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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_59/2023  
 
 
Arrêt du 12 septembre 2023  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, 
Viscione et Métral. 
Greffière : Mme Elmiger-Necipoglu. 
 
Participants à la procédure 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Division juridique, Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par M e Pierre Seidler, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-accidents, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 13 décembre 2022 
(AA 1 / 2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, né en 1961, travaillait comme maçon à U.________ et était à ce titre assuré de manière obligatoire contre le risque d'accident auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après: CNA). Par déclaration d'accident du 18 février 2009, il a annoncé à celle-ci qu'il s'était fait piquer par une tique en automne 2008 et qu'il était en incapacité de travail depuis le 14 décembre 2009 en raison de douleurs et enflures des deux genoux.  
 
A.b. Par décision du 12 novembre 2014, la CNA a retenu que l'assuré n'avait plus besoin de traitement médical pour les suites de son accident et qu'une pleine capacité de travail devait lui être reconnue, respectivement que sa capacité de gain n'était pas diminuée de manière importante et a mis un terme aux prestations d'assurance avec effet au 1er décembre 2014. Elle a confirmé cette décision le 4 mai 2018, après avoir mis en oeuvre d'autres mesures d'instruction et notamment après avoir pris connaissance de l'expertise pluridisciplinaire mise en oeuvre par l'assurance-invalidité.  
 
A.c. Par arrêt du 3 février 2020, la Cour des assurances du tribunal cantonal de la République et canton du Jura (ci-après: la cour cantonale) a admis le recours interjeté par l'assuré contre la décision sur opposition du 4 mai 2018, a annulé celle-ci et a renvoyé la cause à la CNA pour nouvelle décision au sens des considérants. Contre cet arrêt, la CNA a interjeté un recours auprès du Tribunal fédéral, qui l'a partiellement admis par arrêt du 11 décembre 2020 (8C_181/2020) et a renvoyé la cause à la cour cantonale pour qu'elle mette en oeuvre une expertise judiciaire pluridisciplinaire (rhumatologie, neurologie et neuropsychologie), en particulier afin de déterminer la capacité de travail de l'intimé dans son ancienne activité de maçon et dans une activité adaptée compte tenu des séquelles de la morsure de tique et qu'elle rende une nouvelle décision.  
 
B.  
 
B.a. Le 6 avril 2021, la cour cantonale a désigné le Centre d'expertise médicale Lancy (CEML) pour effectuer l'expertise judiciaire pluridisciplinaire, qui a rendu son rapport d'expertise le 6 décembre 2021. Dans sa prise de position du 14 janvier 2022, la CNA a contesté les conclusions du rapport d'expertise, en produisant une appréciation du 12 janvier 2022 du docteur B.________, ancien médecin-conseil à la CNA et spécialiste FMH en neurologie. L'intimé, quant à lui, a pris note des résultats de l'expertise, qui à ses yeux apparaissait totalement probante et conforme aux exigences jurisprudentielles en la matière.  
 
B.b. Par arrêt du 13 décembre 2022, la cour cantonale a admis le recours de l'assuré et a renvoyé la cause à la CNA pour qu'elle procède à l'examen du droit à une éventuelle rente d'invalidité de l'intimé, en tenant compte s'agissant de la capacité de travail résiduelle, d'une diminution de rendement de 20 % dans une activité adaptée aux limitations d'ordre neurologique et neuropsychologique et rende une nouvelle décision.  
 
C.  
La CNA interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt en concluant principalement à son annulation en tant qu'il reconnaît une baisse de rendement de 20 % dans toute activité suivie du renvoi de la cause à la CNA pour nouvelle décision, et subsidiairement, à la confirmation de la décision sur opposition du 4 mai 2018. 
L'intimé et la cour cantonale concluent au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral de la santé publique renonce à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office (art. 29 al. 1 LTF) et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2). 
 
1.1. Le recours est recevable contre les décisions finales, soit celles qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF), et contre les décisions partielles, soit celles qui statuent sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause (art. 91 let. a LTF) ou qui mettent fin à la procédure à l'égard d'une partie des consorts (art. 91 let. b LTF). Les décisions préjudicielles et incidentes autres que celles concernant la compétence ou les demandes de récusation (cf. art. 92 LTF) ne peuvent faire l'objet d'un recours que si elles peuvent causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF).  
 
1.2. En l'espèce, l'arrêt attaqué s'analyse comme une décision de renvoi qui, en tant qu'elle oblige la CNA à procéder à l'examen du droit à une éventuelle rente d'invalidité de l'intimé, en particulier en tenant compte d'une diminution de rendement de 20 % dans une activité adaptée aux limitations d'ordre neurologique et neuropsychologique, constitue une décision incidente car elle ne met pas fin à la procédure (ATF 140 V 282 consid. 2; 138 I 143 consid. 1.2). Dès lors que l'arrêt cantonal contient une injonction d'ordre matériel - imposant à la CNA de tenir compte d'une diminution de rendement de 20 % dans une activité adaptée -, le renvoi de la cause à la recourante est susceptible de lui causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 140 V 282; arrêt 8C_611/2022 du 14 avril 2023 consid. 1.2). La voie du recours en matière de droit public contre l'arrêt du 13 décembre 2022 est donc ouverte.  
 
1.3. Pour le surplus, le recours est dirigé contre un arrêt rendu en matière de droit public (art. 82 ss. LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.  
 
2.  
 
2.1. La recourante conteste devoir prendre en considération une diminution de rendement de 20 % de l'intimé, en raison des troubles neurologiques et neuropsychologiques, pour déterminer son droit à une rente d'invalidité. Elle soutient que les premiers juges ont reconnu à tort, sur ce point, une pleine valeur probante à l'expertise.  
 
2.2. Dans la procédure de recours concernant l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente (art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF).  
 
2.3. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. A moins que la décision attaquée contienne des vices juridiques manifestes, il s'en tient aux arguments juridiques soulevés dans le recours (cf. art. 42 al. 1 et 2 LTF; ATF 135 II 384 consid. 2.2.1; 134 III 102 consid. 1.1).  
 
3.  
 
3.1. La cour cantonale a correctement exposé les dispositions légales et les principes jurisprudentiels régissant le droit aux prestations de l'assurance-accidents (art. 6 al. 1 LAA,), le droit à une rente d'invalidité (art. 18 LAA), ainsi que la jurisprudence en matière d'appréciation de rapports médicaux (ATF 134 V 231 consid. 5.1; 125 V 351 consid. 3), de sorte qu'on peut y renvoyer, avec les précisions suivantes.  
 
3.2. S'agissant de la valeur probante d'une expertise judiciaire, le juge ne s'écarte en principe pas sans motifs impérieux des conclusions d'une expertise médicale judiciaire (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2), la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut notamment constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut pas exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et la référence citée).  
 
4.  
 
4.1. Les experts du CEML ont retenu à titre de diagnostics avec effet sur la capacité de travail, une fatigue d'origine neurologique dans un contexte séquellaire de status post-neuroborréliose avec méningo-encéphalite et vasculite concomitante avec infarctus multiples des deux côtés dès mi-août ainsi qu'un syndrome de fatigue chronique. Sur le plan neurologique et neuropsychologique, en tenant compte des limitations fonctionnelles, il existait une légère baisse de rendement consécutive aux séquelles de la neuroborréliose et probablement aux conséquences de l'éthylisme chronique. Sous le chapitre de la motivation interdisciplinaire de l'incapacité de travail, ils ont indiqué qu'une activité adaptée aux limitations fonctionnelles ostéo-articulaires était possible sur le plan neurologique, rhumatologique et de la médecine interne "avec une baisse de rendement de 20 % motivée par l'atteinte neurologique à 100 % horaire depuis novembre 2014". L'experte neurologue a précisé que l'atteinte neurologique et neuropsychologique due à la neuroborréliose était stabilisée depuis 2014 et correspondait à une discrète séquelle neurologique (légère hyperréflexie tricipitale et achilléenne relative droite) non handicapante; de possibles séquelles neuropsychologiques ne pouvaient être objectivées en raison de la collaboration insuffisante de l'expertisé. En particulier, une aggravation du tableau cognitif avait été constatée par l'experte neuropsychologue qui ne s'expliquait pas par les éléments médicaux. En raison des inconsistances entre les différentes évaluations et au sein des domaines cognitifs évalués, des résultats aux différents éléments de validation des performances, un défaut d'effort avec majoration des symptômes avait été relevé. L'experte a conclu que les éventuels troubles et leur intensité en lien avec l'AVC ou la neuroborréliose ne pouvaient pas être évoqués, de surcroît chez un patient qui présentait une thymie abaissée, qui avait une consommation excessive d'alcool et qui était cognitivement déconditionné.  
 
4.2. Avec la recourante, force est d'admettre que la baisse de rendement retenue par les experts apparaît en contradiction avec les résultats des examens cliniques, la validation des symptômes et la cohérence du tableau. En effet, s'agissant de la (seule) séquelle neurologique (légère hyperréflexie tricipitale et achilléenne relative droite), elle n'a pas d'influence sur la capacité de travail. Quant à la fatigue, elle est d'étiologie multifactorielle, n'a pas pu être validée par les examens neuropsychologiques et, de surcroît, ne s'explique pas par les antécédents médicaux. Comme l'a à juste titre évoqué le docteur B.________ dans son appréciation du 12 janvier 2022, la baisse de rendement attestée par les experts se fonde ainsi sur une hypothèse médico-théorique, qui prend en compte que l'intimé a présenté une neuroborréliose et des AVC dans le passé, sachant que de telles pathologies peuvent engendrer des pertes cognitives. Cela ne suffit toutefois pas pour établir, au degré de la vraisemblance prépondérante applicable en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b; 125 V 195 consid. 2), l'existence d'une incapacité de travail au-delà du 30 novembre 2014 en lien avec la morsure de tique en 2008, qui a ensuite déclenché une neuroborréliose.  
 
5.  
Au vu de ce qui précède, la CNA était fondée à retenir qu'il n'existait plus, au-delà du 30 novembre 2014, une incapacité de travail de l'intimé en lien avec la morsure de tique en 2008. Le recours doit donc être admis, l'arrêt cantonal annulé et la décision litigieuse confirmée en tant qu'elle ne reconnaît pas le droit de l'intimé à une rente d'invalidité. L'intimé, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Bien qu'elle obtienne gain de cause, la recourante n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances, du 13 décembre 2022 est annulé et la décision sur opposition de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) du 4 mai 2018 est confirmée. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 12 septembre 2023 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
La Greffière : Elmiger-Necipoglu