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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4C.96/2006 /svc 
 
Arrêt du 4 juillet 2006 
Ire Cour civile 
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges Corboz, président, 
Klett, Rottenberg Liatowitsch, Favre et Mathys. 
Greffière: Mme Cornaz. 
 
Parties 
Caisse de pensions X.________, 
demanderesse et recourante, représentée par 
Me Sven Engel, avocat, 
 
contre 
 
les époux Y.________, 
défendeurs et intimés, représentés par 
Me Skander Agrebi, avocat. 
 
Objet 
contrat de bail à loyer; résiliation de bail; expulsion, 
recours en réforme contre l'arrêt de la Cour de 
cassation civile du Tribunal cantonal neuchâtelois 
du 1er février 2006. 
 
Faits: 
A. 
Statuant sur requête de la Caisse de pensions X.________ (ci-après: la Caisse) du 2 août 2005 par ordonnance du 27 octobre 2005, le Président du Tribunal civil du district du Locle a prononcé l'expulsion des époux Y.________ de l'appartement que la Caisse leur avait remis à bail, leur fixant un délai au 30 novembre 2005 pour quitter les lieux. Il a considéré que le 10 mai 2005, celle-ci leur avait adressé deux courriers séparés les mettant en demeure de payer les arriérés de loyers jusqu'au 20 juin 2005 et les menaçant de résilier le contrat au 31 juillet 2005 si la somme de 3'244 fr. 50 n'était pas payée. Le contrat avait été résilié (sic) le 20 juin 2005 pour le 31 juillet 2005 faute de paiement. Les conditions d'application de l'art. 257d CO étaient donc réalisées, de sorte que l'expulsion devait être prononcée. 
B. 
Agissant sur recours des époux Y.________ par arrêt du 1er février 2006, la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a cassé l'ordonnance du 27 octobre 2005 et rejeté la requête d'expulsion. Elle a considéré que la mise en demeure du 10 mai 2005 fixait un délai au 20 juin 2005 pour verser les loyers d'avril, mai et juin 2005. La résiliation était intervenue (sic) le 20 juin 2005, soit le dernier jour du délai fixé pour le paiement du loyer. Le congé avait donc été notifié avant l'expiration du délai comminatoire, ce qui impliquait qu'il était nul. L'expulsion n'aurait ainsi pas dû être prononcée. 
C. 
Parallèllement à un recours de droit public qui a été déclaré irrecevable par arrêt séparé de ce jour, la Caisse (la demanderesse) interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut principalement à l'annulation de l'arrêt du 1er février 2006 et, partant, au constat de la validité de la résiliation de bail du 20 juin 2005, subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants, avec suite de frais et dépens. 
 
Les époux Y.________ (les défendeurs) proposent principalement l'irrecevabilité, subsidiairement le rejet du recours, sous suite de frais et dépens. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 132 III 291 consid. 1; 131 III 667 consid. 1 p. 668; 131 V 202 consid. 1). 
1.1 L'arrêt attaqué, prononcé sur recours par la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal neuchâtelois contre une ordonnance d'expulsion pour défaut de paiement du loyer, est une décision finale rendue en dernière instance par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ; arrêt 4C.139/1999 du 14 septembre 1999, consid. 1b/aa non publié aux ATF 125 III 425; cf. également Ducrot, La procédure d'expulsion du locataire ou du fermier non agricole: quelques législations cantonales au regard du droit fédéral, thèse Genève, Genève 2005, p. 124 et 343). 
1.2 Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt 4C.155/2000 du 30 août 2000, publié in SJ 2001 I p. 17, consid. 1a), de sorte qu'elles ne peuvent être soumises au Tribunal fédéral, par la voie du recours en réforme, que si elles atteignent la valeur litigieuse prescrite par l'art. 46 OJ (arrêt 4C.310/1996 du 16 avril 1997, publié in SJ 1997 p. 493, consid. 1 p. 493; 4C.475/1993 du 28 mars 1995, publié in Zeitschrift für schweizerisches Mietrecht 1995 p. 161, consid. 2a). 
 
En cas de litige portant sur la résiliation d'un bail, la valeur litigieuse se détermine selon le loyer dû pour la période durant laquelle le contrat subsiste nécessairement, en supposant que l'on admette la contestation, et qui s'étend jusqu'au moment pour lequel un nouveau congé aurait pu être donné ou l'a été effectivement (arrêt 4C.155/2000 du 30 août 2000, publié in SJ 2001 I p. 17, consid. 1a; 4C.310/1996 du 16 avril 1997, publié in SJ 1997 p. 493, consid. 2a; 119 II 147 consid. 1 p. 149; 111 II 385 consid. 1 p. 386). Pour déterminer la prochaine échéance possible, il faut donc supposer que l'on admette la contestation, c'est-à-dire que le congé litigieux ne soit pas valable. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO (cf. arrêt 4C.155/2000 du 30 août 2000, publié in SJ 2001 I p. 17, consid. 1a; 4C.310/1996 du 16 avril 1997, publié in SJ 1997 p. 493, consid. 2a). Le délai de protection court à compter de la fin de la procédure judiciaire, c'est-à-dire en l'espèce à compter de l'arrêt du Tribunal fédéral (art. 38 OJ). Compte tenu du montant du loyer en cause, il n'est pas douteux que la valeur litigieuse de 8'000 fr. est atteinte. 
 
Il sied de préciser qu'en soutenant que la protection de trois ans ne serait pas applicable en cas de demeure du locataire, si bien qu'il ne serait pas possible de s'appuyer sur l'argumentation qui précède pour admettre que les conditions de l'art. 46 OJ sont réunies, les défendeurs font une erreur de raisonnement provenant d'une mauvaise compréhension des art. 271a al. 1 let. e et 271a al. 3 let. b CO. En effet, le législateur a voulu protéger le locataire qui obtient gain de cause dans une mesure non négligeable lors d'un litige relatif au bail contre un congé donné à titre de vengeance. Ainsi, le congé donné après ce litige est annulable s'il intervient dans les trois ans à compter de la fin de la procédure (art. 271a al. 1 let. e CO). Il a prévu, à titre d'exception, que cette règle ne s'applique pas si le nouveau congé, donné dans les trois ans après le litige, est fondé sur le non-paiement du loyer (art. 271a al. 3 let. b CO). Le législateur n'a pas voulu que le bailleur doive supporter pendant trois ans un locataire qui ne paie plus son loyer (cf. notamment ATF 119 II 155 consid. 4b). L'art. 271a al. 3 let. b CO n'est pas applicable en l'espèce, dans la mesure où il ne s'agit pas d'un congé donné dans les trois ans à compter d'un premier litige dans lequel le bailleur a succombé de manière sensible. Les défendeurs ont confondu le premier litige, qui fait partir le délai de trois ans, et le congé ultérieur, donné pendant les trois ans. Si les locataires obtenaient gain de cause, ce qu'il faut supposer pour calculer la valeur litigieuse, ils n'y auraient pas de raison qu'ils ne bénéficient pas ensuite du délai de protection de trois ans. Ce ne serait que dans l'hypothèse où les défendeurs ne paieraient plus leur loyer pendant ces trois ans qu'il serait possible de leur donner un nouveau congé fondé sur l'art. 257d CO, sans qu'ils puissent s'y opposer en invoquant le délai de protection de l'art. 271a al. 3 let. b CO
1.3 Par ailleurs interjeté par la demanderesse, qui a requis sans succès l'expulsion des défendeurs des locaux litigieux, en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ), le recours en réforme est en principe recevable. 
1.4 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ). Dans la mesure où une partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2 p. 106, 136 consid. 1.4). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est pas ouvert pour remettre en cause l'appréciation des preuves et les constatations de fait qui en découlent (ATF 130 III 136 consid. 1.4; 129 III 618 consid. 3). 
1.5 Au surplus, la juridiction de réforme ne peut aller au-delà des conclusions des parties; en revanche, elle n'est liée ni par les motifs développés par celles-ci (art. 63 al. 1 OJ; ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128 III 411 consid. 3.2.2 p. 415), ni par l'argumentation juridique adoptée par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128 III 22 consid. 2e/cc p. 29). 
2. 
La demanderesse reproche à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 257d CO en considérant qu'elle avait "résilié" le contrat de bail des défendeurs le dernier jour du délai qu'elle leur avait fixé pour s'acquitter des loyers en retard. 
2.1 Selon l'art. 257d al. 1 CO, lorsque, après la réception de la chose, le locataire a du retard pour s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de règlement dans ce délai, il résiliera le bail. Le délai doit être d'au moins trente jours pour les baux d'habitations ou de locaux commerciaux. L'art. 257d al. 2 CO spécifie que, faute de paiement dans le délai fixé, les baux d'habitations et de locaux commerciaux peuvent être résiliés moyennant un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois. 
2.2 Il n'est guère contesté que le congé donné avant l'expiration du délai comminatoire est inefficace (cf. ATF 121 III 156 consid. 1c/aa p. 161; plus récemment arrêt 4C.124/2005 du 26 juillet 2005, consid. 3.2 et les références citées), la question qui se pose en l'espèce étant celle de savoir si, comme la cour cantonale l'a jugé, la résiliation postée précisément le dernier jour dudit délai et reçue au plus tôt le lendemain doit être considérée comme prématurée. 
-:- 
Une partie de la jurisprudence cantonale et de la doctrine y répond par l'affirmative, considérant que la résiliation est invalide même si elle n'atteint le locataire qu'après l'expiration du délai comminatoire (cf. arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève du 13 mars 2000, traduit in Mietrechtspraxis [mp] 2000 p. 134, consid. 4b p. 136; décision de l'autorité de conciliation en matière de baux et loyers du canton de Zurich du 19 novembre 1999, reproduite in MietRecht Aktuell [MRA] 2000 p. 238, consid. 2 p. 239; SVIT-Kommentar Mietrecht, 2e éd., Zurich 1998, n. 32 ad art. 257d CO). 
 
Certains auteurs sont au contraire d'avis que la résiliation est valable lorsqu'elle n'est reçue qu'après l'expiration du délai comminatoire (cf. Bisang, Commentaire de la décision de l'autorité de conciliation en matière de baux et loyers du canton de Zurich du 19 novembre 1999, reproduite in MietRecht Aktuell [MRA] 2000 p. 238, spéc. n. 3 p. 240; Rajower, Prozessuale Aspekte der Ausweisung von Mietern unter besonderer Berücksichtigung der zürcherischen Praxis, in PJA 1998 p. 797, spéc. p. 811). 
 
Cette dernière opinion apparaît plus convaincante, dans la mesure où la résiliation est un acte soumis à réception, qui déploie ses effets lorsqu'elle parvient dans la sphère d'influence de son destinataire (sur cette question, cf. Bohnet, Les termes et délais en droit du bail à loyer, in 13e Séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel 2004, p. 4 ss; Lachat/ Stoll/Brunner, Das Mietrecht für die Praxis, 6e éd., Zurich 2005, n. 7.1 ss p. 453 ss). Peu importe, toutefois, compte tenu de ce qui suit. 
2.3 Le Tribunal fédéral a eu à connaître d'une affaire où, par lettre du 26 août 1991, le bailleur avait mis le locataire en demeure de s'exécuter et l'avait avisé que, faute de paiement au 30 septembre 1991, le bail serait résilié. Le 30 septembre 1991, le bailleur avait notifié au locataire, sur formule officielle reçue le même jour par ce dernier - et non, comme dans la présente espèce, le lendemain -, la résiliation du bail pour le 31 octobre 1991. La Cour de céans a considéré que le congé litigieux avait été donné certes quelques heures avant l'expiration du délai de paiement que le bailleur avait imparti à son locataire, mais plus de trente jours après la réception par ce dernier de l'avis comminatoire. Dans une telle situation, les effets du congé étaient simplement reportés, de manière à assurer le respect du délai et du terme de congé prévus par l'art. 257d al. 2 CO pour les baux d'habitation et commerciaux. En tout état de cause, l'efficacité du congé anticipé était soumise à la condition suspensive du défaut de paiement dans le délai fixé (arrêt 4C.251/1992 du 17 décembre 1992, reproduit in Revue valaisanne de jurisprudence [RVJ] 1993 p. 180, consid. 3a; en ce sens, cf. également Higi, Commentaire zurichois, n. 47 ad art. 257d CO, pour lequel la résiliation adressée deux ou trois jours avant l'échéance du délai comminatoire déploie des effets, pour autant qu'à l'échéance de celui-ci, le locataire n'ait toujours pas payé le loyer). 
 
Le cas d'espèce présente des caractéristiques similaires, puisque les défendeurs ont bénéficié d'un délai de plus de trente jours pour s'acquitter des loyers échus. La mise en demeure leur a en effet été envoyée le 10 mai 2005 et a donc été reçue le 17 mai 2005 au plus tard, l'expiration du délai comminatoire étant fixée au 20 juin 2005. Par ailleurs, il ne ressort pas de l'état de fait déterminant que les défendeurs se seraient acquittés des arriérés de loyer le dernier jour du délai comminatoire - ceux-ci ne le prétendent d'ailleurs pas. 
2.4 Dans le même ordre d'idées et à titre superfétatoire, on relèvera encore que l'invocation de la nullité ou de l'inefficacité d'un congé peut constituer un abus de droit (ATF 121 III 156 consid. 1c/bb p. 161 s.; plus récemment arrêt 4C.124/2005 du 26 juillet 2005, consid. 3.2 et les références citées). Tel est le cas, dans l'hypothèse d'une résiliation anticipée pour non-paiement du loyer, lorsque le locataire n'entend manifestement pas régler les loyers arriérés pendant le délai comminatoire imparti (cf. arrêt 4C.124/2005 du 26 juillet 2005, consid. 3.3). En effet, la fixation d'un délai de paiement, assortie de la menace de la résiliation du bail, telle qu'elle est prévue à l'art. 257d al. 1 CO, vise principalement à fournir au locataire une dernière occasion d'échapper aux conséquences pénibles du congé en lui accordant un minimum de temps pour se procurer les moyens nécessaires au paiement de l'arriéré de loyer (arrêt 4C.124/2005 du 26 juillet 2005, consid. 3.3 et les références citées). 
2.5 En définitive, la résiliation litigieuse ne saurait être considérée comme nulle - selon les termes de la cour cantonale -, respectivement inefficace. Par conséquent, le recours en réforme doit être admis. l'arrêt attaqué annulé et l'ordonnance du 27 octobre 2005 confirmée en ce qu'elle ordonne l'expulsion des défendeurs de l'appartement litigieux, un nouveau délai au 31 juillet 2006 étant fixé à ceux-ci pour quitter les lieux. 
 
3. 
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge des défendeurs, solidairement entre eux (art. 156 al. 1 et 7 ainsi que 159 al. 1 et 5 OJ). 
 
La cause sera par ailleurs renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure accomplie devant elle (art. 157 et 159 al. 6 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et l'ordonnance du 27 octobre 2005 est confirmée en ce qu'elle ordonne l'expulsion des défendeurs de l'appartement litigieux, un nouveau délai au 31 juillet 2006 étant fixé à ceux-ci pour quitter les lieux. 
2. 
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge des défendeurs, solidairement entre eux. 
3. 
Les défendeurs, débiteurs solidaires, verseront à la demanderesse une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens. 
4. 
La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale. 
5. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal neuchâtelois. 
Lausanne, le 4 juillet 2006 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: