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[AZA 7] 
U 414/99 Mh 
 
 
IIe Chambre 
 
composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, et 
Ferrari, Ribaux, suppléant; Berset, Greffière 
 
 
Arrêt du 5 juin 2001 
 
dans la cause 
 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, 
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante, 
 
contre 
 
A.________, intimé, représenté par Maître Jacques Borowsky, 
avocat, rue Ferdinand-Hodler 7, 1207 Genève, 
 
et 
 
Tribunal administratif du canton de Genève, Genève 
 
 
 
A.- A.________ a travaillé en qualité de carreleur au 
service de l'entreprise X.________ SA. A ce titre, il était 
assuré par la Caisse nationale suisse en cas d'accidents 
(CNA) pour les accidents professionnels et non professionnels. 
 
 
Le 2 février 1996, il s'est tordu le genou droit en 
descendant des escaliers à son domicile. Il a subi une 
entorse grave avec lésion du ménisque interne et des ligaments 
croisés antérieur et postérieur. Depuis lors, il n'a 
plus travaillé que durant quelques jours, début 1996. Il 
s'est soumis à trois opérations, la dernière, pratiquée par 
le docteur B.________, datant d'octobre 1997. 
Par décision du 22 juillet 1998, confirmée sur opposition 
le 11 janvier 1999, la CNA a alloué à A.________ une 
rente fondée sur un taux d'invalidité de 30 %, à partir du 
1er mai 1998, et une indemnité pour atteinte à l'intégrité 
de 10 %. 
 
B.- A.________ a déféré cette décision au Tribunal 
administratif du canton de Genève, en concluant à l'octroi 
d'une rente d'invalidité d'un taux de 80 % et d'une indemnité 
pour atteinte à l'intégrité de 40 %. 
Par jugement du 5 octobre 1999, la cour cantonale a 
partiellement admis le recours et renvoyé la cause à la CNA 
pour qu'elle procède à une enquête économique complémentaire 
et qu'elle fixe à nouveau le taux de la rente d'invalidité. 
 
 
C.- La CNA interjette recours de droit administratif 
contre ce jugement dont elle demande l'annulation, en 
concluant à la confirmation de sa décision sur opposition. 
Elle produit, notamment, quatre nouvelles descriptions de 
poste de travail. 
L'intimé conclut au rejet du recours. 
L'OFAS ne s'est pas déterminé sur le recours. 
 
 
Considérant en droit : 
 
1.- Dans la procédure de recours concernant l'octroi 
ou le refus de prestations d'assurance, le pouvoir d'examen 
du Tribunal fédéral des assurances n'est pas limité à 
la violation du droit fédéral - y compris l'excès et 
l'abus du pouvoir d'appréciation - mais s'étend également 
à l'opportunité de la décision attaquée. Le tribunal n'est 
alors pas lié par l'état de fait constaté par la juridiction 
inférieure, et il peut s'écarter des conclusions 
des parties à l'avantage ou au détriment de celles-ci 
(art. 132 OJ). 
 
2.- L'indemnité pour atteinte à l'intégrité fixée 
dans l'arrêt cantonal n'a plus été contestée. Elle n'a 
donc pas à être examinée (cf. ATF 119 V 347). 
 
3.- Le litige porte sur le degré d'invalidité de 
l'intimé à partir du 1er mai 1998. Il n'est pas contesté 
que ce dernier présentait, à la date de la décision sur 
opposition, des séquelles de l'accident du 2 février 1996 
qui l'empêchaient de reprendre une activité de carreleur. 
 
4.- Selon l'art. 18 LAA, si l'assuré devient invalide 
à la suite d'un accident, il a droit à une rente 
d'invalidité (al. 1). Est réputé invalide celui dont la 
capacité de gain subit vraisemblablement une atteinte 
permanente ou de longue durée. Pour l'évaluation de 
l'invalidité, le revenu du travail que l'assuré devenu 
invalide par suite d'un accident pourrait obtenir en 
exerçant l'activité qu'on peut raisonnablement attendre de 
lui, après exécution éventuelle de mesures de réadaptation 
et compte tenu d'une situation équilibrée du marché du 
travail, est comparé au revenu qu'il aurait pu obtenir 
s'il n'était pas invalide (al. 2). 
La comparaison des revenus s'effectue, en règle 
ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les 
montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un 
avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux 
d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; 
ATF 104 V 136 consid. 2a et 2b). 
 
L'absence d'une occupation lucrative pour des raisons 
étrangères à l'invalidité ne peut donner droit à une 
rente. Si un assuré ne trouve pas un travail approprié en 
raison de son âge, d'une formation insuffisante ou de 
difficultés linguistiques à se faire comprendre (ou à 
comprendre les autres), l'assurance sociale n'a pas à en 
répondre; l'«incapacité de travail» qui en résulte n'est 
pas due à l'invalidité (ATF 107 V 21 consid. 2c; VSI 1999 
p. 247 consid. 1). 
Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration 
(ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin 
de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres 
spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin 
consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à 
indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités 
l'assuré est incapable de travailler. En outre, les 
données médicales constituent un élément utile pour 
déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, 
exiger de l'assuré (ATF 125 V 261 consid. 4, 115 V 134 
consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158 consid. 1). 
 
5.- Le revenu mensuel que A.________ aurait touché 
s'il n'avait pas subi l'accident de février 1996, a été 
évalué par la CNA à 5620 fr. Ce montant, qui n'est pas 
contesté, est fondé sur un salaire horaire de 28 fr. 30. 
6.- a) Pour le revenu d'invalide, il y a d'abord 
lieu de déterminer le type d'activité que l'assuré pourrait 
raisonnablement exercer. Après s'être exprimé à cet 
égard les 28 août 1996 et 2 juin 1997, le docteur 
C.________, spécialiste FMH en chirurgie et médecin 
d'arrondissement de la CNA se prononce clairement sur la 
question des activités exigibles de la part de l'intimé, 
dans un rapport (final) du 18 mars 1998, qui se fonde sur 
l'ensemble des pièces à disposition, dont le rapport de la 
clinique de Y.________ et les avis des docteurs B.________ 
et D.________. Le docteur C.________ indique ce qui suit 
: «Comme carreleur, l'assuré ne peut plus surcharger le 
membre inférieur gauche, s'agenouiller fréquemment et 
pendant de longues périodes. Par contre, dans une activité 
adaptée, soit assise, soit faisant alterner la position 
assise et debout, sans surcharge du membre inférieur 
gauche et sans déplacement sur de longues distances avec 
de fréquents escaliers, une capacité de travail serait 
possible à plein temps et à plein rendement». 
Rien ne permet de mettre en doute cette appréciation 
que l'intimé, au demeurant, ne conteste pas. Ce dernier en 
effet, fonde ses prétentions sur l'absence de place de 
travail accessible compte tenu de son handicap. 
Le docteur B.________, spécialiste FMH en chirurgie 
orthopédique, après avoir précisé qu'il n'avait plus vu 
son patient depuis le 26 août 1998, a certes indiqué, dans 
un courrier du 5 novembre 1999, que l'état du genou 
de A.________ n'avait pas dû s'améliorer et qu'au contraire 
une aggravation lente était à craindre. Une évolution 
postérieure à la décision sur opposition ne peut 
toutefois être prise en considération. En outre, ce même 
praticien avait estimé ce qui suit, dans un rapport du 
27 juillet 1998 : «un travail s'exerçant en position 
debout et assise alternée, en terrain régulier et sans 
manutention régulière de charge serait tout à fait adapté 
et dans une telle activité, la capacité de travail pourrait 
être entière». 
 
b) Le revenu d'invalide doit être évalué avant tout 
en fonction de la situation professionnelle concrète de 
l'intéressé. En l'absence d'un revenu effectivement réalisé, 
la jurisprudence considère que le revenu d'invalide 
peut être évalué sur la base des statistiques salariales 
(ATF 126 V 76 sv. consid. 3b/aa et bb). 
 
La mesure dans laquelle les salaires ressortant des 
statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble 
des circonstances personnelles et professionnelles du cas 
particulier (limitations liées au handicap, âge, années de 
service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et 
taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les 
limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale 
maximum de 25 % sur le salaire statistique permet de tenir 
compte des différents éléments qui peuvent influencer le 
revenu d'une activité lucrative (ATF 126 V 79 sv. consid. 
5b/aa-cc). 
La déduction, qui doit être effectuée globalement, 
résulte d'une évaluation et doit être brièvement motivée 
par l'administration. Le juge des assurances sociales ne 
peut, sans motif pertinent, substituer son appréciation à 
celle de l'administration (ATF 126 V 81 consid. 6). 
 
c) Dans la décision du 22 juillet 1998, confirmée 
sur opposition, la CNA a fixé à 4000 fr. (y compris part 
treizième salaire) par mois le revenu d'invalide que 
l'intimé pourrait réaliser dans une activité légère dans 
différents secteurs de l'industrie, en tenant compte des 
limitations mentionnées par le docteur C.________. 
La cour cantonale a retenu, à juste titre, pour les 
raisons indiquées au consid. 9 de son jugement, que certaines 
des activités proposées par la CNA étaient inadéquates 
ou non pertinentes et que le nombre de postes 
restant était trop petit pour permettre de déterminer le 
revenu d'invalide. 
Cela étant, c'est néanmoins à tort que l'autorité 
cantonale a renvoyé le dossier à la CNA pour reprendre une 
instruction qui est en elle-même complète. Par ailleurs, 
il n'appartient pas au Tribunal fédéral des assurances 
d'examiner les nouvelles DPT produites par la CNA à 
l'appui du recours. Dans de telles situations, pour déterminer 
le revenu d'invalide, le juge se fonde, en effet, 
sur les données statistiques, telles qu'elles résultent 
des enquêtes suisses sur la structure des salaires de 
l'Office fédéral de la statistique (ATF 126 V 75 et les 
arrêts cités). 
 
d) Le recours aux salaires statistiques est d'autant 
plus approprié, lorsque l'assuré n'a pas - comme en l'espèce 
- repris d'activité professionnelle. On se référera 
alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en 
se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 
124 V 323 consid. 3b/bb; VSI 1999 p. 182). 
En l'occurrence, le salaire de référence est celui 
auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des activités 
simples et répétitives dans le secteur privé, à savoir 
4268 fr. par mois (Enquête 1998, tabelle 1; niveau de qualification 
4). Ce salaire mensuel hypothétique représente, 
compte tenu du fait que les salaires bruts standardisés se 
basent sur un horaire de travail de quarante heures, soit 
une durée hebdomadaire inférieure à la moyenne usuelle 
dans les entreprises en 1998 (41,9 heures; La Vie économique 
1999/8 annexe p. 27, Tabelle B 9.2) un revenu d'invalide 
de 4470 fr. par mois (4268 x 41,9 : 40). 
 
e) En l'espèce, aucun des critères qui justifierait 
une déduction au sens de l'arrêt ATF 126 V 79 sv. consid. 
5b/aa-cc n'est véritablement rempli. Si l'on procédait 
néanmoins à une déduction généreuse de 10 %, pour 
tenir compte de certains empêchements propres à l'intimé, 
il en résulterait un revenu d'invalide de 4023 fr. 
(4470 fr. x 10 %), presque identique à celui fixé par la 
recourante. 
 
f) En définitive, la comparaison des revenus aboutit 
à la confirmation du taux retenu par la CNA dans sa décision 
sur opposition. 
7.- a) Selon la jurisprudence, l'uniformité de la 
notion d'invalidité, qui doit conduire à fixer pour une 
même atteinte à la santé un même taux d'invalidité, règle 
la coordination de l'évaluation de l'invalidité en droit 
des assurances sociales (ATF 126 V 291 consid. 2a). Des 
divergences ne sont toutefois pas à exclure d'emblée (ATF 
126 V 292 consid. 2b et les références). L'uniformité de 
la notion d'invalidité ne libère pas les divers assureurs 
sociaux de l'obligation de procéder chacun de manière indépendante 
à l'évaluation de l'invalidité dans chaque cas 
concret. Ils ne peuvent en aucun cas se borner à reprendre, 
sans autre examen, le degré d'invalidité fixé par un 
autre assureur. Un tel effet contraignant ne se justifierait 
pas. Cependant, il ne convient pas non plus que 
l'invalidité soit fixée dans les diverses branches des 
assurances sociales de manière complètement indépendante 
de décisions déjà prises par d'autres assureurs. A tout le 
moins, des évaluations de l'AI entrées en force ne sauraient 
être purement ignorées (ATF 126 V 293 consid. 2d). 
 
b) En l'espèce, c'est à juste titre que les premiers 
juges se sont écartés du taux d'invalidité de 100 % retenu 
par l'AI. En effet, force est de constater, tout d'abord, 
que l'évaluation à laquelle a procédé l'AI est inexplicable 
et que le prononcé ne paraît pas fondé dur les règles 
légales normalement applicables. 
Par ailleurs, l'intimé semble souffrir d'affections 
sans lien avec l'accident du 2 février 1996 (dépression 
réactionnelle et phlegmon à la main droite, selon le 
rapport de la Clinique Y.________ du 24 février 1997). 
Dans ces circonstances, le taux de 100 % qu'a retenu 
l'AI dans sa décision du 30 mai 1997 n'est pas déterminant. 
 
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être 
admis. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances 
 
p r o n o n c e : 
 
I. Le recours est admis et l'arrêt du Tribunal administratif 
du canton de Genève du 5 octobre 1999 est 
annulé. 
 
II. Il n'est pas perçu de frais de justice. 
 
III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au 
Tribunal administratif du canton de Genève et à 
l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
Lucerne, le 5 juin 2001 
 
Au nom du 
Tribunal fédéral des assurances 
Le Président de la IIe Chambre : 
 
 
 
 
La Greffière :