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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6P.132/2005 
6S.413/2005 /svc 
 
Séance du 2 février 2006 
Cour de cassation pénale 
 
Composition 
MM. les Juges Schneider, Président, 
Wiprächtiger, Kolly, Karlen et Zünd. 
Greffière: Mme Bendani. 
 
Parties 
X.________, 
recourant, représenté par Me Yves Nicole, avocat, 
 
contre 
 
Ministère public du canton de Vaud, 
case postale, 1014 Lausanne, 
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal 
du canton de Vaud, 
route du Signal 8, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
6P.132/2005 
Art. 9 Cst (procédure pénale; arbitraire) 
 
6S.413/2005 
Suspension de la peine au profit d'une traitement psychiatrique ambulatoire (art. 43 ch. 1 CP), 
 
recours de droit public et pourvoi en nullité contre les arrêts du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 20 septembre 2005. 
 
Faits: 
A. 
A.a Depuis fin 2002 ou début 2003 et jusqu'au 11 juillet 2004, X.________ a régulièrement fumé du cannabis. 
A.b Le 11 juillet 2004, vers 1 h. du matin, Y.________, veilleur de nuit, a expulsé X.________, qui était entré dans le bureau du Centre Z.________ où il était placé. Ce dernier lui a demandé de venir dans sa chambre pour y entretenir une relation sexuelle, que Y.________ a refusée. X.________ lui a alors donné un coup de point au visage. 
-:- 
Une trentaine de minutes plus tard, alors que le veilleur se rendait à son véhicule pour y prendre son ordinateur portable, X.________ s'est dirigé vers lui, en lui disant que Dieu lui avait demandé de le tuer, et lui a donné un coup de couteau dans la poitrine, lui occasionnant une plaie de six à sept centimètres de profondeur, qui a atteint la plèvre du poumon. Y.________ a pu être secouru à temps. 
A.c X.________ a été soumis à deux expertises psychiatriques rendues respectivement les 15 décembre 2004 et 18 avril 2005. Les médecins ont conclu à son irresponsabilité totale au moment des faits incriminés. 
B. 
Par ordonnance du 17 juin 2005, le Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois a dit qu'il y avait lieu de suivre à l'égard de X.________. 
Par arrêt du 20 septembre 2005, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois a prononcé un non-lieu en faveur de X.________ et ordonné son internement au sens de l'art. 43 ch. 1 al. 2 CP
C. 
X.________ dépose un recours de droit public pour arbitraire et un pourvoi en nullité pour violation des art. 277bis PPF et 43 CP, concluant à l'annulation de l'arrêt entrepris. Il requiert l'assistance judiciaire. 
Le Tribunal d'accusation renonce à se déterminer et se réfère aux considérants de son arrêt. Le Ministère public du canton de Vaud conclut au rejet des recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
En dérogation à l'art. 275 al. 5 PPF, il se justifie d'examiner d'abord le pourvoi en nullité. 
I. Pourvoi en nullité 
2. 
En application de l'art. 277bis PPF, il convient de rectifier d'office la date de l'infraction, celle-ci ayant été commise le 11 et non pas le 12 juillet 2004, comme constaté manifestement par inadvertance par le Tribunal d'accusation. 
3. 
Le recourant soutient que les conditions de l'internement ne sont pas réalisées. 
3.1 Conformément à l'art. 43 ch. 1 al. 2 CP, le juge ordonnera l'internement si, en raison de son état mental, le délinquant compromet gravement la sécurité publique et si cette mesure est nécessaire pour prévenir la mise en danger d'autrui. Cette mesure sera exécutée dans un établissement approprié, qui ne doit pas forcément être dirigé par un médecin, mais qui peut aussi être un établissement pénitentiaire (ATF 125 IV 118 consid. 5b/bb p. 121). 
3.1.1 L'internement au sens de cette disposition concerne, d'une part, les auteurs particulièrement dangereux qui ne sont accessibles à aucun traitement et, d'autre part, ceux qui nécessitent un traitement et sont aptes à être traités mais dont on peut craindre qu'ils ne commettent de graves infractions également pendant un traitement ambulatoire ou alors qu'ils sont soignés dans un hôpital ou un hospice au sens de l'art. 43 ch. 1 al. 1 CP. Il s'agit, dans cette seconde hypothèse, de délinquants qui, en dépit d'un traitement ou de soins, risquent sérieusement de commettre des infractions graves, surtout des infractions de violence, que ce soit dans l'établissement hospitalier ou en dehors de celui-ci. Les chances de guérison de cette catégorie de délinquants sont incertaines à moyen et à court terme, de sorte que de graves délits sont à craindre pendant le traitement (ATF 127 IV 1 consid. 2a p. 4). 
Pour déterminer si le délinquant compromet gravement la sécurité publique selon l'art. 43 ch. 1 al. 2 CP, il faut d'abord évaluer la dangerosité de son état mental. L'état mental du délinquant doit être si gravement atteint qu'il est fortement à craindre qu'il commette de nouvelles infractions. Lors de l'examen du risque de récidive, il convient de tenir compte de l'imminence et de la gravité du danger, mais aussi de la nature et de l'importance du bien juridique menacé. Lorsque des biens juridiques importants, tels que la vie ou l'intégrité corporelle, sont mis en péril, il faut se montrer moins exigeant quant à l'imminence et à la gravité du danger que lorsque des biens de moindre valeur, tels que la propriété ou le patrimoine, sont menacés. Il y a lieu de considérer qu'un délinquant compromet la sécurité publique même s'il représente un danger pour un cercle restreint de personnes (ATF 127 IV 1 consid. 2a et 2c/ee p. 5 et 9). A cet égard, il convient de ne pas perdre de vue qu'il est par définition aléatoire et difficile d'évaluer le degré de dangerosité d'un individu. Lorsque, sur la base d'une expertise psychiatrique, le juge acquiert la conviction que le délinquant, même s'il est traité médicalement, pourra présenter un danger pour autrui dans le futur, il doit admettre que la dangerosité de celui-ci justifie son internement. S'agissant de la décision sur le pronostic, le principe "in dubio pro reo" n'est pas applicable (ATF 127 IV 1 consid. 2a p. 4 s.). 
Outre la dangerosité du délinquant pour la sécurité publique, l'art. 43 ch. 1 al. 2 CP exige que l'internement soit nécessaire pour prévenir la mise en danger d'autrui. L'internement est donc une mesure subsidiaire, en particulier par rapport à la mesure curative de l'art. 43 ch. 1 al. 1 CP. Il n'entrera en ligne de compte que si le placement dans un établissement offrant peu de mesure de sécurité, tel qu'un hôpital ou un hospice, ne présente pas de garantie suffisante pour empêcher le délinquant de commettre des infractions, surtout des délits impliquant le recours à la violence (ATF 123 IV 1 consid. 4c p. 8; 121 IV 297 consid. 2b p. 301). Au vu de la gravité de l'atteinte à la liberté personnelle que constitue l'internement, cette mesure ne doit être ordonnée qu'à titre d'ultima ratio lorsque la dangerosité existante ne peut être écartée autrement (ATF 127 IV 1 consid. 2a p. 4 s.). 
3.1.2 Déterminer si le délinquant compromet la sécurité publique et si la mesure d'internement est nécessaire pour prévenir la mise en danger d'autrui est une question de droit, qui est de la seule compétence du juge (ATF 127 IV 1 consid. 2a p. 5). Pour résoudre ces questions, le juge devra se fonder sur une expertise qui se prononce tant sur l'état physique et mental du délinquant que sur la nécessité d'un internement, d'un traitement ou de soins (art. 43 ch. 1 al. 3 et 13 al. 2 CP). Il ne peut s'écarter, sur ces questions de fait, des conclusions de l'expertise que, pour des motifs sérieux, notamment s'il existe une contradiction interne à l'expertise ou une contradiction entre les faits établis dans le cadre de la procédure et ceux retenus dans l'expertise (ATF 118 Ia 144 consid. 1c p. 145 ss; 101 IV 129 consid. 3a p. 130). 
3.2 Concernant l'état mental du recourant, le Tribunal d'accusation, se fondant sur les deux expertises psychiatriques, a relevé que ce dernier souffrait d'un trouble psychotique aigu et transitoire polymorphe, qui avait eu pour conséquence qu'au moment des faits il présentait une symptomatologie psychotique floride avec perte du contact avec la réalité, confusion et phénomènes d'automatismes mental et moteur, c'est-à-dire de pensée et de comportement dont il ne parvenait pas à maîtriser le cours. Au vu de ces éléments, le recourant souffre bien d'une anomalie mentale au sens de l'art. 43 CP, ce qu'il ne conteste d'ailleurs pas. 
3.3 Concernant la dangerosité du recourant pour la sécurité publique, le Tribunal d'accusation a jugé que l'acte qui lui était reproché était grave, que les experts n'étaient pas en mesure, en l'état, d'exclure le risque de nouvelles rechutes malgré le traitement qu'ils préconisaient, que l'intéressé était particulièrement dangereux lorsqu'il était victime d'une crise provoquée par le trouble psychiatrique dont il souffrait, qu'à son entrée à la prison, il avait montré une attitude agressive et tenu des propos particulièrement délirants en faisant état de vouloir tuer l'ensemble des personnes présentes, et que le premier expert avait estimé que, dans tous les cas, un traitement neuroleptique devait avoir lieu sur le long cours pour éviter un risque de récidive. 
Il est incontestable que le bien juridique menacé est important, puisque le recourant s'en est pris à la vie, en plantant un coup de couteau dans la poitrine de sa victime et qu'un risque de récidive ne peut jamais être totalement exclu. Il reste que le danger présenté par le recourant ne parait ni imminent, ni grave au point de justifier un internement, mais semblerait plutôt être limité à certaines situations précises et pouvoir être réduit par un traitement médicamenteux. En effet, selon l'arrêt attaqué, le premier expert relève que le risque de récidive paraît plutôt faible si un traitement neuroleptique au long cours, ainsi qu'un suivi psychiatrique, peuvent être mis en place. Le second spécialiste estime que des actes punissables de même nature que ceux qui ont été commis seraient susceptibles d'être à nouveau commis par le recourant s'il présentait d'une part une récidive de son trouble psychotique, et d'autre part si le contenu des idées délirantes et les hallucinations l'amenaient à nouveau à commettre des actes hétéro agressifs. Par ailleurs, il ne ressort pas des constatations cantonales que le recourant aurait connu d'autres troubles psychiatrique en dehors de la crise du 11 juillet 2004, qui l'a amené à poignarder un homme, puis à proférer des menaces lors de son entrée en prison. Le Tribunal d'accusation n'a pas non plus établi les circonstances exactes qui ont conduit le recourant à la crise, ni examiné si un tel enchaînement d'éléments pourrait facilement se renouveler. Enfin, s'il a relevé que le recourant avait pris conscience de sa maladie et avait la volonté de se soigner, il n'a en revanche aucunement tenu compte de ces éléments dans son appréciation sur les risques présentés par l'intéressé. Dans ces conditions, les constatations cantonales sont insuffisantes pour se prononcer sur l'imminence et la gravité du danger présenté par le recourant. 
3.4 S'agissant de la nécessité de l'internement pour prévenir la mise en danger d'autrui, le Tribunal d'accusation s'est contenté d'affirmer qu'actuellement le recourant était en prison, que, dans ce cadre, le traitement ambulatoire était suffisant, qu'il n'était pas certain que la situation serait la même une fois l'intéressé remis en liberté, qu'un internement ne signifiait pas une privation de liberté à vie et qu'un encadrement de longue durée permettrait de mieux le soigner. 
Cette motivation est insuffisante et ne saurait être suivie. En effet, les juges cantonaux n'ont pas analysé si d'autres mesures étaient envisageables et suffisantes pour prévenir le danger présenté par le recourant. Or, selon les constatations cantonales, les spécialistes s'accordent sur le fait qu'une mesure d'internement serait excessive, bien qu'elle soit le seul moyen de garantir absolument l'absence de récidive, et préconisent plutôt un traitement ambulatoire associant un suivi psychiatrique spécialisé à une prise médicamenteuse. Par ailleurs, il convient de rappeler que le juge possède différentes possibilités dans la mesure où le traitement prescrit ne devait pas atteindre son but. Ainsi, la loi prévoit que si le traitement ambulatoire paraît inefficace ou dangereux pour autrui et que l'état mental du délinquant nécessite néanmoins un traitement ou des soins spéciaux, le juge ordonnera le placement dans un hôpital ou un hospice; lorsque le traitement dans un établissement est inutile, il ordonnera, le cas échéant, une autre mesure de sûreté, si les conditions en sont remplies (cf. 43 ch. 3 CP; cf. ATF 123 IV 100 consid. 3b p. 104 s.). Partant, et contrairement à ce que soutient le Ministère public, il ne se justifie pas de prononcer un internement pour avoir la certitude que le traitement suivi par le recourant soit efficace et qu'il continuera à le suivre de manière à pratiquement exclure tout risque de récidive, un traitement ambulatoire inopérant ou non suivi pouvant être remplacé par une autre mesure. 
3.5 Sur le vu de ce qui précède, la motivation cantonale ne suffit pas pour justifier une mesure d'internement. Le pourvoi doit donc être admis en application de l'art. 277 PPF, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouveau jugement. 
4. 
Vu l'issue du recours, il ne sera pas perçu de frais (art. 278 al. 2 PPF) et une indemnité de dépens sera allouée au recourant pour la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 278 al. 3 PPF). La requête d'assistance judiciaire devient ainsi sans objet. 
II. Recours de droit public 
5. 
A la suite de l'annulation de l'arrêt cantonal, le recours de droit public devient sans objet et la cause doit être rayée du rôle, sans frais ni indemnité. La requête d'assistance judiciaire est rejetée, le recourant assumant le risque que son recours n'ait plus d'objet. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le pourvoi est admis en application de l'art. 277 PPF, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouveau jugement. 
2. 
Le recours de droit public est devenu sans objet. 
3. 
Il n'est pas perçu de frais. 
4. 
La requête d'assistance judiciaire est sans objet s'agissant du pourvoi en nullité et rejetée s'agissant du recours de droit public. 
5. 
La Caisse du Tribunal fédéral versera au recourant une indemnité de 3'000 francs à titre de dépens. 
6. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, au Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
Lausanne, le 2 février 2006 
Au nom de la Cour de cassation pénale 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: