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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1259/2021  
 
 
Arrêt du 2 février 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Denys, Juge présidant, van de Graaf et Hurni. 
Greffier: M. Vallat. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
agissant par B.A.________ et C.A.________, 
tous trois représentés par Me Oskar Gysler, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Juge des mineurs de la République 
et canton de Genève, 
rue des Chaudronniers 7, case postale 3686, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
Ordonnance de non-entrée en matière (violation du domaine secret ou privé au moyen d'un appareil de 
prise de vues), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice 
de la République et canton de Genève, 
Chambre pénale de recours, du 24 septembre 2021 
(P/8705/2021 ACPR/635/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 5 mai 2019, lors d'un camp organisé dans le cadre scolaire, D.________ (né en 2003) a frappé A.A.________ (fils de B.A.________ et C.A.________, né en 2004) d'un violent coup de poing au visage ayant entraîné un hématome au niveau du nez, une amnésie circonstancielle et un "arrêt" jusqu'au 22 mai 2019. Le premier cité a, sur plainte du 9 mai 2019, été reconnu coupable de lésions corporelles simples par ordonnance pénale du 8 octobre 2019. 
Le 20 mars 2020 C.A.________, agissant en son nom et en celui de son fils, a déposé une plainte "additionnelle" contre D.________, E.________, plusieurs enseignants du collège ainsi que contre inconnu. Il y alléguait que, depuis l'agression, son fils souffrait de troubles post-traumatiques qui avaient perturbé sa scolarité. Il avait été suivi par un psychologue jusqu'à son départ à U.________, en raison du visionnement d'une vidéo de l'agression, largement diffusée. Toujours selon la plainte, un ancien camarade d'école de A.A.________ avait affirmé que D.________ et E.________ avaient prémédité l'agression, s'en étaient vantés, avaient diffusé auprès de tiers la vidéo filmée par le dernier cité et qu'un certain nombre de personnes étaient au courant des intentions de D.________. Le plaignant indiquait encore avoir obtenu la vidéo par la suite et que l'on y voyait E.________ filmer l'agression, qui était "absolument gratuite". Un élève présent lors des faits avait vu A.A.________ perdre connaissance, puis se relever avec difficulté et quitter la chambre (qu'ils partageaient tous les quatre). Reprochant à D.________ d'avoir prémédité et mis en scène l'agression, puis d'avoir diffusé une vidéo représentant de la violence (art. 135 CP), et à E.________ d'avoir été son complice, le plaignant demandait la réouverture du dossier. 
Après que D.________ et E.________ ont été entendus par la police, le Juge des mineurs a refusé d'entrer en matière sur la plainte visant E.________ par ordonnance du 9 juin 2021 (une ordonnance similaire, confirmée sur recours par la cour cantonale, a été rendue le 21 juin 2021 s'agissant de D.________). 
 
B.  
Saisie par B.A.________ et C.A.________ d'un recours dirigé contre l'ordonnance de refus d'entrer en matière du 9 juin 2021, par arrêt du vendredi 24 septembre 2021, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise l'a rejeté avec suite de frais (800 fr.). 
 
C.  
Par acte du 28 octobre 2021, A.A.________, B.A.________ et C.A.________ recourent en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 24 septembre 2021. Ils concluent avec suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision querellée, à ce qu'il soit constaté que leur droit d'être entendu a été violé par le Juge des mineurs et à ce qu'une procédure pénale soit ouverte pour violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d'un appareil de prise de vues contre E.________, les frais de la décision de dernière instance cantonale étant laissés à la charge de l'État. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Devant le Tribunal fédéral, la langue de la procédure est généralement celle de la décision attaquée (art. 54 al. 1 LTF). Le seul fait que les recourants agissent en langue allemande ne justifie pas de s'écarter de cette règle. 
 
2.  
La décision querellée ne mentionne comme parties recourantes que B.A.________ et C.A.________. La cour cantonale n'en a pas moins considéré que ceux-ci agissaient au nom et pour le compte de leur fils (arrêt entrepris, consid. 1), qui doit dès lors être considéré comme ayant été formellement partie à la procédure cantonale, nonobstant le libellé du rubrum de la décision attaquée, qui ne le mentionne pas.  
Il ressort aussi de la décision querellée que la cour cantonale a jugé, en se référant aux art. 18 let. b et 38 al. 1 let. b PPMin, que les représentants légaux du mineur étaient de plein droit partie à la procédure et avaient qualité pour recourir. Il est pour le moins douteux que ces deux dispositions, qui visent le "prévenu mineur" et "ses représentants légaux" s'appliquent à la "partie plaignante", que ces mêmes normes citent expressément sans prévoir un régime particulier pour ses représentants légaux. Quoi qu'il en soit, dans le recours en matière pénale, les deux parents soulignent n'avoir fait que représenter leur fils, mineur au moment du dépôt du recours (ce qui suggère qu'ils n'étaient, en réalité, pas partie au recours cantonal) et qu'ils ne sont eux-mêmes mentionnés comme "recourants" en procédure fédérale que "pour la bonne forme" (der guten Ordnung halber). On comprend ainsi que la participation de ces personnes ne poursuit aucun autre but que de garantir formellement la recevabilité du recours de leur fils. On peut dès lors se limiter à examiner la qualité pour recourir de celui-ci, désormais majeur, étant précisé qu'il ne ressort pas de l'écriture de recours que les parents invoqueraient une quelconque circonstance susceptible de leur conférer une qualité pour recourir plus étendue que celle de leur fils.  
 
3.  
Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO. En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe à la partie recourante d'alléguer les faits qu'elle considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir. Lorsque le recours est, comme en l'espèce, dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou de classement de l'action pénale, la partie plaignante n'a pas nécessairement déjà pris des conclusions civiles. Quand bien même la partie plaignante aurait déjà déclaré des conclusions civiles (cf. art. 119 al. 2 let. b CPP), il n'en reste pas moins que le procureur qui refuse d'entrer en matière ou prononce un classement n'a pas à statuer sur l'aspect civil (cf. art. 320 al. 3 CPP). Dans tous les cas, il incombe par conséquent à la partie plaignante d'expliquer dans son mémoire au Tribunal fédéral quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé. Comme il n'appartient pas à la partie plaignante de se substituer au ministère public ou d'assouvir une soif de vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 141 IV 1 consid. 1.1). 
 
3.1. Pour les motifs précédemment exposés (v. supra consid. 2), A.A.________ doit être considéré comme ayant participé à la procédure cantonale. Il remplit donc la condition posée par l'art. 81 al. 1 let. a LTF.  
 
3.2. En ce qui concerne son intérêt au recours, il relève ne pas avoir articulé de conclusions civiles à ce stade mais les avoir expressément réservées en procédure cantonale de recours et n'avoir pas été invité jusque là à chiffrer de telles prétentions. Il conclut, par ailleurs, dans son recours en matière pénale, à l'allocation d'une indemnité de 1000 fr. à titre de réparation du tort moral à la charge de E.________.  
Le recourant admet lui-même n'avoir pas articulé de conclusions civiles précédemment, si bien que celle tendant à l'allocation d'une réparation de son tort moral, formulée pour la première fois en procédure fédérale est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF). On lui donnera acte que l'allégation du montant de la réparation souhaitée, même nouvelle, est recevable au regard de l'art. 99 al. 1 LTF, puisqu'il s'agit d'une allégation susceptible de déterminer sa qualité pour recourir en matière pénale au Tribunal fédéral (v. supra consid. 3).  
Quoi qu'il en soit, même ainsi complétées, les explications très succinctes du recourant ne satisfont pas aux exigences précitées et la seule nature de l'affaire n'autorise non plus aucune déduction dénuée d'ambiguïté. A cet égard, il sied de souligner que seule demeure litigieuse en procédure fédérale l'accusation de violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d'un appareil de prise de vues art. 179quater CP) contre la personne qui a filmé les faits survenus le 5 mai 2019. L'allocation d'une indemnité pour tort moral fondée sur l'art. 49 al. 1 CO, qui paraît seule pouvoir raisonnablement entrer en considération au vu de la nature de l'infraction et que le recourant chiffre désormais (et pour la première fois) à 1000 fr. en procédure fédérale, suppose que l'atteinte présente une certaine gravité objective et qu'elle ait été ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu'il apparaisse légitime qu'une personne dans ces circonstances s'adresse au juge pour obtenir réparation (arrêts 6B_1047/2019 du 15 janvier 2020 consid. 2.1; 6B_673/2019 du 31 octobre 2019 consid. 1.1; 6B_1043/2019 du 26 septembre 2019 consid. 2.2; 6B_637/2019 du 8 août 2019 consid. 1.2). Or, le recourant n'en dit rien non plus dans son recours. Il ressort certes de la décision de dernière instance cantonale que la plainte déposée le 20 mars 2020 faisait état d'un suivi du recourant par un " psychologue jusqu'à son départ à U.________ en raison du visionnement d'une vidéo, largement diffusée, de l'agression ". Il résulte toutefois aussi du procès-verbal précité que ce suivi psychologique faisait suite à l'agression physique du 5 mai 2019 et le recourant n'a déposé en procédure aucune pièce médicale susceptible d'établir qu'il aurait, après avoir découvert l'existence de la vidéo soit, autant qu'on le comprenne, après le 20 décembre 2019 et jusqu'à son départ à U.________, le 25 janvier 2020 (procès-verbal d'audition du 20 mars 2020, p. 4 et 7), été suivi spécifiquement en lien avec d'éventuelles conséquences de l'infraction à l'art. 179quater CP pour laquelle il a porté plainte. Il s'ensuit que le recourant ne démontre pas à satisfaction de droit avoir qualité pour recourir sur le fond. 
 
4.  
Le recourant se plaint ensuite de ce que la décision refusant d'entrer en matière sur sa plainte aurait violé son droit d'être entendu en raison de sa motivation insuffisante, respectivement que la cour cantonale aurait nié à tort l'insuffisance de la motivation de la décision du Juge des mineurs. Il souligne que cette absence de motivation n'aurait pas permis à une personne sans formation juridique de comprendre pourquoi l'infraction dénoncée n'aurait pas été punissable. Il objecte aussi que si la cour cantonale avait considéré qu'elle pouvait guérir un tel vice, parce qu'elle disposait d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit, elle aurait dû en tenir compte au stade de la fixation des frais (cf. arrêt 1B_308/2019 du 9 avril 2020 consid. 4.3), ce qui n'avait pas été le cas. 
 
4.1. Il est douteux qu'un tel moyen puisse être appréhendé comme suffisamment séparé de toute considération de fond et équivalant à un déni de justice pour que le recourant ait qualité pour le soulever (cf. ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 5; 136 IV 29 consid. 1.9 p. 40 et les références citées). Quoi qu'il en soit, même supposé recevable, ce moyen devrait, de toute manière, être rejeté pour les motifs qui suivent.  
 
4.2. Le droit d'être entendu implique pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et afin que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 142 I 135 consid. 2.1). Il n'est pas tenu de discuter tous les arguments soulevés par les parties, mais peut se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 142 II 154 consid. 4.2; 139 IV 179 consid. 2.2). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1).  
 
4.3. En l'espèce, pour répondre au moyen déduit d'un "déni de justice" relatif à l'insuffisance de la motivation de la décision du Juge des mineurs, la cour cantonale a concédé que ce dernier ne s'était pas embarrassé de détails, puisqu'il avait renvoyé en bloc à la plainte pénale et aux "diverses pièces" de la procédure. Ce nonobstant, le recourant et ses représentants légaux avaient parfaitement compris que le Juge des mineurs considérait "explicitement" que les éléments constitutifs d'une infraction à l'art. 135 CP ou à l'art. 179quater CP n'étaient pas réalisés, puisqu'ils soutenaient que, tout au contraire, les preuves auraient été "claires" ou "assez claires" pour commander d'engager l'accusation.  
On comprend ainsi qu'aux yeux de la cour cantonale, pour succincte qu'elle ait pu être, la motivation de la décision de refus d'entrer en matière avait été néanmoins suffisante pour permettre au recourant (respectivement à ses parents), de l'attaquer en toute connaissance de cause, ce qu'il avait fait en donnant sa version des faits ainsi que son appréciation des preuves, puis en discutant les éléments constitutifs notamment des infractions réprimées par les art. 135 et 179quater CP, dans la perspective du principe in dubio pro duriore, expressément invoqué dans ce recours. Cette appréciation n'apparaît pas critiquable.  
Du reste, en ce qui concerne la dernière infraction citée, une rapide comparaison du recours cantonal et du recours en matière pénale, permet de se convaincre que l'argumentation juridique développée dans cette dernière écriture rédigée par un avocat (et certes plus détaillée) n'en repose pas moins, dans les grandes lignes, sur des développements similaires à ceux du recours cantonal, notamment en ce qui concerne les contours du domaine secret ou privé en relation avec une chambre partagée par plusieurs élèves lors d'un camp, le fait qu'il s'agissait de l'enregistrement vidéo d'une agression, que ce document numérique avait non seulement été réalisé mais diffusé auprès de tiers et que la victime n'avait pas consenti à la prise de vue, ainsi qu'en relation avec l'affirmation - contestée - de l'auteur de la prise de vue, selon laquelle il aurait agi "par pur réflexe". On ne perçoit dès lors pas concrètement en quoi le recourant, respectivement ses parents, n'auraient pas été en mesure de critiquer de manière pertinente la décision de refus d'entrer en matière, ce qui suffit à écarter le grief de violation du droit à une motivation suffisante ainsi que le reproche adressé à la cour cantonale d'avoir ignoré cet élément au stade de la fixation des frais de la procédure de recours. 
 
 
5.  
Pour le surplus, on recherche en vain dans le recours l'allégation d'une quelconque violation du droit à la plainte au sens de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 6 LTF. 
 
6.  
Le recourant succombe. Il supporte les frais de la procédure (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux recourants, au Juge des mineurs de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 2 février 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
Le Greffier : Vallat