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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1S.12/2004 /col 
 
Arrêt du 1er décembre 2004 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, et Reeb. 
Greffier: M. Kurz. 
 
Parties 
A.________, actuellement en détention préventive, 
recourant, représenté par Me Jean-Marc Carnicé, avocat, 
 
contre 
 
Ministère public de la Confédération, 
Taubenstrasse 16, 3003 Berne, 
Juge de l'arrestation I Jura Bernois-Seeland, Préfecture, rue de l'Hôpital 14, 2501 Bienne. 
Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, 
via dei Gaggini 3, case postale 2720, 6501 Bellinzone, 
 
Objet 
Détention préventive, art. 44 ss PPF 
 
recours contre l'arrêt de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral du 29 septembre 2004. 
 
Faits: 
A. 
A.________, ressortissant français né en 1953, a été arrêté le 31 août à son domicile de Saint-Prex, à la demande du Ministère public de la Confédération (MPC), qui l'a inculpé le même jour de participation à une organisation criminelle et de blanchissage d'argent. Il lui est en substance reproché d'avoir, entre 1994 et 2001, reçu de l'argent de la part d'organisations mafieuses italiennes, et de l'avoir recyclé dans le commerce, respectivement le trafic de cigarettes. 
 
La demande de confirmation de l'arrestation a été remise le 1er septembre 2004 au Juge de l'arrestation I du Jura bernois-Seeland. Le prévenu a été convoqué à l'audience du 2 septembre 2004, après avoir pu consulter le dossier et déposer des observations. La détention a été confirmée à l'issue de cette audience. A.________ a ensuite été transféré à l'Hôpital de l'Ile à Berne. 
B. 
Par arrêt du 29 septembre 2004, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a rejeté le recours formé par A.________. Il existait à son encontre des charges suffisantes concernant les achats de cigarettes par des sociétés gérées par le prévenu, puis leur revente contre de l'argent liquide dont la provenance mafieuse était ensuite camouflée. Le prévenu était mis en cause par B.________ pour avoir joué un rôle central; il était peu crédible qu'il ait pu ignorer l'activité véritable des sociétés qu'il gérait. Il existait un risque de collusion, compte tenu de la complexité de la cause et du nombre de personnes à entendre; le prévenu avait caché l'existence de 3,3 millions d'US $ sur un compte bancaire aux Bahamas; on pouvait craindre qu'il ne dissimule d'autres biens, qu'il prenne contact avec des tiers ou qu'il détruise des pièces. En dépit de ses attaches avec la Suisse, le recourant disposait d'avoirs à l'étranger et pouvait être tenté de fuir, notamment en France d'où il ne serait pas extradé. L'instruction était menée en allemand, avec un interprète, et l'avocat du recourant était censé comprendre cette langue. La demande de prolongation de la détention avait été traduite au recourant. En dépit de l'éloignement de sa famille et de son avocat genevois, le choix de Bienne comme lieu de détention n'était pas arbitraire et ne portait pas atteinte aux droits de la défense. Le délai légal pour la confirmation judiciaire de la détention avait été respecté. 
C. 
A.________ forme un recours contre ce dernier arrêt. Il demande au Tribunal fédéral de constater, à titre préalable, qu'il n'a pas été présenté à un juge dans un délai raisonnable et qu'il n'a pas été informé, dans le plus court délai et dans une langue qu'il comprend, des raisons de son arrestation. A titre principal, il demande l'annulation des décisions relatives à sa détention et son élargissement immédiat. Subsidiairement, il conclut à sa libération sous caution et sous d'autres conditions. 
La Cour des plaintes et le Juge de l'arrestation n'ont pas formulé d'observations. Le MPC conclut au rejet du recours. Le recourant a répliqué. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
La décision par laquelle le Tribunal pénal fédéral maintient la détention préventive ordonnée pour les besoins d'une procédure pénale conduite par le Ministère public de la Confédération, constitue une mesure de contrainte attaquable devant le Tribunal fédéral selon l'art. 33 al. 3 let. a LTPF, mis en relation avec l'art. 2 al. 1 ch. 4 RTF, dans sa teneur du 23 mars 2004 (RO 2004 p. 2343). 
1.1 Le recours est ainsi recevable en tant qu'il porte sur la détention préventive, y compris dans la mesure où le recourant se plaint d'une violation de ses droits de défense dans le cadre de la procédure de détention. 
1.2 Le recourant demande également que le Tribunal fédéral constate la violation de ses droits d'être présenté à un juge dans un délai raisonnable et d'être informé, dans le plus court délai et dans une langue qu'il comprend, des raisons de son arrestation. Il ne s'agit toutefois pas de conclusions purement constatatoires car, s'agissant en tout cas du premier grief, le recourant prétend que sa détention serait illégale, ce qui constituerait un motif d'annulation de l'arrêt attaqué. Point n'est besoin, pour le surplus, de rechercher si, et à quelles conditions le Tribunal fédéral devrait entrer en matière sur des conclusions en constatation. En effet, il apparaît que les griefs soulevés à ce sujet doivent de toute façon être écartés. 
2. 
Le recourant invoque en premier lieu l'art. 47 PPF, disposition dont la teneur est la suivante: 
1 L'inculpé détenu est conduit sans délai devant l'autorité qui a décerné le mandat d'arrêt et est interrogé par celle-ci sur les faits de la cause dans les 24 heures. 
 
2 S'il subsiste un motif d'arrestation, le procureur général fait conduire l'inculpé sans délai soit à l'autorité judiciaire cantonale compétente pour statuer sur l'arrestation, soit devant le juge d'instruction fédéral et requiert la confirmation de l'arrestation. ... 
 
3 L'autorité judiciaire à laquelle l'inculpé a été conduit procède à l'interrogatoire sans délai. Elle lui donne l'occasion d'écarter les soupçons existants et les motifs d'arrestation. ... 
 
4 L'autorité judiciaire décide, dans les 48 heures, du maintien ou de la levée de la détention préventive. Elle notifie aux parties une décision écrite, accompagnée d'une brève motivation, même si la décision a déjà été signifiée verbalement. 
 
5 ... 
Pour le recourant, les délais légaux commenceraient à courir au moment où le mandat d'arrêt a été notifié, soit à l'instant où l'intéressé est effectivement privé de sa liberté. En l'occurrence, cette notification aurait été effectuée au cours de la perquisition du 31 août 2004 à 9h45, et non au moment de l'audition par le MPC, soit le même jour à 15h. En outre, le recourant aurait été présenté à l'autorité qui a décerné le mandat d'arrêt à 13h et non pas 15h. Le recourant n'aurait ainsi été présenté à un magistrat indépendant qu'après 52 heures 45, respectivement 49 heures 30, voire, selon la thèse de la Cour des plaintes, 25 heures 30. Dans tous les cas, la garde à vue aurait duré plus de 24 heures, de sorte que la détention serait illégale. 
2.1 L'art. 47 PPF, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2002, concrétise le droit du prévenu arrêté à être aussitôt traduit devant un juge, comme l'impose l'art. 5 par. 3 CEDH, en instaurant à cet égard une pratique uniforme (FF 1998 1278). Ainsi, le MPC dispose d'un premier délai de 24 heures pour interroger l'inculpé, après quoi il doit, en cas de maintien en détention, présenter l'inculpé à l'autorité judiciaire. Celle-ci doit alors procéder sans délai à un nouvel interrogatoire et rendre sa décision dans les 48 heures. 
2.2 Contrairement à ce que prétend le recourant, ce dernier délai ne s'applique pas à l'ensemble de la procédure depuis le moment de l'arrestation, mais uniquement à la procédure devant l'autorité judiciaire. Cela ressort tant des travaux préparatoire (FF 1998 1279) que des commentateurs (Bänziger/Leimgruber, Le nouvel engagement de la Confédération dans la poursuite pénale, Commentaire succinct du "Projet d'efficacité", Berne 2001 p. 157 ss). Par ailleurs, les délais de 24 heures (art. 47 al. 1 PPF) et de 48 heures (art. 47 al. 4 PPF) courent dès que l'inculpé est présenté aux autorités: de tels délais ne peuvent en effet leur être imposés que dès l'instant où elles ont connaissance de leur obligation de rendre une décision. Le but de l'ensemble de cette réglementation est qu'entre l'arrestation effective et la décision de confirmation par le juge, il ne s'écoule en aucun cas plus de 96 heures (op. cit. p. 165). 
2.3 En l'espèce, les délais fixés par la loi ont tous été respectés. Le recourant a été arrêté le matin du 31 août 2004, et a été conduit l'après-midi devant le MPC pour être interrogé. Celui-ci a adressé sa demande de confirmation le lendemain à 14h47, soit 24 heures après l'interrogatoire. Le Juge a fixé l'audience au 2 septembre 2004 à 14h30, et s'est prononcé sur le maintien en détention à 16h, soit moins de 26 heures après avoir été saisi, et environ 50 heures depuis le moment de l'arrestation. Il n'y a aucun dépassement du délai légal, et ce premier grief doit être écarté. 
3. 
Invoquant l'art. 6 CEDH (en réalité, l'art. 5 par. 3 CEDH), le recourant estime qu'il n'aurait pas été informé des charges à son encontre dans le plus court délai et dans une langue qu'il comprend. La demande de prolongation de la détention n'a été communiquée à son avocat, par télécopie, que 3 heures 30 avant l'audience devant le Juge de l'arrestation. Ce document de douze pages était rédigé en allemand alors que ni le recourant, ni son avocat ne maîtrisent cette langue. Le recourant n'aurait eu connaissance des charges qu'au cours de l'audience, lorsque la demande a été traduite oralement par le Juge. Le choix de l'allemand comme langue de la procédure a fait l'objet d'une plainte séparée, rejetée par la Cour des plaintes le 16 novembre 2004. 
3.1 Selon l'art. 5 par. 2 CEDH, toute personne arrêtée doit savoir pourquoi elle a été privée de liberté. Intégrée au système de protection qu'offre l'article 5, elle oblige à signaler à une telle personne, dans un langage simple accessible pour elle, les raisons juridiques et factuelles de sa privation de liberté, afin qu'elle puisse en discuter la légalité devant un tribunal en vertu du paragraphe 4. Pour déterminer si elle a reçu assez d'informations, et suffisamment tôt, il faut avoir égard aux particularités de l'espèce (CourEDH, arrêt Murray c. Royaume-Uni du 28 octobre 1994, série A n° 300-A, p. 31 § 72). 
3.2 La Cour des plaintes a relevé que chacun des interrogatoires du recourant a eu lieu avec l'assistance d'un interprète. Lors de l'audience devant le Juge de l'arrestation, celui-ci a traduit oralement l'intégralité de la demande du MPC. Quant au défenseur du recourant, il est de jurisprudence constante que les avocats exerçant en Suisse sont censés maîtriser suffisamment les langues nationales. En tout état, il apparaît que le recourant a été renseigné en temps utile et de manière compréhensible sur les charges retenues contre lui; il ne prétend d'ailleurs pas avoir été entravé d'une manière ou d'une autre dans l'exercice de son droit de recours. 
Pour le surplus, l'objet de la présente procédure est limité à la procédure relative à la détention. La question du respect des droits de la défense dans la suite de la procédure échappe à l'examen de la cour de céans. 
4. 
Sur le fond, le recourant ne conteste pas l'existence de charges suffisantes au sens de l'art. 44 PPF. Celles-ci sont exposées en détail dans l'arrêt de la Cour des plaintes, et le recourant n'y revient plus. Il conteste en revanche les risques de fuite et de réitération. 
4.1 Le recourant relève qu'il n'a plus quitté la Suisse depuis l'an 2000. Il ne serait propriétaire d'aucun bien immobilier en France. L'existence d'un compte bancaire aux Bahamas ne serait pas formellement démontrée; si un tel compte existait, il serait déjà bloqué. Le recourant réside en Suisse depuis 1985, et aurait choisi d'y demeurer malgré les soupçons qui pèsent sur lui en raison de demandes d'entraide déposées par l'Italie. Son épouse et ses enfants sont naturalisés suisses, et lui-même serait parfaitement intégré, socialement et professionnellement. Son état de santé ne pourrait être un élément permettant d'admettre le risque de fuite. Le recourant prend l'engagement formel de se présenter à toute convocation de justice. Il propose également le dépôt d'une caution. 
4.2 Le recourant ne fait que reprendre ses motifs de recours, auxquels la Cour des plaintes a répondu de façon circonstanciée. En dépit de ses attaches sérieuses avec la Suisse, on peut effectivement craindre que le recourant, qui se sait maintenant concrètement poursuivi par les autorités suisses - alors que cette menace n'était pas concrète au moment où il faisait l'objet de simples mesures d'entraide judiciaire -, ne profite de sa nationalité française pour se soustraire à l'action de la justice. L'existence d'un compte à l'étranger permet de supposer que le recourant bénéficie d'autres avoirs conséquents hors de Suisse. Le fait qu'il ne supporte apparemment pas la détention constitue un élément parmi d'autres permettant d'admettre le risque de fuite. Face à ce risque manifeste, les assurances du recourant quant à sa présentation à toute convocation, n'apparaissent que de peu de poids. 
4.3 Le recourant propose le versement d'une caution, mais il ne donne aucune indication qui permettrait d'en fixer le montant. De toute façon, une libération sous caution n'entre pas en considération tant que subsiste le risque de collusion. 
5. 
Le maintien du prévenu en détention peut être justifié par l'intérêt public lié aux besoins de l'instruction en cours, par exemple lorsqu'il est à craindre que l'intéressé ne mette sa liberté à profit pour faire disparaître ou altérer les preuves, ou qu'il prenne contact avec des témoins ou d'autres prévenus pour tenter d'influencer leurs déclarations. On ne saurait toutefois se contenter d'un risque de collusion abstrait, car ce risque est inhérent à toute procédure pénale en cours: il doit présenter une certaine vraisemblance (ATF 128 I 149 consid. 2.1 p. 151, 123 I 31 consid. 3c p. 36, 117 Ia 257 consid. 4c p. 261). 
5.1 Le recourant relève que tous les prévenus ont déjà été interrogés à plusieurs reprises. Des témoins ont également déjà été entendus, et aucun document n'aurait pu échapper aux perquisitions, celles-ci ayant eu lieu depuis longtemps en exécution des demandes d'entraide judiciaire italiennes. On ne saurait reprocher au recourant d'avoir gardé le silence tant qu'il ne comprenait pas le contenu du dossier. 
5.2 Indépendamment de l'attitude du recourant lors de l'instruction, des investigations supplémentaires apparaissent nécessaires pour définir le rôle exact qu'a pu tenir celui-ci dans les agissements qui font l'objet de l'enquête. En outre, après la découverte fortuite de l'existence d'un compte à l'étranger, on peut légitimement craindre que le recourant ne possède d'autres avoirs dont il puisse chercher à cacher l'existence à la faveur d'une libération. Mis en cause par un co-inculpé, le recourant pourrait aussi tenter de profiter de sa mise en liberté pour obtenir un revirement sur ce point. Le risque de collusion est indéniable. 
6. 
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans ses conclusions préalables, principales et subsidiaires. Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument judiciaire est mis à la charge du recourant, qui succombe. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Un émolument judiciaire de 3000 fr. est mis à la charge du recourant. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Ministère public de la Confédération, au Juge de l'arrestation I Jura Bernois-Seeland et au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes. 
Lausanne, le 1er décembre 2004 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: