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[AZA 0/2] 
 
2P.242/2000 
 
IIe COUR DE DROIT PUBLIC 
********************************************** 
 
6 novembre 2001 
 
Composition de la Cour: MM. et Mmes les Juges Wurzburger, 
président, Hungerbühler, Klett, Müller, Yersin, Féraud et Merkli. Greffier: M. Addy. 
 
__________ 
 
Statuant sur le recours de droit public 
formé par 
X.________, 
 
contre 
la loi sur l'imposition des personnes physiques (LIPP V) - Détermination du revenu net - Calcul de l'impôt et rabais d'impôt - Compensation des effets de la progression à froid (8202), adoptée le 22 septembre 2000 par le Grand Conseil du canton de Genève, représenté par Me Xavier Oberson, avocat à Genève; 
 
(art. 49 Cst. : harmonisation des impôts directs 
des cantons et des communes) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- Le Grand Conseil du canton de Genève a adopté le 22 septembre 2000 la loi sur l'imposition des personnes physiques (LIPP V) - Détermination du revenu net - Calcul de l'impôt et rabais d'impôt - Compensation des effets de la progression à froid (8202) (ci-après citée: LIPP V ou loi cantonale), visant à harmoniser le droit genevois conformément à la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (ci-après citée: LHID ou loi fédérale d'harmonisation; RS 642. 14). 
 
Publiée une première fois dans la Feuille d'Avis Officielle du canton de Genève le 29 septembre 2000, la loi cantonale a fait l'objet d'une seconde publication le 17 novembre 2000, à l'expiration du délai référendaire qui n'a pas été utilisé. 
 
B.- Le 30 octobre 2000, X.________ a déposé deux recours de droit public, avec suite de frais et dépens, l'un demandant de constater que les art. 4 al. 2 LIPP V (déduction des frais de maladie, accidents ou invalidité) et 6 al. 3 LIPP V (déduction des frais d'administration de la fortune mobilière) sont contraires au droit fédéral régissant la matière et de les annuler, l'autre de constater que l'art. 14 al. 2 dernière phrase LIPP V (rabais d'impôt) est contraire au principe de l'égalité de traitement et de l'annuler. 
 
 
Par ordonnance du 7 novembre 2000, le Président de la IIe Cour de droit public a pris acte du retrait du recours du 30 octobre 2000 en tant que dirigé contre l'art. 14 al. 2 dernière phrase LIPP V et a renvoyé la question des frais au jugement au fond de l'autre recours. 
Le Grand Conseil du canton de Genève conclut, avec suite de frais, principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet dans son entier. 
 
Les parties ont maintenu leurs conclusions lors du second échange d'écritures. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- Le Tribunal fédéral vérifie d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis. 
 
Comme le recours de droit public n'est recevable que si la prétendue violation ne peut pas être soumise par une action ou par un autre moyen de droit quelconque au Tribunal fédéral ou à une autre autorité fédérale (cf. art. 84 al. 2 OJ), il faut examiner d'abord si la voie du recours de droit administratif est ouverte. 
 
a) Selon l'art. 97 al. 1 OJ, le Tribunal fédéral connaît, en dernière instance, les recours de droit administratif contre des décisions au sens de l'art. 5 PA, fondées sur le droit fédéral ou qui auraient dû l'être. 
 
L'art. 73 LHID a étendu le recours de droit administratif aux décisions cantonales de dernière instance lorsqu'elles portent sur une matière réglée dans les titres deuxième à cinquième et sixième chapitre 1er de la loi fédérale d'harmonisation. 
 
En l'espèce, le recours n'est toutefois pas dirigé contre une "décision", mais directement contre un arrêté cantonal de portée générale, qui ne peut faire l'objet d'un recours de droit administratif, car ce moyen de droit ne sert pas à un contrôle abstrait des normes (cf. ATF 124 I 145 consid. 1a p. 148). Dès lors, seule la voie du recours de droit public est ouverte (cf. Adrian Kneubühler, Durchsetzung der Steuerharmonisierung, in Archives 69 p. 209, p. 226 ss, p. 252 s.; Bernhard Greminger, in Martin Zweifel/Peter Athanas, Bundesgesetz über die Harmonisierung der direkten Steuern der Kantone und Gemeinden (StHG), Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, Bâle 1997 [ci-après abrégé: 
Kommentar StHG], n. 28 ad art. 72; Ulrich Cavelti, in Kommentar StHG, n. 1 ad art. 73; Andreas Kley-Struller, Die Beschwerde an das Bundesgericht gemäss Artikel 73 des Steuerharmonisierungsgesetzes, in Festschrift zum 65. 
 
Geburtstag von Ernst Höhn, Berne 1995, p. 132 s.). 
 
b) aa) Selon la jurisprudence relative à l'art. 88 OJ, la qualité pour recourir contre un arrêté de portée générale appartient à toute personne dont les intérêts juridiques protégés sont effectivement ou pourraient un jour être touchés par l'acte attaqué; une simple atteinte virtuelle suffit, pourvu qu'il y ait un minimum de vraisemblance que le recourant puisse un jour se voir appliquer les dispositions prétendument anticonstitutionnelles (cf. ATF 125 II 440 consid. 1c p. 443 s.; SJ 1995 p. 253 consid. 1a p. 254 s.). 
 
En l'espèce, il n'est pas exclu que le recourant, contribuable genevois, supporte ou doive supporter un jour des frais de santé ou des frais d'administration de la fortune mobilière dépassant les limites posées par les dispositions cantonales entreprises, de sorte que la qualité pour agir doit lui être reconnue. 
 
bb) En droit genevois, dans lequel il n'existe aucune voie de droit cantonal permettant d'examiner la constitutionnalité des actes législatifs, le délai de trente jours prévu à l'art. 89 al. 1 OJ pour déposer un recours de droit public contre un arrêté de portée générale commence à courir dès la publication de cet arrêté dans la Feuille d'Avis Officielle. 
S'il s'agit d'un arrêté soumis au référendum facultatif, le délai de trente jours commence à courir, si le référendum n'est pas utilisé, au moment où l'autorité compétente donne officiellement connaissance du fait que l'arrêté est promulgué pour être exécutoire dans tout le canton. Le recours déposé prématurément n'est pas irrecevable (ATF 117 Ia 328 consid. 1a p. 330; SJ 1995 p. 253 consid. 1b p. 255). 
 
Déposé le 30 octobre 2000 contre un arrêté qui a été promulgué le 17 novembre 2000, le présent recours est donc recevable, bien que prématuré. 
 
cc) Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droit public a un caractère purement cassatoire (cf. ATF 126 II 377 consid 8c p. 395). Dans la mesure où le recourant demande autre chose que l'annulation des normes attaquées - par exemple, la constatation que ces dernières seraient contraires à certains principes constitutionnels - ses conclusions sont dès lors irrecevables. 
 
dd) Selon l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte de recours doit contenir un exposé des faits essentiels et un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés, précisant en quoi consiste la violation. 
Invoquant une violation de la force dérogatoire du droit fédéral, le recourant a l'obligation d'indiquer quelles dispositions de droit fédéral seraient touchées à ses yeux par les dispositions cantonales contestées (SJ 2001 p. 81 consid. 3b p. 85). 
 
 
Bien que bref, le mémoire du recourant expose clairement le droit constitutionnel et les dispositions de droit fédéral que, selon lui, violeraient les normes entreprises de la loi cantonale, et sur quels points celles-ci y seraient contraires. Il remplit ainsi les conditions précitées. 
 
c) aa) L'intimé soutient que le recours de droit public serait irrecevable parce qu'intenté contre une loi votée et promulguée avant l'expiration du délai de huit ans accordé aux cantons pour adapter leur législation aux dispositions des titres deuxième à sixième de la loi fédérale d'harmonisation (cf. art. 72 al. 1 LHID); de plus, déposé avant l'échéance de ce délai de huit ans, le recours ne serait, pour ce motif également, pas recevable, conformément à la doctrine et à la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant l'art. 73 LHID
 
bb) S'agissant du recours de droit administratif prévu à l'art. 73 al. 1 LHID, le Tribunal fédéral a admis qu'il n'était pas ouvert pendant le délai de huit ans courant dès l'entrée en vigueur de la loi fédérale d'harmonisation le 1er janvier 1993, et cela même si le canton prétendait avoir déjà harmonisé son droit de manière anticipée (cf. ATF 124 I 145 consid. 1a p. 148; 123 II 588 consid. 2d p. 592 s.; Danielle Yersin, Harmonisation fiscale: La dernière ligne droite, in Archives 69 p. 305, p. 307 ss). Il est toutefois douteux que les considérations à l'appui de cette jurisprudence puissent s'appliquer sans autre au recours de droit public (en particulier les motifs tirés du droit des cantons d'épuiser le délai d'adaptation, de l'inégalité entre cantons, de l'insécurité juridique). 
 
Il est vrai qu'un examen portant sur la conformité de la loi cantonale à la loi fédérale d'harmonisation pourrait paraître vain pendant le délai d'adaptation de huit ans, puisque la loi fédérale pouvait parfaitement être modifiée pendant ce même délai - et l'a d'ailleurs été à plusieurs reprises (cf. Jean-Blaise Paschoud, Survol des récentes modifications [1998/1999] du droit fédéral concernant les impôts directs, in RDAF 2000 II p. 1 ss). Toutefois, l'octroi d'un délai d'adaptation aux cantons ne saurait conduire à diminuer ou supprimer la protection des droits constitutionnels des contribuables et à soustraire la législation cantonale au contrôle judiciaire, comme le suggère ThomasMeister (Rechtsmittelsystem der Steuerharmonisierung, thèse St-Gall 1994, p. 81 s.). En outre, la question de savoir si le droit cantonal doit ou non être conforme à la loi fédérale d'harmonisation, le cas échéant s'il l'est ou non, relève du fond et non de la recevabilité du recours de droit public. 
C'est d'ailleurs ce qu'a admis tacitement le Tribunal fédéral dans plusieurs arrêts (cf. ATF 124 I 145, 101; Pra 89/2000 n. 26 p. 152) où il est entré en matière sur de tels recours (cf. Kneubühler, op. cit. , p. 253). La question n'a toutefois pas à être tranchée définitivement ici, car il ne s'agit pas d'apprécier la conformité à la loi fédérale d'harmonisation d'une loi fiscale cantonale qui doit être appliquée pendant le délai d'adaptation. Les dispositions attaquées sont en effet entrées en vigueur le 1er janvier 2001 (art. 20 LIPP V), soit après l'expiration du délai de huit ans prévu à l'art. 72 al. 1 LHID. Elles doivent donc être immédiatement conformes au droit fédéral. Qu'elles aient été adoptées peu avant l'échéance du délai et que le recours ait également été déposé peu avant cette échéance, vu le délai de trente jours de l'art. 89 al. 1 OJ, n'est pas déterminant. 
 
En conséquence, de ce point de vue également, le recours est recevable. 
 
2.- a) L'art. 9 LHID dispose notamment: 
 
"1Les dépenses nécessaires à l'acquisition du revenu et 
les déductions générales sont défalquées de l'ensemble 
des revenus imposables. Les frais de perfectionnement 
et de reconversion professionnels en rapport avec l'activité 
exercée font également partie des dépenses nécessaires 
à l'acquisition du revenu. 
2Les déductions générales sont: 
 
a.(...) 
b.(...) 
... 
h.Les frais provoqués par la maladie, les accidents 
et l'invalidité du contribuable ou d'une personne 
à l'entretien de laquelle il subvient, lorsque le 
contribuable supporte lui-même ces frais et que 
ceux-ci excèdent une franchise déterminée par le 
droit cantonal.. " 
i.(...) 
... 
 
b) Afin de concrétiser la disposition précitée de la loi fédérale d'harmonisation, le législateur genevois a adopté la loi cantonale dont les articles attaqués ici ont la teneur suivante: 
 
Art. 4 al. 2: "Les frais dûment justifiés provoqués par 
la maladie, les accidents ou l'invalidité du contribuable 
ou d'une personne à sa charge, pour la part supportée 
par le contribuable, au maximum jusqu'à: 
 
a) 2'250 F. par contribuable et par charge de famille; 
b) 4'500 F. par contribuable âgé de plus de 65 ans.. " 
 
Art. 6 al. 3: "(Sont déduits du revenu): les frais effectifs 
d'administration de la fortune mobilière imposable, 
à concurrence d'un maximum de 5% du rendement de 
ladite fortune, ainsi que les impôts à la source étrangers 
qui ne peuvent être ni remboursés ni imputés.. " 
 
Selon le recourant, ces deux dispositions ne seraient pas conformes à l'art. 9 al. 1 et 2 let. h LHID, et violeraient ainsi le principe de la force dérogatoire du droit fédéral. L'intimé prétend, au contraire, que l'art. 9 al. 1 et 2 let. h LHID ne réglerait pas exhaustivement les déductions en cause et laisserait place aux modalités prévues par la législation genevoise, qui seraient au surplus plus équitables et mieux adaptées. 
3.- En vertu du principe de la force dérogatoire (ou de la primauté) du droit fédéral, les cantons ne sont pas autorisés à légiférer dans les domaines exhaustivement réglementés par le droit fédéral. Dans les autres domaines, ils peuvent édicter des règles de droit qui ne violent ni le sens ni l'esprit du droit fédéral, et qui n'en compromettent pas la réalisation (ATF 127 I 60 consid. 4 p. 68; 126 I 76 consid. 1 p. 78; 125 I 474 consid. 2a p. 480 et les arrêts cités). 
Le Tribunal fédéral examine en principe librement, dans chaque cas d'espèce, si les normes de droit cantonal ou communal sont compatibles avec le droit fédéral (ATF 126 I 76 consid. 1 p. 78 et les arrêts cités). 
 
 
4.- a) Selon la jurisprudence, la loi s'interprète en premier lieu d'après sa lettre (interprétation littérale). 
Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit de sa relation avec d'autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, de l'esprit de la règle, des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique) (cf. ATF 125 II 192 consid. 3a p. 196, 183 consid. 4 p. 185, 177 consid. 3 p. 179; RDAF 1998 II p. 148 consid. 2c p. 151). 
 
 
b) Il ressort de la lettre de l'art. 9 LHID que les déductions autorisées sur le revenu - a contrario, la marge de liberté restant aux cantons en cette matière - y sont réglées exhaustivement. Ainsi les dépenses d'acquisition du revenu (déductions organiques) sont définies à l'alinéa 1 sans qu'une éventuelle réglementation cantonale divergente ou restrictive ne soit réservée. L'alinéa 2 donne une liste exhaustive des déductions sociopolitiques autorisées. Les cantons ont l'obligation de reprendre ces déductions au plan cantonal. Une compétence cantonale n'est réservée qu'aux lettres g, h, i, k et son étendue est expressément limitée au choix des montants des déductions et, s'agissant des frais de maladie, accidents ou invalidité (lettre h), au montant de la franchise. L'alinéa 3 indique les déductions incitatives en matière de protection de l'environnement, d'économie d'énergie et de restauration de monuments historiques que les cantons peuvent prévoir. Ils ont la faculté de reprendre, ou non, les déductions en cause, mais pas de les modifier ou de les compléter. L'alinéa 4 indique "on n'admettra pas d'autres déductions". Seules demeurent dans la compétence exclusive des cantons les déductions pour enfants et autres déductions sociales, ainsi que les montants exonérés (art. 1 al. 3 et 9 al. 4 in fine LHID; cf. Danielle Yersin, L'impôt sur le revenu: étendue et limites de l'harmonisation, in Archives 61 p. 295, p. 296 ss). 
 
Les travaux préparatoires confirment le caractère exhaustif des déductions mentionnées aux alinéas 1 et 2 de l'art. 9 LHID, ainsi que la volonté du législateur de régler impérativement ces points dans la loi fédérale d'harmonisation (cf. Message du Conseil fédéral du 25 mai 1983 sur l'harmonisation fiscale in FF 1983 III p. 99 ss ad art. 10 LHID, p. 175 ad art. 26 LHID et p. 181 ss ad art. 33 LHID; cf. aussi BO 1986 CE p. 135 ss et BO 1989 CN p. 37 ss). 
 
Cette réglementation exhaustive s'inscrit dans le cadre du mandat constitutionnel de l'art. 129 al. 2 Cst. (art. 42 quinquies al. 2 aCst.) intimant au législateur fédéral d'harmoniser notamment l'objet de l'impôt, c'est-à-dire la définition du revenu imposable dont les déductions sont un des éléments (cf. Markus Reich, in Kommentar StHG, n. 1 ss ad art. 7 et n. 1 à 3 ad art. 9). S'agissant en particulier des dépenses d'acquisition du revenu, cela exclut que le montant de leur déduction soit limité, que ces dépenses concernent le produit du travail ou le revenu de la fortune mobilière ou immobilière, car la loi fédérale d'harmonisation consacre le système de l'imposition du revenu global net (cf. Markus Reich, op. cit. , n. 4 à 7 ad art. 9). Il en va de même des frais de maladie, accidents ou invalidité où seule est admise la fixation d'une franchise que doivent atteindre ces frais pour être déductibles. D'autres modalités, de même qu'une limite maximum, ne sont en revanche pas autorisées (cf. Markus Reich, op. cit. , n. 24 à 31, 50 et 51 ad art. 9). Une définition stricte des déductions contribue d'ailleurs à l'ajustement réciproque des impôts directs de la Confédération et des cantons et à une meilleure transparence du système fiscal suisse (cf. art. 32 al. 1 et 33 let. h de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct [LIFD; RS 642. 11), qui font partie des buts de l'harmonisation fiscale. 
 
La structure et l'absence de plafonnement des déductions de l'art. 9 al. 1 et 2 let. h LHID s'imposent donc aux cantons qui ne sauraient prétendre disposer sur ces questions d'une compétence résiduelle. 
 
c) C'est en vain que l'intimé soutient - sans emporter la conviction, d'ailleurs - que le système de déduction des frais de maladie, accidents ou invalidité de l'art. 4 al. 2 LIPP V respecterait mieux la capacité contributive du contribuable et serait plus équitable que celui de l'art. 9 al. 2 lettre h LHID. Choisi par le législateur fédéral, ce dernier régime s'impose aux cantons, comme au Tribunal fédéral (art. 191 Cst.). 
 
 
L'intimé se trompe également en prétendant que la déduction en cause serait une déduction sociale, relevant de la compétence tarifaire du canton. Figurant dans la liste de l'alinéa 2 de l'art. 9 LHID, cette déduction a été implicitement qualifiée, à bon droit, de déduction sociopolitique par le législateur fédéral. En effet, elle est fondée sur les frais effectifs du contribuable dont elle a pour but de tenir compte. Même si elle vise à adapter l'impôt à une capacité contributive subjective diminuée, elle se distingue à cet égard d'une déduction sociale, en principe sans relation avec des dépenses particulières, qui prend en considération le statut social du contribuable et doit établir un équilibre équitable entre divers groupes de contribuables (MarkusReich, in Kommentar StHG, n. 23 et n. 59 à 63 ad art. 9; cf. 
Danielle Yersin, L'impôt sur le revenu: étendue et limites de l'harmonisation, in Archives 61 p. 295, p. 297 s.). 
 
d) L'intimé cherche à justifier l'art 6 al. 3 LIPP V fixant la déduction des frais d'administration de la fortune mobilière à 5% de son rendement par le fait que seule une partie de ces frais, soit ceux en relation avec le rendement imposable, seraient déductibles, à l'exclusion de ceux qui se rapporteraient à des gains de plus-value non imposables. 
Même si seuls les frais en relation avec des revenus imposables peuvent en principe être déduits, l'art. 9 al. 1 LHID n'autorise pas à en déterminer le montant au moyen d'une présomption légale irréfragable - dont, au demeurant, le bien-fondé n'est pas démontré. Si l'établissement d'un forfait ne saurait être exclu en pratique, le contribuable doit être autorisé à établir et à déduire le montant réel des frais effectifs d'administration de sa fortune mobilière. 
Or, l'art. 6 al. 3 LIPP V y fait expressément obstacle. 
 
Enfin, cette disposition ne saurait faire l'objet d'une interprétation constitutionnelle sauvegardant la limite prévue sous réserve d'exceptions, comme le demande l'intimé. En effet, une interprétation contraire au texte clair d'une disposition légale et à la volonté du législateur (cf. Mémorial des séances du Grand Conseil, séance du 22 septembre 2000 (nuit) p. 7283 ss) ne saurait être considérée comme constitutionnelle. 
 
e) En conclusion, les dispositions attaquées violent le principe de la force dérogatoire du droit fédéral dans la mesure où elles s'écartent de l'art. 9 al. 1 et al. 2 lettre h LHID. 
 
5.- a) Selon l'art. 72 LHID, à l'expiration du délai de huit ans accordé aux cantons pour adapter leur législation, le droit fédéral est directement applicable si les dispositions du droit fiscal cantonal s'en écartent (al. 2). Le gouvernement cantonal édicte les dispositions provisoires nécessaires (al. 3). 
 
Vu ce qui précède, l'art. 4 al. 2 LIPP V doit être annulé et l'art. 9 al. 2 lettre h LHID devient directement applicable à l'impôt cantonal et communal sur le revenu du canton de Genève. Il appartiendra au Conseil d'Etat du canton de Genève de fixer le montant de la franchise qui y est mentionnée jusqu'à l'adaptation de la disposition cantonale concernée (cf. Kneubühler, op. cit. , p. 234 s. et p. 241 ss). 
 
A l'art. 6 al. 3 LIPP V, les mots "à concurrence d'un maximum de 5% du rendement de ladite fortune" sont annulés. 
Cette mesure suffit à rétablir une déduction conforme à l'art. 9 al. 1 LHID
 
Dans la mesure où il est recevable, le recours doit être admis partiellement, le recourant ayant demandé à tort l'annulation de l'entier de l'art. 6 al. 3 LIPP V. 
 
b) Comme son recours n'est admis que partiellement et que son second mémoire a fait en outre l'objet d'un retrait, le recourant doit supporter une part des frais judiciaires, modeste toutefois, car il obtient gain de cause sur le principe. 
Ayant procédé seul, il n'a pas droit à des dépens. 
 
Succombant sur le principe, le canton de Genève, dont l'intérêt financier est en cause, doit supporter le principal des frais judiciaires. Il n'a pas droit à des dépens (art. 156 al. 1 et 2 et 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Admet partiellement le recours, dans la mesure où il est recevable. 
 
2. Annule l'art. 4 al. 2 de la loi genevoise no 8202 sur l'imposition des personnes physiques (LIPP V) et les mots "à concurrence d'un maximum de 5% du rendement de ladite fortune" figurant à son art. 6 al. 3. Rejette le recours au surplus. 
 
3. Met un émolument judiciaire de 3'000 fr. à raison de 2'500 fr. à la charge du canton de Genève et à raison de 500 fr. à celle du recourant. 
 
4. Communique le présent arrêt en copie au recourant et au mandataire du Grand Conseil du canton de Genève. 
__________ 
Lausanne, le 6 novembre 2001 ADD/svc 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, Le Greffier,