffière : Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Albert Habib, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Secrétariat d'Etat aux migrations, Quellenweg 6, 3003 Berne. 
 
Objet 
Annulation de la naturalisation facilitée, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour VI, du 28 juin 2022 (F-4127/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 23 octobre 2005, A.________, ressortissant d'origine camerounaise, né en 1982, est entré légalement en Suisse dans le but de suivre des études. Le 5 février 2010, à Lausanne, le prénommé a épousé B.________, ressortissante suisse née en 1981, et a obtenu de ce fait une autorisation de séjour au titre du regroupement familial. Les époux ont eu un fils, né le 20 septembre 2011.  
 
A.b. Le 26 novembre 2012, A.________ a sollicité l'octroi de la naturalisation facilitée. Dans le cadre de l'instruction de la demande de naturalisation facilitée, le prénommé et son épouse ont contresigné, le 30 juillet 2013, une déclaration écrite aux termes de laquelle ils confirmaient vivre en communauté conjugale effective et stable, à la même adresse.  
La naturalisation facilitée a été accordée à A.________, par décision du 13 août 2013, entrée en force le 16 septembre 2013. 
 
A.c. Par courrier du 3 novembre 2016, le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) a informé A.________ de l'ouverture d'une procédure d'annulation de la naturalisation facilitée au vu des éléments portés à sa connaissance par le Service de la population du canton de Vaud (séparation du couple le 1 er juin 2014; divorce entré en force le 16 février 2016; dépôt en date du 28 mars 2016 d'une demande d'entrée en Suisse pour sa nouvelle fiancée camerounaise en vue de la célébration de leur mariage). A.________ s'est déterminé sur ces éléments, ainsi que sur le procès-verbal d'audition de son ex-épouse du 24 janvier 2017.  
 
B.  
Par décision du 22 juillet 2020, le SEM a prononcé l'annulation de la naturalisation facilitée accordée à A.________. Le SEM a indiqué que la perte de nationalité suisse visait également la fille du prénommé, née en 2018, de son second mariage. 
Statuant sur recours de l'intéressé, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a confirmé cette décision par arrêt du 28 juin 2022. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 28 juin 2022, subsidiairement de l'annuler et de renvoyer la cause au TAF pour nouvelle décision. 
Le TAF se détermine sur le recours et renvoie pour le surplus aux considérants de son arrêt. Le SEM indique simplement que le recours ne contient aucun élément prouvant une violation du droit fédéral ou l'établissement inexact de faits pertinents. 
Par ordonnance du 5 septembre 2022, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la demande d'effet suspensif présentée par le recourant. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre la décision du Tribunal administratif fédéral qui confirme l'annulation de la naturalisation facilitée accordée au recourant, le recours est recevable comme recours en matière de droit public (art. 82 let. a et 86 al. 1 let. a LTF). Le motif d'exclusion de l'art. 83 let. b LTF n'entre pas en ligne de compte (cf. arrêts 1C_574/2021 du 27 avril 2022 consid. 1 et les références citées; 1C_264/2015 du 27 août 2015 consid. 1.1) Pour le surplus, le recourant a la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Il convient donc d'entrer en matière sur le recours. 
 
2.  
L'entrée en vigueur, le 1 er janvier 2018, de la nouvelle loi fédérale sur la nationalité suisse du 20 juin 2014 (LN; RS 141.0) a entraîné l'abrogation de la loi fédérale du 29 septembre 1952 sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse (aLN; RO 1952 1115), conformément à l'art. 49 LN (en relation avec le chiffre I de son annexe). En vertu de la réglementation transitoire prévue par l'art. 50 LN, l'acquisition et la perte de la nationalité suisse sont régies par le droit en vigueur au moment où le fait déterminant s'est produit. Le Tribunal fédéral a précisé sur ce point la jurisprudence en matière d'annulation de la naturalisation facilitée et a considéré que le droit applicable était celui en vigueur au moment de la signature de la déclaration de vie commune, voire de l'octroi de la naturalisation (arrêt 1C_574/2021 du 27 avril 2022 consid. 2.4). En l'espèce, la déclaration de vie commune a été signée par les époux le 30 juillet 2013 et la naturalisation facilitée est intervenue par décision du 13 août 2013. L'ancien droit est donc applicable.  
 
3.  
Le recourant se plaint d'arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves. 
Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, la partie recourante ne peut critiquer la constatation de faits que si ceux-ci ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte - en particulier en violation de l'interdiction constitutionnelle de l'arbitraire - et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause. Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué. En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire (ATF 145 I 26 consid. 1.3; 142 III 364 consid. 2.4; 139 II 404 consid. 10.1). 
Les faits allégués par le recourant seront examinés dans la mesure de leur pertinence avec la question de fond (consid. 4.2.2 ci-après). 
 
4.  
Le recourant fait valoir une violation de l'art. 41 aLN. Il conteste avoir obtenu la naturalisation par des déclarations mensongères. 
 
4.1.  
 
4.1.1. Conformément à l'art. 41 al. 1 aLN, le SEM peut annuler la naturalisation facilitée obtenue par des déclarations mensongères ou par la dissimulation de faits essentiels. Pour qu'une naturalisation facilitée soit annulée, il ne suffit pas qu'elle ait été accordée alors que l'une ou l'autre de ses conditions n'était pas remplie; il faut qu'elle ait été acquise grâce à un comportement déloyal et trompeur. S'il n'est point besoin que ce comportement soit constitutif d'une escroquerie au sens du droit pénal, il est nécessaire que l'intéressé ait donné sciemment de fausses informations à l'autorité ou qu'il l'ait délibérément laissée dans l'erreur sur des faits qu'il savait essentiels (ATF 140 II 65 consid. 2.2). Tel est notamment le cas si le requérant déclare vivre en communauté stable avec son conjoint alors qu'il envisage de se séparer une fois obtenue la naturalisation facilitée; peu importe que son mariage se soit ou non déroulé jusqu'ici de manière harmonieuse (arrêts 1C_272/2009 du 8 septembre 2009 consid. 3.1, in SJ 2010 p. 69; 1C_658/2019 du 28 février 2020 consid. 3.1.1).  
La nature potestative de l'art. 41 al. 1 aLN confère une certaine liberté d'appréciation à l'autorité compétente, qui doit toutefois s'abstenir de tout abus dans l'exercice de celle-ci. Commet un abus de son pouvoir d'appréciation l'autorité qui se fonde sur des critères inappropriés, ne tient pas compte de circonstances pertinentes ou rend une décision arbitraire, contraire au but de la loi ou au principe de la proportionnalité (ATF 129 III 400 consid. 3.1). 
D'après la jurisprudence, la notion de communauté conjugale suppose non seulement l'existence formelle d'un mariage, mais encore une véritable communauté de vie des conjoints; tel est le cas s'il existe une volonté commune et intacte de ceux-ci de maintenir une union conjugale stable; une séparation survenue peu après l'octroi de la naturalisation constitue un indice de l'absence de cette volonté lors de l'obtention de la citoyenneté suisse (ATF 135 II 161 consid. 2; 128 II 97 consid. 3a). 
 
4.1.2. La procédure administrative fédérale est régie par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 40 de la loi fédérale de procédure civile fédérale du 4 décembre 1947 [PCF; RS 273], applicable par renvoi de l'art. 19 PA [RS 172.021]). Ce principe vaut également devant le Tribunal administratif fédéral (art. 37 LTAF [RS 173.32]). L'administration supporte le fardeau de la preuve lorsque la décision intervient, comme en l'espèce, au détriment de l'administré. Cela étant, la jurisprudence admet, dans certaines circonstances, que l'autorité puisse se fonder sur une présomption. C'est notamment le cas pour établir que le conjoint naturalisé a menti lorsqu'il a déclaré former une union stable, dans la mesure où il s'agit d'un fait psychique lié à des éléments relevant de la sphère intime, souvent inconnus de l'administration et difficiles à prouver (ATF 135 II 161 consid. 3; 130 II 482 consid. 3.2). Partant, si l'enchaînement rapide des événements entre la déclaration de vie commune et la séparation des époux fonde la présomption de fait que la naturalisation a été obtenue frauduleusement, il incombe alors à l'administré de renverser cette présomption en raison, non seulement de son devoir de collaborer à l'établissement des faits (art. 13 al. 1 let. a PA; cf ATF 135 II 161 consid. 3; 132 II 113 consid. 3.2), mais encore de son propre intérêt (ATF 130 II 482 consid. 3.2). Le fait de taxer de plus ou moins rapide un enchaînement de circonstances pertinentes pour l'issue d'un litige relève du pouvoir d'appréciation du juge, opération dans le cadre de laquelle le Tribunal fédéral n'intervient qu'en cas d'excès de ce pouvoir (arrêts 1C_142/ 2019 du 27 juin 2019 consid. 4.2; 1C_172/2012 du 11 mai 2012 consid. 2.3).  
S'agissant d'une présomption de fait, qui ressortit à l'appréciation des preuves et ne modifie pas le fardeau de la preuve (cf. ATF 135 II 161 consid. 3), l'administré n'a pas besoin, pour la renverser, de rapporter la preuve contraire du fait présumé, à savoir faire acquérir à l'autorité la certitude qu'il n'a pas menti; il suffit qu'il parvienne à faire admettre l'existence d'une possibilité raisonnable qu'il n'ait pas menti en déclarant former une communauté stable avec son conjoint. Il peut le faire en rendant vraisemblable, soit la survenance d'un événement extraordinaire susceptible d'expliquer une détérioration rapide du lien conjugal, soit l'absence de conscience de la gravité de ses problèmes de couple et, ainsi, l'existence d'une véritable volonté de maintenir une union stable avec son conjoint lorsqu'il a signé la déclaration (ATF 135 II 161 consid. 3 et les arrêts cités). 
 
4.2. En l'espèce, le TAF a retenu que la chronologie des événements depuis la signature de la déclaration de la vie commune (30 juillet 2013), en particulier le temps relativement court séparant celle-ci, l'octroi de la naturalisation (13 août 2013), la séparation de fait du couple (2 juin 2014), la requête de mesures protectrices de l'union conjugal (juillet 2014) et la requête commune de divorce (7 mai 2015), était de nature à fonder la présomption de fait selon laquelle la communauté conjugale des époux n'était plus stable et orientée vers l'avenir au moment de la décision de naturalisation.  
Le recourant ne conteste pas, à juste titre, la présomption précitée retenue par le TAF (cf. arrêts 1C_23/2019 du 3 avril 2019 consid. 3.3; 1C_796/2013 du 13 mars 2014 consid. 3.2). Dès lors, conformément à la jurisprudence exposée ci-dessus, il s'agit uniquement de déterminer si le recourant est parvenu à renverser la présomption établie en rendant vraisemblable, soit la survenance d'un événement extraordinaire susceptible d'expliquer une dégradation aussi rapide du lien conjugal, soit l'absence de conscience de la gravité des problèmes de couple au moment de la signature de la déclaration commune. 
Dans son écriture, le recourant n'avance toutefois aucun élément susceptible de renverser cette présomption. En effet, il ne parvient pas à rendre crédible l'élément de fait qui permettrait de comprendre pourquoi l'union conjugale formée avec son ex-épouse, prétendument intacte en 2013, se serait dégradée pour déboucher sur une séparation de fait le 2 juin 2014, puis une requête de mesures protectrices de l'union conjugale en juillet 2014 et enfin une requête commune de divorce le 7 mai 2015. Le recourant se prévaut à cet égard d'une mésentente quant à la question de la conception d'un second enfant, laquelle aurait conduit à des tensions au sein du couple durant le premier trimestre de l'année 2014; le recourant précise que cette question, abordée au cours de l'année 2013, aurait été reportée en début d'année 2014 en raison d'un voyage au Cameroun en fin d'année. A l'instar du TAF, il y a lieu de considérer qu'il est peu concevable qu'une mésentente sur cette question ait conduit aussi rapidement à la séparation définitive des époux (en quelques mois à peine), en particulier lorsqu'ils ont déjà un premier enfant ensemble. Le fait que les ex-époux se soient séparés définitivement dix mois après la signature de la déclaration de vie commune et qu'ils n'aient pas tenté d'une manière concrète, en particulier dans le cadre de la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale, de sauver leur union paraît confirmer que celle-ci ne présentait pas la stabilité requise au moment déterminant et qu'il est peu plausible que le recourant n'ait découvert la dégradation de son couple qu'après l'obtention de la naturalisation facilitée. Le recourant soutient dans ce contexte en vain qu'il aurait durant le mois de juin 2014 mandaté à plusieurs reprises des amis pour une médiation avec son ex-épouse; en effet, le recourant ne démontre pas que cet élément - qui ne ressort pas de l'arrêt entrepris - aurait été arbitrairement ignoré par le TAF et, de plus, il apparaît manifestement insuffisant. 
Le fait que les ex-époux aient déménagé en novembre 2013, soit 4 mois après la signature de la déclaration commune, et qu'ils aient entrepris ensemble un voyage au Cameroun fin 2013 n'est pas suffisant pour renverser la présomption établie, quoi qu'en pense le recourant. Les photographies de leur voyage ne sont pas décisives. En outre, la naissance de leur fils en 2011 ne permet pas d'établir que le couple manifestait encore, en 2013, la volonté de maintenir une communauté conjugale stable et effective. 
Enfin, contrairement à ce que soutient le recourant, il ne ressort pas des considérants de l'arrêt du TAF que celui-ci se soit basé sur les déclarations de son ex-épouse du 24 janvier 2017 (cf. arrêt entrepris consid. 7.3). 
 
4.3. En définitive, les éléments avancés par le recourant ne suffisent pas à renverser la présomption établie. Il en découle que les conditions d'application de l'art. 41 aLN sont réunies; le TAF n'a dès lors pas violé le droit fédéral en confirmant l'annulation de la naturalisation facilitée octroyée au recourant ainsi que celle de la nationalité accordée par ce biais à sa fille née en 2018 (art. 41 al. 3 aLN). En ce qui concerne cette dernière, le recourant ne formule d'ailleurs aucun argument tendant à remettre en cause l'appréciation de l'autorité précédente.  
 
5.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable, aux frais de son auteur, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Secrétariat d'Etat aux migrations et au Tribunal administratif fédéral, Cour VI. 
 
 
Lausanne, le 7 mars 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Arn