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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1B_385/2012 
 
Arrêt du 4 octobre 2012 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Aemisegger, Merkli, Eusebio et Chaix. 
Greffier: M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Alain Ribordy, avocat, 
recourant, 
 
contre 
 
Ministère public de l'Etat de Fribourg, case postale 156, 1702 Fribourg, 
 
Objet 
procédure pénale, récusation d'agents de police, 
 
recours contre la décision du Ministère public de l'Etat de Fribourg du 29 mai 2012. 
 
Faits: 
 
A. 
Le 10 avril 2012, le Ministère public de l'Etat de Fribourg a ouvert une instruction pénale contre A.________ pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires. Le matin, celui-ci avait téléphoné au Ministère public en déclarant qu'il refusait de payer une facture, qu'il allait mettre fin à ses jours après avoir tué un Président de tribunal ainsi que le responsable du décès de son frère. Il avait aussi menacé de tirer dans l'espace public. Des mandats d'amener et de perquisition ont été délivrés et exécutés le même jour. 
Le 2 mai 2012, l'avocat du prévenu a demandé la récusation du Procureur B.________, en raison notamment de déclarations faites à la presse et du libellé des mandats d'amener et de perquisition. Simultanément, il a requis la récusation des policiers ayant participé à l'intervention du 10 avril 2012, susceptibles de faire l'objet d'une plainte pour lésions corporelles, séquestration et contrainte. 
 
B. 
Le 25 mai 2012, A.________ a déposé une plainte pénale contre le caporal C.________, policier ayant participé à l'opération. Lors d'une audition du 4 mai 2012, alors que A.________ avait déclaré ne vouloir s'exprimer que sur sa situation personnelle, ledit policier l'aurait tutoyé, nargué et constamment interpelé sur les faits, affirmant que l'intervention de la police avait été justifiée. Il aurait ensuite enfermé l'intéressé durant 15 minutes, le temps d'appeler le ministère public. Le même jour, l'avocat de A.________ (agissant également pour le père de celui-ci) a demandé au Procureur B.________ la récusation du caporal C.________ en raison de sa participation à l'arrestation du 10 avril 2012, ainsi qu'en raison de son comportement lors de l'audition du 4 mai 2012. 
Par décision du 29 mai 2012, le Procureur B.________ a déclaré irrecevable la demande de récusation en tant qu'elle émanait du père de l'intéressé, et l'a rejetée sur le fond. Le policier n'avait pas d'intérêt personnel dans l'affaire (art. 56 let. a CPP), et n'était pas intervenu à plusieurs titres (art. 56 let. b CPP). Les menaces proférées par A.________ ne s'adressaient pas aux policiers, de sorte que ceux-ci n'avaient pas de raison de faire preuve d'inimitié (art. 56 let. f CPP). 
 
C. 
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision du Procureur et d'admettre sa demande de récusation, subsidiairement de renvoyer la cause au Ministère public pour nouvelle décision. 
Le Procureur général conclut au rejet du recours. Le recourant s'est encore déterminé, le 7 septembre 2012. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Conformément aux art. 78 et 92 al. 1 LTF, une décision incidente relative à la récusation dans le cadre d'une procédure pénale peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière pénale. L'auteur de la demande de récusation a qualité pour agir (art. 81 al. 1 LTF). 
 
1.1 Selon l'art. 80 LTF, le recours est recevable contre les décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance (al. 1). Les cantons doivent instituer dans cette perspective des tribunaux supérieurs statuant sur recours. Sont exceptés les cas dans lesquels le CPP prévoit un tribunal des mesures de contrainte (Tmc) ou un autre tribunal comme instance cantonale unique (al. 2). 
 
1.2 Selon l'art. 59 al. 1 CPP, le litige relatif à la récusation est tranché de manière définitive. Conformément à l'art. 380 CPP, les décisions qualifiées de définitives ne peuvent pas faire l'objet de l'un des recours prévus par le CPP. Il en va donc ainsi de la décision que le Ministère public est appelé à rendre en application de l'art. 59 al. 1 let. a CPP lorsqu'il statue sur la récusation d'un membre de la police exerçant une fonction "au sein d'une autorité pénale" (Message CPP, FF 2006 1127 ad art. 57 projet CPP). Tel est le cas lorsque la personne récusée agit dans le cadre du mandat confié à la police par le ministère public (art. 312 CPP). Cette solution, clairement voulue par la loi (cf. Message CPP, FF 2006 1292 ad art. 388 projet CPP), constitue une exception à l'exigence d'une instance cantonale de recours figurant à l'art. 80 LTF (ATF 138 IV 2xx consid. 1.3). Il y a donc lieu d'admettre la possibilité de former un recours en matière pénale directement contre les décisions du ministère public en matière de récusation des membres de la police (cf. ATF précité, concernant les décisions du ministère public sur les conflits de fors, consid. 1.3.3). 
 
1.3 Pour le surplus, le recours a été déposé en temps utile et les conclusions présentées (y compris l'admission de la demande de récusation) sont recevables au regard de l'art. 107 LTF
 
2. 
Dans un grief d'ordre formel, le recourant estime, d'une part, que la détermination du policier visé n'aurait pas été recueillie, comme l'exige l'art. 58 al. 2 CPP et, d'autre part, que la décision attaquée serait insuffisamment motivée en ce qu'elle ne répondrait pas aux griefs formulés à l'encontre de l'agent récusé. 
 
2.1 Selon l'art. 58 al. 1 CPP, celui qui entend demander la récusation d'une personne exerçant une fonction au sein d'une autorité (tel est le cas en l'occurrence puisqu'une instruction a été ouverte au sens de l'art. 309 CPP et que l'interrogatoire a été effectué par la police sur délégation du Ministère public) doit présenter sa demande sans délai dès qu'elle a connaissance des motifs de récusation; ceux-ci doivent être rendus plausibles. Selon l'art. 58 al. 2 CPP, la personne concernée prend position sur la demande. Cette dernière disposition est impérative. Elle tend à permettre l'établissement des faits et à garantir le respect du droit d'être entendu, tant de la personne concernée que de l'auteur de la demande de récusation auquel un droit de réplique doit le cas échéant être accordé (BOOG, Basler Kommentar StPO, n° 11 ad art. 58). Cette mesure d'instruction a toute son importance, puisque l'administration d'autres preuves est en principe limitée, voire exclue (cf. art. 59 al. 1 CPP) et qu'en l'occurrence, aucune autorité cantonale de recours n'est susceptible de revoir les faits. 
 
2.2 En l'occurrence, aucune prise de position n'a été demandée au policier concerné, lequel serait à même de se prononcer sur les reproches qui lui sont faits par le recourant. Le Ministère public ne saurait prétendre que le recourant n'est pas titulaire du droit de procédure invoqué. En effet, comme cela est relevé ci-dessus, il en va du droit d'être entendu de l'intéressé, qui comprend le droit de participer à l'établissement des faits et de se déterminer à ce sujet. Cette violation de l'art. 58 al. 2 CPP entraîne à elle seule l'admission du recours, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, formels ou matériels. 
 
3. 
Le recours doit par conséquent être admis. La décision attaquée est annulée et la cause est renvoyée au Ministère public pour nouvelle décision dans le sens des considérants qui précèdent. Conformément à l'art. 68 al. 1 LTF, le recourant a droit à une indemnité de dépens, à la charge de l'Etat de Fribourg. Il n'est pas perçu de frais judiciaires art. 66 al. 4 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est admis. La décision attaquée est annulée et la cause est renvoyée au Ministère public pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
2. 
Une indemnité de dépens de 1'000 fr. est allouée au recourant, à la charge de l'Etat de Fribourg. Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant et au Ministère public de l'Etat de Fribourg. 
 
Lausanne, le 4 octobre 2012 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président: Fonjallaz 
 
Le Greffier: Kurz