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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5A_178/2009 
 
Arrêt du 4 décembre 2009 
IIe Cour de droit civil 
 
Composition 
Mme et MM. les Juges Hohl, Présidente, 
Marazzi et Herrmann. 
Greffier: M. Fellay. 
 
Parties 
X.________, 
représentée par Me Peter Pirkl, avocat, 
recourante, 
 
contre 
 
1. Masse en faillite de Y.________ SA, en liquidation, p.a. Office des faillites, 
2. A.________, B.________, C.________, D.________, E.________, F.________, G.________, H.________, I.________, J.________, 
tous représentés par le Syndicat interprofessionnel de Travailleuses et Travailleurs, 
3. K.________, 
4. L.________, 
5. M.________, 
6. Caisse Z.________, 
7. N.________, représenté par Me Patrick Udry, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
état de collocation, 
 
recours contre la décision de la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites 
du canton de Genève du 26 février 2009. 
 
Faits: 
 
A. 
A.a Par jugement du 3 mai 2005, le Tribunal de première instance du canton de Genève a prononcé la faillite de Y.________ SA, société active principalement dans le transport de personnes et dont X.________ était l'administratrice unique (ci-après: l'administratrice). 
 
Antérieurement au prononcé de faillite, à fin 2004, Y.________ SA avait dû licencier des employés. Considérant que la procédure prévue pour les licenciements collectifs n'avait pas été respectée et que, partant, leur licenciement était abusif, plusieurs d'entre eux avaient assigné leur employeur devant la juridiction des prud'hommes en réparation du dommage subi. 
 
L'Office des faillites de Genève, après avoir recueilli la détermination de l'administratrice sur les créances produites, a déposé l'état de collocation le 31 août 2005. Ce document précisait, à propos des salariés ayant saisi la juridiction des prud'hommes, que la décision de collocation en 1ère classe était suspendue en raison de la procédure pendante contre la faillie et que « la production sera colloquée en 1ère classe si aucun créancier ne demande la cession des droits de la masse (art. 260 LP) dans les 10 jours dès la publication du présent état de collocation ». Aucun créancier n'a demandé la cession des droits de la masse dans le délai imparti, ni n'a contesté l'état de collocation. 
A.b En parallèle et sur la base d'une action en réparation du dommage, la Caisse Z.________, créancière dûment colloquée en 2ème classe, a requis et obtenu une saisie sur le salaire de l'administratrice, à concurrence de 4'470 fr., dès le mois de septembre 2007. 
A.c Durant l'été 2008, le conseil de l'administratrice a pris contact avec l'office afin de faire modifier l'état de collocation. Il prétendait que les créances des anciens salariés avaient été faussement colloquées pour un montant de 169'631 fr. 35. Plusieurs entretiens ont eu lieu à ce sujet. 
 
Par courrier du 5 décembre 2008, l'office a informé le conseil de l'administratrice, en se référant aux divers entretiens qu'il avait eus avec lui, qu'après analyse approfondie du dossier il n'entendait pas modifier l'état de collocation déposé le 31 août 2005 et entré en force. 
 
B. 
Le 18 décembre 2008, l'administratrice a porté plainte contre le courrier précité. Elle a conclu à son annulation et à ce qu'il soit ordonné à l'office de modifier et publier un nouvel état de collocation, à teneur duquel les prétentions des anciens salariés seraient colloquées en 3ème classe, éventuellement réduites de 180'055 fr. 35 au minimum ou écartées. Elle faisait valoir qu'une créance litigieuse ne pouvait en aucun cas être admise s'il ressortait des pièces du dossier qu'elle devait être écartée comme en l'espèce (art. 63 OAOF) et qu'en refusant de modifier l'état de collocation, acte modifiable encore au stade de la distribution, l'office avait violé les art. 244 ss LP. Elle invoquait en outre la violation de son droit d'être entendue et du principe de la bonne foi. 
 
Par décision du 26 février 2009, notifiée à l'administratrice le 2 mars suivant, la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève a déclaré la plainte irrecevable. Elle a retenu en substance que le délai pour porter plainte contre l'état de collocation déposé le 31 août 2005 était manifestement échu (consid. 1b), que le courrier de l'office du 5 décembre 2008 à teneur duquel il refusait de reconsidérer l'état de collocation ne constituait pas, s'agissant de la simple confirmation d'une décision déjà prise, une mesure sujette à plainte (consid. 1c) et que la plaignante, en tant qu'administratrice de la faillie, n'avait pas qualité pour agir par cette voie (consid. 1d). Par surabondance, la commission de surveillance a relevé que la plaignante avait été régulièrement interrogée sur toutes les créances produites et avait pu faire valoir sa détermination sur chacune d'elles, que les créanciers avaient eu l'occasion de demander la cession des droits de la masse et que leur inaction avait conduit à la collocation définitive des salariés en 1ère classe (consid. 2). 
 
C. 
C.a Par acte du 12 mars 2009, l'administratrice a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral, concluant principalement à l'annulation de la décision de la commission cantonale de surveillance du 26 février 2009, à ce que l'admission en 1ère classe des créances des salariés, la renonciation de la masse en faillite à poursuivre les procès en cours devant la juridiction des prud'hommes et l'offre de cession contenue dans l'état de collocation du 31 août 2005 soient déclarées nulles, et à ce qu'il soit prononcé que cet état de collocation n'est pas définitif en ce qui concerne les créances des salariés. A titre subsidiaire, la recourante a notamment demandé le renvoi de la cause à la commission cantonale de surveillance pour décision au fond dans le sens des considérants. 
C.b Parallèlement au recours en matière civile, l'administratrice a saisi la commission cantonale de surveillance d'une plainte en constatation de la nullité des actes de l'office en question, ce qui a conduit la Présidente de la IIe Cour de droit civil du Tribunal fédéral à suspendre, par ordonnance du 16 mars 2009, la procédure du recours en matière civile jusqu'à droit connu sur cette nouvelle plainte. 
 
Par décision du 23 avril 2009, la commission cantonale de surveillance a déclaré irrecevable la plainte en constatation de nullité, au motif que, étant dessaisie de la cause, elle ne pouvait plus modifier sa décision du 26 février 2009, sauf erreurs d'écritures ou de calculs ou cas de révision, d'interprétation ou de restitution de délai, et que, par conséquent, seul le Tribunal fédéral, saisi du recours en matière civile, était compétent en l'état pour se prononcer sur la nullité des actes de l'office. 
 
Par courrier du 28 avril 2009, la recourante a déclaré renoncer à recourir contre la décision de la commission cantonale de surveillance du 23 avril 2009. 
C.c L'intimée Z.________ se réfère aux observations qu'elle a présentées à la commission cantonale de surveillance et dans lesquelles elle déclarait appuyer les conclusions de la plainte. 
 
Les intimés représentés par le Syndicat interprofessionnel de Travailleuses et Travailleurs se sont également référés à leur prise de position faite en instance cantonale, aux termes de laquelle ils concluaient à l'irrecevabilité de la plainte, subsidiairement à son rejet. 
 
L'office des faillites conclut principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. L'intimé N.________ prend les mêmes conclusions. 
 
Les autres intimés, ainsi que la commission cantonale de surveillance, ont renoncé à répondre au recours. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le recours a été interjeté dans le délai (art. 100 al. 2 let. a LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière de poursuite pour dettes et de faillite (art. 72 al. 2 let. a LTF) par une autorité cantonale de surveillance de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF) et il est recevable indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. c LTF). 
La recevabilité du recours est contestée sous l'angle de la qualité pour recourir (art. 76 al. 1 let. b LTF) et de l'interdiction des conclusions nouvelles (art. 99 al. 2 LTF). 
 
1.1 La recourante intervient dans la présente procédure non pas seulement comme unique administratrice de la faillie, ce qui serait insuffisant en soi à lui reconnaître la qualité pour se plaindre et recourir contre une décision d'admission ou de rejet d'une production (cf. ATF 28 I 68), mais également comme débitrice d'une créancière colloquée en 2ème classe pour des cotisations d'assurances sociales et dont le désintéressement dépend évidemment d'une collocation régulière des créances salariales litigieuses en 1ère classe. Outre qu'elle a pris part à la procédure devant l'autorité précédente (art. 76 al. 1 let. a LTF), la recourante a donc un intérêt juridique (art. 76 al. 1 let. b LTF) à ce que l'existence et la collocation des créances en cause soient correctement établies, car cela a un effet direct sur sa situation juridique, la collocation lui étant opposable. Sa qualité pour recourir doit par conséquent être admise. 
 
1.2 Le chef de conclusions tendant au constat de nullité est recevable, même formulé pour la première fois en instance fédérale, dans la mesure où le Tribunal fédéral, saisi en l'espèce d'un recours recevable, peut constater l'éventuelle nullité d'une décision même en l'absence de tout grief ou conclusion formulé sur ce point (ATF 135 III 46 consid. 4.2; arrêt 5A_16/2007 du 11 avril 2007 consid. 3.1, non publié in ATF 133 III 350; Corboz, Commentaire de la LTF, n. 30 ad art. 106 LTF; Ulrich Meyer, Commentaire bâlois de la LTF, n. 32 ad art. 99 LP; Yves Donzallaz, Loi sur le Tribunal fédéral, n. 4296). 
 
Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2. 
D'après l'art. 63 OAOF, les créances qui font l'objet d'un procès au moment de l'ouverture de la faillite sont simplement mentionnées pour mémoire dans l'état de collocation (al. 1); si le procès, suspendu en vertu de l'art. 207 LP, n'est continué ni par la masse, ni par les créanciers individuellement en vertu d'une cession des droits de la masse selon l'art. 260 LP, la créance est considérée comme reconnue et les créanciers n'ont plus le droit d'attaquer son admission à l'état de collocation (al. 2). 
 
2.1 La jurisprudence relative à ces dispositions prévoit que la cession ou l'offre de cession des droits de la masse doit, sous peine de nullité, être précédée d'une décision de la masse quant à la renonciation à agir elle-même; les créanciers doivent avoir l'occasion de se déterminer à ce sujet, même lorsque la faillite est liquidée en la forme sommaire. Ce principe vaut également pour la décision de continuer le procès relatif aux créances litigieuses au moment de l'ouverture de la faillite au sens de l'art. 63 OAOF. Comme l'art. 260 LP auquel elle renvoie, cette disposition prévoit en effet, comme condition de la cession, que le procès ne soit pas continué par la masse. L'administration doit donc, au plus tard lors du dépôt de l'état de collocation, inviter les intervenants à se déterminer sur la continuation du procès par la masse, étant précisé que sa décision de renoncer à continuer le procès ne saurait résulter implicitement de l'offre de cession figurant dans l'état de collocation (ATF 134 III 75 consid. 2.3 s. et les références citées). 
 
2.2 En l'espèce, il appert que non seulement les créances salariales litigieuses n'ont pas été mentionnées pour mémoire dans l'état de collocation, mais également que les créanciers n'ont pas été interpellés, que ce soit par voie de circulaire ou de publication, sur le principe de la renonciation de la masse à poursuivre les litiges suspendus devant la juridiction des prud'hommes et sur l'offre de cession. Faute de décision de renonciation prise expressément ou tacitement par l'ensemble des créanciers, une offre de cession est nulle et sa nullité peut être constatée d'office et en tout temps, non seulement par les autorités de surveillance (art. 22 al. 1 LP; ATF 118 III 57 consid. 4 p. 59/60; 115 III 26 consid. 1), mais aussi par le Tribunal fédéral lorsqu'il est saisi d'un recours en application de l'art. 72 al. 2 let. a LTF (ATF 134 III 75 consid. 2.4). L'offre de cession contenue dans l'état de collocation du 31 août 2005 est donc nulle, ainsi que, partant, la collocation des créances salariales litigieuses. La décision attaquée doit par conséquent être annulée faute d'avoir constaté d'office cette nullité. 
 
2.3 La faillite n'étant pas clôturée, l'office des faillites est compétent pour interpeller les créanciers en ce qui concerne l'exercice des droits litigieux (ATF 120 III 36 consid. 3 a contrario; cf. Pauline Erard, Commentaire romand de la LP, n. 16 ad art. 22 LP). La cause doit dès lors être renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle invite l'office des faillites à reprendre, dans la mesure du possible et de l'utile, la procédure de collocation en se conformant aux exigences rappelées ci-dessus. 
 
3. 
Le recours devant être admis pour le motif de nullité susmentionné, il est superflu d'examiner les autres griefs soulevés, soit la violation de l'art. 17 LP en ce qui concerne la qualité de la recourante pour agir devant la commission cantonale de surveillance, la violation de son droit à la preuve (art. 8 CC) et celle de son droit d'être entendue (29 al. 2 Cst.). 
 
4. 
Vu l'issue du recours, les frais judiciaires doivent être mis, conformément à l'art. 66 al. 1 et 5 LTF, à la charge des parties qui succombent, à savoir la masse en faillite intimée, les intimés représentés par le Syndicat interprofessionnel de Travailleuses et Travailleurs et l'intimé N.________. 
 
Ces parties intimées doivent en outre verser des dépens à la recourante conformément à l'art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF. L'intimée Z.________, qui a soutenu le point de vue de la recourante mais s'est contentée de renvoyer à son écriture déposée en instance cantonale et qui a de toute façon agi sans le concours d'un avocat, n'a pas droit à des dépens. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est admis et la décision rendue le 26 février 2009 par la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève est annulée. L'affaire est renvoyée à cette autorité pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à la charge de la masse en faillite de Y.________ SA, des intimés représentés par le Syndicat interprofessionnel de Travailleuses et Travailleurs et de N.________, à parts égales et solidairement. 
 
3. 
Une indemnité de 6'000 fr., à payer à la recourante à titre de dépens, est mise à la charge de la masse en faillite de Y.________ SA, des intimés représentés par le Syndicat interprofessionnel de Travailleuses et Travailleurs et de N.________, à parts égales et solidairement. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève. 
 
Lausanne, le 4 décembre 2009 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
La Présidente: Le Greffier: 
 
Hohl Fellay