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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.522/2003 /col 
 
Arrêt du 3 novembre 2003 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Reeb et Féraud. 
Greffier: M. Jomini. 
Parties 
A.________, 
recourante, représentée par Me Antoine Berthoud, avocat, rue de la Corraterie 14, case postale 5209, 
1211 Genève 11, 
 
contre 
 
Département de l'instruction publique de la République et canton de Genève, Service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (SCARPA), 3, rue des Savoises, 1205 Genève, 
Tribunal administratif de la République et canton de Genève, rue du Mont-Blanc 18, case postale 1956, 
1211 Genève 1. 
 
Objet 
avances de contributions d'entretien 
 
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif de la République et canton de Genève du 17 juin 2003. 
 
Faits: 
A. 
Le divorce des époux B.________ et A.________ a été prononcé le 23 mai 1996; ceux-ci avaient eu une fille, C.________, née le 19 août 1992. Le jugement de divorce met à la charge de B.________ une contribution mensuelle pour l'entretien de sa fille, fixée à 1'500 fr. jusqu'à ce que celle-ci atteigne l'âge de dix ans, puis de 1'750 fr. jusqu'à l'âge de 15 ans, enfin de 2'000 fr. jusqu'à la majorité voire jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans en cas d'accomplissement d'une formation sérieuse. 
Ces contributions n'étant pas payées, A.________ - à qui le jugement de divorce avait attribué l'autorité parentale - a conclu le 21 août 1998 une convention avec le Service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (SCARPA) du Département de l'instruction publique de la République et canton de Genève, convention par laquelle elle a chargé ce service d'entreprendre toutes les démarches nécessaires à l'encaissement de la pension alimentaire, en cédant sa créance à l'Etat de Genève. Dès le 1er septembre 1998, le SCARPA a versé à A.________ une avance mensuelle. 
B. 
En 1999, B.________ a atteint l'âge de soixante-cinq ans. Une rente pour l'enfant C.________ a été allouée conformément à l'art. 22ter de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS; RS 831.10). Cette rente, versée à l'enfant par l'intermédiaire de sa mère, était de 767 fr. par mois du 1er mars 1999 au 31 décembre 2000; depuis lors, elle se monte à 787 fr. par mois. 
Le SCARPA a été informé par la Caisse cantonale genevoise de compensation AVS-AI-APG-AC du versement de cette rente. Ce service a alors rendu deux décisions, les 2 septembre et 28 octobre 2002, destinées à A.________ et concernant la contribution due à l'enfant C.________. 
Dans la première de ces décisions, le SCARPA a d'abord exposé qu'il devait "réduire le montant de la pension" à 713 fr. par mois avec effet rétroactif pour la période du 1er janvier 2001 au 31 août 2002, et à 963 fr. par mois dès le 1er septembre 2002. Ces chiffres correspondaient aux montants des contributions mensuelles selon le jugement de divorce après déduction de la rente AVS versée directement à l'enfant (soit à sa mère) en vertu de l'art. 285 al. 2bis CC. La décision retient ensuite que "dans la mesure où le montant de la rente (...) versée directement par l'AVS était supérieur au montant de l'avance légale maximum", la bénéficiaire n'avait "pas droit au versement de cette avance". Le SCARPA a dès lors demandé la restitution d'une somme de 13'460 fr., correspondant à vingt avances mensuelles de 673 fr., versées pour la période du 1er janvier 2001 au 31 août 2002. 
Par la seconde décision, le SCARPA a demandé la restitution de 8'076 fr., correspondant au total des avances perçues à tort pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2000. Ce service a affirmé que, pour cette période également, il était "contraint de réduire le montant de la pension alimentaire (...) à 733 fr. par mois". 
C. 
A.________ a recouru auprès du Tribunal administratif cantonal contre les deux décisions du SCARPA. Le Tribunal administratif a joint les deux causes et rejeté les recours par un arrêt rendu le 17 juin 2003. Appliquant la loi cantonale sur l'avance et le recouvrement des pensions alimentaires (LARPA) ainsi que le règlement d'application de cette loi (RALARPA), il a considéré en substance que la contribution d'entretien due par le père devait être diminuée de la rente AVS pour enfant et que cette rente, versée à l'enfant, était supérieure au montant maximum de l'avance selon le droit cantonal, à savoir 673 fr. par mois (art. 9 LARPA et art. 4 al. 1 RALARPA); aussi les prétentions à des avances étaient-elles mal fondées. 
D. 
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif. Elle reproche à la Cour cantonale de s'être prononcée sur l'étendue de la contribution d'entretien due par le père de l'enfant C.________ et elle se plaint à ce propos d'arbitraire. Elle voit dans le refus d'allouer des avances de pensions alimentaires, et dans l'obligation de rembourser des avances déjà perçues, une violation du principe de la légalité ainsi qu'une application arbitraire du droit cantonal. Elle prétend enfin que l'arrêt attaqué est insuffisamment motivé. 
Pour l'Etat de Genève, le Département de l'instruction publique conclut à l'irrecevabilité du recours de droit public, subsidiairement à son rejet. 
Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
La recourante se plaint d'une violation de ses droits constitutionnels (cf. art. 84 al. 1 let. a OJ) d'une part à cause de l'incompétence du Tribunal administratif pour statuer sur le montant de la contribution d'entretien due par le père à l'enfant, et d'autre part en raison du refus du SCARPA de lui allouer des avances. 
1.1 Le Tribunal administratif a considéré qu'il lui appartenait de déterminer le montant de la contribution d'entretien due par son père à l'enfant C.________ depuis qu'une rente AVS est versée à cette dernière. Dans les motifs de son arrêt, il est parvenu à la conclusion qu'en vertu du texte clair de l'art. 285 al. 2bis CC (en vigueur depuis le 1er janvier 2000), comme la rente précitée, destinée à l'entretien de l'enfant, devait lui être versée directement, le montant de la contribution d'entretien versée jusqu'alors par le père était réduit d'office en conséquence. 
Le calcul de la contribution due par le père après qu'il a atteint soixante-cinq ans avait également été effectué dans les deux décisions du SCARPA des 2 septembre et 28 octobre 2002. Ce service avait pris en considération l'élément nouveau que constituait le versement de la rente AVS précitée, car il avait une influence sur le montant de la créance cédée par la recourante selon la convention du 21 août 1998. Ce point peut en effet être déterminant pour le recouvrement ou l'encaissement, par le SCARPA, des contributions d'entretien dues par le père de l'enfant, puisque ces démarches sont l'objet du mandat confié par la recourante à ce service (cf. notamment art. 2 LARPA). La contestation devant le Tribunal administratif ne portait toutefois pas sur cet aspect de l'intervention du SCARPA (représentation de la recourante ou subrogation selon l'art. 289 al. 2 CC): seule était en cause la prétention de la recourante à des avances de la part de la collectivité publique. 
D'après l'art. 293 al. 2 CC, il appartient au droit public (cantonal) de régler le versement d'avances pour l'entretien de l'enfant lorsque les père et mère ne satisfont pas à leur obligation d'entretien. Dans le canton de Genève, il est prévu que les pensions allouées aux enfants au titre de contribution aux frais d'entretien en cas de divorce donnent droit à des avances (art. 6 let. a LARPA). Le législateur cantonal a chargé le Conseil d'Etat de fixer par voie réglementaire le montant maximum des avances pour les enfants (art. 9 LARPA). Ainsi l'art. 4 al. 1 RALARPA dispose que "le montant des avances en faveur d'un enfant correspond à celui de la pension fixée par le jugement ou la convention, mais au maximum à 673 fr. par mois". L'autorité administrative ne peut donc pas accorder une avance de 673 fr. lorsque la contribution mensuelle fixée par le jugement de divorce est inférieure à ce montant; dans le cas contraire, elle dispose d'un certain pouvoir d'appréciation. Aussi appartient-il en principe à cette autorité d'examiner à titre préliminaire le montant de cette contribution d'entretien, en se référant au jugement civil. 
1.2 Pour statuer sur la question des avances dans le cas particulier, le Tribunal administratif aurait pu se borner à constater que les contributions d'entretien mensuelles prévues dans le jugement de divorce étaient de 1'500 fr. jusqu'en août 2002, puis de 1'750 fr. ensuite. Les considérations de l'arrêt attaqué relatives à la part de cette contribution due directement par le père, compte tenu du versement à l'enfant de la rente AVS, sont de simples obiter dicta. En d'autres termes, le Tribunal administratif n'a pas pris, dans le cadre de la présente contestation, de décision - préjudicielle ou non - à ce sujet. Ces obiter dicta concernant la réduction de la contribution d'entretien en vertu de l'art. 285 al. 2bis CC n'ont eu aucune influence sur le dispositif de l'arrêt attaqué, à savoir sur le sort des prétentions litigieuses à des avances selon le droit public cantonal (cf. également infra, consid. 2.2). En conséquence, l'argumentation de la recourante à propos de l'incompétence du Tribunal administratif pour statuer sur ce point est mal fondée. 
1.3 Il reste donc à examiner si, en appliquant les dispositions cantonales sur l'avance de pensions alimentaires, le Tribunal administratif a violé les droits constitutionnels invoqués par la recourante. 
2. 
La recourante estime arbitraire de tenir compte du montant reçu par l'enfant au titre d'une rente AVS pour déterminer le droit à une avance de contributions d'entretien, car le législateur cantonal aurait prévu un régime d'avances indépendant d'un revenu éventuel de l'enfant. Selon elle, l'avance serait due dès lors que le débiteur de la contribution est encore tenu de payer lui-même un certain montant; si ce montant résiduel est supérieur à 673 fr. par mois, l'avance maximale devrait être allouée. La recourante se plaint encore d'une violation du principe de la légalité ainsi que d'un déni de justice formel, l'arrêt attaqué étant à son avis insuffisamment motivé. Par ses griefs, la recourante critique de façon générale le refus des avances, sans mettre en cause l'obligation de remboursement des montants éventuellement indus. 
2.1 Le droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. comporte le droit des parties à une procédure d'obtenir une décision motivée (ATF 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 et les arrêts cités). L'autorité n'est cependant pas tenue de prendre position sur tous les arguments des parties; elle doit statuer sur les griefs soulevés mais, dans ce cadre, elle peut se limiter aux questions décisives. Il suffit en somme que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 17, 97 consid. 2b p. 102; 124 II 146 consid. 2a p. 149 et les arrêts cités). 
Invoquant cette garantie formelle, la recourante reproche à la Cour cantonale de n'avoir pas discuté son argumentation à propos des conditions différentes auxquelles seraient soumises, en droit cantonal, les avances en faveur des enfants et celles en faveur de l'ex-conjoint. Le Tribunal administratif n'a en effet pas évoqué cette question, n'accordant pas à ces arguments un caractère décisif. Il a en revanche, pour déclarer mal fondées les prétentions de la recourante, examiné la nature des prestations versées au titre de l'assurance-vieillesse et survivants; la motivation de la décision est manifestement suffisante au regard de l'art. 29 al. 2 Cst. Ce grief du recours de droit public doit en conséquence être rejeté. 
2.2 La recourante dénonce une décision arbitraire. Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral n'annulera la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable; il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 129 I 1 consid. 3 p. 3, 8 consid. 2.1 p. 9; 128 I 273 consid. 2.1 p. 275 et les arrêts cités). La recourante se plaint par ailleurs d'une violation du principe de la légalité, le refus des avances allant selon elle à l'encontre du texte clair de la loi: ce grief se confond avec celui d'arbitraire. 
Le Tribunal administratif a en l'occurrence retenu que le versement de la rente AVS à l'enfant correspondait à un paiement partiel des contributions d'entretien dues par le père; comme le montant de ce versement (767 fr., puis 787 fr. par mois) est supérieur au maximum prévu par le droit cantonal pour les avances en faveur d'un enfant (673 fr. par mois selon l'art. 4 al. 1 RALARPA - cf. supra, consid. 1.1), les prétentions de la recourante étaient mal fondées. Le Tribunal administratif a ainsi interprété des normes cantonales relatives à des prestations sociales que les cantons sont libres de prévoir puisque le droit fédéral - à savoir l'art. 293 al. 2 CC - ne les oblige pas à organiser un système d'avances de contributions d'entretien (ATF 112 Ia 251 consid. 3 p. 257; 106 II 283 consid. 3 p. 286). 
La recourante fait valoir que le législateur cantonal entendait permettre à l'enfant - ou pour lui au titulaire de l'autorité parentale ou du droit de garde - d'obtenir une avance indépendamment de ses revenus ou de sa situation de fortune; il en va différemment de l'avance en faveur du conjoint ou de l'ex-conjoint qui, d'après l'art. 5 RALARPA, n'est accordée que si le revenu annuel déterminant ou la fortune imposable ne dépassent pas certains seuils. Il est vrai que l'avance en faveur d'un enfant, régie par l'art. 4 RALARPA, n'est pas soumise à pareilles exigences. Il ne s'agit toutefois pas, dans le cas particulier, d'examiner si l'autorité appelée à statuer sur une demande d'avances en faveur d'un enfant peut la refuser en fonction du revenu ou de la fortune du bénéficiaire; telle n'est en effet pas la question litigieuse. Le Tribunal administratif n'a pas traité la rente AVS comme un revenu de l'enfant, mais il a considéré qu'elle "constituait une partie de la prestation d'entretien" à la charge du père. L'art. 22ter al. 1 LAVS prévoit en effet que c'est la personne à laquelle une rente de vieillesse a été allouée - le père en l'espèce - qui a droit à une rente pour chacun de ses enfants ayant droit à son décès à une rente d'orphelin. Quand bien même, après le divorce des parents, la rente complémentaire est versée directement à l'enfant et non pas au bénéficiaire de la rente de vieillesse, conformément à la règle de l'art. 285 al. 2bis CC (cf. aussi art. 22ter al. 2 in fine LAVS), elle peut sans arbitraire être assimilée à une contribution d'entretien versée par le père. Dans ces conditions, il n'est pas non plus arbitraire de tenir compte de ces versements dans l'application des art. 5 et 6 LARPA ainsi que de l'art. 4 RALARPA, pour refuser des avances parce qu'un montant supérieur au maximum de 673 fr. est déjà versé pour l'entretien de l'enfant. Ces prestations cantonales d'assistance, destinées à assurer un minimum vital et non pas à suppléer entièrement aux carences du débiteur de la pension alimentaire, peuvent être soumises à de pareilles exigences. Le grief d'arbitraire est en conséquence mal fondé. 
3. 
Il s'ensuit que le recours de droit public doit être rejeté. 
La recourante, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ). Les autorités cantonales n'ont pas droit à des dépens (art. 159 al. 2 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours de droit public est rejeté. 
2. 
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 
3. 
Il n'est pas alloué de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, au Département de l'instruction publique et au Tribunal administratif de la République et canton de Genève. 
Lausanne, le 3 novembre 2003 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: