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[AZA 0/2] 
 
4C.189/2001 
 
Ie COUR CIVILE 
**************************** 
 
1er février 2002 
 
Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz, 
Mme Klett, M. Favre, juges, et M. Pagan, juge suppléant. 
Greffier: M. Ramelet. 
 
__________ 
 
Dans la cause civile pendante 
entre 
X.________, demandeur et recourant, représenté par Me Jean-Emmanuel Rossel, avocat à Morges, 
 
et 
Z.________ AG, défenderesse et intimée, représentée par Me Michel Rossinelli, avocat à Lausanne; 
 
(contrat de garantie; clause de prorogation de for) 
 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- Le 30 septembre 1996, Z.________ AG (ci-après: 
la banque), établissement dont le siège principal est en Allemagne, et X.________, ressortissant saoudien, ont signé un contrat de garantie rédigé en langue anglaise, par lequel ce dernier s'engageait à garantir tout crédit accordé par la banque aux sociétés A.________ Ltd et B.________ Ltd, ayant toutes deux leur siège aux Iles Vierges Britanniques; le montant de la garantie s'élevait à 4 000 000 US$, plus les intérêts et les frais. 
 
L'art. 19 de ce contrat avait la teneur suivante (traduction): 
 
"La présente garantie est assujettie à la législation 
de Singapour et sera interprétée selon celle- ci. Le(s) Garant(s) se soumet(tent) irrévocablement 
à la juridiction non exclusive des Tribunaux de 
 
Singapour, mais la présente Garantie peut être mise 
en force devant tout tribunal ou juridiction compétente". 
 
Le 1er octobre 1996, la banque a accordé à A.________ Ltd et B.________ Ltd un crédit de 4 000 000 US$. 
Ces deux sociétés n'ayant pas respecté le plan de remboursement convenu avec la banque, celle-ci a dénoncé le prêt au remboursement le 15 juin 1998. Le 6 août 1998, la banque a fait notifier à X.________ un commandement de payer la somme de 6'134'000 fr. plus intérêts, auquel le poursuivi a fait opposition. 
 
Le 17 février 1999, le Président du Tribunal du district de Nyon a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition. 
 
Par arrêt du 28 octobre 1999, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours interjeté contre cette décision de mainlevée. 
 
B.- Le 19 novembre 1999, X.________ a intenté action en libération de dette devant le Tribunal civil du district de Nyon. 
 
Dans le délai de réponse qui lui était imparti, Z.________ AG a déposé une requête incidente tendant à ce que le demandeur soit éconduit d'instance. Se prévalant de la susdite clause du contrat de garantie, la banque a produit un avis de droit émanant du professeur Y.________, rattaché à la Faculté de droit de l'Université nationale de Singapour dont il résultait ce qui suit: 
 
- en application du droit international privé de Singapour, l'interprétation d'un accord de prorogation de for se fait selon la loi applicable au contrat principal avec lequel il forme un tout; 
 
- l'art. 19 du contrat de garantie oblige le garant, et non le prêteur, à ouvrir exclusivement action à Singapour; 
 
- la banque n'a pas renoncé à son droit d'obliger le garant à agir à Singapour; 
 
- le garant peut intenter à Singapour une action ordinaire qui a les mêmes effets que le jugement négatoire de droit suisse. 
 
Le demandeur a conclu au rejet de cette requête incidente. 
 
Par jugement incident du 11 avril 2000, le Président du Tribunal du district de Nyon a admis la requête incidente en déclinatoire de la défenderesse et dit que le demandeur était éconduit d'instance. 
 
Statuant sur le recours en réforme du demandeur par arrêt du 29 novembre 2000, la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a confirmé le jugement incident du 11 avril 2000. En substance, l'autorité cantonale a considéré que l'admissibilité de la clause de prorogation de for devait être examinée à la lumière de l'art. 5 de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (RS 291; LDIP). Comme l'art. 83 al. 2 LP, qui prévoit le for de l'action en libération de dette, est de droit dispositif, la clause d'élection de for convenue doit être reconnue comme valable au regard du droit suisse. De l'avis des juges cantonaux, la prorogation de for adoptée doit être soumise au droit de Singapour, car il s'agit d'une clause d'un contrat régi par ce même droit étranger. A propos du sens et de la portée de l'art. 19 du contrat de garantie, ils se sont ralliés à l'interprétation du professeur Y.________, qui a considéré que cette norme instituait une élection de for exclusive uniquement à l'égard du garant, ce qui n'était pas incompatible avec l'ordre public suisse (art. 17 LDIP). Enfin, le fait que la banque ait entrepris une procédure de poursuite en Suisse n'emportait pas renonciation au droit de contraindre le garant à respecter son obligation d'agir à Singapour, d'autant que le demandeur aurait pu ouvrir en temps utile action en libération de dette au for de Singapour. 
 
C.- X.________ exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal. Invoquant une violation de l'art. 5 LDIP, il requiert qu'il soit prononcé que "la requête d'éconduction d'instance de la Z.________ AG est rejetée". 
L'intimée propose le rejet du recours et la confirmation de l'arrêt déféré. 
 
Considérantendroit : 
 
1.- a) Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 127 I 92 consid. 1; 127 II 198 consid. 2; 127 III 433 consid. 1). 
 
 
b) Dans l'arrêt attaqué, rendu en dernière instance cantonale, la cour cantonale a admis l'exception d'incompétence (déclinatoire) invoquée par la défenderesse et a invalidé l'instance introduite par le demandeur. Il n'importe qu'une telle décision soit qualifiée de finale au sens de l'art. 48 al. 1 OJ (cf. ATF 115 II 237 consid. 1b; Bernard Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral in: SJ 2000 II p. 11) ou de décision incidente prise séparément du fond comme l'entend l'art. 49 al. 1 OJ (cf. ATF 122 III 139 consid. 1; Poudret, COJ II, n. 1.2 ad art. 49 OJ, p. 327 s.), car le recours en réforme est ouvert dans les deux cas de figure. 
En effet, dès l'instant où le recourant prétend que l'autorité cantonale a transgressé l'art. 5 LDIP, il invoque la violation d'une prescription de droit fédéral sur la compétence internationale au sens de l'art. 49 al. 1 OJ (ATF 126 III 327 consid. 1c p. 329; 123 III 414 consid. 2), de sorte que son recours en réforme est recevable en vertu de cette dernière disposition. 
 
 
c) Interjeté par la partie qui n'a pas pu faire valoir ses conclusions tendant à la constatation de l'inexistence ou de l'inexigibilité de la créance en poursuite lors de la rédaction du commandement de payer dans le cadre d'une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse très largement 8000 fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme est donc en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ). 
 
d) Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des parties, il n'est lié ni par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par ceux de la décision cantonale, de sorte qu'il peut apprécier librement la qualification juridique des faits constatés (art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a). 
 
2.- Le recourant fait valoir que l'intimée, qui a agi par une poursuite et une mainlevée en Suisse, a elle-même choisi la compétence des tribunaux suisses. A en croire le demandeur, la clause d'élection de for ancrée à l'art. 19 du contrat de garantie, laquelle est régie par l'art. 5 LDIP, devrait être interprétée selon le droit suisse, et non selon le droit de Singapour. Cette clause, qui spécifie qu'elle n'est pas exclusive, n'empêcherait pas les plaideurs d'agir devant tous les tribunaux compétents; elle signifierait seulement que les parties ne pourraient pas soulever le déclinatoire si les tribunaux de Singapour étaient saisis. Or, la défenderesse, qui avait la possibilité d'agir en garantie à Singapour, a opté pour le dépôt d'une requête de mainlevée en Suisse, si bien qu'elle ne pourrait pas revenir sur son choix sans violer les règles de la bonne foi. Le recourant se réfère encore à un arrêt de la Chambre des recours, qui a admis que la procédure de mainlevée crée un for en Suisse pour l'action en libération de dette, même si un for impératif est prévu à l'étranger par le droit conventionnel européen. 
D'après le demandeur, à considérer ce précédent, il devrait a fortiori en être de même lorsqu'aucun for impératif n'entre en considération, mais qu'une clause attributive de juridiction non exclusive a été convenue. 
 
3.- Il convient en premier lieu de se demander si la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (RS 0.275. 11; ci-après: Convention de Lugano ou CL) est applicable en l'espèce. Les règles de compétence de la Convention de Lugano l'emportent en effet sur les règles de compétence nationale, et ainsi singulièrement sur celles de la LDIP (art. 1 al. 2 LDIP; ATF 124 III 134 consid. 2b aa/bbb p. 139; 119 II 391 consid. 2 p. 392). 
 
L'art. 17 al. 1 in initio CL, qui a trait à l'élection de for, s'applique si les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un Etat contractant, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat contractant pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé. 
 
In casu, la Convention de Lugano est applicable au regard du domicile dans le canton de Vaud du demandeur et du siège principal en Allemagne de la défenderesse, puisque les parties ont l'une et l'autre leur domicile dans un Etat signataire de la Convention (Yves Donzallaz, La Convention de Lugano, vol. I, n. 1101, p. 419/420). 
 
Toutefois, à teneur de l'art. 17 CL, encore faut-il que le tribunal élu se trouve sur le territoire d'un Etat contractant (ATF 125 III 108 consid. 3e; Andreas Bucher/Andrea Bonomi, Droit international privé, Bâle 2001, n. 99, p. 26; Hélène Gaudemet-Tallon, Les Conventions de Bruxelles et de Lugano, 2e édition, n. 110, p. 80), car le traité ne saurait déployer d'effets à l'endroit d'Etats qui n'en sont pas signataires (art. 60 CL; Donzallaz, op. cit. , vol. I, n. 704, p. 294). 
 
 
Dans la mesure où les parties sont convenues de porter leurs différends devant les tribunaux de Singapour, cette condition n'est évidemment pas réalisée. 
 
Il n'y a donc pas de règles de compétence à prendre en considération sur la base de la Convention de Lugano. 
 
4.- Il est de jurisprudence que le tribunal saisi doit examiner selon son propre droit (lex fori) s'il doit décliner sa compétence en faveur d'un tribunal étranger (ATF 122 III 439 consid. 3a; 119 II 177 consid. 3d in fine; cf. 
not. Paul Volken, in: IPRG Kommentar, n. 34 ad art. 5 LDIP; Andreas Bucher, Droit international privé suisse, tome I/1, Partie générale-Conflits de juridictions, n. 171, p. 65). 
 
Partant, comme le demandeur a saisi le Tribunal civil du district de Nyon, c'est selon le droit suisse qu'il convient de contrôler si les plaideurs ont entendu d'une quelconque manière déroger à la compétence de cette autorité judiciaire au bénéfice des tribunaux de Singapour, solution qui a été retenue par l'autorité cantonale. 
 
5.- L'application de la Loi fédérale du 24 mars 2000 sur les fors en matière civile (RS 272; LFors), entrée en vigueur le 1er janvier 2001, ne saurait entrer en ligne de compte. Sans même examiner la question du droit intertemporel, il appert d'emblée que la loi en question, qui régit la compétence à raison du lieu en matière civile, ne s'applique pas lorsque le litige est de nature internationale (art. 1 al. 1 LFors a contrario). Or, la présente querelle a manifestement un caractère international, puisqu'elle divise un Saoudien domicilié en Suisse d'avec une banque ayant son siège en Allemagne à propos de l'exécution d'un contrat soumis au droit de Singapour. 
 
La validité de la convention attributive de juridiction conclue entre les parties doit ainsi être vérifiée à la lumière de l'art. 5 LDIP
 
L'alinéa premier de cette disposition a la teneur suivante: 
 
"En matière patrimoniale, les parties peuvent convenir 
du tribunal appelé à trancher un différend né 
ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé. 
La convention peut être passée par écrit, 
télégramme, télex, télécopieur ou tout autre moyen 
de communication qui permet d'en établir la preuve 
par un texte. Sauf stipulation contraire, l'élection 
de for est exclusive". 
 
a) L'élection de for est sans effet chaque fois qu'elle entre en conflit avec une disposition de la LDIP qui retient une compétence impérative (Bucher/Bonomi, op. cit. , n. 101, p. 26; Andreas Bucher, op. cit. , n. 147, p. 57). 
 
La LDIP ne consacre aucun for impératif en Suisse pour l'action en libération de dette (cf. art. 1 al. 1 let. a LDIP et art. 30a LP). Au demeurant, à supposer que la compétence pour connaître d'une telle action en matière internationale soit encore réglée par l'art. 83 al. 2 LP après l'entrée en vigueur de la LDIP - ce qui paraît douteux (cf. 
Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, vol. 1, n. 86 ad art. 30a LP, p. 516 et la référence doctrinale) - le for indiqué par la norme susrappelée est de droit dispositif (ATF 87 III 23 consid. 2 p. 26/27 et les arrêts cités; Gilliéron, op. cit. , vol. 1, n. 90 ad art. 83 LP, p. 1312). Une prorogation de for, au sens de l'art. 5 LDIP, est donc admissible en cette matière. 
 
 
 
b) Il n'est pas douteux que l'élection de for litigieuse, qui porte sur les prétentions découlant d'un contrat où une obligation de garantie à concurrence de 4 000 000 US$ est stipulée, concerne une "matière patrimoniale" comme l'entend l'art. 5 LDIP
 
c) La définition de la forme écrite figurant à l'art. 5 al. 1 LDIP est une notion autonome de droit international privé. Il en résulte notamment que la prorogation de for n'a pas besoin d'être complétée par une signature, ni d'être rédigée ou mise en évidence de manière particulière (Bucher/Bonomi, op. cit. , n. 102 ss, spéc. n. 104, p. 27; François Knoepfler/Philippe Schweizer, Droit international privé suisse, 2e éd., n. 613. p. 269). 
 
La clause d'élection de for adoptée par les plaideurs, qui résulte de l'art. 19 du contrat de garantie du 30 septembre 1996, satisfait manifestement à cette exigence formelle. 
 
d) Les différends futurs visés par la convention attributive de juridiction doivent résulter concrètement d'un rapport de droit déterminé. Autrement dit, la portée de l'engagement des parties doit être clairement circonscrite, afin que celles-ci soient retenues de se lier d'une manière excessive et imprévisible (arrêt du Tribunal fédéral du 28 juin 1994, consid. 2a, publié in: SJ 1995 p. 179; Bucher, op. 
cit. , n. 173, p. 65). 
 
Dans le cas présent, la clause de prorogation de for acceptée par les plaideurs régit tous les litiges qui sont en relation avec le contrat de garantie conclu par les intéressés. Son objet est ainsi suffisamment déterminé. 
 
e) Le for prorogé doit pouvoir être identifié, l'indication d'un lieu ou d'un arrondissement étant suffisante à cet égard (cf. Bucher, op. cit. , n. 175, p. 66). 
 
En l'espèce, du moment que le for choisi est désigné comme étant les "Tribunaux de Singapour", cela ne laisse planer aucun doute sur le tribunal élu. 
 
f) aa) L'art. 5 al. 1 in fine LDIP présume que le tribunal désigné bénéficie d'une compétence exclusive. Les parties peuvent toutefois convenir de diverses manières de renoncer à l'exclusivité du for prorogé. Elles peuvent, par exemple, décider conjointement que la prorogation n'exclut pas la compétence des tribunaux désignés par les règles légales de conflit de juridictions Knoepfler/Schweizer, op. 
cit. , n. 614, p. 270; Paul Volken in: IPRG Kommentar, n. 27 ad art. 5 LDIP) ou réserver la prorogation de for à l'action de l'une des parties contractantes (Bucher/Bonomi, op. cit. , n. 117, p. 31). 
 
Partant, il convient de déterminer le contenu matériel de la convention attributive de juridiction adoptée in casu par les parties. 
 
bb) L'art. 5 LDIP ne prescrit pas quel droit matériel doit gouverner l'interprétation de cette clause. Selon certains auteurs, on peut s'inspirer par analogie des principes énoncés à l'art. 178 al. 2 LDIP en matière d'arbitrage international et appliquer, à choix, la loi du for, la loi applicable au fond du rapport litigieux (lex causae) ou la loi choisie pour la prorogation (Hans Reiser, Gerichtsstandsvereinbarungen nach dem IPR-Gesetz, thèse Zurich 1989, p. 66 à 70; Knoepfler/Schweizer, op. cit. , n. 613, p. 269; Markus Hess, Commentaire bâlois, n. 77 à 79 ad art. 5 LDIP; Bernard Dutoit, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, 3e éd., n. 2 ad art. 5 LDIP; contra Bucher, op. cit. , n. 169 et 170, p. 64, qui opine, à tout le moins dans le domaine contractuel, pour le droit applicable au litige visé par la prorogation). Le Tribunal fédéral n'a pas tranché la question; après avoir fait état de la controverse doctrinale, il a admis que l'application de la loi du for du tribunal saisi - en l'occurrence le droit suisse - ne pouvait pas être qualifiée d'arbitraire (ATF 122 III 439 consid. 3b in fine). 
 
Dans le cas présent, ce point souffre de rester indécis. En effet, d'une part, les parties, qui ont certes assujetti le contrat de garantie au droit de Singapour, n'ont pas précisé dans leur prorogation de for à quel droit elles entendaient la soumettre. D'autre part, que l'on fasse application du droit de Singapour (lex causae) pour interpréter la clause d'élection de for, ainsi que l'a admis l'autorité cantonale, ou que l'on interprète cette clause selon le droit suisse, le résultat de l'interprétation, comme on le verra ci-dessous, ne diffère pas. 
 
cc) En droit suisse, lorsqu'il est confronté à un litige sur l'interprétation d'une clause contractuelle, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO; ATF 127 III 444 consid. 1b). Si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si elle est divergente, le juge doit interpréter les déclarations faites selon la théorie de la confiance. Il doit donc rechercher comment une déclaration ou une attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances (cf. ATF 127 III 444 consid. 1b; 126 III 59 consid. 5b, 375 consid. 2e/aa p. 380). 
 
 
En l'occurrence, faute de constatations sur la volonté réelle des plaideurs, il y a lieu d'interpréter la clause attributive de juridiction en vertu de la théorie de la confiance. 
 
A teneur de l'art. 19, 2e phrase in initio, du contrat du 30 septembre 1996, le garant, soit le recourant, déclare se soumettre "irrévocablement à la juridiction non exclusive des tribunaux de Singapour". Selon le sens ordinaire des mots, irrévocablement signifie d'une manière définitive (cf. Le Grand Robert de la langue française, tome V, p. 749). 
De bonne foi, le demandeur devait donc comprendre qu'il acceptait définitivement, sans pouvoir revenir sur sa décision, la compétence des tribunaux de Singapour pour tout différend afférent au contrat de garantie. La mention que la juridiction des autorités judiciaires de Singapour était "non exclusive" ne pouvait raisonnablement concerner que le bénéficiaire de la garantie, puisque seul celui-ci était à même de "mettre en force" la garantie au sens de l'art. 19, 2e phrase in fine, c'est-à-dire d'y faire appel, devant n'importe quelle instance judiciaire compétente. En d'autres termes, l'attribution de compétence convenue revêtait un caractère unilatéral, en ce sens que le for prorogé n'était exclusif que pour le demandeur, alors que le bénéficiaire de la garantie - in casu la défenderesse - conservait la faculté de saisir, en plus des tribunaux de Singapour, tout autre tribunal compétent. 
 
Il résulte de cette interprétation normative fondée sur le droit suisse que les parties n'ont entendu déroger à l'exclusivité présumée du for prorogé qu'au profit de l'intimée. 
L'autorité cantonale est parvenue à la même solution en faisant application du droit de Singapour. 
 
g) L'art. 3 LDIP prévoit un for de nécessité en Suisse lorsqu'il est impossible d'agir à l'étranger, parce que, par exemple, l'Etat étranger, dont les tribunaux sont compétents en vertu du droit international privé suisse pour connaître de l'action qui entre en ligne de compte, ne connaît pas ce type d'action (cf. à propos de l'action en libération de dette, Gilliéron, op. cit. , n. 86 ad art. 30a LP, p. 516). 
 
Sur ce point, l'autorité cantonale a retenu, en se référant à l'avis de droit du professeur Y.________, que le garant, soit le demandeur, aurait pu engager à Singapour une action ordinaire qui avait les mêmes effets que l'action en libération de dette du droit suisse. Le contrôle du droit étranger est exclu en instance de réforme dans les contestations patrimoniales (art. 43a al. 2 OJ a contrario). Partant, il y a lieu d'admettre qu'aucun for de nécessité en Suisse n'entre présentement en considération. 
 
6.- Les deux arguments que fait valoir le recourant pour battre en brèche le raisonnement développé ci-dessus ne résistent pas à l'examen. 
 
a) Le demandeur prétend que la défenderesse, qui a agi par la voie de la mainlevée devant le Président du Tribunal du district de Nyon, ne pourrait plus se prévaloir ultérieurement, dans la même procédure, de l'incompétence du Tribunal civil de ce district, à moins de violer les règles de la bonne foi. 
 
En matière patrimoniale, la passivité du défendeur qui procède au fond sans faire de réserve peut être assimilée à une prorogation de for tacite (art. 6 LDIP). 
 
En l'occurrence, il est établi que la défenderesse a soulevé le déclinatoire dans le délai de réponse, avant d'avoir procédé au fond sur l'action en libération de dette déposée par le demandeur. Quoi qu'en pense le recourant, il est sans importance que l'intimée, avant le dépôt de sa requête incidente, ait requis devant un juge suisse l'annulation de l'opposition formée par le demandeur au commandement de payer qui lui avait été notifié. Comme seule importe la volonté du défendeur de procéder au fond, l'acte que celui-ci peut accomplir avant qu'une action soit dirigée à son encontre ne saurait valoir acceptation tacite d'un quelconque for. 
La jurisprudence que le Tribunal fédéral a rendue en ce sens au sujet de la renonciation au for du domicile consacré par l'art. 59 aCst. (cf. ATF 87 I 53 consid. 4 p. 58) est applicable par analogie, à considérer la grande similitude des situations en présence. 
 
Partant, l'intimée, en déposant une requête de mainlevée provisoire de l'opposition le 18 septembre 1998 (art. 64 al. 2 OJ) devant le Président du tribunal de district précité, n'a aucunement accepté la compétence du Tribunal civil du district de Nyon devant lequel le recourant a agi en libération de dette le 19 novembre 1999, soit quatorze mois plus tard. Dans ces conditions, c'est bien devant le juge étranger désigné par la prorogation de for convenue que le demandeur devait agir pour obliger l'intimée, en sa qualité de créancière, à faire la preuve de son droit. 
 
b) Le recourant fait grand cas d'un arrêt rendu par la Chambre des recours le 15 mars 1995 (affaire I.________ c/ D.________). Ce précédent ne lui est pourtant d'aucun secours. 
Il a trait en effet à un litige qui, contrairement à la présente querelle, entrait dans le champ d'application de la Convention de Lugano et qui, au demeurant, portait sur un contrat de bail à loyer ne contenant aucune clause d'élection de for. 
 
7.- En définitive, le recours doit être rejeté purement et simplement (et non dans la mesure de sa recevabilité), l'arrêt attaqué étant confirmé. Le dispositif envoyé aux conseils des parties le 7 février 2002 doit donc être corrigé sur ce point. Vu l'issue de la querelle, les frais et dépens doivent être mis à la charge du recourant qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). 
Par ces motifs, 
 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué; 
 
2. Met un émolument judiciaire de 25 000 fr. à la charge du recourant; 
 
3. Dit que le recourant versera à l'intimée une indemnité de 25 000 fr. à titre de dépens; 
 
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
_________ 
Lausanne, le 1er février 2002 ECH 
 
Au nom de la Ie Cour civile 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
Le Greffier,