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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_107/2022  
 
 
Arrêt du 3 janvier 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Kneubühler, Président, Chaix, Jametti, Haag et Müller. 
Greffière : Mme Nasel. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Cécile Bocco, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 
1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Procédure pénale; extension des mesures de surveillance en cas de découvertes fortuites, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 25 janvier 2022 
(ACPR/51/2022 - P/21003/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Dans le cadre d'une instruction pénale pour trafic de drogue menée par le Ministère public de la République et canton de Genève (Ministère public), B.________ a été interpellé le 9 janvier 2021 au volant de sa voiture Mercedes, dans laquelle se trouvaient sa compagne, A.________, et la fille du couple. 
Lors des audiences des 26 février et 9 avril 2021, le Procureur a informé B.________ et C.________ - tous les deux prévenus d'infractions graves à la LStup (RS 812.121) - des diverses mesures de surveillance ordonnées dans les procédures pénales P1_2020, P2_2020 et P3_2020. 
 
B.  
Le 1er septembre 2021, sur mandat d'acte d'enquête du Procureur du 30 avril 2021, A.________ a été entendue par la police, en qualité de prévenue d'infractions aux art. 19 al. 1 et 2 LStup. Au cours de cette audition, la police a soumis à A.________ une conversation qu'elle avait eue avec " B.________ " - identifié comme étant B.________ - le 22 septembre 2020. Les policiers lui ont également présenté une conversation entre C.________ et " B.________ ", enregistrée le 13 octobre 2020 dans la voiture surveillée. 
 
C.  
Le 24 septembre 2021, le Procureur a ordonné que les mesures secrètes et de surveillance dans les procédures P1_2020, P2_2020 et P3_202020 soient exploitées à l'encontre de A.________; il a également transmis sa demande d'autorisation au Tribunal des mesures de contrainte de la République et canton de Genève (Tmc). 
Par ordonnance du même jour, le Tmc a autorisé l'exploitation à l'encontre de A.________ des résultats des données recueillies au moyen des mesures de surveillance secrètes précitées, avec effet rétroactif dès les dates de leur mise en oeuvre. 
Selon un arrêt rendu le 25 janvier 2022, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (Chambre pénale de recours) a rejeté le recours formé par A.________ contre l'ordonnance du Tmc susmentionnée. 
 
D.  
Par acte du 25 février 2022, A.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt, par lequel elle demande au Tribunal fédéral de de constater l'illicéité de l'ordonnance rendue par le Tmc le 24 septembre 2021, dont elle demande également l'annulation; elle requiert en outre la constatation du caractère inexploitable des découvertes faites dans le cadre des procédures P1_2020, P2_2020 et P3_2020, leur retrait du dossier et leur destruction ainsi que le renvoi de la cause au Ministère public en vue du classement de cette procédure à son encontre. Subsidiairement, elle demande l'annulation de l'arrêt entrepris et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Elle sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire. 
Invitée à se déterminer, la Chambre pénale de recours se réfère aux considérants de son arrêt, sans formuler d'observations. Le Ministère public conclut au rejet du recours. La recourante persiste dans ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
L'arrêt attaqué confirme l'exploitation des découvertes fortuites à l'encontre de la recourante découlant des mesures de surveillance secrètes effectuées par le biais d'un dispositif technique. Il a été rendu au cours d'une procédure pénale par une autorité statuant en tant que dernière instance cantonale (art. 80 LTF). Il est donc susceptible de faire l'objet d'un recours en matière pénale au Tribunal fédéral (art. 78 ss LTF). La recourante, prévenue mise en cause par les découvertes fortuites, entend en particulier faire constater le caractère inexploitable de celles-ci et obtenir leur destruction et leur retrait du dossier pénal. Elle dispose ainsi d'un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de l'arrêt attaqué et la qualité pour recourir doit lui être reconnue (cf. art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF; arrêt 1B_450/2017 du 29 mars 2018 consid. 1.1). Selon la jurisprudence, la décision attaquée est en outre susceptible de causer à la recourante un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 141 IV 284 consid. 2.3; 140 IV 40 consid. 1.1; arrêts 1B_51/2022 du 12 octobre 2022 consid. 1; 1B_133/2020 du 7 septembre 2020 consid. 1.2; 1B_191/2018 du 16 octobre 2018 consid. 1.1). Enfin, le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et les conclusions qui y sont prises sont recevables (art. 107 al. 2 LTF). Partant, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
L'arrêt rendu le 10 août 2022 par la Chambre pénale de recours concernant un co-prévenu produit par la recourante devant la Cour de céans est irrecevable, car postérieur à l'arrêt attaqué (cf. art. 99 al. 1 LTF; ATF 148 V 174 consid. 2.2; 144 V 35 consid. 5.2.4). Supposée recevable, cette pièce n'aurait de toute façon pas d'incidence sur l'issue du recours. 
 
3.  
La recourante fait valoir une violation de l'art. 13 Cst. et des art. 141 al. 4, 274, 277 et 278 CPP. Elle soutient que la procédure d'autorisation au sens de l'art. 278 al. 3 CPP n'aurait pas été engagée en temps utile, respectivement que l'autorisation du Tmc d'exploiter les découvertes fortuites serait tardive; dès lors, les informations recueillies à son encontre au titre de découvertes fortuites ne seraient pas exploitables et devraient être retirées du dossier et détruites. 
 
3.1. Aux termes de l'art. 278 al. 1 CPP, si, lors d'une surveillance, d'autres infractions que celles qui ont fait l'objet de l'ordre de surveillance sont découvertes, les informations recueillies peuvent être utilisées à l'encontre du prévenu lorsqu'une surveillance aurait pu être ordonnée aux fins de la poursuite de ces actes. L'alinéa 3 de cette disposition précise que, dans les cas visés aux alinéas précédents, le ministère public ordonne immédiatement la surveillance et engage la procédure d'autorisation. Les documents et enregistrements qui ne peuvent être utilisés au titre de découvertes fortuites doivent être conservés séparément et détruits immédiatement après la clôture de la procédure (art. 278 al. 4 CPP).  
 
3.2. Par renvoi de l'art. 278 al. 3 CPP, la procédure d'autorisation est réglée à l'art. 274 CPP. Cette disposition impose au ministère public de transmettre au Tmc, dans les 24 heures à compter du moment où la surveillance a été ordonnée, certains documents déterminants pour l'autorisation de la surveillance (art. 274 al. 1 CPP), l'autorité précitée étant tenue de statuer dans les cinq jours à compter du moment où la surveillance a été ordonnée (art. 274 al. 2 CPP). Dans la mesure où le délai de l'art. 274 al. 1 CPP est applicable en cas de découverte fortuite, il y a lieu de rappeler qu'il s'agit uniquement d'une prescription d'ordre dont la violation n'entraîne en principe pas l'inexploitabilité des moyens de preuve (arrêts 1B_638/2020 du 4 juin 2021 consid. 4; 1B_92/2019 du 2 mai 2019 consid. 2.4; 1B_136/2016 du 25 juillet 2016 consid. 3.1; 1B_274/2015 du 10 novembre 2015 consid. 3.2 publié in SJ 2016 I 474). Il en va de même du délai de cinq jours imparti au Tmc pour statuer (cf. art. 274 al. 2 CPP; arrêt 1B_59/2014 du 28 juillet 2014 consid. 4.9; HANSJAKOB/PAJAROLA, in Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung, [StPO], 3e éd. 2020, no 53 ad art. 274 CPP; SCHMID/JOSITSCH, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 3e éd. 2018, no 7 ad art. 274 CPP; THOMAS HANSJAKOB, Überwachungsrecht der Schweiz, Kommentar zu Art. 269 ff. StPO und zum BÜPF, 2018, no 975; JEANNERET/KUHN, sont cependant d'un avis contraire [Précis de procédure pénale, 2e éd. 2018, p. 404 n. 14097], et SYLVAIN MÉTILLE, qui semble aller dans le même sens [in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd. 2019, no 28 ad art. 274 CPP]).  
Dans un arrêt 1B_92/2019 du 2 mai 2019 (consid. 2.5), le Tribunal fédéral a admis que l'autorisation du tribunal des mesures de contrainte soit donnée dans les deux mois suivant l'utilisation de la découverte fortuite au cours d'une audition durant laquelle le prévenu avait refusé de déposer (dans ce sens également HANSJAKOB/PAJAROLA, op. cit., no 95 ad art. 278 CPP; voir également SYLVAIN MÉTILLE, op. cit., no 23 ad art. 278 al. 3 CPP, cet auteur considérant un tel délai de deux mois comme particulièrement généreux; quant à Marc Jean-Richard-dit-Bressel, il précise que la demande d'autorisation devrait intervenir dans les 24 heures suivant les premières mesures visant à éclaircir la découverte fortuite [MARC JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2e éd. 2014, no 27 ad art. 278 CPP]). En revanche, l'absence de toute procédure tendant à obtenir l'autorisation d'utilisation de ces découvertes permettrait, le cas échéant, l'application des art. 277, 278 al. 4 et/ou 141 al. 4 CPP (ATF 141 IV 459 consid. 3.1; arrêt 1B_136/2016 du 25 juillet 2016 consid. 3.1). 
 
3.3. En l'espèce, il ressort de l'arrêt entrepris que la recourante a été entendue le 1er septembre 2021, en qualité de prévenue d'infractions à l'art. 19 al. 1 et 2 LStup, sur mandat d'acte d'enquête du Procureur du 30 avril 2021. Lors de son audition, la recourante n'a pas fait valoir son droit de refuser de déposer, respectivement de collaborer à la procédure (cf. art. 113 al. 1 CPP; au contraire de l'affaire jugée dans l'arrêt 1B_92/2019 précité consid. 2.5); la conversation enregistrée que la recourante a eue le 22 septembre 2020 avec B.________ et celle qui a eu lieu entre ce dernier et C.________ le 13 octobre 2020 lui ont été soumises par la police. Cette audience avait donc pour objet d'exploiter, à charge de la recourante, les conversations en cause. Une autre appréciation ne résulte pas de l'arrêt entrepris; celui-ci ne fait en effet pas état d'autres éléments préexistants au 30 avril 2021 qui mettraient en cause la recourante, respectivement qui seraient susceptibles d'expliquer la délivrance du mandat d'enquête à la police. Il en résulte que le Ministère public, lorsqu'il a rendu ledit mandat d'enquête, avait connaissance des écoutes téléphoniques litigieuses et du fait qu'elles étaient susceptibles de mettre en cause la recourante. Or, il n'a alors pas entrepris la procédure d'autorisation d'exploiter les découvertes fortuites. Au moment de l'audition de la recourante, quatre mois plus tard, cette procédure n'avait pas non plus été déclenchée. Ce n'est, en définitive, que le 24 septembre 2021, soit presque cinq mois après que le Ministère public a formellement décidé - par mandat d'enquête donné à la police - d'exploiter ces données, qu'il a transmis sa demande d'autorisation au Tmc. Ce faisant, le Ministère public a agi tardivement.  
Dès lors que ces écoutes téléphoniques litigieuses ont déjà eu lieu et qu'elles découlent des mesures de surveillance préalablement autorisées pour ce qui est des autres co-prévenus, il appartiendra à l'autorité précédente d'apprécier, respectivement de statuer sur les conséquences procédurales qui résultent de cette inexploitabilité à l'égard de la recourante (conservation séparée au sens de l'art. 278 al. 4 CPP, tri, caviardage, etc.). Pour les mêmes motifs, il ne saurait résulter de la présente décision la destruction des écoutes litigieuses, le retrait du dossier de celles-ci et/ou leur inexploitabilité en ce qui concerne les autres co-prévenus (cf. THOMAS HANSJAKOB, op. cit., no 1194). 
 
4.  
Il s'ensuit que le recours est partiellement admis. L'arrêt attaqué est annulé dans la mesure où il confirme l'exploitabilité des découvertes fortuites issues des mesures de surveillance secrètes ordonnées dans les procédure P1_2020, P2_2020 et P3_2020 à l'égard de la recourante. L'inexploitabilité de ces découvertes fortuites à l'encontre de la recourante est ainsi constatée. La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle procède selon ce qui précède (cf. supra consid. 3.3). Vu l'issue du litige, le grief de violation de l'art. 269 CPP n'a pas à être examiné. 
Dès lors que la recourante obtient partiellement gain de cause, avec l'assistance d'une avocate, elle ne supporte pas de frais et peut prétendre à des dépens réduits pour la procédure fédérale, à la charge de la République et canton de Genève (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF). La demande d'assistance judiciaire est pour cette partie de la procédure sans objet. Elle est admise pour le surplus, les conclusions de la recourante, qui ne dispose pas de ressources suffisantes, n'étant pas d'emblée vouées à l'échec (art. 64 al. 1 LTF). Il y a dès lors lieu de lui désigner son conseil en qualité d'avocate d'office et de lui allouer une indemnité à titre d'honoraires, qui sera supportée par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF). Il est précisé, s'agissant du montant de celle-ci, que le Tribunal fédéral le fixe en fonction des règles énoncées dans le Règlement du 31 mars 2006 sur les dépens alloués à la partie adverse et sur l'indemnité pour la représentation d'office dans les causes portées devant le Tribunal fédéral (RS 173.110.210.3) et n'est aucunement tenu par les prétentions que les parties font valoir à cet égard dans leur mémoire ou leur liste de frais (arrêts 5A_952/2019 du 2 décembre 2020 consid. 14; 1C_451/2018 du 13 septembre 2019 consid. 6). En l'occurrence, les circonstances de l'espèce ne commandent pas de s'écarter de la pratique du Tribunal fédéral en la matière. Il appartiendra enfin à la cour cantonale de statuer à nouveau sur les frais et dépens de la procédure cantonale (art. 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. L'arrêt du 25 janvier 2022 de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève est annulé dans la mesure où il confirme l'exploitabilité des découvertes fortuites issues des mesures de surveillance secrètes ordonnées dans les procédure P1_2020, P2_2020 et P3_2020 à l'égard de la recourante. L'inexploitabilité de ces découvertes fortuites à l'encontre de la recourante est constatée. La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle procède au sens des considérants. Pour le surplus, le recours est rejeté. 
 
2.  
Le canton de Genève versera au conseil de la recourante une indemnité de 1'500 fr. à titre de dépens réduits pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
3.  
La demande d'assistance judiciaire est admise dans la mesure où elle n'est pas sans objet. Me Cécile Bocco est désignée comme avocate d'office de la recourante et une indemnité de 1'000 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. 
 
4.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire de la recourante, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 3 janvier 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Nasel