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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4P.250/2004 /ech 
 
Arrêt du 3 février 2005 
Ire Cour civile 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Rottenberg Liatowitsch et Favre. 
Greffier: M. Ramelet. 
 
Parties 
X.________ SA, recourant, représenté par Me Marc Lironi, 
 
contre 
 
A.________, 
intimé, représenté par Me Benoît Dayer, 
Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève, case postale 3688, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
art. 9 et 29 Cst. (appréciation arbitraire des preuves en procédure civile; droit d'être entendu), 
recours de droit public contre l'arrêt de la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève du 23 septembre 2004. 
 
Faits: 
A. 
A.a Par contrat de travail du 28 décembre 1993, A.________, qui est né en 1963 et est père de deux enfants, a été engagé, dès le 1er janvier 1994, en qualité de directeur par la société X.________ SA, dont l'administrateur-président est B.________; ce dernier est le fils de C.________, décédé le 21 mars 2001, qui avait racheté le capital de la société à la fin 1993. X.________ SA a notamment pour but l'importation, l'exportation, l'achat et la vente de produits du sol et primeurs en gros. Le salaire de A.________ se composait d'un montant mensuel brut de 7'000 fr., porté par la suite à 8'000 fr., payable treize fois l'an, de 500 fr. net par mois, versé douze fois l'an, pour frais de représentation et d'une commission annuelle de 7 % calculée sur le total des ventes "au comptant" facturées, sous déduction du prix de revient. Le contrat précisait que les frais extraordinaires, tels que voyages, dîners d'affaires, seraient remboursés au directeur sur présentation de justificatifs. 
 
Les tâches dévolues à A.________ consistaient à gérer l'entreprise au quotidien. Ce dernier effectuait ainsi les achats et les ventes de produits frais, vérifiait les bulletins de livraison, prenait les commandes, s'occupait des relations avec les clients, fournisseurs et producteurs et contrôlait les factures avant de les transmettre à B.________, lequel les inscrivait dans la comptabilité et assurait leur paiement. A titre professionnel, A.________ a parcouru au volant de sa propre automobile, durant neuf années de service, environ 26'000 km, ce qui représentait une moyenne mensuelle de 250 km. 
 
Le chiffre d'affaires de X.________ SA, qui se montait à 1'275'000 fr. en 1993, a atteint 6'100'000 fr. en 2001. 
A.b En octobre 1995, A.________ a accepté, à la demande de C.________ avec lequel il entretenait d'excellentes relations, de renoncer à la partie variable de sa rémunération pour 1994, qui représentait 30'000 fr., cela en raison des difficultés économiques traversées par X.________ SA. Le directeur a consenti à d'autres baisses de salaire du même type ultérieurement. Ainsi, de 1994 à 2001, le directeur a abandonné en tout environ 45'000 fr. sur la rétribution liée à la marche des affaires. 
A.c Après avoir engrangé un bénéfice brut de 239'774 fr. au 30 juin 2001, X.________ SA a enregistré au 30 juin 2002 une perte nette d'exploitation de 50'173 fr. B.________ a alors demandé à A.________ de limiter à 50'000 fr. la part variable de sa rémunération pour l'année 2001, laquelle atteignait la somme de 66'000 fr. A.________ s'y étant refusé, X.________ SA lui a réglé le montant dû pour 2001 en deux versements, les 4 juillet et 7 août 2002. 
A.d Durant le mois de juin 2002, A.________ a été absent pour cause de dépression due aux rapports tendus qu'il entretenait avec B.________. 
A.e Par lettre du 22 août 2002, X.________ SA, sous la plume de l'administrateur B.________, a licencié A.________ pour le 13 janvier 2003. Dans ce pli, l'administrateur a exprimé le regret que le directeur ne se soit pas "senti concerné par le sacrifice financier à consentir et nécessaire à la pérennité de l'entreprise". Il a reproché à l'intéressé d'avoir proposé au personnel de l'entreprise de réduire les horaires de travail, sans avoir l'accord préalable du conseil d'administration et sans égard aux circonstances économiques difficiles de l'heure. 
 
Le 24 septembre 2002, X.________ SA a licencié avec effet immédiat A.________. Elle a fait valoir que ce dernier avait utilisé abusivement durant plusieurs années une carte d'essence de l'entreprise à des fins privées, qu'il avait employé cette carte en juin 2002 alors qu'il était en incapacité de travailler pour cause de maladie et que le directeur avait dépassé des contingents douaniers pour l'importation de primeurs, sans en référer au conseil d'administration, ce qui avait valu à X.________ SA de se voir réclamer par l'Office fédéral de l'agriculture une somme avoisinant les 75'000 fr. pour les dépassements des années 1998 à 2001. 
 
Il résulte de différents certificats médicaux que A.________ a été incapable de travailler du 24 septembre au 31 octobre 2002. Sitôt après avoir reçu le congé sans délai susmentionné, le travailleur a disparu du domicile conjugal; localisé dans le canton des Grisons, il a été hospitalisé pour troubles dépressifs dans ce canton, puis à la Clinique Z.________. 
Le 27 septembre 2002, le conseil du prénommé a dénoncé le caractère abusif de la résiliation du 22 août 2002 au regard de l'art. 336 al. 1 let. d CO et contesté les motifs invoqués à l'appui du congé abrupt. 
B. 
B.a Le 26 novembre 2002, A.________ a ouvert action contre X.________ SA devant le Tribunal des Prud'hommes de Genève, concluant au paiement d'un montant total de 216'347 fr.78. Dans ses dernières conclusions, il a réclamé à la défenderesse le paiement de la somme globale de 120'241 fr. 10, sous déduction des charges sociales usuelles, pour les parts fixes et variables de son salaire de septembre 2002 au 6 mars 2003 ainsi qu'à titre d'indemnité de vacances, plus 5'000 fr. pour le tort moral subi et 56'000 fr. au titre d'indemnités de licenciement abusif et de licenciement immédiat injustifié. 
 
La défenderesse a conclu à libération. Elle a formé une reconvention et requis du demandeur paiement d'un total de 73'805 fr.65, somme se décomposant en 16'727 fr.55 pour utilisation abusive de la carte d'essence, 53'022 fr.95 pour dépassement des contingents d'importations entre 1998 et 2002 et 4'055 fr.15 pour des vacances prises en trop. 
 
Le 20 mai 2003, le Procureur général du canton de Genève a classé la procédure pénale ouverte contre A.________ sur plainte de X.________ SA, en considérant qu'était insuffisante la prévention d'abus de confiance ou de gestion déloyale par utilisation indue de la carte d'essence. 
 
Dans le cadre des enquêtes, de nombreux témoins ont été entendus. 
 
Par jugement du 11 août 2003, le Tribunal des Prud'hommes a tenu pour abusive au sens de l'art. 336 al. 1 let. d CO la résiliation du 22 août 2002, jugé que le congé abrupt du 24 septembre 2002 était injustifié et alloué au travailleur une indemnité de 56'000 fr. en application des art. 336a et 337c al. 3 CO. Il a par ailleurs octroyé au demandeur la somme brute de 115'656 fr.60 à titre de salaires fixes et variables de septembre 2002 au 21 février 2003 et de vacances non prises. Le Tribunal a rejeté la reconvention au motif que les manquements du travailleur à propos des dépassements de contingents ne suffisaient pas à engager sa responsabilité. 
 
Saisie d'un appel de X.________ SA, laquelle a repris l'ensemble de ses conclusions de première instance, la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève, par arrêt du 23 septembre 2004, a annulé le jugement du 11 août 2003. Elle a considéré que la première résiliation signifiée au demandeur reposait sur un motif abusif et que l'employeur avait ensuite choisi de licencier le travailleur sans délai, au mépris des conditions posées par l'art. 337 CO. Statuant à nouveau, la cour cantonale a rectifié une erreur de calcul des premiers juges et finalement condamné la défenderesse à payer au demandeur la somme de 91'532 fr.50 brut pour la rémunération restant due au travailleur. L'autorité cantonale a confirmé l'octroi au demandeur du montant de 56'000 fr. représentant quatre mois de salaire pour indemniser le licenciement immédiat injustifié. Elle a encore entièrement rejeté les prétentions reconventionnelles élevées par la défenderesse pour utilisation abusive de la carte d'essence et dépassements des contingents d'importation. 
C. 
X.________ SA forme un recours de droit public au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal, dont elle requiert l'annulation. 
 
L'intimé conclut au rejet du recours. L'autorité cantonale a apporté des précisions sur la notification de son arrêt, sans se déterminer sur le recours. 
 
L'effet suspensif requis par la recourante lui a été refusé le 29 octobre 2004. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ). 
 
L'arrêt rendu par la cour cantonale, qui est final, n'est susceptible d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral ou cantonal dans la mesure où la recourante invoque la violation directe d'un droit de rang constitutionnel, de sorte que la règle de la subsidiarité du recours de droit public est respectée (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ). En revanche, si la recourante soulève une question relevant de l'application du droit fédéral, le grief n'est pas recevable, parce qu'il pouvait faire l'objet d'un recours en réforme (art. 43 al. 1 et 84 al. 2 OJ). 
 
La recourante est personnellement touchée par la décision attaquée, qui la condamne à paiement, de sorte qu'elle a un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pas été prise en violation de ses droits constitutionnels; en conséquence, elle a qualité pour recourir (art. 88 OJ). 
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1 p. 120 et les arrêts cités). Par ailleurs, il se fonde sur l'état de fait tel qu'il a été retenu dans l'arrêt attaqué, à moins que le recourant n'établisse que l'autorité cantonale a constaté les faits de manière inexacte ou incomplète en violation de la Constitution (ATF 118 Ia 20 consid. 5a). 
2. 
La recourante se plaint tout d'abord de l'appréciation arbitraire des preuves par la cour cantonale. 
2.1 Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 129 I 8 consid. 2.1; 128 I 273 consid. 2.1; 128 II 259 consid. 5 p. 280/281). 
 
S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits, le juge tombe dans l'arbitraire si, sans raison sérieuse, il omet de prendre en considération un élément important propre à modifier la décision, s'il se fonde sur un moyen manifestement inapte à apporter la preuve, s'il a, de manière évidente, mal compris le sens et la portée d'un moyen de preuve ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il en tire des constatations insoutenables. Le grief tiré de l'appréciation arbitraire des preuves ne peut être pris en considération que si son admission est de nature à modifier le sort du litige, ce qui n'est pas le cas lorsqu'il vise une constatation de fait n'ayant aucune incidence sur l'application du droit (ATF 129 I 8 consid. 2.1 et les arrêts cités). 
 
Il appartient au recourant d'établir la réalisation de ces conditions en tentant de démontrer, par une argumentation précise, que la décision incriminée est insoutenable (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 185 consid. 1.6; 122 I 170 consid. 1c). 
 
Enfin, le recours de droit public n'étant pas un appel, le Tribunal fédéral n'a pas à substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité cantonale; son rôle se limite à examiner si le raisonnement adopté par celle-ci doit être qualifié d'arbitraire. 
2.2 
2.2.1 La recourante prétend que la cour cantonale a fait montre d'arbitraire en retenant que le congé ordinaire du 22 août 2002 était lié au refus de l'intimé de renoncer à la composante variable de son salaire déjà pour 2001. Elle se réfère à ce propos à la lettre de congé, dont aucun élément ne permettrait d'affirmer que le licenciement découlerait d'une mesure de rétorsion de la part de l'employeur. A en croire la défenderesse, la Cour d'appel aurait admis le lien de causalité entre le refus précité et le congé ordinaire sans la moindre preuve, au seul bénéfice d'une présomption de fait du caractère illicite du licenciement. L'autorité cantonale n'aurait pas pris en compte les autres motifs de licenciement invoqués par la défenderesse le 22 août 2002, pas plus que la situation financière difficile de celle-ci, qui démontrerait, ainsi qu'en fait état un certificat médical, que le congé incriminé reposerait sur des raisons économiques. Enfin, on ne saurait comprendre que la recourante ait entendu sanctionner l'intimé pour le refus de diminuer son revenu, alors qu'elle avait provisionné dans ses comptes la commission due à ce dernier pour l'année 2002. 
2.2.2 Selon la jurisprudence, le point de savoir quels sont les motifs réels d'un licenciement est une question de fait (ATF 130 III 699 consid. 4.1 p. 702; 127 III 86 consid. 2a; 115 II 484 consid. 2b). Le fardeau de la preuve du caractère abusif de la résiliation incombe à la partie qui s'est vu signifier le congé (ATF 130 III 699 consid. 4.1 p. 703; 123 III 246 consid. 4b). 
 
2.2.3 Sur le motif du congé ordinaire, l'autorité cantonale a retenu que la défenderesse a tenté d'imposer au demandeur en juin 2002 de renoncer à une partie de sa rétribution avec effet rétroactif, comme l'atteste la lettre de résiliation. 
 
Il appert donc d'emblée que la Cour d'appel a constaté que l'intimé a pu établir que les autres griefs avancés par l'employeur dans son pli du 22 août 2002 n'étaient pas réels, mais qu'ils faisaient figure de simples prétextes. Elle n'a pas recouru à la présomption de fait de l'existence d'un congé abusif en raison de la vacuité des motifs présentés par la recourante (cf. sur une telle présomption: arrêts 4C.121/2001 du 16 octobre 2001, consid. 3, et 4C. 27/1992 du 30 juin 1992, in SJ 1993 p. 360, consid. 3a). 
 
La lettre de congé ordinaire du 22 août 2002 commence par rappeler à l'intimé que sa rémunération a deux composantes, l'une fixe (salaire proprement dit), l'autre variable, liée à la performance de l'entreprise et correspondant à une commission de 7% "sur la marge brute". Puis, le pli, indiquant pour mémoire au travailleur que la recourante a enregistré une perte nette importante au cours de l'exercice 2001, fait état du refus de l'intimé d'accepter un plafonnement à hauteur de 50'000 fr. de ses prétentions au titre de la part variable de son salaire. Soulignant que les prévisions pour l'année 2002 sont pessimistes et que de nouvelles pertes sont à prévoir au vu de la baisse du chiffre d'affaires constatée jusque-là, la défenderesse a reproché nettement au demandeur de ne s'être pas senti concerné par la situation, avant de l'informer qu'"en conséquence... ... les actionnaires n'entendent pas continuer à enregistrer des pertes nettes dans la société". 
 
A considérer la clarté des déclarations susmentionnées, qui montrent la déception ressentie par la défenderesse devant la position adoptée par le demandeur et la volonté de l'entreprise de prendre des mesures immédiates pour redresser la situation de la société, il n'était nullement arbitraire de retenir que le motif réel du congé avait sa source dans l'opposition manifestée par le directeur à voir son salaire réduit une nouvelle fois. 
 
La Cour d'appel a retenu, sans que l'arbitraire ait été invoqué à cet égard, que, de 1994 à 2001, l'intimé avait abandonné à peu près 45'000 fr. sur sa rétribution dépendant de la marche des affaires. La recourante est sans doute partie de l'idée que le demandeur allait une fois de plus se montrer conciliant. Le refus sans appel exprimé par le directeur de plafonner sa commission 2001 a provoqué l'ire de la recourante et sa décision de se séparer de ce collaborateur, lequel, du reste, avait de sérieuses difficultés relationnelles avec l'administrateur B.________. Les conclusions qu'a tirées la cour cantonale de l'enchaînement des faits ne sont en aucun cas insoutenables. 
 
Il est vrai que la lettre de congé en cause mentionne un autre motif de licenciement, à savoir que l'intimé a proposé au personnel de travailler moins d'heures, ce qui, pour la recourante, est une entorse à une saine gestion économique. La défenderesse n'a toutefois pas satisfait à son devoir d'apporter la preuve de cette allégation, à l'appui de laquelle elle ne s'est d'ailleurs jamais prévalue d'aucun élément pertinent. 
 
La recourante se réfère à un certificat médical établi par un médecin adjoint de la Clinique Z.________ (pièce 6 du chargé du demandeur), qui établirait que le congé est dû à des raisons économiques. L'autorité cantonale pouvait bien évidemment sans arbitraire ne tenir aucun compte de ce document à ce propos, du moment qu'il émane d'une personne totalement étrangère au fonctionnement de l'entreprise recourante. 
 
Enfin, la recourante paraît faire grand cas que la commission 2002 du demandeur avait été provisionnée dans les comptes de l'entreprise. D'une part, il résulte de la pièce 13 du chargé de la défenderesse que la commission en cause n'avait fait l'objet d'une provision que pour le premier semestre 2002. D'autre part, cette rubrique du bilan n'a pas la portée que la recourante lui prête. Les provisions servent en effet à saisir notamment des engagements existant à la date du bilan, mais dont le montant et l'échéance ne peuvent être déterminés précisément ou dont l'existence est incertaine (cf. Chambre fiduciaire suisse, Manuel suisse d'audit 1998, tome I, ch. 2.3423, p. 229). 
2.3 
2.3.1 Au sujet du motif de licenciement avec effet immédiat dont s'est prévalue la défenderesse, relatif à l'usage abusif par le demandeur à des fins privées d'une carte d'essence de l'entreprise, la recourante soutient, en se référant à deux dépositions, qu'il était arbitraire de retenir qu'elle était au courant de l'utilisation de ladite carte. Et ce serait de manière insoutenable que la cour cantonale aurait constaté que l'ancien administrateur C.________ aurait laissé l'intimé user librement de la carte d'essence pour compenser l'usure de l'automobile de ce dernier. 
2.3.2 La Cour d'appel a posé, sans que l'arbitraire soit invoqué, que, depuis 1994, l'intimé avait utilisé son véhicule privé pour l'ensemble de ses déplacements professionnels, en Suisse et à l'étranger, et parcouru de la sorte 26'000 km. 
Dans ses écritures, l'intimé a allégué que C.________ l'avait autorisé au printemps 1994, en compensation, à se servir d'une carte d'essence, sans limitation, pour lui-même et son épouse. 
 
Entendu devant le Tribunal des Prud'hommes, le témoin D.________, qui était le directeur de la défenderesse avant le rachat de la société par C.________ et l'engagement du demandeur à ce poste à fin 1993, a expressément indiqué qu'en sus d'une indemnité mensuelle pour frais de représentation, il bénéficiait d'une carte d'essence au nom de l'entreprise dont il pouvait se servir tant à titre privé que professionnel, dès l'instant où il utilisait son propre véhicule pour l'essentiel de ses déplacements. A la suite de cette déposition, la défenderesse a déposé plainte pénale contre ce témoin. L'enquête ouverte pour faux témoignage a été classée par le Procureur général le 13 février 2004, faute d'indices suffisants donnant à penser à la commission d'une infraction. 
On voit donc que la recourante n'a pas réussi à détruire la crédibilité de cette déposition. Or, celle-ci montre avec netteté la manière dont la défenderesse concevait le défraiement de l'usage par son directeur de sa propre voiture pour les voyages professionnels. Comme elle ne mettait pas à la disposition du directeur un véhicule appartenant à l'entreprise, elle remettait à ce cadre une carte d'essence, dont il avait le droit de se servir pour tous ses déplacements, qu'ils soient privés ou professionnels. La perte de valeur affectant la voiture du directeur générée par ses voyages professionnels trouvait une forme de compensation par la possibilité qui lui était offerte de prendre de l'essence au compte de la société lors de toute utilisation du véhicule. 
 
La recourante n'a pas taxé d'insoutenable la constatation d'après laquelle l'intimé entretenait d'excellentes relations avec l'ancien administrateur C.________. Dans ces conditions, la recourante n'est pas tombée dans l'arbitraire en retenant que le prénommé, décédé le 21 mars 2001, qui appréciait particulièrement le demandeur, a maintenu le système dont bénéficiait jusqu'alors le directeur de la société qu'il venait de racheter quant à l'utilisation d'une carte d'essence à des fins privées. Du reste, il apparaît que la recourante y trouvait son compte. En tout cas, la défenderesse n'a présenté aucun élément allant dans le sens contraire. 
Il n'importe que l'expert-comptable E.________ ait exposé, dans sa déposition, qu'il "ne pens(ait) pas" que C.________ ait accepté un tel mode de faire. Il ne s'agit pas là d'une constatation personnelle du témoin, mais la manifestation d'une opinion qui n'est étayée par aucun élément probant. 
2.3.3 On ne voit pas où l'arbitraire résiderait à retenir que la recourante devait s'apercevoir que le demandeur employait à titre privé la carte d'essence qui lui avait été remise. 
 
Il résulte de l'arrêt attaqué que le demandeur transmettait les factures à l'administrateur-président B.________, qui les inscrivait dans la comptabilité et en assurait le paiement. 
Le témoin E.________ a déclaré que B.________ n'avait pas à vérifier les factures contrôlées par le demandeur. Le témoin F.________, également expert-comptable, a affirmé que le contrôle de la véracité des factures incombait au directeur et que ce n'était pas le travail des réviseurs "de vérifier si un directeur commande une catégorie d'essence ou une autre pour un véhicule donné". 
Ces dépositions montrent tout au plus que le contrôle des factures de la société revenait au demandeur. Toutefois, c'est B.________ qui en effectuait le règlement. 
 
Or, il a été retenu que l'intimé, pendant neuf ans, a roulé en moyenne 250 km par mois pour la recourante, ce qui représentait 3000 km par année. 
 
Il est notoire que la moyenne suisse des distances parcourues quotidiennement avec un véhicule automobile est de 37 km (cf. Rapport de l'Office fédéral du développement territorial de décembre 2004, ad rubrique "faits et chiffres"). Autrement dit, chaque voiture roule en moyenne 13'505 km par an (365 x 37). 
 
A vues humaines, l'administrateur-président B.________ a donc réglé, de début 1994 à l'été 2002, des factures d'essence pour des déplacements du directeur quatre fois supérieurs à ceux nécessités par son activité dans l'entreprise, et cela sans jamais demander d'explications ni émettre de protestations. Dans un tel contexte, il n'y avait aucun arbitraire à retenir que la recourante devait s'apercevoir que la carte d'essence remise au demandeur était aussi utilisée à des fins privées. 
3. 
La recourante fait grief à la Cour d'appel de n'avoir pas pris en compte le témoignage de G.________, qui établirait que le demandeur n'avait pas procédé à une saine gestion de l'importation des primeurs en dépassant les contingentements douaniers accordés à la défenderesse. 
 
Le témoin G.________ a déclaré qu'après le départ de l'intimé, la recourante n'a plus eu de problèmes avec les contingentements douaniers. 
 
G.________ a pour profession marchand de primeurs. Il s'occupe actuellement des contingents d'importation pour la défenderesse, dont il est employé. Partant, son rapport de dépendance à l'endroit de la recourante affaiblit sa déposition, que rien n'est venu corroborer. 
 
A cela s'ajoute que la cour cantonale a retenu, sur la base des preuves administrées, et sans que le grief d'arbitraire ait été soulevé, que l'application de la réglementation douanière dans le domaine de l'importation des primeurs présentait de nombreuses difficultés et que la perception de surtaxes était fréquente, même pour des montants importants, alors que les surtaxes de l'année 1998 - que l'Office fédéral de l'agriculture a attendu quatre ans pour réclamer à la défenderesse - ne représentaient en moyenne que le 0,3 % du chiffre d'affaires de celle-ci. 
Il suit de là que c'est sans le moindre arbitraire que l'autorité cantonale a retenu que le demandeur ne pouvait se voir reprocher d'avoir mal géré l'importation des primeurs en question. 
4. 
A suivre la recourante, l'arrêt critiqué serait insuffisamment motivé sur plusieurs points, ce qui constituerait une entorse à son droit d'être entendue garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. 
4.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin que l'intéressé puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa, 97 consid. 2b; 125 II 369 consid. 2c; 124 II 146 consid. 2a). Il y a également violation du droit d'être entendu si l'autorité ne satisfait pas à son devoir minimum d'examiner et de traiter les problèmes pertinents (ATF 126 I 97 consid. 2b; 124 II 146 consid. 2a; 122 IV 8 consid. 2c). 
4.2 La recourante prétend qu'il serait impossible de déterminer sur quels motifs la cour cantonale s'est fondée pour considérer que le congé ordinaire aurait été signifié au demandeur en raison de son refus de renoncer à une partie de son salaire. 
 
La motivation de la Cour d'appel est certes succincte. Il ressort pourtant avec clarté de l'arrêt déféré qu'outre le libellé de la lettre de congé du 22 août 2002, la cour cantonale a étayé son argumentation en se référant aux écritures des parties, en particulier à la réponse de la défenderesse (cf. consid. 2.3 de l'arrêt cantonal). 
4.3 La recourante revient à la charge en affirmant que l'autorité cantonale n'a pas expliqué clairement ce qui ressortait du texte de la lettre de licenciement. 
 
Un tel grief, purement chicanier, ne mérite aucun développement au vu du considérant susmentionné. 
4.4 La recourante allègue que, pour ce qui est du congé abrupt, la cour cantonale n'a pas donné les raisons qui l'ont amenée à admettre, d'une part, que C.________ avait laissé au demandeur le libre usage de la carte d'essence et, d'autre part, qu'il est invraisemblable que B.________ ne se soit pas rendu compte de l'utilisation de cette carte à titre privé. 
 
Il suffit de lire le consid. 3.2 de l'arrêt cantonal pour y trouver la réponse aux interrogations de la défenderesse. 
 
Le moyen est téméraire. 
5. 
En définitive, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. En raison de la valeur litigieuse de la présente cause, supérieure à 30'000 fr. au moment de l'introduction de l'action (ATF 115 II 30 consid. 5b p. 42), la procédure n'est pas gratuite (art. 343 al. 3 CO a contrario). La recourante, qui succombe, paiera donc l'émolument de justice et versera une indemnité de dépens à l'intimé (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 5'500 fr. est mis à la charge de la recourante. 
3. 
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 6'500 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève. 
Lausanne, le 3 février 2005 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: