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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
1C_214/2015  
   
   
 
 
 
Arrêt du 6 novembre 2015  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, 
Merkli et Chaix. 
Greffier : M. Alvarez. 
 
Participants à la procédure 
 A.________, représentée par Me Thierry Ulmann, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Secrétariat d'Etat aux migrations SEM, Quellenweg 6, 3003 Berne. 
 
Objet 
annulation de la naturalisation facilitée, recevabilité, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour III, du 17 mars 2015. 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________, ressortissante camerounaise, et B.________, ressortissant suisse, se sont rencontrés à Paris au cours du mois de juillet 2001. Le 20 juin 2002, la prénommée est entrée en Suisse au bénéfice d'un visa en vue de préparer son mariage avec B.________. Les intéressés se sont mariés civilement le 5 juillet 2002 devant l'officier de l'état civil de Begnins, sous le régime de la séparation des biens. 
Par requête datée du 20 août 2007, A.________ a sollicité, auprès de l'Office fédéral des migrations (actuellement Secrétariat d'état aux migrations [ci-après: le SEM]), d'être mise au bénéfice de la naturalisation facilitée au sens de l'art. 27 de la loi fédérale du 29 septembre 1952 sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse (LN; RS 141.0). Dans ce cadre, les époux ont signé, le 3 mars 2008, une déclaration écrite aux termes de laquelle ils confirmaient vivre en communauté conjugale effective et stable, résider à la même adresse et n'envisager ni séparation ni divorce. Par décision du 30 avril 2008, le SEM lui a accordé la naturalisation facilitée, lui conférant les droits de cité communaux et cantonaux de son époux. 
Dans le courant de l'été 2008, les époux se sont séparés. Par demande commune du 31 août 2010, ils ont requis le divorce, lequel a été prononcé le 11 février 2011. Dans l'intervalle, le 21 octobre 2010, A.________ a donné naissance à C.________, fruit de sa relation avec D.________, ressortissant camerounais. 
Par courrier du 30 mars 2012, le SEM a informé A.________ qu'il se voyait dans l'obligation d'examiner s'il y avait lieu d'annuler sa naturalisation facilitée compte tenu de son divorce et de la naissance de son enfant, lequel a de surcroît fait l'objet d'une procédure en désaveu de paternité. Le 27 mars 2014, au terme de son instruction, le SEM a prononcé l'annulation de la naturalisation; les effets de cette décision ont été étendus à l'enfant C.________, qui dispose, selon le SEM, de la nationalité camerounaise. 
Par arrêt du 17 mars 2015, le Tribunal administratif fédéral a confirmé cette décision; il a, d'une part, jugé que la naturalisation a été obtenue frauduleusement par l'intéressée et, d'autre part, que son annulation n'entraîne pas l'apatridie de l'enfant C.________, ce dernier conservant la possibilité d'acquérir la nationalité camerounaise en vertu de la législation de ce pays. 
 
B.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt attaqué et de constater principalement qu'elle et son enfant, C.________, ont acquis la nationalité suisse, subsidiairement que seul ce dernier l'a acquise. Plus subsidiairement encore, A.________ conclut au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle instruction et décision dans le sens des considérants. Elle requiert également l'effet suspensif. 
Invités à se déterminer, le Tribunal administratif fédéral a renoncé à prendre position, alors que le SEM a observé que le recours ne contenait pas d'élément démontrant une violation du droit fédéral ou l'établissement inexact des faits. Aux termes d'ultimes observations, la recourante a persisté dans ses conclusions. 
Par ordonnance du 11 mai 2015, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la demande d'effet suspensif. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF). Il contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 136 I 42 consid. 1 p. 43; 136 II 101 consid. 1 p. 103). 
La voie du recours en matière de droit public, au sens des art. 82 ss LTF, est en principe ouverte contre la décision prise par le Tribunal administratif fédéral, qui confirme l'annulation de la naturalisation facilitée accordée à la recourante (et dont les effets s'étendent à son enfant). Le motif d'exclusion de l'art. 83 let. b LTF n'entre pas en ligne de compte, dès lors qu'il s'agit en l'espèce de naturalisation facilitée et non pas de naturalisation ordinaire. Pour le surplus, la recourante - directement touchée par l'arrêt attaqué - a la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
 
2.   
Devant le Tribunal fédéral, la recourante ne conteste plus avoir obtenu la naturalisation suisse par des déclarations mensongères. Elle prétend en revanche risquer de devenir apatride à la suite de la perte de la nationalité suisse; il en irait de même de son fils, qui l'a obtenue à sa naissance sur la base de l'art. 1 al. 1 LN. A l'appui de son recours, elle produit notamment deux avis de droit établis par des études d'avocats camerounaises confirmant qu'au regard de la loi de ce pays cette annulation entraîne non seulement sa propre apatridie, mais aussi celle de son fils. Sur cette base, la recourante estime qu'en annulant sa naturalisation l'instance précédente a abusé du pouvoir d'appréciation que lui confère l'art. 41 al. 1 LN; par ailleurs en privant son enfant de la nationalité suisse, le Tribunal administratif fédéral aurait également violé l'art. 41 al. 3 LN; elle se plaint dans ce cadre également d'arbitraire (art. 9 Cst.). 
 
2.1. Conformément à l'art. 41 LN, le SEM peut, avec l'assentiment de l'autorité du canton d'origine, annuler la naturalisation ou la réintégration obtenue par des déclarations mensongères ou par la dissimulation de faits essentiels (al. 1). Sauf décision expresse, l'annulation fait également perdre la nationalité suisse aux membres de la famille qui l'ont acquise en vertu de la décision annulée (al. 3). Cette disposition ne mentionne cependant pas les conditions dans lesquelles les effets d'une telle annulation doivent être étendus aux autres membres de la famille; dans l'intérêt de la sécurité du droit et de l'égalité de traitement, il incombe aux autorités chargées d'appliquer cette disposition de développer les critères et principes dont il y a lieu de tenir compte pour limiter les effets d'une annulation de la naturalisation facilitée à la seule personne concernée, respectivement pour l'étendre aux autres membres de la famille. Dans ce cadre, les autorités doivent s'inspirer de la Constitution et des buts de la loi (cf. ATF 135 II 161 consid. 5.3 p. 170 s.). Selon les directives du SEM sur l'annulation de la naturalisation facilitée (Manuel sur la nationalité [état février 2015], chapitre 6, p. 10, disponible sur https://www.sem.admin.ch/dam/data/sem / rechtsgrundlagen/weisungen/buergerrecht/hb-bueg-kap6-f.pdf, consulté le 30 octobre 2015), les enfants sont exclus de l'intégration dans la décision d'annulation au sens de l'art. 41 al. 3 LN lorsqu'ils deviendraient apatrides par une décision d'annulation.  
 
2.2.  
 
2.2.1. Dans sa décision du 27 mars 2013, après avoir jugé que les conditions d'une annulation de la naturalisation facilitée étaient réalisées à l'égard de la recourante (art. 41 al. 1 LN), le SEM en a étendu les effets à son fils (art. 41 al. 3 LN), considérant que ce dernier conservait, en vertu des art. 6 ss de la loi camerounaise sur la nationalité du 11 juin 1968, la nationalité de ce pays.  
Dans le cadre de la procédure de recours, et bien que la recourante n'ait émis aucun grief à ce propos, le Tribunal administratif fédéral a confirmé - se référant également aux art. 6 ss de loi camerounaise sur la nationalité (dans sa version anglaise:  Law no. 1968-LF-3 of the 11th june 1968 to set up the Cameroon Nationality Code ) - que l'annulation de la naturalisation facilitée dont celle-ci avait bénéficié n'entraînait pas l'apatridie de son fils.  
 
2.2.2. Selon l'art. 37 de la loi sur le Tribunal administratif fédéral du 17 juin 2005 (LTAF; RS 173.32), la procédure devant cette autorité est régie par la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA; RS 172.021). Aux termes de l'art. 12 PA, l'autorité constate les faits d'office et procède s'il y a lieu à l'administration des preuves. Le Tribunal administratif fédéral applique par ailleurs le droit d'office, sans être lié par les motifs invoqués dans le recours (cf. art. 62 al. 4 PA) ni par l'argumentation juridique développée dans la décision entreprise. Les parties doivent toutefois collaborer à l'établissement des faits (cf. art. 13 PA) et motiver leur recours (art. 52 PA); il en découle qu'on ne peut déduire des principes de la maxime inquisitoire et de l'application d'office du droit une obligation générale de l'autorité de procéder à un examen exhaustif et minutieux de l'ensemble des questions susceptibles d'être soulevées dans un cas d'espèce, alors même que celles-ci ne ressortiraient ni de la décision attaquée ni des écritures des parties; cela vaut tout particulièrement lorsqu'une erreur n'apparaît pas d'emblée évidente (cf. MOSER/BEUSCH/KNEUBÜHLER, Prozessieren vor dem Bundesverwaltungsgericht, 2013, n. 1.55 et les arrêts et références cités; voir également ATF 110 V 48 consid. 4 p. 53, plus restrictif), l'autorité pouvant s'abstenir de vérifier des solutions qui ne sont pas suspectes d'illégalité et que les parties ne prennent pas le soin de discuter (cf. Clémence Grisel, L'obligation de collaborer des parties en procédure administrative, thèse 2008, n. 236 p. 83 et la référence).  
 
2.2.3. En soutenant pour la première fois dans son recours au Tribunal fédéral que la décision du SEM les rendrait, elle et son fils, apatrides, la recourante agit tardivement. En effet, dès lors que les considérants de cette première décision abordent déjà la problématique d'une éventuelle apatridie, il incombait à la recourante, en vertu du principe d'allégation (cf. art. 52 al. 1 PA), de formuler un grief précis à ce sujet; si elle entendait ainsi critiquer l'interprétation du droit camerounais à laquelle s'est livré le SEM, on pouvait également attendre d'elle qu'elle collabore à l'établissement de son contenu (cf. Clémence Grisel, op. cit., n. 237 p. 83; Michael Pfeifer, Der Untersuchungsgrundsatz und die Offizialmaxime im Verwaltungsverfahren, thèse 1980, p. 106 s.; voir également arrêt du Tribunal administratif fédéral ATAF 2009/31 du 30 avril 2009 consid. 3.3.1); son mémoire de recours au Tribunal administratif fédéral se limite pourtant à la seule contestation du caractère mensonger des déclarations ayant présidé à la naturalisation facilitée - point qui n'est au demeurant plus discuté devant le Tribunal de céans.  
En outre et dès lors qu'il doit être tenu pour constant que la nationalité suisse a été acquise par des déclarations mensongères (art. 41 al. 1 LN), la recourante doit en supporter les conséquences; sa prétendue apatridie ne fait ainsi pas obstacle à la décision d'annulation (cf. arrêt 1C_439/2008 du 6 novembre 2008 consid. 5 et les références). Par ailleurs, s'agissant de l'apatridie de l'enfant, la décision du SEM n'apparaît pas d'emblée erronée, notamment au regard du fait que le père bénéficie de la nationalité camerounaise. Dans ces circonstances et faute pour la recourante d'avoir formulé un grief particulier à ce propos, le Tribunal administratif pouvait limiter son examen à une interprétation littérale des dispositions du droit camerounais, à la lecture desquelles il ne ressort pas que l'annulation de la naturalisation entraîne  ipso iure l'apatridie de l'enfant.  
 
2.2.4. Enfin, puisqu'il incombait à la recourante de collaborer à l'établissement et à l'interprétation du droit étranger, si elle entendait s'en prévaloir, les avis de droit camerounais produits à l'appui de son recours au Tribunal fédéral revêtent, à tout le moins partiellement, le caractère de moyens de preuve (ATF 138 II 217 consid. 2.3  in fine p. 220 et les références citées) et tombent par conséquent sous le coup de l'interdiction des preuves nouvelles prévue par l'art. 99 al. 1 LTF. Ainsi, en négligeant de produire de tels moyens de preuve devant l'instance précédente, la recourante ne peut, sous peine d'irrecevabilité, le faire pour la première fois devant le Tribunal fédéral et demander à ce dernier de procéder à leur examen (cf. Bernard Corboz, Commentaire LTF, 2014, n. 27 ad art. 99 LTF).  
Sur le vu de ce qui précède, les critiques portant sur l'interprétation du droit camerounais de la nationalité s'avèrent tardives et doivent partant être déclarées irrecevables, à l'instar des différentes pièces produites à l'appui de ce grief (cf. art. 99 al. 1 LTF). 
 
2.3. Il s'ensuit que, dans la mesure où les griefs portant sur la violation du droit fédéral, en particulier de l'interdiction de l'arbitraire et de l'art. 41 al. 1 et 3 LN, se fondent exclusivement sur les éléments irrecevables décrits ci-dessus, le Tribunal fédéral ne saurait entrer en matière sur les moyens invoqués par la recourante dans ce cadre (cf. art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF). Il peut, dans ces circonstances, être renvoyé aux considérants pertinents de l'arrêt attaqué (cf. art. 109 al. 3 LTF), qui exposent de manière détaillée la réalisation des conditions d'une annulation de la naturalisation facilitée (art. 41 al. 1 LN) et l'extension de ses effets aux membres de la famille - en l'occurrence au fils de la recourante - ayant acquis la nationalité suisse par ce biais (art. 41 al. 3 LN).  
 
3.   
En définitive, le recours doit être déclaré irrecevable. Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 65 et 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est irrecevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Secrétariat d'Etat aux migrations et au Tribunal administratif fédéral, Cour III. 
 
 
Lausanne, le 6 novembre 2015 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Fonjallaz 
 
Le Greffier : Alvarez