Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1B_304/2018  
 
 
Arrêt du 13 novembre 2018  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Fonjallaz et Chaix. 
Greffière : Mme Kropf. 
 
Participants à la procédure 
1.       A.________, 
       succursale de U.________,  
2.       B.________ SA, 
toutes les deux représentées par Maîtres Benjamin Borsodi et Clara Poglia, avocats, 
recourantes, 
 
contre  
 
Ministère public de la Confédération. 
 
Objet 
Procédure pénale; refus de restituer des documents 
et autres objets mis sous scellés, 
 
recours contre la décision de la Cour des plaintes 
du Tribunal pénal fédéral du 24 mai 2018 
(BB.2017.119-120). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A la suite d'une annonce du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS) relative à des comptes ouverts auprès de la Banque X.________ AG, le Ministère public de la Confédération (MPC) a ouvert, le 22 décembre 2011, une instruction pénale contre inconnus pour blanchiment d'argent (art. 305bis CP; cause S1). 
Au cours de cette instruction, ont notamment été perquisitionnés, le 10 janvier 2012, les locaux de A.________, succursale de U.________ (ci-après : A.________) et de B.________ SA. Le 19 mai 2017, le MPC a en particulier mis en prévention les deux sociétés précitées pour corruption d'agents publics étrangers (art. 322septieset 102 CP). Leurs locaux professionnels ont fait l'objet d'une nouvelle perquisition les 22 et 23 mai 2017. A cette occasion et sur demande de la direction de la procédure, les défenseurs de A.________ et B.________ SA ont remis au MPC trois documents; ces pièces ont immédiatement été mises sous scellés. Il ressort en particulier du procès-verbal du 22 mai 2017 la remarque suivante : 
 
"Après discussions sur place avec le conseil des sociétés, il a été convenu que les éléments mis en sûreté ne seront pas examinés, exploités ni versés au dossier, avant qu'il soit procédé à un tri, en présence du conseil et sur le résultat duquel celui-ci pourra se déterminer. Il est procédé ainsi en raison du volume des éléments, notamment informatiques, mis en sûreté. Le conseil remettra à la direction de la procédure une liste de mots-clefs permettant d'identifier les éventuelles correspondances d'avocats, soumises au secret professionnel de l'avocat. Ces éléments seront ensuite retranchés de l'ensemble mis sous sûreté. Tant et aussi longtemps que le tri des éléments n'aura pas eu lieu, la perquisition se poursuit jusqu'à l'examen de ces éléments par la direction de la procédure et le conseil des sociétés, à l'issue duquel le séquestre sera prononcé". 
Par requête du 19 juin 2017 adressée au MPC, A.________ et B.________ SA ont sollicité la restitution des pièces mises sous scellés selon les inventaires des 22 et 23 mai 2017, à savoir (1) le rapport d'enquête interne confidentiel émis à l'intention de leur représentant (pièce 01.01.0001), (2) les procès-verbaux des auditions effectuées par l'étude C.________ dans le cadre de cette enquête interne (pièce 01.01.0004) et (3) une clé USB contenant tous les mouvements de 2010 à 2015 des comptes internes de A.________ et de B.________ SA (pièce 01.01.0006); les deux premiers documents précités provenaient du serveur de l'étude susmentionnée. Le 27 juin 2017, respectivement le 5 juillet suivant, le MPC a rejeté cette demande, ainsi que la requête de reconsidération formée par les sociétés le 30 juin 2017. 
 
B.   
Le 24 mai 2018, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a déclaré le recours contre la décision du 27 juin 2017 intenté par A.________ et B.________ SA irrecevable. 
Cette autorité a en substance retenu que les sociétés ne subissaient aucun préjudice en cas de maintien en sûreté des documents mis sous scellés, que le MPC pouvait répéter la mise en sûreté des éléments restitués en cas de nouvelles circonstances et que dès lors les sociétés recourantes n'avaient aucun intérêt actuel à l'annulation de la décision entreprise (cf. consid. 1.12). 
 
C.   
Par acte du 27 juin 2018, A.________ et B.________ SA (ci-après : les recourantes) forment un recours en matière pénale contre cet arrêt, concluant à son annulation, au constat de la recevabilité de leur recours du 10 juillet 2017 contre le prononcé du MPC du 27 juin 2017 et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour décision sur le fond. 
Invitée à se déterminer, l'autorité précédente a renoncé à déposer des observations. Quant au MPC, il a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. Le 19 septembre 2018, les recourantes ont persisté dans leurs conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 144 II 184 consid. 1 p. 186). 
 
1.1. Le recours est dirigé contre une décision d'irrecevabilité prise par la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral. Sur le fond, le litige porte sur le refus de restituer aux recourantes des pièces placées sous scellés à la suite de la perquisition opérée dans leurs locaux.  
Les prononcés levant ou maintenant des scellés sont des décisions relatives à des mesures de contrainte pouvant faire l'objet d'un recours en matière pénale en application de l'art. 79 LTF (ATF 139 IV 246 consid. 1.3 p. 248; arrêts 1B_264/2018 du 28 septembre 2018 consid. 1; 1B_433/2017 du 21 mars 2018 consid. 1.6 et 1.7). Tel est également le cas du prononcé refusant de restituer des pièces mises sous scellés. En effet, celles-ci ont été obtenues à la suite d'une perquisition et, en raison du refus de les leur restituer, les recourantes continuent à ne pas pouvoir en disposer librement, situation similaire à celle prévalant en cas de refus de lever un séquestre (ATF 136 IV 92 consid. 2 p. 93 s.). 
 
1.2. Ne mettant pas un terme à la procédure pénale, la décision attaquée est de nature incidente et le recours n'est en principe recevable qu'en présence d'un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Le recours porte toutefois sur le refus de reconnaître l'existence d'une voie de droit, ce qui équivaut à un déni de justice formel. Il y a donc lieu d'entrer en matière indépendamment de l'existence d'un éventuel préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 143 I 344 consid. 1.2 p. 346).  
 
1.3. Pour le surplus, les recourantes, qui ont pris part à la procédure devant l'autorité précédente, ont un intérêt juridique à la modification ou à l'annulation de la décision entreprise qui refuse d'entrer en matière sur leur recours (art. 81 al. 1 LTF). Le recours fédéral a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et les conclusions qui y sont prises sont recevables (art. 107 al. 2 LTF). Partant, il y a lieu d'entrer en matière.  
 
2.   
Les recourantes reprochent à l'autorité précédente une violation de l'art. 382 al. 1 CPP; la seconde aurait ainsi retenu à tort que les premières ne disposaient pas d'un intérêt actuel à obtenir la restitution des pièces mises sous scellés. 
 
2.1. A teneur de l'art. 393 al. 1 let. a CPP, le recours est ouvert contre les décisions et les actes de procédure de la police, du ministère public et des autorités pénales compétentes en matière de contraventions. Il est en revanche irrecevable lorsque le ministère public ou l'autorité pénale compétente en matière de contraventions rejette une réquisition de preuves qui peut être réitérée sans préjudice juridique devant le tribunal de première instance (art. 394 let. b CPP). Ne peuvent pas non plus être attaquées par le biais d'un recours les décisions qualifiées de définitives ou de non sujettes à recours (art. 380 en lien avec les art. 379 et 393 CPP; pour des exemples, voir ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1 p. 85).  
Il découle ainsi de la systématique légale que, sauf exceptions prévues expressément par la loi, toutes les décisions de procédure, qu'elles émanent du ministère public, de la police ou des autorités compétentes en matière de contraventions, sont susceptibles de recours. Le législateur a eu en vue de soumettre de manière générale à recours "tout acte de procédure [...], y compris toute abstention ou toute omission" (Message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale [FF 2006 1057, ch. 2.9.2 p. 1296]). En d'autres termes, la méthode législative n'est plus celle d'un catalogue énumérant les décisions sujettes à recours, à l'instar de ce que prévoyaient plusieurs anciens codes de procédure cantonaux, mais consiste à appliquer un principe (universalité des recours), puis à le limiter par des exceptions exhaustivement prévues dans la loi (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1 p. 84 et les références citées). 
La loi soumet toutefois la qualité pour recourir à l'existence d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision litigieuse (art. 382 al. 1 CPP). Cet intérêt doit être actuel et pratique. De cette manière, les tribunaux sont assurés de trancher uniquement des questions concrètes et non de prendre des décisions à caractère théorique. Ainsi, l'existence d'un intérêt de pur fait ou la simple perspective d'un intérêt juridique futur ne suffit pas. Une partie qui n'est pas concrètement lésée par la décision ne possède donc pas la qualité pour recourir et son recours est irrecevable (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1 p. 84 s.). 
 
2.2. Selon l'art. 248 CPP, les documents, enregistrements et autres objets qui ne peuvent être ni perquisitionnés ni séquestrés parce que l'intéressé fait valoir son droit de refuser de déposer ou de témoigner ou pour d'autres motifs sont mis sous scellés et ne peuvent être ni examinés, ni exploités par les autorités pénales (al. 1); si l'autorité pénale ne demande pas la levée des scellés dans les 20 jours, les documents et les autres objets mis sous scellés sont restitués à l'ayant droit (al. 2); si l'autorité pénale demande la levée des scellés, les tribunaux suivants statuent définitivement sur la demande dans le mois qui suit son dépôt : le tribunal des mesures de contrainte, dans le cadre de la procédure préliminaire (al. 3 let. a) ou le tribunal saisi de la cause, dans les autres cas (al. 3 let. b); le tribunal peut faire appel à un expert pour examiner le contenu des documents, des enregistrements et des autres objets (al. 4).  
Le délai de vingt jours prévu à l'art. 248 al. 2 CPP est un délai légal, qui ne peut être prolongé (art. 89 al. 1 CPP). Son non-respect entraîne la restitution des objets placés sous scellés (arrêt 1B_117/2012 du 26 mars 2012 consid. 2.3; SCHMID/JOSITSCH, Schweizerische Strafprozessordung, Praxiskommentar, 3e éd. 2018, n° 8 ad art. 248 CPP; MOREILLON/PAREIN-REYMOND, Petit commentaire, Code de procédure pénale, 2e éd. 2016, n° 14 ad art. 248 CPP; ANDREAS J. KELLER, in DONATSCH/HANSJAKOB/LIEBER (édit.), Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung [StPO], 2e éd. 2014, n° 37 ad art. 248 CPP; THORMANN/BRECHTBÜHL, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Art. 196-457 StPO, 2e éd. 2014, n° 18 ad art. 248 CPP). 
 
2.3. En l'espèce, il n'est pas contesté que trois documents ont été placés sous scellés lors de la perquisition effectuée les 22 et 23 mai 2017. Il n'est pas non plus remis en cause que d'autres éléments, en grande majorité informatiques, ont également été saisis, sans que leur mise sous scellés n'ait été requise. Enfin, le MPC ne prétend pas avoir déposé de demande de levée des scellés visant les trois pièces susmentionnées.  
Les recourantes se prévalent dès lors de l'échéance du délai posé à l'art. 248 al. 2 CPP pour obtenir la restitution des trois pièces placées sous scellés. La disposition précitée ne prévoit aucune autre condition pour faire valoir ce droit. En particulier et contrairement à ce que semble retenir l'autorité précédente (cf. consid. 1.11 de l'arrêt attaqué), le requérant n'a pas à démontrer la réalité du motif invoqué pour obtenir la mise sous scellés, le défaut d'utilité potentielle des pièces en cause et/ou l'existence d'un préjudice en l'absence de restitution immédiate; c'est le lieu d'ailleurs de rappeler que le recours au sens de l'art. 393 al. 1 let. a CPP ne présuppose en principe pas l'existence d'un préjudice irréparable, notamment pour contester le refus du ministère public de retirer des moyens de preuve du dossier (ATF 143 IV 475 consid. 2.4 ss p. 478 ss). La possibilité pour l'autorité d'instruction de réitérer, à certaines conditions, la perquisition par rapport aux trois documents en cause (arrêts 1B_424/2013 du 22 juillet 2014 consid. 2.5; 1B_117/2012 du 26 mars 2012 consid. 2.3 et 2.4) ne suffit pas non plus à justifier un refus de restitution, sauf à nier tout sens au délai prévu à l'art. 248 al. 2 CPP (arrêt 1B_117/2012 du 26 mars 2012 consid. 2.4). Ainsi, lorsqu'aucune demande de levée des scellés ne paraît avoir été déposée en respect du délai posé à l'art. 248 al. 2 CPP et que la requête de restitution ne viole pas de manière crasse le principe de la bonne foi - problématiques relevant du fond -, celui ayant requis les scellés dispose en principe, de part la loi, d'un droit à la restitution immédiate des documents mis sous scellés. Le requérant a ainsi un intérêt juridiquement protégé, actuel et pratique à s'opposer à la décision lui refusant cette restitution, respectivement à en faire vérifier les motifs par une autorité de recours. 
En tout état de cause, indépendamment du fait qu'il paraisse douteux que les parties puissent s'accorder sur la prolongation d'un délai légal (voir THORMANN/BRECHTBÜHL, op. cit., n° 18 ad art. 248 CPP), la remarque figurant au procès-verbal de la perquisition du 22 mai 2017, dont se prévaut le MPC, ne semble pas pouvoir concerner le tri des trois pièces mises sous scellés puisque la compétence y relative appartient l'autorité judiciaire au sens de l'art. 248 al. 3 let. a et b CPP, à l'exclusion des autorités d'instruction (ATF 142 IV 372 consid. 3.1 p. 374 s.); la première est également la seule à pouvoir se prononcer sur les secrets invoqués et/ou statuer sur l'utilité potentielle des documents placés sous scellés. 
Au regard de ces considérations, l'autorité précédente viole le droit fédéral en estimant que les recourantes ne disposaient pas d'un intérêt juridiquement protégé, actuel et pratique à l'examen de leur recours contre la décision du MPC (art. 382 al. 1 CPP) et ce grief doit être admis. 
 
3.   
Vu l'issue du litige, il n'y a pas lieu d'examiner les griefs soulevés en lien avec l'établissement des faits. 
 
4.   
Il s'ensuit que le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle examine les autres conditions de recevabilité et, le cas échéant, entre en matière sur le recours formé le 10 juillet 2017 par les recourantes contre l'ordonnance du MPC du 27 juin 2017. 
Les recourantes, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'avocats, ont droit à des dépens à la charge de la Confédération (art. 68 al. 1 LTF). Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis. L'arrêt du 24 mai 2018 de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral est annulé et la cause est renvoyée à cette autorité pour qu'elle procède au sens des considérants. 
 
2.   
Une indemnité de dépens, fixée à 2'500 fr., est allouée aux recourantes à la charge de la Confédération (Ministère public de la Confédération). 
 
3.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourantes, au Ministère public de la Confédération et à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral. 
 
 
Lausanne, le 13 novembre 2018 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
La Greffière : Kropf