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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.430/2005/col 
 
Arrêt du 29 juillet 2005 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aemisegger, Juge présidant, 
Fonjallaz et Eusebio. 
Greffier: M. Parmelin. 
 
Parties 
A.________, actuellement en détention préventive à la prison du Bois-Mermet, 1010 Lausanne, 
recourant, représenté par Me Flurin von Planta, avocat, rue de Bourg 9, case postale 7715, 1002 Lausanne, 
 
contre 
 
Juge d'instruction de l'arrondissement du Nord vaudois, rue du Valentin 18, 1400 Yverdon-les-Bains, 
Procureur général du canton de Vaud, 
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne, 
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal 8, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
détention préventive, 
 
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 3 juin 2005. 
 
Faits: 
A. 
A.________, ressortissant suisse et marocain né le 10 avril 1986, est en détention préventive depuis le 8 septembre 2004 comme prévenu d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup). 
Le 10 mai 2005, A.________ a déposé une requête de mise en liberté provisoire que le Juge d'instruction de l'arrondissement du Nord vaudois a écartée en raison des risques de collusion et de récidive et d'un danger de fuite. Statuant par arrêt du 3 juin 2005, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal d'accusation ou la cour cantonale) a rejeté le recours formé contre cette décision prise le 12 mai 2004. Il a considéré que le maintien en détention se justifiait à lui seul par un risque de récidive. Il a estimé que compte tenu de la gravité des infractions reprochées au prévenu, le principe de la proportionnalité était encore respecté. 
B. 
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et d'ordonner sa mise en liberté immédiate. Il dénonce à différents titres une violation de la présomption d'innocence garantie à l'art. 32 al. 1 Cst. et du principe de la célérité consacré aux art. 29 al. 1 Cst. et 5 § 3 CEDH. Il se plaint en outre d'arbitraire dans l'application de l'art. 59 du Code de procédure pénale vaudois (CPP vaud.), dans la constatation des faits et dans l'appréciation du caractère raisonnable de la durée de la détention. Il voit enfin un déni de justice formel prohibé par les art. 29 al. 1 et 30 al. 1 Cst. dans le fait que la cour cantonale ne s'est pas prononcée sur l'existence d'un risque de fuite. 
Le Tribunal d'accusation se réfère aux considérants de son arrêt. Le Procureur général du canton de Vaud conclut au rejet du recours. Le Juge d'instruction a renoncé à déposer des observations. 
Le recourant a répliqué. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance cantonale et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés, le recours est recevable au regard des art. 84 ss OJ. Par exception à la nature cassatoire du recours de droit public, la conclusion du recourant tendant à ce que le Tribunal fédéral ordonne sa mise en liberté immédiate est recevable (ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p. 333). 
2. 
Une mesure de détention préventive est compatible avec la liberté personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, pour autant qu'elle repose sur une base légale, qu'elle réponde à un intérêt public et qu'elle respecte le principe de la proportionnalité (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves, revue sous l'angle de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271). 
Selon l'art. 59 al. 1 CPP vaud., le prévenu à l'égard duquel il existe des présomptions suffisantes de culpabilité peut être mis en détention préventive s'il présente un danger pour la sécurité ou l'ordre publics (ch. 1), si sa fuite est à craindre (ch. 2) ou si sa liberté offre des inconvénients sérieux pour l'instruction (ch. 3). Dès que les motifs justifiant la détention préventive n'existent plus, le juge ordonne la mise en liberté (art. 59 al. 2 CPP vaud.). 
3. 
Le recourant ne conteste pas l'existence de charges suffisantes à son encontre, mais il en nie l'ampleur et la gravité. La cour cantonale aurait versé dans l'arbitraire et violé la présomption d'innocence en appréciant sa culpabilité sur la base de témoignages à charge non établis, et non sur les quantités de drogue qu'il aurait admises avoir écoulé. 
La présomption d'innocence empêche le juge de la détention de désigner une personne comme coupable, sans réserve et sans nuance, en préjugeant de l'appréciation des faits par le juge du fond (ATF 124 I 327 consid. 3c p. 331/332 et les références citées). Elle ne signifie en revanche pas qu'une détention préventive doive se fonder sur des faits clairement établis; des indices sont suffisants pour autant qu'ils reposent sur des faits concrets et précis (cf. art. 5 § 1 let. c CEDH; ATF 107 Ia 138 consid. 4c p. 142; Jacques Velu/Rusen Ergec, La Convention européenne des droits de l'homme, Bruxelles 1990, n. 572/573, p. 477/ 478; Jochen Frowein/Wolfgang Peukert, EMRK-Kommentar, 2ème éd., Kehl, Strasbourg, Arlington, 1996, nos 170/171 p. 291/292; Arthur Haefliger/Frank Schürmann, Die Europäische Menschenrechtskonvention und die Schweiz, 2ème éd., Berne 1999, p. 209 et les arrêts cités). De plus, le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge et à apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure. L'intensité des charges n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître vraisemblable après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (ATF 116 Ia 143 consid. 3c p. 146; Gérard Piquerez, Les mesures provisoires en procédure civile, administrative et pénale, RDS 1997 II p. 43/44 et les arrêts cités). Or, au vu des éléments recueillis à ce stade de la procédure, le Tribunal d'accusation n'avait aucune raison sérieuse de dénier toute crédibilité aux déclarations des témoins qui mettent en cause le recourant pour des quantités de drogue plus importantes que celles qu'il a admises avoir écoulées et il n'a pas fait preuve d'arbitraire ou violé la présomption d'innocence en appréciant la constitutionnalité du maintien de la détention sur la base de ces éléments. 
Au surplus, la considération selon laquelle le recourant s'expose au prononcé d'une peine privative de liberté, dont la durée paraît devoir dépasser celle de la détention préventive subie, compte tenu de la gravité des infractions qui lui sont reprochées, est suffisamment prudente et nuancée; elle ne fait en aucune manière ressortir que le Tribunal d'accusation aurait préjugé du fond, en le tenant d'ores et déjà pour coupable des faits qui lui sont imputés. On ne discerne ainsi aucune violation du principe de la présomption d'innocence, garantie aux art. 6 § 2 CEDH et 32 al. 1 Cst. 
4. 
Le recourant conteste la présence d'un risque de récidive propre à justifier son maintien en détention préventive. 
4.1 L'autorité appelée à statuer sur la mise en liberté provisoire d'un détenu peut, en principe, maintenir celui-ci en détention s'il y a lieu de présumer, avec une certaine vraisemblance, qu'il existe un danger de récidive. Elle doit cependant faire preuve de retenue dans l'appréciation d'un tel risque (ATF 105 Ia 26 consid. 3c p. 31). Selon la jurisprudence, le maintien en détention ne peut se justifier pour ce motif que si le pronostic est très défavorable et que les délits dont l'autorité redoute la réitération sont graves (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62, 361 consid. 5 p. 367; 124 I 208 consid. 5 p. 213; 123 I 268 consid. 2c p. 270 et les arrêts cités). La jurisprudence se montre toutefois moins stricte dans l'exigence de vraisemblance lorsqu'il s'agit de délits de violence graves ou de délits sexuels, car le risque à faire courir aux victimes potentielles est alors considéré comme trop important (ATF 123 I 268 consid. 2e p. 271). Le principe de la proportionnalité impose en outre à l'autorité qui estime se trouver en présence d'une probabilité sérieuse de réitération d'examiner si l'ordre public pourrait être sauvegardé par d'autres moyens que le maintien en détention, tels que la mise en place d'une surveillance médicale, l'obligation de se présenter régulièrement à une autorité ou l'instauration d'autres mesures d'encadrement (ATF 123 I 268 consid. 2c in fine p. 271 et les arrêts cités). 
4.2 En l'occurrence, A.________ est mis en cause par divers témoins pour s'être livré à un important trafic de cocaïne entre 1995 et septembre 2004. Il admet pour sa part avoir acquis un kilo de cette drogue qu'il a partagé par moitié avec B.________ et avoir livré plusieurs centaines de grammes de cocaïne à ce dernier. Les délits dont l'autorité intimée redoute la réitération sont donc graves. Le recourant faisait du commerce de stupéfiants une source essentielle de ses revenus. L'un des témoins à charge a mentionné que A.________ menait un grand train de vie, que les revenus tirés de son activité professionnelle au sein de l'entreprise X.________, à Fribourg, puis de l'exploitation du cabaret Y.________, à Yverdon, estimés à 3'000 fr. par mois, ne permettent pas d'expliquer. Le trafic qui lui est reproché s'étend sur plusieurs années, même s'il n'est pas établi qu'il se soit poursuivi de manière ininterrompue. La situation financière du recourant et de son épouse, sans être obérée, est modeste. Si A.________ n'a jamais été condamné pour des faits de même nature, il a été reconnu coupable de recel et condamné en 1999 à sept jours d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans et à une amende de 300 fr., ce qui tend à démontrer qu'il n'a pas pris la mesure de sa précédente condamnation pénale. Dans ces circonstances, la cour cantonale pouvait légitimement craindre qu'il ne se livre à de nouvelles activités délictueuses pour assurer son train de vie, s'il était remis en liberté. On ne voit par ailleurs pas par quelle mesure moins incisive que la détention préventive ce risque pourrait être pallié. 
5. 
Le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas s'être prononcée sur l'existence d'un danger de fuite, en évoquant de manière détaillée les éléments qui établiraient, selon lui, l'absence d'un tel risque. Ce grief n'est pas pertinent dans la mesure où le Tribunal d'accusation a admis le risque spécial et alternatif de la récidive. Au demeurant, l'examen du dossier, dans son état actuel, démontre que ce grief est matériellement vain. 
5.1 Selon la jurisprudence, le danger de fuite ne peut s'apprécier sur la seule base de la gravité de l'infraction même si, compte tenu de l'ensemble des circonstances, la perspective d'une longue peine privative de liberté permet souvent d'en présumer l'existence (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62 et les arrêts cités); il doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable (ATF 117 Ia 69 consid. 4 p. 70 et les arrêts cités). Il est sans importance que l'extradition du prévenu puisse être obtenue (ATF 123 I 31 consid. 3d p. 36/37). 
5.2 En l'espèce, si sa culpabilité devait être établie pour l'ensemble des faits qui lui sont reprochés, le recourant s'exposerait à une peine ferme de réclusion ou d'emprisonnement supérieure à une année, s'agissant d'un cas grave (art. 19 ch. 1 et 2 let. a LStup; ATF 109 IV 143 consid. 3b p. 144; cf. ATF 122 IV 360 consid. 2a p. 363; 120 IV 334 consid. 2a p. 338). Le risque que le recourant veuille échapper à une possible condamnation pénale par la fuite est donc relativement élevé. Sur le plan personnel, A.________ est né au Maroc d'une famille de cinq enfants; il est venu en 1990 en Suisse, où vivent également deux de ses frères. Il s'est marié en mai 1991 avec C.________, mais n'a pas d'enfants. De fin 1991 à 2002, il a travaillé comme ouvrier rectifieur dans l'entreprise X.________, à Fribourg, pour un salaire brut mensuel de 4'000 fr. Il a ensuite ouvert avec son frère D.________ un cabaret night club, à Yverdon, dont il retire un salaire de 3'000 fr. par mois. Il envoie régulièrement de l'argent à sa famille au Maroc, qui habite dans une maison entièrement refaite. Il se rend environ deux fois par année dans son pays d'origine, où il a séjourné durant l'été 2004. Cette même année, il a effectué de nombreux voyages en Europe, selon le relevé des mouvements de sa carte VISA. Aux dires de son épouse, elle ne connaît aucune des connaissances de son mari et ne le suit pas lorsqu'il sort ou qu'il se rend au Maroc. 
Dans ces circonstances, et compte tenu en particulier des liens que le recourant entretient avec son pays d'origine et des nombreux voyages qu'il a entrepris avant son arrestation, le risque de fuite aurait donc également pu être retenu sans violer les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH. 
6. 
Le recourant estime que la détention subie à ce jour excéderait la peine à laquelle il s'expose en cas de condamnation. 
6.1 En vertu des art. 31 al. 3 Cst. et 5 § 3 CEDH, le prévenu doit être libéré lorsque la durée de son incarcération se rapproche de la peine privative de liberté qui sera éventuellement prononcée. Cette dernière doit être évaluée avec la plus grande prudence, compte tenu des circonstances concrètes du cas, car il faut éviter que le juge du fond ne soit incité à prononcer une peine excessive pour la faire coïncider avec la détention préventive à imputer (ATF 126 I 172 consid. 5a p. 176). 
6.2 En l'occurrence, les faits reprochés au recourant sont de nature à tomber sous le coup de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup. Dans un tel cas grave, la peine encourue est l'emprisonnement ou la réclusion pour une année au moins. A.________ s'expose ainsi à une peine ferme qui excède la détention préventive subie à ce jour, même si l'on devait tenir compte uniquement des quantités de drogue qu'il a reconnues. En l'état, son maintien en détention préventive est encore compatible avec le principe de la proportionnalité. 
7. 
Le recourant dénonce enfin une violation du principe de la célérité garanti aux art. 29 al. 1 Cst. et 5 § 3 CEDH. Il se plaint en particulier du fait que la cause a été confiée à un autre magistrat instructeur qui n'exercerait ses fonctions qu'à temps partiel et qui aurait statué sur sa demande de mise en liberté sans même avoir pris la peine de l'interroger. 
Il n'y a pas lieu d'examiner ce qu'il en est réellement. L'appréciation d'ensemble du caractère raisonnable d'une procédure doit en règle générale être faite par le juge du fond qui tiendra compte d'une violation du principe de la célérité dans la fixation de la peine ou en imputant la détention préventive sur la durée de celle-là (cf. ATF 124 I 139 consid. 2c p. 141). Dans le cadre de la procédure de contrôle de la détention préventive, la question d'une éventuelle violation du principe de la célérité n'a de sens que dans la mesure où elle est de nature à faire apparaître la détention préventive subie comme disproportionnée et à entraîner la libération immédiate du prévenu (ATF 128 I 149 consid. 2.2 p. 151). Cette hypothèse n'est pas réalisée en l'espèce de sorte que la question de savoir si les autorités judiciaires ont violé les art. 29 al. 1 Cst. et 5 § 3 CEDH peut demeurer indécise. Au surplus, il n'y a aucun motif de considérer qu'elles ne vont pas poursuivre cette enquête sans désemparer. 
8. 
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est recevable, aux frais du recourant qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge du recourant. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Juge d'instruction de l'arrondissement du Nord vaudois, au Procureur général et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
Lausanne, le 29 juillet 2005 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le juge présidant: Le greffier: