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Urteilskopf

117 II 290


56. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 25 juin 1991 dans la cause Association Canes contre Nestlé S.A. (procès direct)

Regeste

Erhöhung des Grundkapitals durch Ausgabe von Vorratsaktien; Klage auf Aufhebung von Beschlüssen der Generalversammlung (Art. 706 OR).
1. Zulässigkeit von Vorratsaktien (E. 4).
2. Der Verstoss gegen das Gesetz oder die Statuten, auf den sich die Klage nach Art. 706 OR stützt, hat konkret und nicht bloss virtuell zu sein.
a) Die Statutenbestimmung, mit der dem Verwaltungsrat die Befugnis eingeräumt wird, unter bestimmten Bedingungen die Eintragung von Namenaktionären rückgängig zu machen, ist nicht gesetzwidrig (E. 6b aa).
b) Voraussetzungen, unter denen die Statuten ohne Verletzung des Gebots der Gleichbehandlung der Aktionäre Ausnahmen von einer allgemeinen Beschränkung des Stimmrechts vorsehen können (E. 6b bb).
3. Mit Art. 705 OR ist vereinbar, wenn für die Abberufung der Mitglieder der Verwaltung ein besonderes Quorum und ein qualifiziertes Mehr verlangt wird (E. 7a).
4. Aufhebung einer Statutenbestimmung, mit der die in Art. 648 Abs. 1 OR zwingend vorgeschriebenen Bedingungen betreffend Stimmquorum erleichtert werden (E. 7b).

Sachverhalt ab Seite 291

BGE 117 II 290 S. 291

A.- Canes est une association constituée exclusivement d'actionnaires de Nestlé. Son but initial étant de veiller à ce que l'activité économique et sociale de Nestlé tienne compte de considérations éthiques, l'association l'a, en mai 1989, étendu à la promotion et à la défense des intérêts légitimes des actionnaires de la société. Canes est elle-même propriétaire d'une action au porteur de Nestlé.
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B.- Nestlé a convoqué l'assemblée générale de ses actionnaires pour le 25 mai 1989. Outre diverses autres modifications statutaires, étaient prévues deux augmentations successives du capital social, dont l'une par l'émission d'actions de réserve. Avec cette augmentation, le capital passait de 346'500'000 francs à 364'000'000 francs; un consortium bancaire avait, selon convention conclue avec Nestlé, pris l'engagement de, notamment, souscrire au pair et de libérer les 175'000 nouvelles actions de 100 francs chacune, les actionnaires renonçant à leur droit de souscription préférentiel. L'émission de telles actions devait, notamment, garantir le droit de conversion ou le droit d'option résultant d'emprunts par obligations futures. Réunissant le 48,9% du capital-actions, l'assemblée générale a approuvé toutes les résolutions qui lui ont été soumises.

C.- Le 25 juillet 1989, Canes a ouvert action contre Nestlé devant le Tribunal fédéral. Elle a conclu à la nullité, subsidiairement à l'annulation tant de la décision de l'assemblée générale portant la seconde augmentation du capital à 364'000'000 francs qu'à celles entraînant diverses autres modifications statutaires.
Nestlé a conclu, principalement, à l'irrecevabilité de la demande et, subsidiairement, à son rejet.
Aux débats principaux de ce jour, le Tribunal fédéral, après avoir entendu les plaidoiries des parties, a partiellement admis l'action; il a annulé la décision de l'assemblée générale du 25 mai 1989 portant modification de l'art. 15ter des statuts en ce sens que les cinq derniers mots de l'alinéa 1 de cette disposition sont biffés.

Erwägungen

Extraits des considérants:

4. Pour la demanderesse, la deuxième augmentation du capital social par l'émission d'actions de réserve serait contraire à la loi; cette décision irait à l'encontre de dispositions impératives régissant la société anonyme, comme l'interdiction de souscrire et d'acquérir ses propres actions; elle violerait également le droit de souscription des actionnaires, de même que certains principes généraux du droit comme l'égalité de traitement entre actionnaires et la proportionnalité; enfin, ces actions de réserve constitueraient des actions à droit de vote privilégié déguisées qui auraient dû être approuvées à la majorité prévue à l'art. 648 al. 1 CO.
a) Société de capitaux, la société anonyme se caractérise par la participation financière de ses membres. Au caractère personnel de
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la mise de fonds se substitue l'aspect impersonnel de la qualité de membre, l'actionnaire agissant exclusivement intuitu pecuniae (MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, Grundriss des schweizerischen Gesellschaftsrechts, 6e éd., p. 56, n. 8). Fixé d'avance, le capital social représente une clause essentielle des statuts (art. 626 ch. 3 CO). Dès lors que sa modification entraîne un changement de statuts, l'assemblée générale est seule compétente pour en décider. D'un point de vue organique, l'assemblée peut ne se prononcer que sur le principe et la mesure d'une augmentation du capital social et laisser à l'administration le soin d'en établir les modalités. Diverses lois étrangères régissant la société anonyme prévoient d'ailleurs expressément une telle délégation de compétence; cette faculté a conduit, comme en Allemagne, au système du capital autorisé (WIELAND, Handelsrecht, vol. 2, p. 167 et les renvois à la note de pied 23).
En droit suisse, l'augmentation du capital social est réglée à l'art. 650 CO, sous le titre marginal "émission d'actions nouvelles"; les prescriptions régissant la fondation de la société anonyme lui sont applicables. Ainsi, la décision de l'assemblée générale constate que les nouvelles actions ont été souscrites et que le montant légal ou un montant supérieur fixé par les statuts a été libéré (art. 653 al. 1 CO en relation avec les art. 635 al. 2, 638 ch. 2, 640 al. 2 et 641 ch. 4 CO). Le caractère inaliénable de la compétence dévolue à l'assemblée générale pour la modification des statuts exclut, en principe, un capital autorisé (art. 698 al. 2 CO; FORSTMOSER, Schweizerisches Aktienrecht, vol. I/1, p. 476, n. 183). Cela correspond déjà à l'opinion dominante d'avant la réforme de 1936 (WEISS, Berner Kommentar, Einleitung zum Aktienrecht, n. 82 ss; WIELAND, même citation). La révision de 1990 approuvée par les Chambres fédérales prévoit expressément le système du capital autorisé.
En l'absence d'une solution légale, de nombreuses sociétés suisses ont, lors d'augmentations du capital, fait souscrire les actions par des fiduciaires qui tenaient les titres à leur disposition (FORSTMOSER, op.cit., p. 476, n. 188; VON GREYERZ, SPR VIII/2, p. 260). Ces émissions avaient, notamment, pour but de garantir le droit de conversion ou le droit d'option résultant d'emprunts par obligations ou de permettre l'émission d'actions en faveur des collaborateurs ou encore de réaliser l'achat d'une participation. La défenderesse a elle-même déjà émis des actions de réserve en 1984. L'institution s'est considérablement élargie en Suisse pour
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satisfaire des besoins essentiellement économiques ressentis surtout par les sociétés anonymes à caractère public. Reste à examiner la compatibilité d'une telle pratique avec le droit suisse.
b) Les actions de réserve sont des actions émises pour être tenues à la disposition future de la société, après exclusion du droit de souscription préférentiel des actionnaires. L'actionnaire, qui a souscrit et libéré de telles actions, est lié à la société par une convention traitant, en particulier, de la vente et de la disposition des titres (ZOBL, Rechtliche Probleme mit der Schaffung von Vorratsaktien, SAG 1991, p. 1 ss, notamment 2 et les renvois). Pour l'essentiel, il existe un rapport fiduciaire entre la société et le souscripteur des actions de réserve. Dans les rapports externes, ce dernier apparaît seul titulaire des droits. Dans les rapports internes avec la société, il se trouve limité dans l'exercice des droits rattachés aux actions et soumis à directives. A la fin du contrat de fiducie, le fiduciaire est tenu de céder sa qualité de titulaire du titre (WILLENER, Vorratsaktien, insbesondere Übernahme von Vorrats- bzw. Reserveaktien durch abhängige und nahestehende Gesellschaften, thèse Zurich 1985, p. 7 et 47 ss; voir aussi ATF 115 II 468; autre avis, niant le rapport fiduciaire: ROLF KORMANN, Die Wandelanleihe im schweizerischen Recht, thèse Zurich 1965, p. 91).
En l'occurrence, eu égard tant au point 6.2 de l'ordre du jour qu'au rapport explicatif s'y rapportant, il n'est pas douteux - et cela n'est pas contesté - que, avec la deuxième augmentation du capital social, la défenderesse a émis des actions de réserve. Et la convention passée le 18 mai 1989 entre la défenderesse et un consortium de banques n'a précisément d'autres buts que de régler le rapport de fiducie entre les parties. En effet, les banques s'engageaient à prendre ferme les actions de la deuxième augmentation du capital social ainsi qu'à les libérer (art. II), à les conserver dans un dépôt spécial, à les tenir à disposition pour les buts déterminés de la société et à les utiliser conformément aux directives (art. III); elles s'obligeaient également, en ce qui concerne les droits rattachés aux actions, à renoncer à percevoir un dividende et, en cas de nouvelles augmentations de capital ou d'émissions d'emprunts convertibles ou à options ou de bons de participation, à exercer le droit de souscription préférentiel ou alors à le faire conformément aux directives; enfin, en cas de négociation des actions au-dessus de la valeur nominale au terme de la fiducie, ces mêmes banques prenaient l'engagement de verser
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l'excédent à la défenderesse (art. IV). De son côté, cette dernière s'engageait à prendre à sa charge des taxes d'émission sur la valeur nominale et sur l'agio, à libérer les banques de toutes les charges fiscales en relation avec l'exécution de la convention, à s'acquitter des commissions uniques ou périodiques ainsi qu'à conserver des avoirs à vue non porteurs d'intérêt et à hauteur de la valeur nominale des participations détenues par chacune des banques (art. V). En outre, la défenderesse convenait de restituer la valeur nominale des actions lors de leur livraison (art. VII) et, en cas d'émission incomplète des titres, de désigner le tiers prêt à reprendre le solde des actions à la valeur nominale (art. IX).
c) Le rapport entre la convention de fiducie et la décision d'augmenter le capital social appelle une remarque préliminaire.
Tant selon la jurisprudence que selon l'opinion majoritaire de la doctrine, l'activité fiduciaire est admissible pour autant qu'elle implique la pleine acquisition des droits par le fiduciaire; encore faut-il que le transfert des droits ait été sérieusement voulu et non pas simplement simulé. Dans ses rapports avec le fiduciant, le fiduciaire apparaît seulement lié par une convention de caractère obligatoire; à l'égard des tiers, le fiduciaire apparaît comme le véritable titulaire du droit avec, notamment, le pouvoir d'en disposer (ATF 85 II 99 consid. 1 et les références; parmi d'autres, JÄGGI/GAUCH, n. 176 ss ad art. 18 CO; KRAMER, n. 128 ss ad art. 18 CO; WIEGAND, Fiduziarische Sicherungsgeschäfte, RJB 116/1980 p. 537 ss, 541 et 549 avec les renvois). Il n'en va d'ailleurs pas différemment lorsque, lors de la fondation d'une société anonyme, les actions sont souscrites par un homme de paille (ATF ATF 115 II 470 consid. 1 et les références; KRAMER, n. 139 ad art. 18 CO).
Lors de la souscription d'actions, l'acquisition de la qualité d'actionnaire est abstraite; elle se réalise indépendamment de l'acte générateur d'obligation sur lequel elle se fonde. En tout cas, une fois la fondation de la société ou l'augmentation du capital social inscrite au registre du commerce, elle ne peut plus être attaquée pour, par exemple, simulation ou vice de la volonté (ATF 102 Ib 24 et les références). Qui souscrit et libère des actions de réserve acquiert ainsi la qualité d'actionnaire même si le rapport fiduciaire à la base de l'acquisition n'était pas valable (WILLENER, op.cit., p. 59). Par ses effets, l'acte de disposition peut donc aller même plus loin que l'acte générateur d'obligation. Et l'engagement du fiduciaire de, notamment, restituer les actions présente un caractère purement contractuel. Quant au tiers, non partie au
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contrat de fiducie, il n'est en rien concerné par ce rapport contractuel (voir BUCHER, Schweizerisches Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, 2e éd., p. 49 ss).
Par contre, le rapport fiduciaire est nul au sens de l'art. 20 CO lorsqu'il se révèle être un moyen de contourner des dispositions légales impératives, celles du droit de la société anonyme notamment (ATF 113 II 36 consid. c, 85 II 102 consid. 3, ATF 81 II 540 consid. 2). Savoir si, dans un cas particulier, un procédé tend à contourner la loi dépend de l'interprétation téléologique de la disposition légale ou statutaire concernée. Vise, en définitive, à éluder la loi le comportement qui, tout en respectant la lettre même d'une mesure d'interdiction, en méconnaît l'esprit (ATF 114 Ib 15 consid. 3a, 107 II 445/446). Dans ces conditions, une souscription fiduciaire d'actions pourra, le cas échéant, être déclarée entièrement ou partiellement nulle, si les parties au contrat de fiducie y introduisent des obligations juridiquement inadmissibles, constituant un procédé de fraude; tel sera, par exemple, le cas lorsque le droit de vote du fiduciaire prévu dans la convention recherche un but manifestement contraire aux statuts (GLATTFELDER, Die Aktionärbindungs-Verträge, RDS 78/1959 II 144a ss, 178a ss; JÄGGI, Diskussionsvotum in RDS 78/1959 II 733a s).
En l'occurrence, la convention de souscription du 18 mai 1989 présente un caractère purement obligatoire. Ne relevant pas du droit des sociétés, elle échappe à l'action en annulation prévue à l'art. 706 CO. Peut, dès lors, rester indécis si et dans quelle mesure l'assemblée générale devait prendre une décision valant acceptation de l'accord précité. N'a pas davantage à être résolue la question de la compétence pour conclure une telle convention; à cet égard, on pourrait se demander si elle n'entre pas dans les attributions du Conseil d'administration, l'action de l'art. 706 CO ne pouvant, en pareille hypothèse, pas entrer en ligne de compte (ATF 91 II 303 et les références; BÜRGI, n. 6 ad art. 706 CO). N'ont ainsi à être examinés dans la présente procédure ni la validité des engagements à caractère obligatoire découlant de la convention précitée, ni si des prétentions peuvent être élevées de ce chef.
d) Par contre, il faut se demander si la décision attaquée conduit à éluder des dispositions impératives du droit de la société anonyme, à savoir l'interdiction pour la société d'acquérir ses propres actions (art. 659 CO), d'émettre des actions au-dessous du
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pair (art. 624 al. 1 CO) et de restituer leurs versements aux actionnaires (art. 680 al. 2 CO).
aa) L'art. 659 al. 1 CO interdit, en principe, à la société d'acquérir ses propres actions. Cette norme ne vise que l'acquisition dérivée d'actions, l'acquisition originaire n'étant pas expressément réglée par la loi (SIEGWART, n. 13 ad art. 659 CO). Savoir si ce mode d'acquisition tombe aussi sous le coup de l'interdiction de l'art. 659 al. 1 CO doit être recherché par voie d'interprétation.
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'acquisition de ses propres actions par une société anonyme est interdite essentiellement pour le motif qu'elle lui permettrait d'exercer, par le biais de ses organes, une influence inadmissible lors des votes à l'assemblée générale (ATF 96 II 21 /22 et les références). Mais le but et le sens de la norme vont cependant plus loin. Des considérations économiques interviennent au premier plan. En effet, si des actions étaient acquises au moyen du capital social, il y aurait restitution aux actionnaires de leurs versements et, par conséquent, violation de l'art. 680 al. 2 CO. En cas d'achat au moyen du disponible, la société acquerrait un élément patrimonial se trouvant déjà en sa propriété; et, tant qu'elle ne le réalise pas, cet élément de fortune représente une "non-valeur". Par ailleurs, le risque économique découlant de la participation passerait de l'actionnaire à la société, les pertes éventuelles touchant alors cette dernière non seulement comme entreprise, mais encore en raison de sa participation. L'absence de rentabilité aurait ainsi pour elle des effets doubles (VON GREYERZ, op.cit., p. 138; SIEGWART, n. 4 ss ad art. 659 CO). Visant donc en priorité le maintien de l'ensemble de la fortune sociale et non seulement du capital social, l'art. 659 CO tend essentiellement à protéger les créanciers (ZOBL, op.cit., p. 3).
Mais le sens de l'art. 659 CO interdit également l'acquisition originaire de ses actions par une société anonyme. Souscrire ses propres actions contredit, en effet, le principe de la libération effective du capital social (art. 632 et 680 al. 1 CO; DALLÈVES, L'obligation convertible en droit comparé et spécialement en droit suisse, thèse Genève 1963, p. 143; ADELRICH FURRER, Erwerb eigener Aktien, thèse Zurich 1933, p. 44; ZOBL, op.cit., p. 3 note de pied 6). Cela va aussi à l'encontre de l'interdiction de conclure avec soi-même (NIKLAUS C. STUDER, Die Quasifusion, thèse Berne 1974, p. 71; PAUL SCHERRER, Der Erwerb eigener Aktien, thèse
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Bâle 1957, p. 5). De manière générale, une telle acquisition est tenue pour absolument inadmissible (ATF 99 II 60). Reste cependant réservée l'augmentation du capital social sans accroissement de la fortune sociale par l'émission d'actions gratuites (ATF 99 Ib 146 consid. 1).
Pour une partie de la doctrine, l'émission d'actions de réserve violerait l'art. 659 CO dans la mesure où la société mettrait elle-même à disposition les moyens nécessaires à la libération des actions ou, du moins, garantirait les crédits bancaires nécessaires; il s'agirait, en définitive, d'une libération purement fictive du capital social (VON GREYERZ, op.cit., p. 260 et 268/269; PETER OBRECHT, Bezugsrecht und Vinkulierung, thèse Berne 1984, p. 27). Apparaît toutefois déterminante l'opinion selon laquelle l'art. 659 CO ne serait éludé que si la société supportait le risque économique lié à l'émission des actions de réserve; il ne le serait en revanche pas si ce risque passait réellement à l'actionnaire fiduciaire (ZOBL, op.cit., p. 3; MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, op.cit., n. 33 p. 235; MARTIN FORSTER, Das autorisierte Kapital der Aktiengesellschaft, thèse Zurich 1970, p. 99; BEAT HESS, Die mangelhafte Kapitalerhöhung bei der Aktiengesellschaft, thèse Fribourg 1977, p. 61; MARIANNE HENSLER, Die bedingte Kapitalerhöhung, thèse Berne 1980, p. 31 s.).
Dès lors que l'art. 659 CO protège aussi bien la structure corporative de la société que les droits sociaux des actionnaires, l'émission d'actions de réserve ne peut a priori constituer un moyen de contourner des normes impératives du droit de la société anonyme. Le fiduciaire ayant qualité de véritable actionnaire, son indépendance est garantie en tant que sociétaire. Et, à l'égard de la société, d'éventuelles limitations à ses droits sociaux ont un caractère purement obligatoire; elles n'entraînent aucun effet en droit de la société anonyme.
Savoir si des limitations à la liberté d'agir de la société visée ont été contournées par la création des actions de réserve dépend du sens et du but des dispositions instituant ces limitations. Le maintien de la fortune sociale visé par l'art. 659 CO servant tant les intérêts des créanciers que ceux des actionnaires, il faut rechercher si, lors de la création de ce type d'actions, les risques du fiduciaire, en tant qu'actionnaire, sont supportés par lui ou par la société. Par exemple, si le prix des actions chute au-dessous du prix d'émission ou si la société devient insolvable, il y aura lieu de déterminer qui supporte finalement les pertes, notamment si
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celles-ci restent à la charge de la société avec incidence sur sa fortune sociale. Tel sera le cas si la société s'est valablement engagée à reprendre les actions de réserve ou si, notamment, les actions ont été libérées à l'aide de biens mis à disposition par cette dernière ou si le fiduciaire n'a pas effectué sa prestation ou encore si la société s'oblige à restituer partiellement ou totalement le montant ayant servi à la libération des actions dans l'hypothèse où les actions ne peuvent pas être vendues ou, du moins, pas à leur valeur d'émission. Une partie de la doctrine parle alors d'actions de réserve propres (FORSTER, op.cit., p. 99; mais non WILLENER, op.cit., p. 6 ss). Tel n'est cependant pas le cas en l'espèce. Les dépôts à vue constitués par la société défenderesse auprès des banques membres du consortium constituent des prêts; leur validité ne dépend pas de l'évolution économique des actions de réserve. De surcroît, le fiduciaire n'a pas un droit au remboursement de ses versements. En cas de faillite de la défenderesse, il doit même restituer le dépôt sans aucune possibilité de compensation quelconque en sa qualité d'actionnaire (art. 213 al. 4 LP; ZOBL, op.cit., p. 3). Autrement dit, le consortium bancaire supporte le risque de l'actionnaire nonobstant le compte spécial créé en application de l'art. V/4 de la convention. Dans ces conditions, la fortune sociale de la défenderesse ne se trouvera ni amoindrie, ni même mise en danger par la décision attaquée. Cette dernière ne constitue donc pas un procédé propre à contourner la règle de l'art. 659 CO. Peu importe, au demeurant, que ce compte ne porte pas d'intérêt; cet état de choses contrebalance la renonciation des banques à percevoir des dividendes (art. IV/1 de la convention), ces deux opérations se neutralisant en définitive. Des conclusions différentes ne peuvent être tirées de l'obligation de la défenderesse de verser les commissions aux banques (art. V/5), du moins aussi longtemps que le prix d'émission des actions de réserve est garanti (voir HEFERMEHL/BUNGEROTH, n. 39 § 56 DAktG). Il n'en va pas différemment de l'art. IX de la convention; l'engagement de désigner, sous certaines conditions, un ou plusieurs tiers prêts à reprendre dans tous les cas les actions de réserve non négociées à la valeur nominale ne peut déjà vouloir dire que, en cas d'incapacité à désigner ces tiers, la défenderesse devra alors payer des dommages-intérêts à concurrence de la valeur des actions. En tout état de cause, cette question peut rester ouverte, car, à supposer que la convention constitue un procédé clairement contraire à l'art. 680 al. 2 CO et, partant, nul, la validité
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de la décision attaquée ne s'en trouverait pas affectée pour les motifs indiqués plus haut.
En définitive, la décision attaquée ne viole pas l'interdiction contenue à l'art. 659 CO, ni ne constitue un procédé visant à contourner cette disposition; cette dernière n'est, au demeurant, qu'une prescription d'ordre (ATF 110 II 299 consid. 3a et les références).
bb) Les actions de réserve ont été offertes à leur valeur nominale. L'interdiction d'émettre au-dessous du pair au sens de l'art. 624 al. 1 CO n'est ainsi manifestement pas transgressée.
cc) Quant à l'art. IX de la convention, il n'est pas davantage contraire à l'art. 680 al. 2 CO. Cette disposition n'institue, en effet, pas pour la défenderesse l'obligation de fournir une prestation en violation de l'interdiction de rembourser le capital. De toute façon, elle ne fait pas l'objet de la décision attaquée et n'a qu'une portée obligatoire. Elle n'a de surcroît encore suscité aucune application.
e) Aux termes de l'art. 652 CO, chaque associé a le droit de souscrire une fraction des nouveaux titres proportionnée au nombre de ses actions, sauf disposition contraire des statuts ou de sa décision portant augmentation du capital. Comme cela ressort clairement du texte légal, le droit préférentiel de souscription n'est pas un droit acquis de l'actionnaire, à moins que les statuts ne le garantissent expressément (ATF 99 II 59 consid. 3, ATF 98 II 100 consid. c, ATF 91 II 300 consid. 2). L'exclusion de ce droit de souscription n'est cependant pas laissée au bon vouloir de l'assemblée générale. Elle exige au contraire une justification objective, respectant tant le principe de l'égalité de traitement que le principe selon lequel un droit doit être exercé avec ménagement (Prinzip der schonenden Rechtsausübung; ATF 91 II 298; ZOBL, op.cit., p. 4 et les renvois de la note de pied No 21).
aa) L'exclusion ou le retrait du droit préférentiel de souscription se justifie objectivement lorsqu'il est décidé dans l'intérêt de la société et apparaît nécessaire pour la poursuite de ses buts légitimes (ATF 91 II 309 consid. 7). La société possède un tel intérêt lorsque, après une pesée des intérêts en présence, le but poursuivi requiert l'augmentation du capital social, les intérêts des titulaires du droit de souscription préférentiel passant après cet objectif. Apparaît ainsi fondé le retrait qui doit permettre l'émission d'actions en faveur d'employés ou de cadres, des apports en nature ou l'acquisition de participations, voire d'entreprises ou de parties d'entreprise par échange d'actions (prise
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de participation, quasi-fusion); il en va de même si l'exclusion doit rendre possible l'exercice du droit de conversion ou d'option (VON GREYERZ, op.cit., p. 161), la transformation du capital étranger en capital propre ou encore l'extension du cercle des investisseurs (GAUDENZ ZINDEL, Bezugsrechte in der Aktiengesellschaft, thèse Zurich 1984, p. 228 ss). Il reste que lors d'émission d'emprunts convertibles ou à option, un droit de souscription anticipé sur les titres doit, en principe, être accordé aux anciens actionnaires pour autant toutefois que cela soit possible au regard du droit applicable, de législations étrangères en particulier. Cela se justifie dès lors que, pour la société, l'origine des fonds importe peu (ZOBL, op.cit., p. 4/5 avec les renvois à la note de pied 25). Dans la mesure où la création des actions de réserve a pour but de "répondre à tout autre objectif qui servirait les intérêts de la société", il faut se demander si la suppression du droit de souscription préférentiel repose sur un motif suffisant. En réalité, il s'agit moins de savoir si le retrait apparaît fondé plutôt que de décider si l'assemblée générale peut déléguer ses compétences en faveur de l'administration.
Ainsi qu'on l'a vu, le retrait du droit de souscription préférentiel doit s'avérer indispensable à la réalisation des buts fixés, même si ces buts ne doivent pas nécessairement apparaître décisifs pour le maintien ou le développement de la société (voir ZINDEL, op.cit., p. 239); à cet égard, l'arrêt publié à l' ATF 93 II 309 peut prêter à malentendu dans la mesure où sa formulation pourrait laisser croire le contraire. En définitive, le retrait du droit doit obéir au principe de la nécessité, qui est une émanation du principe de la proportionnalité; il se rapproche également du principe selon lequel un droit doit s'exercer avec ménagement ou de la manière la moins dommageable possible (DESCHENAUX, Le titre préliminaire du Code civil, in TDP tome II/I, p. 171).
S'agissant du retrait du droit de souscription préférentiel lors d'une augmentation du capital social, cette mesure apparaît objectivement justifiée si elle sert les intérêts de la société, ceux des actionnaires exclus devant néanmoins être pris en considération. Savoir quand les conditions d'une telle limitation sont remplies ne peut être décidé une fois pour toutes, mais dépend des circonstances de chaque cas particulier (ATF 102 II 268 consid. 3).
En l'espèce, selon la décision attaquée, les actions de réserve sont destinées, d'une part, à garantir le droit de conversion ou d'option résultant d'emprunts obligataires et, d'autre part, à servir à la
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réalisation d'autres buts dans l'intérêt de la société. Le retrait du droit de souscription préférentiel décidé par l'assemblée générale lors de l'augmentation du capital par l'émission des actions de réserve apparaît objectivement justifié. S'agissant toutefois de prêts qui, dans le futur, pourront donner lieu à l'acquisition de participations, un droit de souscription doit, dans la mesure du possible, être accordé aux actionnaires le moment venu, afin que leur propre droit de participation soit à nouveau pris en considération. Pour la réalisation des autres buts dans l'intérêt de la société, ce retrait ne pourra se justifier qu'au gré des circonstances. En tout état de cause, la décision attaquée respecte l'égalité de traitement puisque le droit de souscription préférentiel a été exclu à l'égard de tous les actionnaires de la même manière (ATF 102 II 267, ATF 99 II 58 consid. 2; ZOBL, op.cit., p. 5 et les références).
Pour le reste, l'administration devra toujours veiller au respect des exigences légales en matière de suppression du droit litigieux lors de la négociation effective des titres. Cela pose, en réalité, la question de la délégation de compétence en faveur du conseil d'administration (voir consid. cc) ci-après).
bb) Quant au principe selon lequel un droit doit être exercé avec ménagement, il est violé lorsque les décisions de la majorité compromettent les droits de la minorité alors même que le but poursuivi dans l'intérêt de la société aurait pu être atteint de manière peu ou pas dommageable pour cette minorité et sans inconvénient pour la majorité (MEIER-HAYOZ/ZWEIFEL, Der Grundsatz der schonenden Rechtsausübung im Gesellschaftsrecht, in Festschrift Harry Westermann, p. 383 ss, 393; ZINDEL, op.cit., p. 244). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, ce principe connaît ses limites dans le principe de la majorité régissant le droit de la société anonyme, auquel se soumet tout actionnaire au moment de l'acquisition de sa qualité de membre (ATF 102 II 268 consid. 3, ATF 99 II 62 consid. b). Mais, dans le cas particulier, il n'est pas nécessaire de trancher cette question controversée, les droits faisant l'objet de la décision attaquée n'ayant pas encore été mis en oeuvre, mais leur exercice seulement délégué à l'administration par l'assemblée générale. Reste, dès lors, le problème de cette délégation de compétence.
cc) L'art. 698 CO confère à l'assemblée générale une série de droits inaliénables. Cette dernière doit remplir des tâches qui, en raison de la hiérarchie au sein des organes de la société anonyme,
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lui reviennent nécessairement en sa qualité d'organe suprême (ATF 100 II 387 consid. 2a et les arrêts cités). Ce caractère inaliénable des compétences exclut toute délégation en faveur de l'administration. En revanche, une telle délégation est, en principe, possible pour autant qu'il s'agisse simplement d'une compétence définie par les statuts et que, lors du transfert, les conditions nécessaires pour la modification de cette disposition statutaire soient remplies (BÜRGI, n. 6 ad art. 690 CO; VON GREYERZ, op.cit., p. 185). Parmi d'autres tâches, l'administration doit exécuter les décisions de l'assemblée générale (art. 722 al. 2 ch. 1 CO; BÜRGI, n. 15 ss ad art. 721 CO). De manière générale, ses compétences à l'égard de la société sont déterminées par les décisions de l'assemblée générale (art. 721 al. 1 CO; ATF 78 II 373 consid. 3a). Reste à savoir si, en l'espèce, une tâche assignée à l'administration constitue un pur acte d'exécution et non déjà une délégation inadmissible de compétence. En raison du principe hiérarchique, l'assemblée générale doit - mais cela suffit - définir le principe et la mesure d'une augmentation du capital social. La fixation des modalités particulières de cette mesure reste dans les tâches usuelles de l'administration. En droit suisse, ces modalités concernent le moment de l'augmentation, le prix d'émission, le montant de la libération ou encore d'autres conditions particulières d'émission (HESS, op.cit., p. 62 ss; FORSTER, op.cit., p. 90 ss). Pour une majorité de la doctrine, l'assemblée générale peut laisser à l'administration la compétence d'exclure le droit préférentiel de souscription; au regard des pouvoirs dévolus à l'assemblée générale, la délégation de compétence constitue une compétence moindre par rapport à l'exclusion même de ce droit (FORSTMOSER, op.cit., p. 483; EDWARD E. OTT, Das Bezugsrecht der Aktionäre, thèse Zurich 1962, p. 56 s; HESS, op.cit., p. 70; FORSTER, op.cit., p. 92; WILLENER, op.cit., p. 41; ZINDEL, op.cit., p. 252). D'autres auteurs soutiennent le même point de vue au moins dans le résultat, mais par un raisonnement erroné; ils admettent que l'exclusion par l'administration du droit de souscription préférentiel peut être attaquée par la voie de l'art. 706 CO (SIEGWART, n. 12 ad art. 652 CO; HANS KASPAR FREY, Rechtliche und wirtschaftliche Probleme der Aktionärbegünstigung bei Kapitalerhöhungen und durch Aktienteilung, thèse Saint-Gall 1969, p. 29). Est finalement aussi défendue l'idée qu'une telle délégation n'est pas possible (KURT KOLB, Die Gratisaktie, thèse Berne 1945, p. 21; ULRICH F. KREBS, Gefährdung und Schutz
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der Minderheit bei Kapitalerhöhungen in der Aktiengesellschaft nach schweizerischem Recht, thèse Zurich 1980, p. 82 et 141).
Si l'on admet le principe de la délégation de compétence, il n'y a plus guère de discussion; un retrait du droit de souscription préférentiel par l'administration est admissible aux mêmes conditions qu'il le serait si la décision émanait de l'assemblée générale. Par ailleurs, celle-ci ne peut investir l'administration d'une attribution qui lui serait défendue. En définitive, l'administration peut, sur la base d'une délégation, exclure le droit si cette mesure peut reposer sur des motifs objectifs et respecte l'égalité de traitement notamment. L'avis exprimé par la majorité des auteurs doit être approuvé. Si l'assemblée générale est compétente pour exclure le droit, rien ne s'oppose à ce qu'elle ne prenne pas définitivement la décision, mais la fasse dépendre de modalités laissées à l'appréciation de l'administration; la délégation reste bien en deçà du pouvoir de l'assemblée générale d'exclure ce droit. De surcroît, à supposer que l'actionnaire touché puisse faire valoir ses droits contre la décision de l'administration sans plus de difficultés que si elle émanait de l'assemblée générale, le juge devra, dans les deux cas, décider, selon les mêmes principes, si la mesure est ou non admissible. Certes, la décision de l'administration est soustraite à l'action de l'art. 706 CO (ATF 91 II 303); mais l'action en responsabilité des administrateurs demeure cependant à la disposition de l'actionnaire. Reste à savoir si cette restriction constitue une entrave à la délégation.
Selon l'arrêt publié à l' ATF 91 II 298, la délégation à l'administration de la faculté d'exclure le droit de souscription préférentiel n'est pas valable si elle donne le pouvoir de prendre une mesure lésant gravement le principe de l'égalité de traitement entre actionnaires (p. 303/304); dans l'arrêt précité, l'exclusion n'avait été ordonnée qu'à l'égard de certains actionnaires dans le but avoué d'affaiblir leur influence dans la société. Toutefois, cet arrêt n'exclut pas de manière générale une telle délégation de compétence. En réalité, son admissibilité dépend des circonstances du cas particulier. Elle n'est pas valable lorsqu'elle tente d'éluder les limites légales à l'exclusion du droit de souscription préférentiel et si, en raison de ce transfert de compétence, l'actionnaire est mis hors d'état d'exercer ses droits de sociétaire ou si les moyens d'agir d'une minorité d'actionnaires se trouvent amoindris d'une façon intolérable. En pareille hypothèse, on ne peut exiger de l'actionnaire visé qu'il se contente d'une action en responsabilité
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contre les administrateurs; il a bien plutôt un intérêt juridique suffisant à faire examiner le caractère inadmissible du retrait de son droit dans le cadre de l'action prévue à l'art. 706 CO. Cependant, l'intérêt de l'actionnaire à la protection de sa situation financière et à la sauvegarde de ses droits patrimoniaux cède le pas devant l'intérêt de la société à procéder à une augmentation du capital social par des modalités aussi flexibles que possible. Dans la mesure où l'actionnaire se trouve lésé dans ses seuls intérêts financiers, on peut raisonnablement exiger de lui qu'il fasse valoir ses droits patrimoniaux dans le cadre d'une action en responsabilité contre les administrateurs.
En l'espèce, la décision litigieuse n'autorise pas l'administration à s'écarter des règles permettant d'exclure le droit de souscription préférentiel. Au contraire, elle définit assez précisément le cadre dans lequel les actions de réserve doivent être utilisées. Peu importe à cet égard que la délégation ne mentionne pas que les principes de l'égalité de traitement et de proportionnalité doivent être respectés; l'administration en est tenue de par la loi. Dans ces conditions, la décision emportant la délégation de compétence en faveur de l'administration ne souffre aucune critique.
Au demeurant, la demanderesse ne détient qu'une seule action au porteur d'une valeur nominale de 100 francs, alors que la défenderesse est une multinationale avec un capital supérieur à 300 millions. De surcroît, les actions sont cotées en bourse. Dans ces conditions, la demanderesse a toujours la possibilité de maintenir sa participation dans la société en acquérant des actions sur le marché. Son droit digne de protection présente ainsi un caractère purement pécuniaire. Aussi bien l'action en responsabilité (art. 754 CO) que l'action en annulation sont, dès lors, de nature à garantir ses intérêts. Une diminution de sa protection juridique n'est pas à craindre dans les circonstances particulières, de sorte que les conditions pour attaquer la décision emportant délégation ne sont pas données en l'espèce. Il reste que l'administration de la défenderesse devra, le moment venu, utiliser les actions de réserve incriminées dans l'intérêt de la société conformément à la décision, respecter les principes du droit de la société anonyme comme, par exemple, l'égalité de traitement, et, selon le mode d'augmentation du capital social choisi, veiller, dans la mesure du possible, à garantir indirectement aux actionnaires leur droit de souscription, notamment lors d'émissions d'obligations convertibles ou à option. A défaut, les administrateurs
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engageraient leur responsabilité à l'égard des actionnaires concernés.
La délégation de compétence étant ainsi admissible en l'occurrence, les objections de la demanderesse concernant une information prétendument insuffisante des actionnaires et l'indétermination quant à l'utilisation des actions de réserve ou encore à la personne qui, le cas échéant, reprendra finalement les actions de réserve tombent à faux. Au surplus, les modalités d'utilisation de ces actions devront résulter de décisions de l'administration au moment de la négociation définitive des titres; elles dépendront également des directives données par l'administration aux banques fiduciaires. Leur conformité au droit ne peut donc pas être examinée dans le cadre de la présente procédure.
f) Selon la demanderesse, les actions de réserve devraient être déchues du droit de vote; cette situation serait incompatible avec le droit de la société anonyme interdisant que des actions soient dépourvues des droits relevant du sociétariat, dont le droit de vote (interdiction de "place libre").
L'intéressée ne fait cependant pas valoir que la décision constatant la deuxième augmentation du capital social ne serait pas valable en raison de l'exercice non autorisé du droit de vote à titre fiduciaire par les banques. Savoir si les actions détenues par les banques tombent sous le coup de l'art. 659 al. 5 CO peut rester indécis, s'il s'avère que, de toute façon, l'interdiction précitée n'est pas violée.
A cet égard, l'interdiction d'actions dépourvues des droits sociaux est une émanation du principe selon lequel le nombre des places dans le sociétariat est constant; autrement dit, les droits sociaux délivrés doivent nécessairement correspondre au nombre des actions ni plus ni moins. Une société anonyme peut compter autant de membres que d'actions émises, de sorte que, sans modification du capital social, aucune exclusion ni aucune sortie n'est possible. Pour ces motifs d'ailleurs, un actionnaire ne peut renoncer aux droits sociaux qui servent non seulement ses intérêts, mais encore garantissent le fonctionnement des structures organiques de la société; il en va notamment ainsi pour le droit de vote. L'actionnaire n'a cependant pas l'obligation de voter. En l'espèce, les titulaires des actions de réserve n'ont renoncé qu'à l'exercice du droit de vote, mais non au droit lui-même (voir ATF 114 II 61 consid. bb). Et seules les actions sans droit de vote violent l'interdiction précitée. Ne tombent, en revanche, pas sous le coup
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de cette interdiction les actions dont le droit de vote est suspendu en vertu, par exemple, des art. 659 al. 5 CO ou 655 CO. Or, les actions de réserve ne sont pas des actions sans droit de vote; ce droit social est seulement mis en veilleuse aussi longtemps que les actions sont détenues à titre fiduciaire, conformément aux directives de la défenderesse. Dès lors que, en définitive, les actions de réserve disposent des droits sociaux inhérents à toute action, l'interdiction de "place libre" n'est pas violée. La décision attaquée apparaît donc conforme au droit de la société anonyme.
g) En outre, les actions de réserve ne constituent pas des actions à droit de vote privilégié déguisées, même si elles ont été acquises à la valeur nominale de 100 francs, alors que, en bourse, elles sont cotées à quelque 7'500 francs. Le quorum de l'art. 648 al. 1 CO - disposition de droit impératif (SIEGWART, n. 13 ad art. 648 CO; FORSTMOSER, op.cit., p. 172 n. 81) - ne leur est, en conséquence, pas applicable. Au demeurant, les actions à droit de vote privilégié sont des actions à valeur nominale moins élevée que les autres actions, mais qui donnent néanmoins droit à une voix; c'est l'application du système "une action = une voix", cela quelle que soit sa valeur nominale (art. 693 CO). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, lors d'une augmentation du capital social par émission d'actions à droit de vote privilégié, le quorum qualifié de l'art. 648 al. 1 CO doit être respecté seulement lorsque la situation juridique des anciens actionnaires se trouve amoindrie en raison du privilège accordé à une catégorie d'actions (ATF 116 II 525 ss).
Les actions à droit de vote privilégié créent une brèche dans le système du droit de vote proportionnel à l'importance de la participation financière (art. 692 CO). Et le quorum qualifié de l'art. 648 al. 1 CO tend, en définitive, à la protection de la minorité contre la volonté d'une majorité simple. Pour le droit de vote est seulement déterminante la participation de chaque actionnaire au capital social, mais non le prix d'acquisition pour cette participation. Aussi bien l'émission d'actions nouvelles en dessous de leur valeur intrinsèque ne porte pas atteinte aux droits patrimoniaux acquis de l'actionnaire, de la même manière elle ne touche pas le droit de vote proportionnel à l'importance de la participation. En définitive, la mise en oeuvre de la protection prévue à l'art. 648 al. 1 CO ne se justifie pas lors d'émission d'actions en dessous de la valeur intrinsèque, même si le droit de souscription préférentiel a été exclu dans le même temps. L'action est aussi mal fondée sur ce point.
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h) La décision attaquée ne violant ni la loi ni les statuts, l'action en annulation ou en nullité doit être rejetée, sans avoir encore à examiner si l'admissibilité des actions de réserve pourrait aussi s'appuyer sur le droit coutumier.

6. La demanderesse conclut à la nullité, subsidiairement à l'annulabilité, de diverses décisions portant modification de dispositions statutaires.
a) En conformité de l'art. 706 al. 1 CO, l'action dirigée contre des décisions de l'assemblée générale doit toujours se fonder sur une atteinte portée ou à la loi ou aux statuts. Est assimilée à une décision contraire à la loi celle qui heurte un principe général non écrit du droit de la société anonyme (ATF 100 II 386 consid. 1). L'art. 706 CO peut ainsi être invoqué pour se plaindre, notamment, d'une violation du principe de l'égalité de traitement entre actionnaires (BÜRGI, n. 35 ad art. 706 CO; FORSTMOSER, Einführung in das schweizerische Aktienrecht, § 21 II n. 15; DE STEIGER, op.cit., p. 233; PATRY, Précis de droit suisse des sociétés, vol. II, p. 242/243; KUNO WALTER ROHRER, Aktienrechtliche Anfechtungsklage, thèse Berne 1979, p. 59 ss). Pour être attaquable, la décision de l'assemblée générale ne doit pas porter atteinte au droit de l'actionnaire de manière seulement générale, mais de façon concrète. Cette atteinte doit représenter une entrave injustifiée à l'exercice d'un droit inaliénable (BÜRGI, n. 29 ad art. 706 CO). En revanche, n'est pas attaquable la décision qui ne contrevient ni à la loi ni aux statuts, mais qui apparaît simplement inappropriée ou inopportune (ATF 100 II 392 /393; BÜRGI, n. 27 ad art. 706 CO).
b) A l'appui de ses conclusions tendant à la nullité, voire à l'annulabilité, des nouveaux art. 6 al. 6 et 14 des statuts, la demanderesse fait, pour l'essentiel, valoir que l'exigence de clarté de ces nouvelles normes ne serait pas remplie; telles que formulées, les dispositions statutaires précitées ouvriraient la voie à des "interprétations les plus larges" ou "inadmissibles", pouvant aboutir à des situations choquantes. Outre qu'elle conduirait à renforcer exagérément les pouvoirs du Conseil d'administration et, par voie de conséquence, à porter atteinte au principe de la prééminence de l'assemblée générale, cette situation comporterait encore un risque d'inégalité de traitement entre les actionnaires.
Les prétendues atteintes que porteraient les normes incriminées à plusieurs principes généraux non écrits ne sont, en réalité, que virtuelles. En l'état, et cela est décisif, la demanderesse n'a pas
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démontré que les dispositions précitées violeraient en tant que telles la loi d'une quelconque manière. Quant à leur prétendue incompatibilité avec des principes généraux non écrits, la demanderesse ne peut se fonder que sur une interprétation personnelle des textes ou sur des hypothèses que rien ne permet d'admettre qu'elles se réaliseront un jour. Ainsi, par exemple, pour s'opposer à la modification du nouvel art. 6 al. 6 des statuts, elle se demande, au-delà de l'analyse des textes ("personnes morales unies", "action concertée"), si un intérêt social justifiait des mesures de protection aussi étendues que celles mises en place par la règle statutaire critiquée; de même, elle estime que la défenderesse exagère les risques d'une offre publique d'achat. Et encore, à l'appui de ses conclusions tendant à la nullité du nouvel art. 14, la demanderesse envisage un "abus de compétence" du Conseil d'administration pour "s'assurer le vote favorable des banques dans certaines situations, soit pour consolider une majorité au sein de l'assemblée, soit pour empêcher une minorité de blocage de se manifester" et léser ainsi les droits des actionnaires minoritaires; de la même manière, selon la demanderesse, le Conseil d'administration "pourrait être tenté d'utiliser la compétence conférée par l'art. 14 al. 3 pour juguler une opposition gênante"; elle va même jusqu'à imaginer, s'agissant des actions en dépôt auprès des banques, que ces dernières exerceront le droit de vote rattaché à ces actions sans même requérir d'instruction particulière auprès des détenteurs, cela en raison du rapport étroit de ces banques avec la défenderesse, banques qui, de manière générale, apportent "presque toujours un vote massif" en faveur des propositions du Conseil d'administration.
Cela étant, en l'absence d'une violation claire de la loi ou des statuts, le Tribunal fédéral n'a pas à se livrer à une analyse des interprétations qui seraient conformes à la loi et de celles qui ne le seraient pas. Telle n'est pas la finalité de l'art. 706 CO. Au demeurant, la demanderesse admet elle-même que les effets des règles attaquées ne pourront être appréciés "complètement" que lors de leur application "au cas concret". Et rien n'indique que la défenderesse - elle s'en défend d'ailleurs vigoureusement - n'interprétera pas ces nouvelles normes statutaires conformément à la loi.
Deux points méritent cependant une attention particulière.
aa) Le premier concerne le nouvel art. 6 al. 6 let. f des statuts. La demanderesse critique le pouvoir accordé par cette disposition
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au Conseil d'administration pour annuler, avec effet rétroactif, l'inscription d'actionnaires détenant des actions nominatives en violation des règles contenues aux lettres a à e du même alinéa 6. Une telle règle serait non seulement contraire au principe de la prééminence de l'assemblée générale; mais, surtout, elle serait illicite, car la radiation d'un actionnaire du registre des actions ne pourrait procéder que d'une décision judiciaire.
Pour la doctrine, la compétence du Conseil d'administration doit assez largement être admise sauf disposition statutaire contraire (BÜRGI, n. 21 ad art. 685 CO; ULRICH BENZ, Aktienbuch und Aktionärswechsel, thèse Zurich 1981, p. 23 et les renvois; ANDRE KUY, Der Verwaltungsrat im Übernahmekampf, thèse Zurich 1989, p. 86/87) en raison de la présomption générale de compétence découlant de l'art. 721 al. 2 CO. Quant à la jurisprudence du Tribunal fédéral, elle laisse la société anonyme libre de déterminer l'organe compétent pour procéder à l'inscription au registre (ATF 76 II 68). Il en résulte, en l'espèce, que la dévolution de la compétence au Conseil d'administration ne viole en rien la loi. On ne voit, au demeurant, pas pourquoi l'organe compétent pour inscrire au registre ne le serait pas pour opérer les radiations. Le moyen peut ainsi être rejeté sans plus ample examen.
De manière générale, les auteurs admettent que si l'inscription au registre des actions procède d'un vice de consentement de la part de la société, la décision y relative peut être attaquée. Quant à la question de savoir si la société peut de son propre chef annuler ou radier l'inscription d'un actionnaire du registre des actions, elle divise la doctrine. Si certains auteurs ne prennent pas clairement position (PETER LUTZ, Vinkulierte Namenaktien, thèse Zurich 1988, p. 79; DANIEL WÜRSCH, Der Aktionär als Konkurrent der Gesellschaft, thèse Zurich 1989, p. 123/124; KUY, op.cit., p. 88), d'autres conditionnent la radiation à l'intervention obligatoire du juge (BÜRGI, n. 9 ad art. 685, qui ne motive cependant pas son opinion; MANFRED KÜNG, Aberkennung der Aktionärseigenschaft durch den Verwaltungsrat? in SAG 1989, p. 181 ss et Die Prüfungspflicht des Handelsregisterführers in materiellrechtlichen Fragen, in Revue suisse de droit des affaires 1990, p. 45 ss). Enfin, d'autres auteurs soutiennent que la société peut, de son propre chef, radier un actionnaire du registre lorsqu'un vice du consentement a influencé la décision d'admission (FORSTMOSER, Die Rückgängigmachung von Eintragungen im Aktienbuch - problemlos oder unzweideutig rechtswidrig? in SAG 1989,
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p. 175 ss; BENZ, op.cit., p. 103). Les auteurs qui prônent l'exigence d'une décision judiciaire font, pour l'essentiel, valoir qu'en acceptant l'inscription d'un actionnaire au registre des actions, le Conseil d'administration exerce un droit formateur, sa décision ayant alors un caractère irrévocable; à supposer que la décision de la société soit entachée d'un vice de volonté, les dispositions générales du code des obligations, notamment des art. 23 ss CO, ne trouveraient alors pas sans autre application, l'acte d'admission ne pouvant être assimilé à un acte juridique bilatéral; doit, en effet, être également pris en considération l'intérêt de tiers, notamment celui des autres actionnaires. Et ces auteurs de relever que si la société était habilitée à procéder seule à la radiation d'un actionnaire, il en résulterait une insécurité juridique, au niveau de la composition de l'assemblée générale et de l'exercice du droit de vote en particulier.
Ces arguments n'apparaissent toutefois pas décisifs. Selon la jurisprudence, l'inscription ou le refus d'inscription sur le registre des actions n'a pas une signification propre, mais n'est qu'une mesure d'exécution de la décision prise; elle n'opère pas le transfert de la propriété des actions, mais le suppose. Cette mesure ne saurait donc déterminer qui la société peut et doit traiter comme actionnaire. Ni la personne inscrite ni la société ne peuvent invoquer une inscription à laquelle on aurait procédé sans avoir cette preuve (ATF 90 II 172 /173 et les arrêts cités). L'inscription n'a donc pas un effet constitutif (BÜRGI, n. 9 ad art. 685 CO). Aussi doit-on admettre que l'inscription concerne au premier chef le rapport entre l'acquéreur d'une action nominative et la société anonyme concernée. Entre ces parties s'établit un rapport juridique bilatéral auquel les dispositions générales du code des obligations, notamment celles concernant les vices du consentement, s'appliquent. Ainsi, dans l'hypothèse où une personne est inscrite au registre des actions en violation des conditions d'admission énoncées par les statuts, parce qu'elle a fourni des informations incomplètes, erronées ou fallacieuses, la société trompée ne se trouve pas liée par la décision d'admission et peut s'en départir si elle en fait la déclaration (art. 31 CO). Mais elle ne pourra le faire que si, au moment de son admission, l'actionnaire ne remplissait pas les conditions statutaires; si ces dernières ne se trouvent plus réalisées seulement à un moment où l'actionnaire est déjà inscrit, la société ne pourra, en revanche, plus radier sans être au bénéfice d'une décision judiciaire (voir sur ce point la distinction
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opérée par WÜRSCH, op.cit., p. 123). Il reste que, malgré sa radiation du registre, l'intéressé pourra toujours, le cas échéant, faire reconnaître sa qualité d'actionnaire par le juge.
Il suit de là que l'art. 6 al. 6 let. f des statuts n'est pas contraire à la loi.
bb) Le deuxième point concerne la prétendue inégalité de traitement engendrée par la règle du nouvel art. 14 al. 5 des statuts. Cette disposition institue une exception à la limite du droit de vote à 3% en faveur des banques et des institutions financières qui assument des mandats de représentation.
En principe, les actionnaires ont droit au même traitement. Cette garantie n'est toutefois pas absolue. Un traitement différencié peut ainsi être licite à condition de ne pas être arbitraire, mais de constituer un moyen approprié pour atteindre un but justifié. L'égalité de traitement de tous les actionnaires n'implique, notamment, pas que les conséquences économiques soient les mêmes pour tous (ATF 102 II 267 consid. 1 et les arrêts cités; ROHRER, op.cit., p. 61 et les références; DE STEIGER, op.cit., p. 191/192).
S'agissant d'une telle inégalité en faveur des banques, la demanderesse part de l'idée que celles-ci renoncent le plus souvent à consulter les déposants et votent en faveur des propositions du Conseil d'administration. Dès lors que cette hypothèse n'est en rien vérifiée mais est, au contraire, contredite par le dossier, elle ne saurait fonder le grief d'inégalité de traitement entre actionnaires. Par conséquent, les craintes de la demanderesse de voir se consolider, par le biais de cette disposition, une majorité au sein de l'assemblée générale n'apparaissent pas sérieuses.
Quant aux institutions boursières ou financières (Nominees), elles agissent en qualité de "fiduciaires stables de porteurs-changeants"; en tant que telles, leur situation en qualité d'actionnaires ne peut être assimilée à celle d'un actionnaire ordinaire. S'agissant, en définitive, de deux types d'actionnariat différents, une égalité de traitement absolue ne peut dès lors être exigée. Au demeurant, l'exception instituée à l'art. 14 al. 5 en faveur de ces institutions apparaît être la contrepartie tolérable de l'admission d'actionnaires nominatifs étrangers et de la cotation internationale des titres de la défenderesse.
Le principe d'égalité de traitement entre actionnaires n'a ainsi en rien été violé.
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7. La demanderesse s'en prend également au nouvel art. 15ter des statuts.
a) Selon l'intéressée, le quorum renforcé et la majorité aggravée prévus au nouvel art. 15ter des statuts seraient incompatibles avec l'art. 705 CO, qui consacre le droit inaliénable de révoquer les administrateurs; or, dans le cas de la société défenderesse, des majorités si élevées seraient pratiquement impossibles à réunir, l'introduction de telles exigences dans les statuts apparaissant ainsi illicite.
aa) Aux termes de l'art. 705 al. 1 CO, l'assemblée générale peut révoquer les administrateurs et les contrôleurs, ainsi que tous les fondés de procuration et mandataires nommés par elle. Ce droit ne peut être supprimé ni par les statuts, ni par convention (BÜRGI, n. 6 ad art. 705 CO). Si, en vertu de l'art. 703 CO - disposition non impérative -, l'assemblée générale peut prendre une telle décision à la majorité absolue des voix attribuées aux actions représentées, elle peut également, en vertu des statuts, le faire à une majorité différente; dès lors que la loi n'impose ni majorité ni quorum qualifiés pour la décision prévue à l'art. 705 CO, la révocation d'un administrateur peut aussi être prononcée à une majorité aggravée (BÜRGI, n. 25 ad art. 703 CO). Il reste que la mesure de l'aggravation ne doit pas rendre impossible la révocation (BÜRGI, n. 25-27 ad art. 703 CO; TANNER, op.cit., p. 175; ULRICH GEILINGER, Die erschwerten Beschlüsse der Generalversammlung der Aktionäre, thèse Zurich 1948, p. 46/47). Quant à la limite de cette aggravation, elle ne peut être fixée que de cas en cas, mais elle ne devrait jamais consacrer le principe de l'unanimité. Pour BÜRGI (n. 26 ad art. 703 CO), elle ne devrait pas dépasser une majorité ou un quorum des 3/4, TANNER (op.cit., n. 136, p. 176) tenant cependant cette limite pour illusoire s'il s'agit - comme en l'espèce - de sociétés publiques.
bb) Si, en l'occurrence, les parties admettent le principe de l'aggravation de la majorité, il reste à déterminer si, dans la pratique, la mesure adoptée à l'art. 15ter rend impossible le droit de révoquer plus de 1/3 des administrateurs. Certes, eu égard à la dimension internationale de la défenderesse, réunir une participation à l'assemblée générale des actionnaires représentant les 2/3 du capital-actions apparaît difficile. Toutefois, malgré la dispersion des actions sur les marchés boursiers, il n'en demeure pas moins que par le biais de la représentation des actionnaires à l'assemblée générale notamment (art. 689 al. 2 CO), une telle majorité n'est pas
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impossible à réunir. En tout état de cause, à supposer même que le droit de révoquer plus de 1/3 des administrateurs doive être qualifié d'illusoire, il reste que l'assemblée générale conserve le pouvoir de remplacer chaque année la moitié du Conseil d'administration par l'effet combiné de l'art. 21 des statuts, prévoyant que 1/5 du Conseil d'administration doit être renouvelé chaque année, et de la possibilité de révoquer 1/3 des administrateurs à la majorité ordinaire prévue aux art. 703 CO et 15 des statuts.
b) En outre, dans la mesure où il soumet sa propre modification à l'exigence d'un quorum des 2/3 du capital social et de la majorité des 3/4 des actions représentées, le nouvel art. 15ter violerait, selon la demanderesse, la règle impérative de l'art. 648 al. 1 CO.
aa) Selon cette disposition, les décisions ayant, notamment, pour objet la suppression de clauses statutaires qui aggravent les conditions sous lesquelles l'assemblée générale peut prendre une décision doivent être approuvées par les voix des 2/3 au moins de l'ensemble du capital social. Cette règle est impérative et ne peut, par conséquent, être modifiée ni par les statuts ni même par décision de l'assemblée générale.
bb) Si, au regard du grief précédent, un tel moyen apparaît quelque peu paradoxal, il s'avère néanmoins fondé. La disposition incriminée est contraire à l'art. 648 al. 1 CO, puisqu'elle en allège les conditions; elle peut, en effet, être modifiée par une décision prise, en définitive, à la moitié des voix (soit 2/3 des 3/4) au lieu de la majorité obligatoire des 2/3 prévue par la norme précitée.
Que l'art. 15 al. 3 des statuts réserve expressément les dispositions contraires impératives de la loi ne saurait rien y changer. En effet, dans le même temps, cette norme "réserve" également les art. 15bis et 15ter. Aussi, contrairement à ce qu'affirme la défenderesse, l'art. 15 ne peut avoir la portée d'une "disposition générale" à l'égard, notamment, de l'art. 15ter. En réalité, la question paraît avoir échappé au Conseil d'administration qui, dans son rapport relatif à l'art. 15, s'est référé à l'art. 648 CO, sans toutefois en tirer les conséquences qui s'imposaient. Peu importe enfin le contenu - hypothétique - du nouveau droit de la société anonyme, dès lors que la norme statutaire incriminée va à l'encontre d'une disposition impérative de la loi en vigueur.
cc) Enfin, s'agissant de la portée de l'annulation sur le texte de l'art. 15ter al. 1, elle se limitera aux cinq derniers mots de la disposition incriminée, à savoir "et modifier le présent article". L'annulation partielle ne nuit, en effet, pas à l'économie de la
BGE 117 II 290 S. 315
norme litigieuse; alors que cette dernière avait essentiellement un but de protection, cette défense s'en trouvera encore renforcée en ce qui concerne l'exigence de majorités pour sa modification, la règle de l'art. 648 al. 1 CO posant précisément des conditions plus sévères (voir ATF 86 II 78 et ATF 84 II 550).

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Regeste: deutsch französisch italienisch

Sachverhalt

Erwägungen 4 6 7

Referenzen

BGE: 91 II 303, 91 II 298, 102 II 268, 102 II 267 mehr...

Artikel: Art. 706 OR, art. 659 CO, Art. 648 Abs. 1 OR, art. 703 CO mehr...