Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_616/2024
Arrêt du 4 septembre 2025
IIe Cour de droit public
Composition
Mmes et MM. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente,
Donzallaz, Hänni, Ryter et Kradolfer.
Greffier : M. Rastorfer.
Participants à la procédure
1. Genève Commerces,
rue de Saint-Jean 98, 1201 Genève,
2. Nouvelle Organisation Des Entrepreneurs (NODE), rue de Malatrex 14, 1201 Genève,
tous les deux représentés par Me Olivier Subilia, avocat,
recourantes,
contre
1. Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs (SIT), rue des Chaudronniers 16, 1204 Genève,
2. Syndicat UNIA,
Weltpoststrasse 20, 3015 Berne,
tous les deux représentés par Me Christian Bruchez, avocat,
intimés,
Office cantonal de l'inspection et des relations du
travail du canton de Genève,
rue David-Dufour 5, case postale 64, 1211 Genève 8,
participant à la procédure.
Objet
Ouverture des commerces le dimanche 22 décembre 2024,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 28 novembre 2024 (ATA/1394/2024).
Faits :
A.
Par décision du 20 septembre 2024, la Direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir du canton de Genève (ci-après: la Direction cantonale), statuant sur requête, notamment, des associations "Nouvelle Organisation Des Entrepreneurs" et "Genève Commerces" (ci-après: les Associations d'employeurs), a autorisé les commerces assujettis à la loi genevoise sur les heures d'ouverture des magasins à rester ouverts le dimanche 22 décembre 2024 jusqu'à 17h00. Elle a imposé aux commerces le respect de diverses prescriptions légales ou conventionnelles pour le personnel occupé ce jour-là, tout en réservant l'application des dispositions de la loi fédérale sur le travail, en particulier celles régissant l'emploi des travailleurs le dimanche, qui relevait de la compétence de l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail du canton de Genève (ci-après: l'Office cantonal). Cette décision a été publiée le 20 septembre 2024 dans la Feuille d'avis officielle du canton de Genève et n'a fait l'objet d'aucun recours. Elle est donc entrée en force.
B.
B.a. Le Syndicat interprofessionnel de travailleuses et de travailleurs et le Syndicat UNIA (ci-après: les Syndicats) ont invité l'Office cantonal à rendre une décision constatant que l'emploi de personnel le dimanche 22 décembre 2024 dans les commerces assujettis à la loi genevoise sur les heures d'ouverture des magasins nécessitait l'octroi préalable d'une autorisation selon l'art. 19 al. 3 de la loi fédérale sur le travail.
B.b. Par décision du 4 octobre 2024 déclarée exécutoire nonobstant recours, l'Office cantonal a constaté que du personnel pouvait être employé le dimanche 22 décembre 2024 sans autorisation, en application de l'art. 19 al. 6 de la loi fédérale sur le travail.
B.c. Le 17 octobre 2024, les Syndicats ont interjeté recours contre cette décision auprès de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice).
B.d. Par arrêt du 28 novembre 2024, la Cour de justice a admis le recours des Syndicats, a annulé la décision de l'Office cantonal du 4 octobre 2024 et l'a réformée en ce sens qu'il était constaté que l'emploi de personnel le dimanche 22 décembre 2024 supposait l'octroi d'une autorisation selon l'art. 19 al. 3 de la loi fédérale sur le travail.
C.
Les Associations d'employeurs forment un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral contre l'arrêt de la Cour de justice du 28 novembre 2024. Elles concluent, sous suite de frais et dépens, à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que le recours interjeté le 17 octobre 2024 par les Syndicats contre la décision de l'Office cantonal du 4 octobre 2024 est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Subsidiairement, elles concluent à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elles sollicitent enfin l'octroi de l'effet suspensif à leur recours.
Par ordonnance du 16 décembre 2024, la Présidente de la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral a admis la demande d'effet suspensif.
La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Les Syndicats déposent une réponse et concluent, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours. L'Office cantonal formule des observations et conclut à l'admission du recours. Invité à se déterminer en tant qu'autorité fédérale ayant qualité pour recourir, le Secrétariat d'État à l'économie (SECO) renonce à prendre position. Les Syndicats déposent des observations spontanées, sur lesquelles les recourantes se déterminent.
Considérant en droit :
1. Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont adressés (ATF 149 II 66 consid. 1.3).
1.1. L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF) rendue par une autorité judiciaire cantonale supérieure de dernière instance (cf. art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) ne tombant pas sous le coup des exceptions prévues à l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) est donc en principe ouverte.
1.2. Aux termes de l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision attaquée (let. b) et a un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de celle-ci (let. c).
1.2.1. L'intérêt digne de protection ne doit pas nécessairement être de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant (ATF 149 I 81 consid. 4.2; 148 I 160 consid. 1.4). S'agissant en particulier des associations, la jurisprudence prévoit qu'une association jouissant de la personnalité juridique est autorisée à former un recours en matière de droit public soit lorsqu'elle est touchée dans ses intérêts dignes de protection, soit lorsqu'elle sauvegarde les intérêts de ses membres. Dans le second cas, il faut encore que la défense de l'intérêt de ses adhérents figure parmi ses buts statutaires et que la majorité de ceux-ci, ou du moins une grande partie d'entre eux, soit personnellement touchée par la décision attaquée (cf. ATF 148 I 160 consid. 1.4.2).
En l'occurrence, les recourantes 1 et 2 sont des associations de droit suisse au sens des art. 60 et ss CC (RS 210). Elles sont ainsi dotées de la personnalité juridique et la défense de leurs membres, à savoir les entreprises actives à Genève dans le secteur du commerce de détail et ainsi assujetties à la loi genevoise sur les heures d'ouverture des magasins, dont chacune est concernée par la décision litigieuse, figure dans leurs statuts. Pour le reste, les recourantes étaient parties à la procédure devant la Cour de justice (art. 89 al. 1 let. a LTF). Il y a donc lieu de leur reconnaître la qualité pour recourir sous cet angle.
1.2.2. L'intérêt digne de protection doit en outre être actuel et pratique, c'est-à-dire qu'il doit exister non seulement au moment du dépôt du recours, mais encore au moment où l'arrêt est rendu. Le Tribunal fédéral fait exceptionnellement abstraction de l'exigence d'un intérêt actuel lorsque la contestation peut se reproduire en tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa nature ne permet pas de la trancher avant qu'elle ne perde son actualité et qu'en raison de sa portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse (ATF 147 I 478 consid. 2.2; 146 II 335 consid. 1.3).
En l'espèce, les recourantes 1 et 2 n'ont certes plus d'intérêt actuel au recours, dès lors que l'objet de la contestation porte sur les conditions d'occupation du personnel des commerces genevois le dimanche 22 décembre 2024, date déjà dépassée. Il y a toutefois lieu de renoncer à cette exigence, dès lors que le recours soulève une question de principe. Cette question peut en outre se poser à nouveau dans des circonstances semblables sans que la Cour de céans ne soit en mesure de se prononcer en temps utile. Il convient donc d'entrer en matière sur le recours.
1.3. Pour le reste, le recours a été interjeté dans les formes requises (art. 42 LTF) et en temps utile compte tenu des féries (art. 46 al. 1 let. c et 100 al. 1 LTF). Il est par conséquent recevable.
2.
2.1. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Sauf exceptions non pertinentes en l'espèce (cf. art. 95 let. c, d et e LTF), la violation du droit cantonal en tant que telle ne peut pas être invoquée devant le Tribunal fédéral (cf. art. 95 LTF a contrario). Il est néanmoins possible de faire valoir que son application consacre une violation du droit fédéral, notamment qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à un autre droit fondamental (ATF 150 II 346 consid. 1.5; 147 IV 433 consid. 2.1). Le Tribunal fédéral n'examine ces griefs que s'ils sont formulés de manière conforme aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 149 I 105 consid. 2.1; 147 IV 433 consid. 2.1).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes, notion correspondant à celle d'arbitraire, ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui estime que l'on se trouve dans l'un des cas d'exception de l'art. 105 al. 2 LTF doit expliquer de manière circonstanciée (cf. art. 106 al. 2 LTF) en quoi ces conditions seraient réalisées (cf. ATF 148 V 366 consid. 3.3; 145 V 188 consid. 2). Encore faut-il que la rectification ou le complément demandé concerne un fait déterminant au sens de l'art. 105 LTF, soit un fait susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; arrêt 2C_183/2020 du 21 avril 2020 consid. 3.3). Par ailleurs, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut en principe être présenté devant le Tribunal fédéral (art. 99 LTF).
En l'occurrence, les recourantes souhaitent que l'état de fait de l'arrêt attaqué soit complété en faisant mention des arguments présentés par les intimés, d'une part, dans leur prise de position avant le prononcé de la décision de la Direction cantonale du 20 septembre 2024 et, d'autre part, dans leur demande de décision constatatoire adressée à l'Office cantonal. Elles requièrent par ailleurs que l'arrêt attaqué soit complété en ce sens qu'il précise que, dans sa décision du 4 octobre 2024, l'Office cantonal avait constaté que l'ouverture des commerces le dimanche 22 décembre 2024 avait été autorisée par la Direction cantonale. Les intéressées n'exposent toutefois pas, en violation des exigences de motivation qualifiées prévues à l'art. 106 al. 2 LTF, en quoi les compléments requis seraient susceptibles d'influer sur le sort de la cause et on ne le voit pas non plus. Leur demande est partant irrecevable.
Il en va de même dans la mesure où les intimés demandent, dans leur réponse au recours, à ce que l'état de fait soit complété en ce sens qu'ils avaient adressé leur demande de décision constatatoire non seulement à l'Office cantonal mais aussi à la Direction cantonale, qui avait ensuite transmis leur demande audit Office comme objet de sa compétence. Quant au courriel du 13 mars 2025 de l'Office cantonal concernant un projet de modification de la loi genevoise sur les heures d'ouverture des magasins dont se prévalent les intimés, celui-ci est postérieur à l'arrêt attaqué et, partant, irrecevable selon l'art. 99 LTF.
La Cour de céans se fondera ainsi exclusivement sur les faits tels qu'ils ressortent de l'arrêt attaqué.
3.
Dans l'arrêt attaqué, la Cour de justice a en substance considéré que la décision du 4 octobre 2024 de l'Office cantonal, par laquelle celui-ci avait constaté que du personnel pouvait être employé le dimanche 22 décembre 2024 sans autorisation jusqu'à 17h en application de l'art. 19 al. 6 de la loi fédérale du 13 mars 1964 sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce (LTr; RS 822.11), aurait dû se fonder sur l'art. 18A de la loi genevoise du 15 novembre 1968 sur les heures d'ouverture des magasins (LHOM/GE; RSGE I 1 05). Cette disposition était en effet la seule norme - avec l'art. 18 LHOM/GE, non applicable en l'espèce - qui concrétisait au niveau cantonal le régime de l'art. 19 al. 6 LTr accordant aux cantons la faculté de fixer quatre dimanches par an pendant lesquels l'occupation de travailleurs était permise sans qu'une autorisation soit nécessaire. Or cette possibilité était, selon l'art. 18A LHOM/GE, subordonnée à l'existence d'une convention collective de travail (ci-après: CCT) étendue dans la branche du commerce de détail du canton de Genève. Dans la mesure où une telle convention n'existait pas, il était donc exclu d'employer du personnel le dimanche 22 décembre 2024 sans autorisation au sens de l'art. 19 al. 6 LTr. Une autorisation selon l'art. 19 al. 3 LTr était partant nécessaire.
Pour le reste, la cour cantonale a laissé ouverte la question de savoir si l'art. 18A LHOM/GE, en subordonnant l'application de l'art. 19 al. 6 LTr à l'existence d'une CCT étendue, était conforme au droit fédéral. En effet, même s'il fallait retenir qu'une telle condition violait le principe de la primauté du droit fédéral, les précédents juges ont considéré que l'art. 18A LHOM/GE ne saurait s'appliquer en faisant abstraction de cette exigence. Selon eux, la volonté du législateur cantonal avait été de mettre en oeuvre l'art. 19 al. 6 LTr uniquement s'il existait une CCT étendue dans la branche du commerce de détail.
4.
Avant d'examiner les griefs des recourantes, il convient d'exposer le cadre légal applicable à la cause.
4.1. Sur le plan fédéral, l'art. 18 al. 1 LTr dispose que, du samedi à 23h au dimanche à 23h, il est interdit d'occuper des travailleurs. Les dérogations prévues à l'art. 19 LTr sont réservées.
L'art. 19 LTr prévoit que les dérogations à l'interdiction de travailler le dimanche sont soumises à autorisation (al. 1). Ces dérogations peuvent être régulières ou périodiques en application de l'art. 19 al. 2 LTr ou alors temporaires au sens de l'art. 19 al. 3 LTr. Selon cette dernière disposition, le travail dominical temporaire est autorisé en cas de besoin urgent dûment établi, l'employeur devant alors accorder une majoration de salaire de 50 % au travailleur. Les autorités cantonales sont compétentes pour octroyer une autorisation au travail dominical temporaire (al. 4). Le travailleur ne peut par ailleurs être affecté au travail dominical sans son consentement (al. 5).
Le 21 décembre 2007, le législateur a introduit un assouplissement supplémentaire en matière d'interdiction de travailler le dimanche et les jours fériés en adoptant un nouvel art. 19 al. 6 LTr, qui est entré en vigueur le 1er juillet 2008. Selon cette disposition, les cantons peuvent fixer au plus quatre dimanches par an pendant lesquels le personnel peut être employé dans les commerces sans qu'une autorisation soit nécessaire.
L'art. 19 LTr consacre ainsi, s'agissant du travail dominical temporaire, deux régimes dérogatoires à l'interdiction d'occuper des travailleurs le dimanche. Celui, ordinaire, de l'art. 19 al. 3 LTr, soumis à l'autorisation de l'autorité cantonale, supposant l'existence d'un besoin urgent établi et celui, spécial, de l'art. 19 al. 6 LTr, donnant la possibilité d'occuper du personnel quatre dimanches par an sans autorisation (cf. Rapport du 24 avril 2007 de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national sur l'initiative parlementaire "Ouverture sans restriction des magasins un nombre limité de dimanches"; FF 2007 4051 p. 4055). En permettant aux cantons d'occuper du personnel jusqu'à quatre dimanches par an sans avoir à établir l'existence d'un besoin urgent - exigence qui dépend des circonstances du cas concret - l'art. 19 al. 6 LTr vise à instaurer une pratique uniforme en matière d'admissibilité du travail dominical. Une grande disparité avait en effet été constatée entre les cantons quant à leurs pratiques en la matière (cf. FF 2007 4051 p. 4053). Cette disposition vise ainsi à aboutir à la mise en place d'une réglementation claire et uniforme, et partant à une plus grande sécurité juridique, en ce qui concerne l'autorisation du travail les dimanches dans les commerces (cf. FF 2007 4051 pp. 4052-4054; cf. aussi l'Avis du Conseil fédéral du 30 mai 2007 se prononçant en faveur d'une telle réglementation sur tout le territoire suisse, FF 2007 4059 p. 4061). Lors des débats parlementaires, une proposition d'amendement visant à s'assurer que la mise en oeuvre de l'art. 19 al. 6 LTr par les cantons s'effectuerait par la voie législative a été refusée par les deux Chambres (cf. BO CN 2007 p. 1420 s.; BO CE 2007 p. 1008), au motif que la manière dont les cantons entendaient mettre en oeuvre la possibilité qui leur était offerte par le droit fédéral leur appartenait (cf. BO CE 2007 p. 1007).
4.2. S'agissant du droit cantonal, il faut préciser que si l'admissibilité du travail dominical dépend des dispositions de la LTr, les prescriptions de police sur le repos dominical et les heures d'ouverture des magasins, qui visent avant tout à garantir la tranquillité publique, sont expressément réservées par la LTr et relèvent de la compétence des cantons (cf. art. 71 let. c LTr; FF 2007 4051 p. 4055; cf. aussi infra consid. 6.2). Les cantons restent donc habilités à prévoir la fermeture des commerces le dimanche, même si l'art. 19 LTr autorise le travail dominical dans certains cas, pour autant que cette fermeture vise à protéger la tranquillité publique.
4.2.1. À Genève, la LHOM/GE, qui régit les heures d'ouverture des magasins sis sur le territoire de ce canton, a été révisée le 1er janvier 2017 par l'adoption des art. 18 et 18A LHOM/GE. Cette révision avait pour but de permettre au canton de Genève de faire usage des possibilités offertes par le droit fédéral à l'art. 19 al. 6 LTr en fixant quatre dimanches par an - soit la totalité des jours autorisés par le droit fédéral - pendant lesquels tous les commerces pourraient employer du personnel sans qu'il ne soit nécessaire de requérir une dérogation auprès des autorités d'exécution de la LTr (cf. Grand Conseil, Projet de loi du 27 janvier 2016 modifiant la LHOM/GE - PL 11811, ch. 1.1, 3.4 et 5).
Selon l'art. 18 LHOM/GE, le 31 décembre - jour férié cantonal assimilé à un dimanche - les commerces sont autorisés à ouvrir au public jusqu'à 17h et à employer du personnel sans autorisation en lui accordant les compensations prévues par les usages de leur secteur d'activité en application de l'art. 19 al. 6 LTr.
L'art. 18A LHOM/GE dispose qu'en application de l'art. 19 al. 6 LTr, le personnel peut être employé sans autorisation et les commerces peuvent ouvrir au public 3 dimanches par an jusqu'à 17h lorsqu'il existe une convention collective de travail étendue au sens des articles 1, 1aet 2 de la loi fédérale permettant d'étendre le champ d'application de la convention collective de travail, du 28 septembre 1956, dans la branche du commerce de détail du canton de Genève (al. 1). Après consultation des partenaires sociaux, la Direction cantonale fixe les dimanches concernés de l'année. Ceux-ci sont annoncés dans les meilleurs délais (al. 2).
Alors que le projet initial de révision de la LHOM/GE ne prévoyait pas que la possibilité d'employer du personnel sans autorisation et d'ouvrir les commerces trois dimanches par an soit subordonnée à une CCT étendue dans la branche du commerce de détail, cette condition a été rajoutée lors des débats parlementaires (cf. Grand Conseil, Rapport du 29 février 2016 de la Commission de l'économie sur la modification de la LHOM/GE - PL 11811-A).
4.2.2. En l'espèce, la Direction cantonale, par décision du 20 septembre 2024, a indiqué que les commerces genevois assujettis à la LHOM/GE étaient autorisés à rester ouverts le dimanche 22 décembre 2024 jusqu'à 17h. Cette décision est entrée en force. L'ouverture dominicale des magasins ce jour-là sur la base des prescriptions de police cantonales relatives aux heures d'ouverture des magasins avait ainsi été autorisée. Ce point n'a pas à être revu.
5.
En premier lieu, les recourantes font grief à la Cour de justice d'être entrée en matière sur le recours interjeté par les intimés contre la décision du 4 octobre 2024 de l'Office cantonal. Selon elles, c'est contre la décision du 20 septembre 2024 de la Direction cantonale autorisant les commerces soumis à la LHOM/GE à rester ouverts le dimanche 22 décembre 2024 que les intimés auraient dû recourir. Dans la mesure où ils ne l'avaient pas fait et que cette décision était depuis lors entrée en force, tout litige entourant l'ouverture dominicale des commerces, et partant aussi en ce qui concernait les conditions à l'emploi du personnel ce jour-là, avait été définitivement tranché, de sorte que le recours des intimés aurait dû être déclaré sans objet.
5.1. En procédure juridictionnelle administrative ne peuvent en principe être examinés et jugés que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est déjà prononcée d'une façon qui la lie sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice par la voie d'un recours (cf. ATF 144 II 359 consid. 4.3; 134 V 418 consid. 5.2.1). L'objet du litige dans la procédure de recours est le rapport juridique qui, dans le cadre de l'objet de la contestation déterminé par la décision, constitue d'après les conclusions du recours l'objet de la décision effectivement attaqué (cf. arrêt 2C_259/2022 du 7 décembre 2022 consid. 1.2 non publié in ATF 148 II 556; ATF 144 II 359 consid. 3.4).
5.2. En l'occurrence, la Direction cantonale a, dans sa décision du 20 septembre 2024, certes autorisé les commerces assujettis à la LHOM/GE à ouvrir le dimanche 22 décembre 2024 en application du droit cantonal (cf. supra consid. 4.2.2). En revanche, cette décision n'a pas réglé la question de savoir si les travailleurs pouvaient être employés sans autorisation ce jour-là, car elle a à juste titre expressément réservé l'application des dispositions de la LTr sur ce point (cf. supra consid. 4.2).
Dans ces circonstances, on ne saurait reprocher à la Cour de justice d'avoir considéré que ce n'est que dans la décision du 4 octobre 2024 que l'Office cantonal a tranché la question sous l'angle de la LTr pour la première fois, en constatant que du personnel pouvait être employé le dimanche 22 décembre 2024 sans autorisation en application de l'art. 19 al. 6 LTr. Le recours interjeté par les intimés devant la Cour de justice contre ladite décision n'était donc pas sans objet. Il n'était dès lors pas critiquable, pour l'autorité précédente, d'être entrée en matière sur celui-ci.
6.
Les recourantes font ensuite valoir que l'art. 18A LHOM/GE, en ce qu'il subordonne son application à l'existence d'une CCT étendue dans le secteur du commerce de détail, est contraire au principe de la primauté du droit fédéral garanti à l'art. 49 al. 1 Cst. Elles invoquent en outre une application arbitraire du droit cantonal par la Cour de justice.
6.1. Conformément à l'art. 49 al. 1 Cst., le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui est contraire. Ce principe constitutionnel fait obstacle à l'adoption ou à l'application de règles cantonales qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l'esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu'elles mettent en oeuvre, ou qui empiètent sur des matières réglementées de façon exhaustive par le législateur fédéral (ATF 150 I 213 consid. 4.1 et les arrêts cités).
Cependant, quand bien même la législation fédérale est considérée comme exhaustive dans un domaine donné, une loi cantonale peut subsister dans le même domaine, en particulier si elle poursuit un autre but que celui recherché par le droit fédéral. Le principe de la primauté n'est pas non plus violé dans la mesure où la loi cantonale vient renforcer l'efficacité de la réglementation fédérale. En outre, même si, en raison du caractère exhaustif de la législation fédérale, le canton ne peut plus légiférer dans une matière, il n'est pas toujours privé de toute possibilité d'action. Ce n'est que lorsque la législation fédérale exclut toute réglementation dans un domaine particulier que le canton perd toute compétence pour adopter des dispositions complétives, quand bien même celles-ci ne contrediraient pas le droit fédéral ou seraient même en accord avec celui-ci (cf. ATF 150 I 120 consid. 4.2; 150 IV 161 consid. 3.1; arrêt 2C_486/2024 du 14 avril 2025 consid. 4.1, destiné à la publication).
Le Tribunal fédéral examine librement la conformité d'une règle de droit cantonal au droit fédéral lorsqu'il est appelé à revoir cette question au regard du grief de la violation de l'art. 49 al. 1 Cst. (ATF 150 I 213 consid. 4.1 et les arrêts cités).
6.2. La Confédération peut légiférer sur la protection des travailleurs et sur les rapports entre employeurs et travailleurs, conformément à l' art. 110 al. 1 let. a et b Cst. Elle dispose ainsi dans ce domaine d'une compétence concurrente avec force dérogatoire subséquente (cf. ATF 143 I 403 consid. 7.5.1 et les références citées), dont elle a fait usage en adoptant la LTr.
De jurisprudence constante, depuis l'entrée en vigueur de la LTr, les prescriptions cantonales ou communale sur les heures d'ouverture des magasins ne peuvent avoir pour seul but que le respect du repos nocturne et dominical (cf. art. 71 let. c LTr) ainsi que, pour des raisons de politique sociale, la protection des personnes non soumises à la LTr (par exemple les exploitants d'un commerce et les membres de leur famille), mais non pas la protection des travailleurs, laquelle est réglée de manière exhaustive par la LTr (cf. ATF 148 I 198 consid. 3.6; 143 I 403 consid. 7.5.2; 140 II 46 consid. 2.5.1; 130 I 279 consid. 2.3.1 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral a en particulier jugé que le fait que des normes de droit cantonal subordonnent la prolongation des heures d'ouverture des commerces au respect d'une convention collective de travail constituait un moyen de pression sur les employeurs visant à améliorer les conditions des travailleurs. Lesdites normes avaient donc manifestement pour but principal la protection des travailleurs et étaient donc incompatibles avec la LTr, qui réglementait cette question de manière exhaustive. Elles étaient donc contraires au principe de la primauté du droit fédéral et ont été annulées (cf. ATF 130 I 279 consid. 2.3.2). Cette jurisprudence a notamment été confirmée dans un arrêt récent 2C_98/2020 du 22 décembre 2021 publié à l'ATF 148 I 198, où le Tribunal fédéral a jugé que le fait que l'entrée en vigueur d'une loi cantonale sur l'extension des horaires d'ouverture des magasins soit subordonnée à l'adoption d'une convention collective de travail dans le secteur de la vente poursuivait de manière évidente un objectif de protection des travailleurs et était donc contraire à l'art. 49 al. 1 Cst. Le Tribunal fédéral a par conséquent annulé la norme cantonale litigieuse (cf. ATF 148 I 198 consid. 3.8).
6.3. En l'espèce, l'art. 18A LHOM/GE, tel qu'il est rédigé, subordonne la possibilité d'employer du personnel trois dimanches par an sans autorisation, en application de l'art. 19 al. 6 LTr, et d'ouvrir les magasins ces dimanches-là, à l'existence d'une CCT étendue de force obligatoire dans la branche du commerce de détail.
6.3.1. On relèvera d'emblée que la condition de l'existence d'une CCT étendue prévue à l'art. 18A LHOM/GE constitue manifestement une mesure de protection des travailleurs, ce que le législateur cantonal a au demeurant, lors des débats parlementaires, reconnu (cf. Grand Conseil, Rapport du 29 février 2016 de la Commission de l'économie sur la modification de la LHOM/GE - PL 11811-A, pp. 32, 54, 66, 73 à 80 et 86). En effet, en liant l'existence d'une telle convention à la possibilité d'ouvrir les magasins et d'employer du personnel sans autorisation trois dimanches par an, l'art. 18A LHOM/GE consacre un moyen de pression sur les employeurs pour faire valoir des intérêts en matière de protection des travailleurs, les premiers - ou à tout le moins la majorité d'entre eux, s'agissant d'une CCT étendue - étant contraints d'adhérer à une telle convention pour pouvoir ouvrir leurs commerces. Or, conformément à la jurisprudence (cf. supra consid. 6.2) les normes cantonales sur les heures d'ouverture des commerces, qui visent avant tout la protection de la tranquillité publique, ne peuvent pas avoir pour but la protection des travailleurs, car cette question est réglementée de façon exhaustive dans la LTr. Dès lors, l'exigence de l'adoption d'une CCT étendue dans la branche du commerce de détail, en tant qu'elle poursuit ce dernier but, n'a pas sa place dans la LHOM/GE. Le législateur cantonal ne saurait en effet utiliser une législation de police pour viser directement un but relevant du droit du travail.
6.3.2. En définitive, si les cantons, en application de l'art. 19 al. 6 LTr, sont libres de fixer le nombre de dimanches, mais au plus quatre par an, durant lesquels le personnel peut être employé sans autorisation dans les commerces, ils ne sauraient utiliser leurs compétences en matière de tranquillité publique pour subordonner cette possibilité, dans le droit cantonal sur les heures d'ouverture des magasins, à des conditions relevant de la protection des travailleurs.
6.3.3. On relèvera pour le surplus que l'ajout d'un nouvel alinéa 7 à l'art. 19 LTr, qui aurait permis aux cantons de subordonner l'occupation des travailleurs le dimanche au respect des dispositions d'une convention collective de travail ou un contrat type, a été explicitement écartée par le Conseil des États (cf. BO CE 2007 pp. 1006-1008). La volonté du législateur fédéral - à savoir la mise en oeuvre d'une réglementation uniforme et non plus fragmentée au niveau cantonal en matière de travail dominical pour un nombre limité de dimanches (cf. supra consid 4.1) - serait du reste compromise si, comme en l'espèce, les cantons pouvaient subordonner un tel travail à des conditions supplémentaires dans le cadre de l'art. 19 al 6 LTr. Le titre même de l'initiative parlementaire à l'origine de l'adoption de l'art. 19 al. 6 LTr met au demeurant en évidence l'absence de volonté d'introduire des restrictions allant au-delà de celles déjà prévues par la loi sur le travail. Il convient de rappeler que, s'agissant de la protection des travailleurs lors du travail dominical, les règles en la matière prévues par la LTr - à savoir le supplément de 50 % dû dans le cadre du travail du dimanche temporaire selon l'art. 19 al. 3 LTr, l'exigence du consentement du travailleur selon l'art. 19 al. 5 LTr ou encore la règle du jour de repos de compensation selon l'art. 20 LTr - ont été considérées comme suffisantes en lien avec l'assouplissement prévu à l'art. 19 al. 6 LTr (cf. FF 2007 4059 p. 4061; voir aussi BO CE 2007 p. 1419; BO CN 2007 pp. 1005-1007).
6.4. Au vu de ce qui précède, l'art. 18A LHOM/GE, en ce qu'il prévoit une clause conditionnant l'application de l'art. 19 al. 6 LTr à l'existence d'une CCT étendue dans la branche du commerce de détail du canton de Genève, empiète sur les compétences fédérales en matière de protection des travailleurs et viole ainsi le principe de la primauté du droit fédéral garanti à l'art. 49 Cst.
6.5. Dans ces circonstances, la Cour de justice ne pouvait annuler la décision de l'Office cantonal du 4 octobre 2024 - qui constate que du personnel pouvait être employé le dimanche 22 décembre 2024 sans autorisation, dès lors que ce jour-là entrait dans le quota maximal de quatre dimanches par an autorisé par le droit fédéral et que les commerces genevois étaient, selon la décision du 20 septembre 2024 de la Direction cantonale, autorisés à ouvrir ce dimanche-là - au motif que l'art. 18A LHOM/GE liait un tel emploi à l'existence d'une CCT étendue, qui n'existe pas à Genève. Un tel raisonnement viole l'art. 49 Cst.
Le recours doit partant être admis. Il est dès lors inutile d'examiner si le raisonnement de la Cour de justice procède au surplus d'une application arbitraire du droit cantonal.
6.6. Comme l'art. 19 al. 6 LTr n'est que facultatif et que le problème réside dans la CCT étendue exigée par l'art. 18A LHOM/GE, il appartiendra, le cas échéant, au législateur cantonal de clarifier la situation, soit en modifiant l'art. 18A LHOM/GE dans un sens conforme au droit fédéral, soit en supprimant cette disposition, ce qui suppose qu'il renonce à la possibilité d'employer du personnel trois dimanches par an sans autorisation, seul le 31 décembre - jour férié cantonal assimilé à un dimanche selon l'art. 18 LHOM/GE - permettant alors un tel emploi.
7.
Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours. L'arrêt attaqué est annulé. La décision de l'Office cantonal du 4 octobre 2024 est confirmée.
8.
Les frais judiciaires sont mis à la charge des intimés, qui succombent, solidairement entre eux ( art. 66 al. 1 et 5 LTF ). Ils verseront en outre, solidairement entre eux, une indemnité à titre de dépens aux recourantes, créancières solidaires ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'Office cantonal, qui obtient gain de cause dans le cadre de ses attributions officielles (art. 68 al. 3 LTF). La cause est enfin renvoyée à la Cour de justice, afin qu'elle se prononce à nouveau sur les frais et dépens de la procédure qui s'est déroulée devant elle (art. 67 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. L'arrêt de la Cour de justice du 28 novembre 2024 est annulé. La décision de l'Office cantonal du 4 octobre 2024 est confirmée.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des intimés, solidairement entre eux.
3.
Une indemnité de dépens de 2'500 fr., à la charge des intimés, débiteurs solidaires, est allouée aux recourantes, créancières solidaires.
4.
La cause est renvoyée à la Cour de justice, afin qu'elle se prononce à nouveau sur les frais et dépens de la procédure qui s'est déroulée devant elle.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourantes et des intimés, à l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, ainsi qu'à la Confédération suisse, représentée par le Secrétariat d'Etat à l'économie.
Lausanne, le 4 septembre 2025
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
Le Greffier : H. Rastorfer