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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
1B_425/2014  
   
   
 
 
 
Arrêt du 20 janvier 2015  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, 
Karlen et Chaix. 
Greffière : Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Aline Bonard, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, p.a. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens.  
 
Objet 
Détention provisoire, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du 
canton de Vaud, Chambre des recours pénale, 
du 21 novembre 2014. 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________ a été arrêté le 8 septembre 2013 et placé en détention provisoire le 11 septembre 2013, sous les préventions d'assassinat, subsidiairement meurtre, et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants. Il lui est reproché d'avoir tué son épouse B.________ le 8 septembre 2013 dans l'appartement qu'ils occupaient à Gland. Il aurait frappé sa femme à plusieurs reprises dans le dos à l'aide d'un couteau, aurait tenté de l'étrangler, puis, alors qu'elle tentait de s'enfuir, l'aurait poursuivie et saisie par les cheveux, la faisant tomber au sol; avec un second couteau, il aurait asséné plusieurs coups de couteau à la gorge de la victime, continuant de frapper alors même qu'elle était tombée face contre terre. Il est en outre reproché au prévenu d'avoir consommé des produits stupéfiants, notamment de la cocaïne. 
La détention du prévenu a régulièrement été prolongée à plusieurs reprises, en raison du risque de réitération. 
 
B.   
Dans le cadre de l'instruction, la mise en oeuvre d'une expertise psychiatrique a été ordonnée. Les experts psychiatres ont rendu leur rapport le 10 septembre 2014. Ils ont retenu que le prévenu présentait, au moment des faits, un trouble psychotique mixte induit par des substances psycho-actives (cocaïne) dans le cadre d'une dépendance à des substances psycho-actives multiples, chez une personnalité à traits narcissiques et dépendants. 
 
C.   
Par ordonnance du 7 novembre 2014, le Tribunal des mesures de contrainte du canton du Vaud a refusé la demande de libération présentée par l'intéressé en raison du risque de réitération, la question du danger de fuite également retenu par le Ministère public étant laissée indécise. L'intéressé a recouru contre cette décision auprès de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal (ci-après: le Tribunal cantonal), qui a rejeté ce recours par arrêt du 21 novembre 2014. En substance, le Tribunal cantonal a retenu un risque de réitération que les mesures de substitution proposées par le recourant (mise en oeuvre d'un traitement ambulatoire, sur les plans addictologique et psychiatrique) ne permettaient pas d'exclure. Quant à la durée de la détention, elle respectait le principe de proportionnalité. 
 
D.   
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt entrepris en ce sens que sa mise en liberté est immédiatement ordonnée. A titre subsidiaire, il conclut au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Le prévenu sollicite également l'octroi de l'assistance judiciaire. 
Le Tribunal cantonal et le Ministère public se réfèrent aux considérants de l'arrêt entrepris. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision relative à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP (ATF 137 IV 22 consid. 1 p. 23). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le prévenu, actuellement détenu, a qualité pour agir. Le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
Dans un premier grief, le recourant reproche au Tribunal cantonal une constatation manifestement inexacte et incomplète des faits, ce qui aurait influencé l'examen du risque de réitération. Il évoque de nombreux éléments résultant du rapport d'expertise que l'instance précédente aurait passés sous silence. 
Conformément à l'art. 105 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente. L'art. 105 al. 2 LTF lui permet cependant de rectifier ou compléter d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF
L'état de fait de l'arrêt cantonal évoque le rapport d'expertise psychiatrique. Il n'expose toutefois pas l'intégralité du contenu de ce document. Ainsi, si l'arrêt entrepris évoque l'existence d'un suivi médical depuis 2010 pour des problèmes d'addiction, il ne mentionne en revanche pas expressément que le recourant suit actuellement en prison un traitement psychiatrique et à visée de renforcement de l'abstinence auprès du Service de médecine et psychiatrie pénitentiaire (SMPP). Le Tribunal cantonal omet également de préciser que les experts ont estimé qu'un tel traitement pouvait être indiqué pour diminuer le risque de récidive et pouvait être poursuivi dans le cadre pénitentiaire ou à l'extérieur. Le recourant reprend d'autres éléments du rapport d'expertise qui ne ressortent pas expressément de l'arrêt entrepris. Conformément à l'art. 105 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral en tiendra compte pour autant qu'ils soient pertinents pour l'issue du litige. 
 
3.   
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). 
Préalablement à l'examen de ces hypothèses, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 221 al. 1 CPP), condition qui n'est pas remise en cause en l'espèce. 
 
4.   
Le recourant conteste en revanche l'existence d'un risque de récidive. Il soutient à cet égard que le Tribunal cantonal aurait occulté les éléments propres à établir l'inexistence de ce risque. 
 
4.1. Aux termes de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, la détention provisoire peut être ordonnée lorsqu'il y a lieu de craindre que le prévenu compromette sérieusement la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre. Selon la jurisprudence, il convient de faire preuve de retenue dans l'appréciation du risque de récidive: le maintien en détention ne peut se justifier pour ce motif que si le pronostic est très défavorable et si les délits dont l'autorité redoute la réitération sont graves (ATF 137 IV 13 consid. 4.5 p. 21; 135 I 71 consid. 2.3 p. 73 et les arrêts cités). La jurisprudence se montre moins sévère dans l'exigence de vraisemblance lorsqu'il s'agit de délits de violence graves, car le risque à faire courir aux victimes potentielles est alors considéré comme trop important; en pareil cas, il convient de tenir compte de l'état psychique du prévenu, de son imprévisibilité ou de son agressivité (ATF 123 I 268 consid. 2e p. 271).  
Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3 à 4 p. 18 ss; arrêt 1B_133/2011 du 12 avril 2011 consid. 4.7 in SJ 2011 I p. 487). Le risque de réitération peut également se fonder sur les infractions faisant l'objet de la procédure pénale en cours, si le prévenu est fortement soupçonné - avec une probabilité confinant à la certitude - de les avoir commises (ATF 137 IV 84 consid. 3.2 p. 86 et les références citées). 
 
4.2. En l'occurrence, les experts ont posé le diagnostic de trouble psychotique mixte induit par des substances psycho-actives (cocaïne) dans le cadre d'une dépendance à de telles substances, multiples, chez une personnalité à traits narcissiques et dépendants. Ce trouble, qui pouvait être considéré comme ayant été grave au moment des faits, impliquait la présence d'hallucinations ainsi que des idées délirantes à thème de persécution. Les experts ont retenu que le risque de récidive d'actes de même nature apparaissait faible compte tenu des circonstances particulières dans lesquelles les faits reprochés s'étaient produits; ils relevaient en revanche que la consommation de cocaïne serait susceptible de participer à une réactivation d'un vécu persécutoire pouvant engendrer des troubles du comportement. Ils précisaient qu'une abstinence de produits stupéfiants était indispensable pour réduire le risque de comportements inadaptés (cf. rapport d'expertise p. 20). Certes, les experts ont qualifié de faible le risque de récidive d'actes de même nature. Toutefois, comme relevé par l'instance précédente, ils n'ont pas exclu tout risque de réitération, en cas de reprise de la consommation de substances psycho-actives. Or, l'instance précédente soulignait qu'à ce jour le recourant n'était pas abstinent puisqu'il prenait toujours de la méthadone. Le Tribunal cantonal a également considéré que la situation du recourant (sans emploi et ayant contracté de nombreuses dettes) - dont les projets futurs n'étaient guère étoffés - comportait un risque concret qu'il reprenne sa consommation de produits stupéfiants et se retrouve confronté aux troubles qui l'avaient conduit à commettre les faits reprochés. Enfin, l'instance précédente a également tenu compte de la gravité de l'infraction et de l'importance des biens à protéger (vie, intégrité corporelle), ceux-ci justifiant d'observer une grande prudence dans la pesée des intérêts en présence.  
Les éléments invoqués par le recourant ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation de l'instance précédente. Nonobstant les circonstances particulières de la survenance de l'infraction (dimension fusionnelle du couple et consommation massive de cocaïne), les experts n'ont pas exclu tout risque de récidive en cas de nouvelle consommation de drogue. Le fait qu'il serait prévu, selon les déclarations du recourant (cf. procès-verbal d'audience du 7 novembre 2014), de diminuer, en accord avec son médecin, la dose de méthadone ne permet pas d'exclure tout risque de réitération; l'affirmation du recourant sur ce point n'est de surcroît pas confirmée par un rapport médical. L'absence d'antécédent de violence n'est pas non plus suffisante, compte tenu de sa pathologie. Par ailleurs, quoi qu'en pense le recourant, sa situation personnelle et professionnelle (sans emploi avec de nombreuses dettes) n'est pas de nature à assurer la meilleure stabilité, dès sa remise en liberté. Le fait qu'il souhaite vivre auprès de sa mère - qui lui apporterait encadrement et soutien - ne permet pas de modifier cette appréciation. 
Dans ces circonstances et au vu des éléments précités, il n'est pas possible de retenir qu'en cas de libération, le recourant se trouverait dans une situation propre à exclure de manière suffisante pour la sécurité d'autrui tout danger de récidive. 
 
4.3. Conformément au principe de proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), il convient ensuite d'examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention. Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si celles-ci permettent d'atteindre le même but. Selon l'art. 237 al. 2 let. f CPP, l'obligation de se soumettre à un traitement médical ou à des contrôles fait notamment partie des mesures de substitution.  
En l'occurrence, le Tribunal cantonal a considéré que les mesures de substitution proposées (mise en oeuvre d'un traitement ambulatoire, sur les plans addictologique et psychiatrique) étaient insuffisantes pour parer le risque de récidive dès lors que le suivi d'un traitement ne supprimait pas le risque d'une rechute dans la consommation de produits stupéfiants. L'instance précédente relevait en particulier que le recourant était déjà suivi depuis 2010 pour des problèmes d'addiction lorsque les faits se sont produits. 
L'appréciation de la cour cantonale ne viole pas le droit fédéral. En effet, au vu de la gravité de l'infraction reprochée au recourant, il convient de s'assurer que la libération du prévenu ait lieu avec les meilleures garanties possibles pour éviter toute récidive. La volonté exprimée par le recourant de suivre les mesures préconisées par les experts, à savoir un traitement similaire à celui dont il bénéficie actuellement en détention, pour diminuer le risque de récidive n'est pas suffisante. Cette appréciation est renforcée par le fait que, comme relevé par l'instance précédente, le recourant bénéficiait au moment des faits d'un suivi sur le plan addictologique depuis 2010. On ignore par ailleurs le réel niveau de réceptivité du recourant aux mesures préconisées, qui ne se limitent pas à un traitement des addictions. Les experts psychiatres ont certes observé une évolution positive de l'état psychique du recourant, avec amélioration sur le plan thymique et récupération notamment physique (cf. rapport d'expertise p. 13-14 et 19). Toutefois, il ressort du rapport d'expertise que son médecin auprès du SMPP a indiqué que "la quête de psychotrope est restée patente, notamment des benzodiazépines, sauf pour la méthadone dont le patient rebute à adapter la dose malgré une méthadonémie basse. [...] Actuellement, le patient évolue plutôt sur un versant dépressif et anxieux nécessitant le réajustement régulier de son traitement. Cependant, il a tendance à un usage abusif de celui-ci sous la forme de surdoses à l'origine d'épisodes de sédation" (cf. rapport d'expertise p. 12). Le recourant ne produit en l'occurrence aucun rapport médical récent du SMPP au sujet du traitement actuellement suivi en prison. Or, au vu du rapport précité de son médecin auprès du SMPP, il n'est pas possible d'affirmer que les mesures médicales en cours seraient à même de juguler de manière suffisante, en milieu libre, le risque de réitération lié à une nouvelle consommation de produits stupéfiants. Enfin, le recourant ne donne aucune indication sur les modalités d'exécution du traitement ambulatoire qui sera mis en place hors du cadre pénitentiaire. Dans ces circonstances, l'arrêt cantonal qui confirme le maintien en détention du recourant ne viole pas le droit fédéral. 
 
4.4. Le risque de réitération étant avéré en l'espèce, point n'est besoin de se prononcer sur la critique du recourant relative au risque de fuite.  
 
5.   
Il s'ensuit que le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
Le recourant a demandé l'assistance judiciaire et les conditions en paraissent réunies (art. 64 al. 1 LTF). Il y a lieu de désigner Me Aline Bonard en qualité d'avocate d'office et de fixer ses honoraires, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF). Le recourant est en outre dispensé des frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Aline Bonard est désignée comme avocate d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de l'arrondissement de Lausanne et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale. 
 
 
Lausanne, le 20 janvier 2015 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Fonjallaz 
 
La Greffière : Arn