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Urteilskopf

123 II 268


31. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 5 juin 1997 dans la cause Office fédéral de la police contre Chambre d'accusation du canton de Genève, X. et E. SA (recours de droit administratif)

Regeste

Internationale Rechtshilfe; Art. 74a IRSG; Herausgabe des Erzeugnisses aus einer strafbaren Handlung.
Zulässigkeit der Verwaltungsgerichtsbeschwerde gegen einen Entscheid, mit dem die Prüfung eines Rechtshilfegesuches bis zum Abschluss eines innerstaatlichen Strafverfahrens provisorisch aufgeschoben wird (E. 1b).
Voraussetzungen der Herausgabe des Erzeugnisses aus einer strafbaren Handlung (E. 4a).
Die Angaben der ersuchenden Behörde erlauben im vorliegenden Fall den sicheren Nachweis der deliktischen Herkunft der beschlagnahmten Gegenstände und des rechtmässigen Eigentümers nicht; die Herausgabe kann daher nur aufgrund eines Einziehungsentscheides im ersuchenden Staat erfolgen (E. 4b/aa).
Auch die Bedürfnisse des innerstaatlichen Verfahrens stehen im vorliegenden Fall einer Herausgabe entgegen (E. 4b/bb).
Die im Rahmen des Strafverfahrens angeordnete Beschlagnahmung genügt für die Erhaltung des bestehenden Zustandes (E. 4b/dd).
Die Behörde hat dem Gebot der raschen Erledigung Rechnung zu tragen (E. 4c) und wird über ein neues Gesuch um Herausgabe der beschlagnahmten Gegenstände zu Beweiszwecken zu befinden haben (E. 5).

Sachverhalt ab Seite 269

BGE 123 II 268 S. 269
Saisi d'une demande d'entraide judiciaire émanant du Procureur de la République près le Tribunal de première instance de Latina (Italie), le Juge d'instruction du canton de Genève a fait procéder, le 13 septembre 1995, à la perquisition de locaux loués par la société panaméenne E. SA au Port franc de Genève, et susceptibles de contenir des objets d'art anciens volés en Italie. La saisie de ces objets a été ordonnée. Des photographies de l'ensemble des oeuvres ont été remises aux enquêteurs italiens, présents à la perquisition.
Le 20 septembre 1995, une procédure pénale a été ouverte à Genève, contre inconnu, pour recel. Dans ce cadre, le juge d'instruction genevois a ordonné, le 9 octobre 1995, la saisie conservatoire de l'ensemble des objets se trouvant dans les locaux de E. SA, et en a interdit l'accès.
Le 15 novembre 1995, le Procureur de Latina a adressé au Juge d'instruction du canton de Genève une nouvelle demande d'entraide, dans le cadre d'une enquête pénale dirigée contre l'ayant droit de la société E. SA, X., marchand d'art italien soupçonné de recel.
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Un premier examen des photographies avait permis d'identifier trois chapiteaux appartenant à la commune de Rome; les deux premiers auraient été volés dans la zone archéologique d'Ostia Antica le 9 décembre 1983; le troisième aurait été volé le 20 juin 1984 à la Villa Celimontana (Rome). L'autorité requérante désire obtenir tous les documents saisis au Port franc; elle demande le maintien de la saisie et des scellés, jusqu'à ce que la provenance des objets ait pu être déterminée.
Le 15 mars 1996, l'autorité requérante a complété sa demande en produisant un rapport scientifique de la Surintendance de Rome pour l'Etrurie méridionale. Il en ressortirait que tous les biens saisis, d'une grande valeur archéologique, proviendraient à 90% de vols dans les zones archéologiques du Latium; il s'agirait de matériel d'une grande valeur artistique et scientifique, couvrant une vaste période. L'autorité requérante demande la remise de l'ensemble de ces pièces à la division de la Protection du patrimoine artistique de la police romaine, et leur prise en charge par une société de transports internationaux.
Par ordonnance du 4 juin 1996, le juge d'instruction est entré en matière sur la demande de remise. Il a ordonné la saisie des objets se trouvant au Port franc de Genève, et leur transfert à disposition de l'autorité judiciaire italienne. Les faits exposés dans la demande pouvaient être qualifiés de vols, voire de recels.
Par ordonnance du 22 novembre 1996, la Chambre d'accusation du canton de Genève a, sur recours de X. et de E. SA, annulé cette décision. Compte tenu des avis produits, il n'apparaissait pas hautement vraisemblable que les pièces saisies proviennent d'une infraction, le rapport produit par l'autorité requérante paraissant sujet à caution. Les conditions d'une remise au titre de produit d'une infraction n'apparaissaient en l'état pas réalisées. Il convenait d'instruire en priorité la procédure nationale afin de connaître la provenance des objets, et de déterminer, le cas échéant, si leurs acquéreurs étaient de bonne foi. Il ne pourrait être statué sur l'admissibilité et l'exécution de l'entraide judiciaire qu'à l'issue de la procédure nationale; la saisie du 4 juin 1996 devait être annulée, et le séquestre pénal rétabli.
L'Office fédéral de la police forme un recours de droit administratif contre cet arrêt. Il conclut, principalement à la remise à l'Etat requérant des trois chapiteaux et des autres objets archéologiques découverts à Genève, à condition qu'il n'y ait pas de confiscation en Suisse, subsidiairement au maintien de la saisie provisoire
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ordonnée le 4 juin 1996, et à la remise des objets à titre de moyens de preuve, à condition que l'Etat requérant s'engage à les restituer à l'issue de son enquête.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Erwägungen

Extrait des considérants:

1. a) Selon l'art. 25 al. 1 de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP, RS 351.1), le recours de droit administratif est, sauf disposition contraire de la loi, directement ouvert contre les décisions rendues par les autorités cantonales de dernière instance. L'OFP a qualité pour recourir en vertu de l'art. 25 al. 3 EIMP (cf. aussi l'art. 80h let. a EIMP, nouvelle teneur du 4 octobre 1996, en vigueur dès le 1er février 1997).
b) Pour les intimés, la décision attaquée serait une décision incidente, car elle ne mettrait pas un terme à la procédure d'entraide, mais ne ferait que surseoir à son exécution jusqu'à l'issue de la procédure pénale nationale. Le recours serait irrecevable, faute, d'une part, d'un préjudice irréparable (art. 45 al. 1 PA) et, d'autre part, d'avoir été déposé dans le délai de dix jours prescrit à l'art. 106 al. 1 OJ. Pour l'OFP, la décision attaquée constituerait un jugement partiel, soit une décision finale attaquable dans les trente jours dès sa notification.
aa) La décision attaquée a pour effet l'annulation de l'ordonnance d'entrée en matière et de clôture rendue par le juge d'instruction, ce dernier étant invité à statuer à nouveau à l'issue de la procédure nationale. La cour cantonale a considéré que la transmission des objets saisis à l'Etat requérant était prématurée, mais elle a réservé la possibilité d'une nouvelle décision dans ce sens; elle n'a donc pas mis un terme définitif à la procédure d'entraide. Sa décision, assimilable à une suspension de la procédure, revêt un caractère incident (ATF 116 Ia 154 consid. 2a p. 157), et on ne saurait la qualifier de jugement partiel, puisqu'elle ne se prononce pas sur les conditions d'octroi de l'entraide judiciaire, et ne donne aucune instruction qui pourrait lier le juge d'instruction sur ce point.
bb) La jurisprudence tient toutefois pour recevables les recours dirigés contre les décisions par lesquelles l'autorité suspend une procédure, ou décide de surseoir à statuer. Dans ces cas en effet, il doit pouvoir être remédié immédiatement à un retard injustifié lorsque l'autorité suspend sans raison suffisante le traitement d'une procédure; le recours est également ouvert lorsque l'autorité décide formellement de reporter la décision, en l'espèce relative à l'octroi de
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l'entraide judiciaire (ATF 120 III 143 consid. 1; SJ 1995 p. 740, concernant l'art. 87 OJ); tel est le sens du présent recours, l'OFP prétendant qu'il pouvait être immédiatement donné suite à la demande présentée par le Parquet de Latina. Dans ce cas, l'inaction reprochée violerait le droit fédéral, qui exige notamment un traitement rapide des demandes d'entraide judiciaire (cf. l'art. 17a [nouveau] EIMP, qui impose à l'autorité de statuer "sans délai" - al. 1 -, et permet à l'OFP de recourir contre un refus ou un retard à statuer - al. 3). En dépit du caractère incident de l'arrêt attaqué, le recours de droit administratif est par conséquent ouvert contre le refus, même provisoire, d'entrer en matière sur une demande d'entraide judiciaire.
cc) Selon l'art. 106 al. 1 OJ, le délai de recours est de dix jours contre les décisions incidentes. Toutefois, en matière d'entraide judiciaire, la pratique s'en tenait généralement, avant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions de l'EIMP, à un délai de recours de trente jours, y compris à l'égard des décisions incidentes telles, par exemple, que les décisions d'entrée en matière. Les nouvelles dispositions, applicables en principe immédiatement aux procédures pendantes au jour de leur entrée en vigueur (art. 110a EIMP), prévoient maintenant expressément le délai de dix jours pour les recours dirigés contre une décision incidente (art. 80k EIMP). Certes, l'ordonnance attaquée, rendue sous l'empire de l'ancien droit, comporte l'indication de la voie du recours de droit administratif, avec un délai de trente jours. Toutefois, même si le caractère incident de la décision attaquée était peu évident, on peut se demander si l'office recourant, spécialisé dans le domaine de l'entraide judiciaire, pouvait sans autre se fier à l'indication erronée du délai de recours. Compte tenu de l'issue de la cause sur le fond, la question peut demeurer indécise.
La décision du juge d'instruction, soumise par les intimés à la cour cantonale, concerne la remise des pièces saisies à l'Etat requérant, au titre exclusif du produit de l'infraction. L'arrêt attaqué s'en tient à cette seule question, et l'examen de la cour de céans doit également s'y limiter. Il y a lieu de rechercher si, en l'absence d'une décision de confiscation rendue dans l'Etat requérant, une remise immédiate est envisageable, sans se demander, en l'état, si une remise pourrait être envisagée à un autre titre.

3. Pour la Chambre d'accusation, il n'est pas hautement vraisemblable que les pièces saisies soient le produit d'une infraction; les avis d'experts produits par les intimés permettraient de douter des conclusions figurant dans le rapport annexé à la demande d'entraide.
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Toutefois, ces objets étant susceptibles de provenir d'un recel et de faire l'objet d'une confiscation selon l'art. 59 CP, il faudrait donner la priorité à la procédure pénale pendante en Suisse; l'instruction permettrait de déterminer la provenance des objets, et, le cas échéant, si X. peut se prétendre acquéreur de bonne foi. Dans l'intervalle, il faudrait surseoir à l'examen de la demande d'entraide. La saisie provisoire ordonnée comme mesure d'entraide devrait céder le pas au séquestre pénal ordonné le 9 octobre 1995.
a) L'OFP relève que les trois chapiteaux saisis proviendraient effectivement de deux vols commis à des dates précises et dans des sites archéologiques déterminés. Commerçant d'objets d'art, X. ne pourrait prouver sa bonne foi. Il n'y aurait pas lieu d'exiger un jugement de confiscation dans l'Etat requérant, car la situation serait en l'espèce dénuée d'ambiguïté. Le principe de la territorialité commanderait aussi la remise des objets, vu les points de rattachement (provenance des objets, nationalité et domicile de X.) avec l'Italie. L'art. 8 de la Convention no 141 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (ci après: la Convention 141, RS 0.311.53) commanderait également une remise à l'Etat italien. L'OFP estime aussi que la levée de la saisie ne se justifiait pas, cette mesure pouvant coexister avec le séquestre pénal. L'office cite encore l'art. 10 de la Convention européenne, revisée à La Vallette le 16 janvier 1992, pour la protection du patrimoine archéologique, en vigueur pour la Suisse depuis le 28 septembre 1996 (RS 0.440.5/RO 1996, 2965). Cette disposition énonce divers engagements des parties contractantes en matière de prévention de la circulation illicite d'éléments du patrimoine archéologique. Enfin, il se justifierait, selon l'OFP, de transmettre les objets saisis au titre de moyens de preuve, afin notamment de permettre aux experts italiens de déterminer la provenance exacte de l'ensemble des pièces. L'Etat requérant pourrait s'engager à les restituer. Dans sa réplique, l'OFP indique que, par requête du 13 février 1997, l'autorité requérante a demandé une telle remise à titre de moyen de preuve, en vue du procès qui devrait s'ouvrir le 23 juin 1997 contre X. Il fait encore état d'une autre demande d'entraide tendant à obtenir des dépositions à Genève.
b) Les intimés se réfèrent aux arguments soulevés dans leur recours cantonal. Ils invoquent notamment l'art. 5 al. 1 let. a EIMP (les infractions n'auraient pas été commises en Italie), les art. 28 al. 2 let. b EIMP et 14 CEEJ (état de fait insuffisant), l'art. 12 EIMP (défaut d'inventaire) et l'art. 76 let. c EIMP (attestation de licéité);
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ils reprochent au juge d'instruction de ne pas leur avoir permis de participer aux actes d'exécution, d'avoir violé leurs droits de parties et d'avoir prononcé la clôture sans avoir préalablement rendu de décision d'entrée en matière. S'agissant d'oeuvres d'art acquises de manière licite, le principe de la double incrimination serait, selon eux, violé. La demande ne respecterait pas non plus le principe de la proportionnalité, car elle procéderait d'une recherche indéterminée de preuves. Les intimés s'opposent à une remise, tant au titre de produit de l'infraction, que comme moyens de preuve. X. soutient être en mesure de prouver concrètement sa bonne foi; dans leur grande majorité, les objets saisis ne proviendraient pas d'Italie.

4. a) L'art. 74 al. 2 aEIMP prévoyait la remise à l'Etat requérant des "autres" objets et valeurs qui proviennent d'une infraction, en vue de leur restitution aux ayants droit, même en dehors de toute procédure pénale. Comme le relève la cour cantonale, cette dernière possibilité est réservée aux cas où la situation est dépourvue d'ambiguïté, par exemple lors d'un flagrant délit. Dans les cas ordinaires, dans lesquels la situation doit encore être éclaircie, la remise ne peut avoir lieu qu'en exécution d'une décision étrangère de confiscation définitive et exécutoire (art. 94 EIMP). La nouvelle réglementation n'apporte pas de modification essentielle sur ce point; l'art. 74a (nouveau) EIMP permet la remise de l'objet saisi à titre conservatoire par l'Etat requis, à tous les stades de la procédure étrangère, en règle générale sur décision définitive et exécutoire de l'Etat requérant. L'expression "en règle générale" a été employée par le législateur afin de permettre une procédure rapide et peu formaliste dans les cas où une restitution s'impose à l'évidence, par exemple lorsqu'il n'existe aucun doute sur la provenance illicite des valeurs saisies, et sur le bien-fondé d'une remise à l'ayant-droit (ATF 123 II 134, consid. 5c). Sans être tenue à restitution (l'art. 74a [nouveau] EIMP est, à l'instar de l'art. 74 aEIMP, une "Kann-Vorschrift"), l'autorité requise dispose d'un large pouvoir d'appréciation afin de décider, sur la base d'une appréciation consciencieuse de l'ensemble des circonstances, si et à quelles conditions la remise peut avoir lieu (ATF 115 Ib 517 consid. 7h p. 540). Elle peut exiger de l'autorité requérante des renseignements complémentaires, ou lui fixer un délai pour l'ouverture d'une procédure formelle de confiscation (ATF 115 Ib 517 consid. 8c p. 546).
b) Comme l'a relevé la cour cantonale, on ne se trouve manifestement pas dans une situation qui justifierait la remise immédiate des pièces saisies à l'Etat requérant, à titre de produit de l'infraction.
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Selon la demande initiale du 15 novembre 1995, seuls trois chapiteaux auraient été reconnus comme provenant de vols commis dans la région de Rome. Dans sa requête complémentaire du 15 mars 1996, l'autorité requérante produit un rapport selon lequel l'ensemble des objets saisis proviendrait de vols commis dans le Latium au préjudice de l'Etat italien. Emanant de la surintendance pour l'Etrurie méridionale, ce rapport expose que 90% des objets proviendraient de zones archéologiques italiennes. Le solde serait d'origine grecque. Le rapport conclut qu'il s'agirait de matériel d'une grande valeur artistique et scientifique, couvrant une vaste période. La provenance illicite de ces objets serait confirmée par l'étude des photographies: de nombreux objets porteraient des traces de terre attestant un enlèvement récent; ces traces, et l'endommagement de certains objets, seraient dus à des fouilles illicites.
aa) Ce rapport ne permet pas d'établir avec certitude la provenance exacte de chacun des objets saisis, leur éventuelle origine délictueuse, et leur légitime propriétaire. Certaines pièces proviendraient de fouilles illicites, alors que d'autres auraient été volées, déjà excavées. Pour une part ("environ" 10% selon le rapport), ces objets seraient d'origine grecque. Le rapport précité relève que l'observation des photographies ne saurait remplacer un examen direct des objets, et leurs auteurs se tiennent prêts à se rendre sur place dans ce but. Comme le relève l'OFP, la situation paraît certes plus claire en ce qui concerne les trois chapiteaux qui auraient été volés à des dates déterminées dans des zones archéologiques précises. Toutefois, à l'égard de ces pièces comme du reste du matériel saisi, on ignore tout de l'identité des auteurs de ces vols, et il n'est pas allégué que X. y aurait participé directement, seule l'infraction de recel lui étant reprochée; on ne sait pas non plus dans quelles circonstances ce dernier, ou sa société, auraient acquis l'ensemble des pièces saisies. On ne se trouve dès lors manifestement pas dans le cas où il s'agit simplement de restaurer une situation initiale dépourvue d'ambiguïté, de sorte qu'il n'est pas possible d'envisager sans autre la remise à l'Etat requérant de l'ensemble des objets saisis. Une telle remise ne pourrait intervenir que sur la base d'un jugement de confiscation définitif et exécutoire rendu en Italie (art. 74a al. 3 [nouveau] EIMP), au terme d'une procédure permettant, le cas échéant, à X. de faire valoir la bonne foi qu'il allègue.
bb) La Chambre d'accusation a, par ailleurs, relevé avec raison que l'existence de la procédure pénale ouverte à Genève faisait, elle aussi, échec à une remise immédiate. En effet, selon l'art. 74a al. 4
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let
. d (nouveau) EIMP, les objets ou valeurs peuvent être retenus en Suisse s'ils y sont nécessaires à une procédure pénale, ou sont susceptibles d'y être confisqués. Tel est le cas en l'espèce: point n'est besoin d'examiner si les pièces saisies pourront être confisquées, en vertu de l'art. 59 CP, à l'issue de la procédure pénale genevoise; en effet, ces pièces sont en tout cas utiles comme moyens de preuve dans le cadre de cette procédure. L'argument de l'OFP, selon lequel les faits décrits dans la demande présenteraient un rattachement plus étroit avec l'Etat requérant - en raison de la nationalité de X. et de la provenance des objets saisis -, ne suffit pas en l'espèce, à lui seul, à imposer une remise immédiate à l'Italie à ce stade de la procédure. L'art. 20 EIMP permet, sur proposition de l'OFP, de suspendre l'action pénale à l'égard de la personne poursuivie à l'étranger lorsque l'exécution en Suisse ne paraît pas opportune, mais la décision en revient à l'autorité compétente, en l'espèce aux autorités de poursuite genevoises. Il n'appartient pas à l'autorité d'entraide, investie d'un seul droit de proposition (art. 20 al. 1 in initio EIMP), de juger de l'opportunité et du sort possible de la procédure pénale ouverte dans ce canton.
cc) L'OFP invoque en vain les dispositions de la Convention 141. En effet, cette dernière n'empêche pas la Suisse, Etat requis, d'ajourner l'exécution des mesures sollicitées lorsque celles-ci risquent de porter préjudice à des investigations menées par ses propres autorités (art. 19). La Convention n'oblige par ailleurs nullement la Suisse à transmettre des biens ou valeurs en l'absence d'une décision judiciaire de confiscation rendue dans l'Etat requérant. Elle permet au contraire à l'Etat requis, s'il n'exécute pas lui-même une décision de confiscation prononcée par ses propres autorités (art. 13 al. 1 let. b), d'exiger de l'Etat requérant une telle décision judiciaire (art. 13. par. 1 let. a), laquelle doit être jointe à la demande de transmission (art. 27 par. 3).
En annulant la décision d'entrée en matière et de transmission, la Chambre d'accusation n'a par conséquent violé ni le droit fédéral, ni le droit international pertinent.
dd) Pour l'OFP, la Chambre d'accusation aurait dû, à tout le moins, maintenir le séquestre ordonné le 13 septembre 1995 dans le cadre de la procédure d'entraide.
La remise d'objets au terme de la procédure d'entraide est en général précédée de leur saisie conservatoire (cf. le libellé de l'art. 74a al. 1 [nouveau] EIMP). Cette mesure provisoire a en effet pour but de maintenir une situation existante, de protéger des
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intérêts juridiques menacés ou de préserver des moyens de preuve, soit, de manière générale, d'assurer l'exécution des actes d'entraide requis (art. 18 EIMP). Dans le même sens, l'art. 33a (nouveau) OEIMP précise que les objets et valeurs, dont la remise est subordonnée à une décision définitive et exécutoire de l'Etat requérant, demeurent saisis jusqu'à réception de ladite décision ou jusqu'à ce que l'Etat requérant ait fait savoir qu'une telle décision n'est plus possible. En l'espèce, les pièces litigieuses font l'objet d'un séquestre pénal, et le maintien de la situation existante paraît ainsi assuré; cela n'exclut certes pas le prononcé d'une mesure provi-soire selon l'EIMP, ce qui permettrait la conservation des pièces quelle que soit l'issue de la procédure pénale nationale. Il appartiendra toutefois au juge d'instruction de prendre à temps les mesures conservatoires appropriées en cas de suppression du séquestre pénal, en réactivant, le cas échéant, le séquestre en vue de la procédure d'entraide. Sous cet angle également, la décision attaquée ne viole pas le droit fédéral. Elle ne viole pas non plus le droit conventionnel, car si la Convention 141 pose, en son art. 11, l'obligation d'ordonner des mesures provisoires afin de prévenir toute opération, transfert ou aliénation relative à des biens susceptibles d'être confisqués, cette mesure doit être exécutée conformément au droit interne de la Partie requise (art. 12 al. 1); elle peut donc revêtir la forme d'un séquestre pénal.
c) Contrairement à ce que donne à penser la décision attaquée, la procédure d'entraide judiciaire ne doit toutefois pas être purement et simplement abandonnée jusqu'à l'issue de la procédure pénale en Suisse. En vertu de l'obligation de célérité (art. 17a [nouveau] EIMP), il convient en effet que le juge d'instruction prenne, parallèlement à l'instruction qu'il poursuit, toutes les mesures compatibles avec cette dernière qui sont susceptibles de faire progresser la procédure d'entraide. L'autorité requérante peut ainsi d'ores et déjà être informée que, sous réserve de l'issue de la procédure pénale pendante en Suisse et des autres conditions posées par l'EIMP, une remise à l'Italie des objets saisis en Suisse serait en tout cas subordonnée au prononcé d'un jugement italien de confiscation rendu à l'issue d'une procédure offrant aux intéressés des garanties de procédure suffisantes (art. 27 al. 3 let. a, i de la Convention 141). L'art. 80o EIMP permet en effet d'interpeller l'Etat requérant afin de lui permettre de parfaire sa démarche, en fixant, notamment, un délai afin d'ouvrir la procédure de confiscation. En outre, l'existence d'une procédure pénale nationale n'empêche pas non plus le juge
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d'instruction de statuer sur la demande de remise à titre de moyen de preuve qu'a présentée ultérieurement l'autorité requérante.

5. Le 13 février 1997, le Procureur de Latina a adressé au juge d'instruction genevois une nouvelle demande d'entraide; il indique que X. a été renvoyé en jugement pour recel, l'audience ayant été fixée au 23 juin 1997. La remise des objets saisis serait indispensable afin de prouver leur provenance et leur authenticité.
Cette requête a un objet différent des demandes d'entraide soumises au présent examen: elle ne tend pas, comme ces dernières, à la restitution du produit de l'infraction, mais à la remise des objets litigieux comme moyens de preuve dans le procès pénal italien, au sens de l'art. 74 al. 1 EIMP. Il appartiendra en premier lieu au juge d'instruction de statuer sur cette nouvelle requête, en recherchant notamment si une telle remise est envisageable, ou s'il est préférable de la reporter, compte tenu de l'avancement de la procédure pénale pendante en Suisse (art. 74 al. 3 EIMP). En présence d'objets archéologiques d'une telle importance, tant sur le plan quantitatif que culturel, le juge d'instruction devra procéder à une pesée soigneuse des éléments en présence. Dans le respect de l'obligation générale de célérité (art. 17a [nouveau] EIMP), il devra tenir compte des nécessités respectives de son enquête (art. 74 al. 3 EIMP et 6 par. 1 in fine CEEJ) et de celle menée en Italie, en considérant notamment - sur le vu des risques liés au transport des pièces - la possibilité d'autoriser les enquêteurs étrangers à se rendre à Genève pour y procéder à leur examen.
En tout état, la restitution - totale ou partielle - des objets aux ayants droit, ne pourra avoir lieu qu'une fois intervenue une décision définitive et exécutoire des tribunaux italiens, portant sur des objets déterminés et identifiés (art. 74a al. 1 et 3 [nouveau] EIMP, art. 27 al. 3 let. a, i de la Convention 141). La sauvegarde des intérêts contradictoires en présence requiert donc en l'espèce une collaboration particulièrement étroite des autorités d'entraide, dans le triple but de faciliter le déroulement des procédures pénales en cours, de permettre le moment venu la restitution des objets archéologiques à leurs ayants droit, et de contribuer ainsi à la réalisation du but de la Convention européenne de 1992 pour la protection du patrimoine archéologique, précitée (art. 1er al. 1; art. 2 let. iii; art. 10 let. i, ii, et v).

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