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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_46/2023  
 
 
Arrêt du 7 mars 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Müller, Juge présidant, 
Chaix et Kölz. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me François Canonica, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de l'Etat de Fribourg, case postale 1638, 1701 Fribourg, 
 
B.________, 
 
Objet 
Procédure pénale; renvoi de la procédure au ministère public, irrecevabilité du recours, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg du 22 décembre 2022 
(502 2022 266 + 267 + 271). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par acte d'accusation du 4 mai 2022, le Ministère public du canton de Fribourg a renvoyé A.________ (précédemment extradée par la Belgique et détenue depuis lors) devant le Tribunal pénal de l'arrondissement de la Sarine (ci-après: le tribunal pénal) pour infractions à la LStup et escroquerie. A l'ouverture des débats, le 14 novembre 2022, l'accusée a soulevé deux questions préjudicielles; la première relative au caractère exploitable des preuves recueillies dans la procédure simplifiée qui avait précédemment échoué; la seconde relative au principe de la spécialité, son extradition n'ayant pas été demandée pour l'escroquerie. Après délibérations, le tribunal a décidé de renvoyer le dossier au Ministère public "en application des art. 329 al. 2 et 355 CPP (...) afin qu'il procède aux confrontations nécessaires à l'établissement des faits". Les questions préjudicielles pouvaient être laissées ouvertes. 
 
B.  
A.________ a recouru contre ce prononcé auprès de la Chambre pénale du Tribunal cantonal fribourgeois, laquelle a, par arrêt du 22 décembre 2022, déclaré le recours irrecevable. La suspension de la procédure était une décision relative à l'avancement de la procédure et ne pouvait être attaquée qu'en présence d'un préjudice irréparable. En l'occurrence, la procédure avait été menée avec diligence de sorte qu'il n'y avait pas à craindre une violation du principe de célérité: le Ministère public serait tenu d'agir rapidement, eu égard au fait que la recourante se trouvait en détention. La suspension litigieuse ne risquait pas de différer le jugement dans une mesure inadmissible. Le tribunal pourrait statuer ultérieurement sur les questions préjudicielles, de sorte qu'il n'y avait pas non plus de préjudice irréparable sur ce point. L'invocation du droit d'être entendu (motivation insuffisante de la décision de dessaisissement) était sans influence sur l'irrecevabilité du recours. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal et de renvoyer la cause à la cour cantonale en l'invitant à entrer en matière sur le recours, subsidiairement pour nouvelle décision au sens des considérants. Elle demande l'assistance judiciaire ainsi que l'effet suspensif en ce sens que la direction de la procédure est "maintenue - voire renvoyée - et suspendue en mains du Tribunal pénal" jusqu'à droit jugé. 
La Chambre pénale a renoncé à formuler des observations. Ni le Ministère public, ni la partie plaignante ne se sont déterminés. 
Par ordonnance du 14 février 2023, la demande d'effet suspensif et de mesures provisionnelles a été admise. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La voie du recours en matière pénale au sens des art. 78 ss LTF est ouverte à l'encontre d'une décision prise au cours d'une procédure pénale. Selon l'arrêt attaqué, le recours dirigé contre le renvoi de la cause à l'instruction avec dessaisissement de la direction de la procédure a été déclaré irrecevable. La recourante a qualité pour contester ce prononcé (art. 81 al. 1 LTF) et peut recourir, malgré son caractère incident, même en l'absence d'un préjudice irréparable, puisqu'elle fait valoir à cet égard un déni de justice formel (ATF 143 I 344 consid. 1.2; 138 IV 258). 
 
2.  
La recourante se plaint d'une violation de l'art. 393 CPP. A l'ouverture des débats, elle avait soulevé deux questions préjudicielles, relatives l'une au caractère exploitable de pièces (procès-verbal d'audience) en lien avec une procédure simplifiée qui n'a pas abouti, l'autre au respect du principe de la spécialité, son extradition n'ayant pas été accordée pour l'infraction d'escroquerie. Le tribunal devait statuer immédiatement à ce propos (art. 339 al. 3 CPP) et aurait commis un déni de justice en n'y procédant pas; la condition du préjudice irréparable n'aurait pas, dans un tel cas, à être examinée. En outre, le renvoi à l'instruction permettrait de réparer les vices soulevés dans les questions préjudicielles, et priverait définitivement la recourante de ces moyens de défense. L'allongement de la procédure serait susceptible de causer un préjudice irréparable dès lors que la recourante est en détention depuis le 15 avril 2021 et que les débats ont été convoqués plus de six mois après le dépôt de l'acte d'accusation. Le tribunal aurait pu, dans ce long laps de temps, organiser lui-même les confrontations. Au lieu de cela, le renvoi à l'instruction - qui doit demeurer exceptionnel - provoquerait un allongement de plusieurs mois de la procédure, en violation du principe de célérité. 
 
2.1.  
Selon l'art. 329 al. 1 CPP (disposition relative à la préparation des débats), la direction de la procédure examine si l'acte d'accusation et le dossier sont établis régulièrement (let. a), si les conditions à l'ouverture de l'action publique sont réalisées (let. b) et s'il existe des empêchements de procéder (let. c). S'il apparaît lors de cet examen ou plus tard durant la procédure qu'un jugement au fond ne peut pas encore être rendu, le tribunal suspend la procédure; au besoin, il renvoie l'accusation au ministère public pour qu'il la complète ou la corrige (art. 329 al. 2 CPP). Le tribunal décide si une affaire suspendue reste pendante devant lui (art. 329 al. 3 CPP). 
Selon l'art. 393 al. 1 let. b CPP, le recours est recevable contre les ordonnances, les décisions et les actes de procédure des tribunaux de première instance, sauf contre ceux de la direction de la procédure, par quoi il faut entendre toutes les décisions qu'exigent l'avancement et le déroulement de la procédure avant ou pendant les débats (ATF 140 IV 202 consid. 2.1; ATF 138 IV 193 consid. 4.3.1). La jurisprudence considère qu'il convient de limiter l'exclusion du recours aux décisions qui ne sont pas susceptibles de causer un préjudice irréparable. A l'inverse, si la décision peut causer un tel préjudice, elle est en principe attaquable par la voie du recours prévu par l'art. 393 CPP, puis par le recours en matière pénale (cf. art. 78 ss LTF; ATF 140 IV 202 consid. 2.1). La notion de préjudice irréparable au niveau cantonal est la même que celle qui prévaut en application de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 140 IV 202 consid. 2.1; arrêt 1B_324/2016 du 12 septembre 2016 consid. 3.1 et les arrêts cités). En matière pénale, ce dommage se rapporte à un préjudice de nature juridique qui ne puisse pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable au recourant (ATF 141 IV 284 consid. 2.2). 
Les décisions d'un tribunal de première instance ordonnant la suspension et le renvoi en instruction ne causent en principe pas de préjudice irréparable (arrêts 1B_304/2011 du 26 juillet 2011 consid. 1.2; 1B_240/2011 du 28 juin 2011 consid. 1.3). Il en va différemment lorsque le justiciable fait valoir un retard injustifié à statuer sur le fond constitutif d'un déni de justice formel, notamment lors d'un renvoi au ministère public pour des mesures d'instruction que le tribunal de première instance paraîtrait à même de mettre en oeuvre (ATF 141 IV 39 consid. 1.6.2). Il faut toutefois que le grief fasse apparaître un risque sérieux de violation du principe de célérité (ATF 138 III 190 consid. 6). Ainsi, lorsque la suspension critiquée intervient à un stade de la procédure où il apparaît évident que le principe de célérité n'est pas violé, ou lorsque le recourant ne démontre pas qu'un tel risque apparaîtra nécessairement à terme, la jurisprudence s'en tient aux exigences de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 143 IV 175 consid. 2.3; 134 IV 43 consid. 2.5). 
 
2.2. En l'occurrence, il n'est pas contesté que le prononcé du tribunal de première instance renvoyant la cause au Ministère public constitue une décision incidente relative à l'avancement de la procédure et au déroulement de celle-ci. La recourante prétend pouvoir faire abstraction de la condition du préjudice irréparable au motif que le tribunal n'aurait pas statué sur les questions préjudicielles soulevées à l'ouverture des débats. Le tribunal doit certes en principe statuer immédiatement à ce propos (art. 339 al. 3 CPP). Toutefois, le renvoi de la cause à l'instruction au sens de l'art. 329 al. 2 CPP peut avoir lieu avant la liquidation des questions préjudicielles puisqu'il peut aussi intervenir avant même l'ouverture des débats.  
Les questions soulevées par la recourante pourront au demeurant être traitées lors des prochains débats; la décision de renvoi ne s'interprète donc pas comme un refus de statuer sur ces questions, mais comme un simple report. Si le renvoi peut permettre au Ministère public de compléter le dossier, voire de corriger certaines irrégularités, la recourante pourra faire valoir ultérieurement qu'un tel mode de procéder est, selon elle, inadmissible. Il n'y a donc pas de déni de justice ni de préjudice irréparable sur ce point. 
 
2.3. La recourante fait également valoir que l'allongement de la procédure consécutif au renvoi serait susceptible de conduire à une violation du principe de la célérité, respectivement lui causerait un préjudice irréparable. La cour cantonale a toutefois examiné dans le détail le déroulement de la procédure: la recourante a demandé en septembre 2021 la mise en oeuvre d'une procédure simplifiée, mais la durée de cette procédure était imputable essentiellement "aux louvoiements de la recourante" et au changement de défenseur; après l'avis de prochaine clôture du 30 mars 2022, la recourante a demandé une confrontation qui a été refusée le 26 avril 2022; l'acte d'accusation a été rendu le 4 mai 2022; le 6 juillet 2022, le Président du Tribunal a cité les parties pour les audiences des 14 et 21 novembre 2022; un nouveau changement de défenseur a été annoncé le 19 juillet 2022. Il n'apparaît ainsi pas que la procédure ait connu des longueurs ou des arrêts injustifiés. Les mesures d'instruction complémentaires ordonnées par le tribunal sont clairement définies et ne présentent pas de difficultés de mise en oeuvre; rien n'empêchera le Ministère public de les exécuter sans retard (comme l'exige d'ailleurs la cour cantonale en relevant que la recourante est détenue), et les débats pourront être réappointés dans les meilleurs délais, de sorte que le risque d'une violation du principe de célérité n'est pas démontré.  
Le refus d'entrer en matière opposé par la cour cantonale ne viole dès lors pas l'art. 393 CPP. Dans la mesure où le recours était irrecevable, c'est également à juste titre que la cour cantonale a refusé d'examiner le grief de violation du droit d'être entendu soulevé en rapport avec la motivation de la décision du tribunal. 
 
3.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. La recourante a demandé l'assistance judiciaire et les conditions en sont réunies (art. 64 al. 1 LTF). Il y a lieu de désigner Me François Canonica en tant qu'avocat d'office du recourant pour la procédure fédérale et de lui allouer une indemnité à titre d'honoraires, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF), ni alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me François Canonica est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la Caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Ministère public de l'Etat de Fribourg, à B.________ et à la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg. 
 
 
Lausanne, le 7 mars 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Müller 
 
Le Greffier : Kurz