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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
8C_227/2017  
 
 
Arrêt du 17 mai 2018  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Maillard, Président, Frésard, Heine, Wirthlin et Viscione. 
Greffière : Mme von Zwehl. 
 
Participants à la procédure 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me Sébastien Dorthe, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-accidents (rente d'invalidité), 
 
recours contre le jugement de la Ie Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 20 février 2017 (605 2016 183). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________, né en 1956, était employé en qualité de maçon au service de la société B.________ de 1994 jusqu'à 2008, année au cours de laquelle l'entreprise a cessé son activité. Le 15 mars 2007, il s'est tordu le genou droit à la suite d'un faux mouvement sur un chantier, ce qui lui a occasionné une déchirure des ménisques interne et externe ainsi qu'une déchirure partielle des ligaments croisés. La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après: la CNA), auprès de laquelle il était assuré obligatoirement contre le risque d'accident, a pris en charge le cas. Après la fermeture de la société qui l'employait, A.________ s'est inscrit au chômage. 
 
En février 2010, alors qu'il avait été placé par l'assurance-chômage dans une entreprise de déménagement, le prénommé a annoncé à la CNA une rechute de l'accident du 15 mars 2007 en raison d'une nouvelle déchirure de la corne postérieure du ménisque interne à droite et d'une lésion de la corne moyenne du ménisque externe. Il a été opéré le 15 mars 2010, puis encore le 29 juillet 2011 à cause d'une récidive de la lésion. En tout, l'assuré a dû se soumettre à cinq arthroscopies du genou. 
 
A l'issue d'un examen médical final de l'assuré du 16 juillet 2015, le docteur C.________, médecin-conseil de la CNA et spécialiste en chirurgie orthopédique, a considéré que l'état de santé de celui-ci était stabilisé et qu'il disposait désormais d'une pleine capacité de travail sans baisse de rendement dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles suivantes: pas de port de charges lourdes, de marche en terrain irrégulier, de montées et de descentes d'échelles ou de positions contraignantes pour le genou. Sur cette base, la CNA a informé A.________ qu'elle mettait un terme au versement de l'indemnité journalière avec effet au 30 septembre 2015 tout en acceptant de prendre en charge les coûts relatifs à un suivi médical à long terme, ainsi que des mesures ponctuelles d'antalgie et de physiothérapie. 
 
Le 29 décembre 2015, la CNA a rendu une décision par laquelle elle a nié le droit de l'assuré à une rente d'invalidité, mais lui a alloué une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 7,5 %. A.________ a contesté cette décision. 
 
Par une nouvelle décision du 30 mai 2016, confirmée sur opposition le 24 juin suivant, la CNA a modifié sa précédente décision en ce sens qu'elle a alloué à l'assuré une rente d'invalidité fondée sur un degré d'invalidité de 16 % à partir du 1er octobre 2015. Pour déterminer le revenu d'invalide de l'assuré, l'assureur-accidents s'est fondé sur les données de l'Enquête suisse sur la structure des salaires [ESS] et a, en outre, procédé à un abattement de 5 % sur le salaire statistique. 
 
B.   
Saisie d'un recours de l'assuré, la Ie Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Fribourg l'a partiellement admis et réformé la décision litigieuse en ce sens qu'elle a reconnu à A.________ le droit à une rente d'invalidité de 25 % (jugement du 20 février 2017). 
 
C.   
La CNA interjette un recours en matière de droit public. Elle conclut à l'annulation du jugement cantonal et au rétablissement de sa décision sur opposition du 24 juin 2016. 
A.________ conclut au rejet de recours. La cour cantonale et l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) ont renoncé à présenter des déterminations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) prévu par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.   
Le litige porte sur le taux de la rente d'invalidité allouée à l'intimé à partir du 1er octobre 2015. Selon les motifs du recours, seul est litigieux le taux d'abattement du revenu d'invalide statistique retenu par la cour cantonale. 
 
La procédure ayant pour objet une prestation en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par la juridiction précédente (art. 105 al. 3 LTF). 
 
3.  
 
3.1. En ce qui concerne le taux d'abattement, la mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation). Une déduction globale maximale de 25 % sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (cf. ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79 s.). Il n'y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération. Il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d'appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret (ATF 126 V 75 consid. 5b/bb p. 80; arrêt 8C_80/2013 du 17 janvier 2014 consid. 4.2; 9C_751/2011 du 30 avril 2012 consid. 4.2.1).  
 
3.2. L'étendue de l'abattement (justifié dans un cas concret) constitue une question typique relevant du pouvoir d'appréciation, qui est soumise à l'examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d'appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif ("Ermessensüberschreitung") ou négatif ("Ermessensunterschreitung") de son pouvoir d'appréciation ou a abusé ("Ermessensmissbrauch") de celui-ci (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72 s.; 132 V 393 consid. 3.3 p. 399), notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n'usant pas de critères objectifs (cf. ATF 130 III 176 consid. 1.2 p. 180).  
 
3.3. Contrairement au pouvoir d'examen du Tribunal fédéral, celui de l'autorité judiciaire de première instance n'est en revanche pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation), mais s'étend également à l'opportunité de la décision administrative ("Angemessenheitskontrolle"). En ce qui concerne l'opportunité de la décision en cause, l'examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. A cet égard, le juge des assurances sociales ne peut, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l'administration; il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 126 V 75 consid. 6 p. 81).  
 
4.  
 
4.1. Alors que dans sa décision sur opposition du 24 juin 2016, la CNA a retenu que le seul facteur de déduction pertinent dans le cas de l'assuré était celui lié aux limitations fonctionnelles résultant de l'accident - ce qui l'a conduite à effectuer un abattement de 5 % sur le salaire statistique -, la cour cantonale n'a pas confirmé ce point de vue et fixé le taux d'abattement global à 15 %. Selon cette dernière, d'autres facteurs que les limitations fonctionnelles induites par les séquelles de l'accident étaient de nature à influer sur les perspectives salariales de l'assuré dans une activité adaptée. Quoi qu'en ait dit la CNA, un âge proche de 60 ans constituait un tel facteur, ainsi que l'inexpérience de l'assuré dans une nouvelle profession. Après comparaison des revenus avec et sans invalidité déterminants, celui-ci présentait donc un degré d'invalidité de 25 %.  
 
4.2. Dans son recours, la CNA fait valoir que les juges cantonaux ont mésusé de leur pouvoir d'appréciation en augmentant le taux d'abattement de 5 % à 15 %. Elle maintient que l'âge de l'intimé, pas plus d'ailleurs que son manque d'expérience dans une autre profession que celle de maçon, ne sauraient être considérés comme des critères pertinents pour justifier une réduction du salaire statistique. En particulier, il n'était pas suffisant d'affirmer qu'un âge proche de 60 ans constituait un facteur pénalisant sur le marché du travail pour démontrer que cela entraînait une baisse de salaire dans la catégorie d'activités visées. A cet égard, le tableau TA9 des ESS, auquel le Tribunal fédéral s'était déjà référé à plusieurs reprises (par exemple VSI 1999 p. 246), permettait bien plutôt d'inférer que l'âge n'exerçait pas d'influence négative sur le salaire dans aucune des catégories couvertes par les statistiques ESS. En d'autres termes, l'âge ne constituait pas un facteur de réduction pour les travailleurs non qualifiés comme l'avait décidé la jurisprudence (notamment l'arrêt 8C_477/2016 du 23 novembre 2016 consid. 4.2). Quant au motif relatif au manque d'expérience, il perdait toute son importance lorsqu'il s'agissait d'activités adaptées exigibles correspondant au niveau de qualifications 4 (en cas d'application des ESS antérieurs à 2012), respectivement au niveau de compétence 1 (voir également l'arrêt 8C_883/2015 du 21 octobre 2016 consid. 6.3.2).  
 
5.   
On doit en l'occurrence donner raison à la recourante. 
 
En ce qui concerne tout d'abord le manque d'expérience de l'assuré dans une nouvelle profession, il ne s'agit pas d'un facteur susceptible de jouer un rôle significatif sur ses perspectives salariales. D'une part, les activités adaptées envisagées (simples et répétitives de niveau de compétence 1) ne requièrent ni formation, ni expérience professionnelle spécifique. D'autre part, tout nouveau travail va de pair avec une période d'apprentissage, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'effectuer un abattement à ce titre (voir par exemple l'arrêt 9C_200/2017 du 14 novembre 2017 consid. 4.5). 
 
Ensuite, il convient de rappeler que selon la jurisprudence, l'âge d'un assuré ne constitue pas  per se un facteur de réduction du salaire statistique. Autrement dit, il ne suffit pas de constater qu'un assuré a dépassé la cinquantaine au moment déterminant du droit à la rente pour que cette circonstance justifie de procéder à un abattement. Encore récemment, le Tribunal fédéral a insisté sur ce point et affirmé que l'effet de l'âge combiné avec un handicap doit faire l'objet d'un examen dans le cas concret, les possibles effets pénalisants au niveau salarial induits par cette constellation aux yeux d'un potentiel employeur pouvant être compensés par d'autres éléments personnels ou professionnels tels que la formation et l'expérience professionnelle de l'assuré concerné (voir l'arrêt 8C_439/2017 du 6 octobre 2017 dans lequel il a été jugé, à propos d'un assuré ayant atteint 62 ans à la naissance du droit à la rente, qu'il n'y avait pas d'indices suffisants pour retenir qu'un tel âge représentait un facteur pénalisant par rapport aux autres travailleurs valides de la même catégorie d'âge, eu égard aux bonnes qualifications professionnelles de celui-ci). Or dans le cas particulier, la cour cantonale s'est écartée de l'appréciation de la CNA sur l'étendue de l'abattement du salaire statistique applicable à l'intimé du seul fait que celui-ci était âgé de 59 ans au moment déterminant, sans même examiner en quoi ses perspectives salariales seraient concrètement réduites sur le marché du travail équilibré à raison de son âge en tenant compte de toutes les circonstances du cas particulier. Une telle façon de faire n'est pas conforme à la jurisprudence. En l'espèce, il ressort du dossier que l'assuré, consécutivement à la cessation d'activité de son ancien employeur (B.________), a accompli plusieurs missions temporaires alors qu'il était inscrit au chômage (en dernier lieu comme déménageur), de sorte qu'on peut admettre qu'il dispose d'une certaine capacité d'adaptation sur le plan professionnel susceptible, le cas échéant, de compenser les désavantages compétitifs liés à son âge, surtout dans le domaine des emplois non qualifiés qui sont, en règle générale, disponibles indépendamment de l'âge de l'intéressé sur le marché équilibré du travail (arrêts 8C_403/2017 du 25 août 2017 consid. 4.4.1; 8C_805/2016 du 22 mars 2017 consid. 3.4.3).  
 
Il s'ensuit que la cour cantonale n'avait pas de motif pertinent pour substituer son appréciation à celle de la CNA. Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire de décider si l'âge d'un assuré constitue même un critère susceptible de justifier un abattement sur le salaire statistique dans le domaine de l'assurance-accidents obligatoire compte tenu de la réglementation particulière de l'art. 28 al. 4 OLAA, question laissée ouverte par le Tribunal fédéral dans plusieurs arrêts récents (voir, en dernier lieu, l'arrêt 8C_439/2017 précité consid. 5.6.3). Du reste, la recourante n'a pas porté la discussion sur ce plan-là. 
 
Le recours doit donc être admis, le jugement cantonal annulé et la décision litigieuse confirmée en tant qu'elle reconnaît à l'intimé le droit à une rente d'invalidité LAA de 16 %. 
 
6.   
L'intimé, qui succombe, supportera ses propres dépens ainsi que les frais de la procédure (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis et le jugement de la Ie Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal fribourgeois du 20 février 2017 est annulé. La décision sur opposition de la CNA du 24 juin 2016 est confirmée. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la I e Cour des assurances sociales au Tribunal cantonal du canton de Fribourg et à l'Office fédéral de la santé publique.  
 
 
Lucerne, le 17 mai 2018 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Maillard 
 
La Greffière : von Zwehl