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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4A_348/2009 
 
Arrêt du 6 janvier 2010 
Ire Cour de droit civil 
 
Composition 
Mme et MM. les Juges Klett, présidente, Corboz et Kolly. 
Greffier: M. Carruzzo. 
 
Parties 
1. X.________ SA, 
2. Y.________ SA, 
recourantes, toutes deux représentées par 
Me Christophe Imhoos, 
 
contre 
 
1. V.________ Limited, (anc. A.________ Ltd) 
2. W.________ GmbH, (success. B.________ GmbH), 
intimées, toutes deux représentées par 
Mes Philipp J. Dickenmann et Niklaus Zaugg. 
 
Objet 
arbitrage international; composition du tribunal arbitral; égalité des parties; droit d'être entendu, 
 
recours en matière civile contre la sentence finale rendue le 2 juin 2009 par le Tribunal arbitral CCI. 
 
Faits: 
 
A. 
A la fin des années 1990, X.________ SA (ci-après: X.________) et Y.________ SA (ci-après: Y.________), deux sociétés étatiques roumaines ayant repris de la Compania T.________ les droits et obligations découlant du contrat conclu à cet effet, ont confié au consortium composé de la société finlandaise V.________ Limited (ci-après: V.________; alors dénommée A.________ Ltd), de la société allemande B.________ GmbH (ci-après: B.________; société absorbée en 2006 par W.________ GmbH) et d'un tiers l'exécution de travaux en vue de la réhabilitation et de la modernisation d'une unité d'une centrale électrique sise en Roumanie. 
 
En vertu d'une clause ad hoc insérée dans le contrat en question, les différends relatifs à l'exécution de celui-ci devaient être soumis, au préalable, à un adjudicator, le professeur R.________, qui rendrait une décision à leur sujet. La partie non satisfaite de la décision prise par ce spécialiste pourrait saisir un tribunal arbitral de trois membres statuant sous l'égide de la Chambre de Commerce Internationale (CCI). Le siège de l'arbitrage était fixé à Zurich. 
 
Se fondant sur une disposition des conditions générales du contrat, V.________ et B.________, estimant que les deux sociétés roumaines n'avaient pas effectué à temps les paiements stipulés, ont suspendu l'exécution du contrat entre le 17 mai 2000 et le 13 janvier 2003. 
 
B. 
Le 26 octobre 2005, V.________ et B.________, après avoir fait valoir leurs prétentions devant l'adjudicator, ont saisi la CCI d'une requête d'arbitrage aux fins d'obtenir le remboursement des frais supplémentaires que leur avait occasionnés la suspension de l'exécution du contrat. 
 
Un tribunal arbitral de trois membres a été constitué. Le Dr S.________ a été désigné par la CCI pour le présider. 
 
X.________ et Y.________ ont conclu au rejet de la demande et formé une demande reconventionnelle à différents titres, en particulier pour le dommage en rapport avec l'explosion d'un flash tank. 
 
Par la voie de demandes reconventionnelles croisées (cross-counterclaims), V.________ et B.________ ont élevé d'autres prétentions, notamment sur ce dernier point. 
 
La procédure arbitrale a donné lieu au dépôt, par X.________ et Y.________, d'une demande de récusation, dirigée contre le président du Tribunal arbitral. La Cour internationale d'arbitrage de la CCI a rejeté cette demande lors de sa session du 30 mai 2008. 
 
Le 2 juin 2009, le Tribunal arbitral a rendu sa sentence finale. Il a condamné solidairement X.________ et Y.________ à payer, intérêts en sus, 6'870'640 euros à V.________ et 2'137'230 euros à B.________. Toutes autres ou plus amples conclusions des parties ont été rejetées. 
 
C. 
Agissant par la voie du recours en matière civile, X.________ et Y.________ concluent à l'annulation de ladite sentence. Elles reprochent au Tribunal arbitral d'avoir été irrégulièrement composé et de n'avoir respecté ni l'égalité des parties ni leur droit d'être entendues en procédure contradictoire. 
 
Les intimées concluent au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. Le Tribunal arbitral en fait implicitement de même. 
 
La demande d'effet suspensif présentée par les recourantes a été rejetée par ordonnance présidentielle du 18 novembre 2009. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
D'après l'art. 54 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision est rédigée dans une autre langue (ici l'anglais), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le Tribunal arbitral, celles-ci ont opté pour l'anglais, alors que, dans la procédure fédérale, elles ont employé qui le français (les recourantes), qui l'allemand (les intimées). Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral adoptera la langue du recours et rendra son arrêt en français. 
 
2. 
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions prévues par les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 LTF). Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours, des conclusions prises par les recourantes ou encore des motifs invoqués dans le mémoire de recours, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose donc à l'entrée en matière. 
 
3. 
Dans un premier moyen, fondé sur l'art. 190 al. 2 let. a LDIP, les recourantes se plaignent de la désignation irrégulière du président du Tribunal arbitral qui a rendu la sentence attaquée. 
 
3.1 Les recourantes ont également déposé une demande de récusation que la Cour internationale d'arbitrage de la CCI a rejetée. Emanant d'un organisme privé, la décision de rejet, qui ne pouvait pas faire l'objet d'un recours direct au Tribunal fédéral (ATF 118 II 359 consid. 3b), ne saurait lier ce dernier, lequel peut donc revoir librement si les circonstances invoquées à l'appui de la demande de récusation sont propres à fonder le grief examiné (ATF 128 III 330 consid. 2.2 p. 332). 
 
3.2 Un arbitre doit, à l'instar d'un juge, présenter des garanties suffisantes d'indépendance et d'impartialité. Le non-respect de cette règle conduit à une composition irrégulière du tribunal arbitral dont il est membre. Pour dire si un arbitre présente de telles garanties, il faut se référer aux principes constitutionnels développés au sujet des tribunaux étatiques. Il convient, toutefois, de tenir compte des spécificités de l'arbitrage, et singulièrement de l'arbitrage international, lors de l'examen des circonstances du cas concret (ATF 129 III 445 consid. 3.3.3 p. 454 et les références, en particulier à la jurisprudence concernant l'art. 30 al. 1 Cst.). 
Il y a lieu d'examiner si les circonstances alléguées par les recourantes font apparaître que la sentence attaquée a été rendue par un tribunal arbitral irrégulièrement composé. 
3.3 
3.3.1 Lors d'une conférence téléphonique tenue le 27 février 2008 par le Tribunal arbitral avec les parties, les recourantes se sont vu impartir un délai au 10 mars 2008 pour formuler leurs observations sur les explications que les intimées devaient fournir jusqu'au 3 mars 2008 au sujet des demandes reconventionnelles croisées (cross-counterclaims) formées par elles en rapport avec l'explosion d'un flash tank. Elles se sont exécutées le dernier jour du délai peu après 19 h 30. Cependant, dans l'après-midi de la même journée, le Tribunal arbitral avait déjà notifié aux parties son ordre de procédure n° 25 par lequel il acceptait de prendre en considération lesdites demandes. 
 
Toujours à la date du 10 mars 2008, les recourantes ont envoyé au Tribunal arbitral un fax dans lequel elles critiquaient vertement ce mode de procéder, allant même jusqu'à qualifier le comportement du Tribunal arbitral de "absolutely abusive". 
 
Dans un courrier électronique du 11 mars 2008 adressé au conseil des recourantes, le président du Tribunal arbitral s'est offusqué de cette réaction intempestive. Puis, dans un autre courrier électronique envoyé le 25 mars 2008 à tous les intéressés, il a admis que l'ordre de procédure n° 25 avait été notifié prématurément aux parties et s'en est excusé, tout en informant celles-ci que le Tribunal arbitral allait faire le nécessaire pour réparer cette erreur. 
 
C'est ainsi que, sous chiffre 3 de son ordre de procédure n° 26 du 29 avril 2008, le Tribunal arbitral a indiqué qu'il reconsidérerait son ordre de procédure n° 25 sur le vu des objections soulevées par les recourantes. Ensuite, sous chiffre 3 de son ordre de procédure n° 27 du 22 mai 2008, il a confirmé l'ordre de procédure litigieux, nonobstant ces objections. 
3.3.2 A l'appui du grief considéré, les recourantes soutiennent que le président du Tribunal arbitral a adopté une attitude "aussi surprenante qu'incompréhensible" en admettant la recevabilité des demandes reconventionnelles croisées formées par les intimées sans attendre leurs observations et alors qu'il avait clairement exprimé des doutes quant à la recevabilité de ces demandes dans l'ordre de procédure n° 23 du 21 février 2008. Selon elles, la partialité du président du Tribunal arbitral ressortirait également du courrier électronique qu'il leur avait adressé le 11 mars 2008; elle serait, en outre, confirmée par l'absence totale de réponse à leurs demandes de reconsidération de l'ordre de procédure n° 25. 
3.3.3 A la lumière des explications détaillées fournies tant par l'arbitre incriminé que par les intimées dans leurs réponses au recours, le grief examiné apparaît inconsistant. 
Force est de rappeler que des fautes de procédure ou une décision matériellement erronée ne suffisent pas à fonder l'apparence de prévention d'un tribunal arbitral, sauf erreurs particulièrement graves ou répétées qui constitueraient une violation manifeste de ses obligations (arrêt 4A_539/2008 du 19 février 2009 consid. 3.3.2 et l'arrêt cité). En l'espèce, outre qu'elle a été commise par le Tribunal arbitral in corpore et non pas uniquement par son président, la faute que les recourantes dénoncent était, à l'évidence, le fruit d'une inadvertance tenant, selon toute vraisemblance, à ce que le délai fixé aux recourantes lors de la conférence téléphonique du 27 février 2008 n'avait pas été mentionné, par suite d'un oubli, dans l'ordre de procédure n° 24 du 29 février 2008 consécutif à celle-ci. Que cette erreur isolée, survenue au cours d'une procédure ayant duré près de quatre ans, ait atteint un degré de gravité tel que l'impartialité du Tribunal arbitral dût en pâtir n'est pas non plus soutenable. Il est difficile de se défaire du sentiment que les recourantes ont tiré prétexte de ladite erreur pour tenter d'obtenir l'annulation d'une sentence qui leur était défavorable. Quoi qu'il en soit, le Tribunal arbitral a réparé la faute de procédure en question par ses ordres de procédure nos 26 et 27, contrairement à ce que soutiennent les recourantes qui passent curieusement sous silence l'existence de ceux-ci. 
 
Pour le reste, les recourantes n'indiquent pas en quoi le contenu du courrier électronique que le président du Tribunal arbitral leur a adressé le 11 mars 2008 était objectivement de nature à faire redouter une activité partiale de cet arbitre à leur endroit. A considérer le texte de l'écrit controversé, on ne saurait, au demeurant, y voir autre chose qu'une réaction compréhensible et mesurée à une mise en cause sévère et injustifiée de l'impartialité du Tribunal arbitral. 
 
4. 
Les recourantes reprochent, en outre, au Tribunal arbitral d'avoir violé l'égalité des parties et leur droit d'être entendues en procédure contradictoire (art. 190 al. 2 let. d LDIP). 
 
La partie qui s'estime victime d'une violation de son droit d'être entendue ou d'un autre vice de procédure doit l'invoquer d'emblée dans la procédure arbitrale, sous peine de forclusion. En effet, il est contraire à la bonne foi de n'invoquer un vice de procédure que dans le cadre du recours dirigé contre la sentence arbitrale, alors que le vice aurait pu être signalé en cours de procédure (arrêt 4A_69/2009 du 8 avril 2009 consid. 4.1 et les références). Ce principe est d'ailleurs exprimé à l'art. 33 du Règlement d'arbitrage de la CCI. 
 
En l'occurrence, au terme de la semaine d'audiences du 30 juin 2008, le président du Tribunal arbitral a expressément invité les parties à lui indiquer si elles avaient des doléances à formuler quant à la manière dont la procédure arbitrale avait été conduite, en particulier sous l'angle du droit d'être entendu. Le conseil des recourantes lui a répondu ceci: "Everything is OK. I do not have any complaint...". Dans ces conditions, venir soutenir, une fois connue l'issue défavorable de ladite procédure, que la garantie du droit d'être entendu et le principe de l'égalité de traitement ont été méconnus par le Tribunal arbitral, comme le font les recourantes, n'est pas compatible avec les règles de la bonne foi. Partant, les recourantes ne sont plus recevables à se plaindre de la violation de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP. 
 
5. 
Le recours, qui confine à la témérité, ne peut qu'être rejeté dans la mesure où il est recevable. Succombant, les recourantes seront condamnées solidairement à payer les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 et 5 LTF) et à indemniser les intimées (art. 68 al. 2 et 4 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 43'000 fr., sont mis à la charge des recourantes, solidairement entre elles. 
 
3. 
Les recourantes sont condamnées solidairement à verser aux intimées, créancières solidaires, une indemnité de 53'000 fr. à titre de dépens. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Tribunal arbitral CCI. 
 
Lausanne, le 6 janvier 2010 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
La Présidente: Le Greffier: 
 
Klett Carruzzo