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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_741/2022  
 
 
Arrêt du 7 mars 2023  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mme et MM les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Hartmann. 
Greffier : M. Wiedler. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Mark Muller, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Département de l'économie et de l'emploi de la République et canton de Genève, place de la Taconnerie 7, 1204 Genève, 
représenté par Me Gabriel Aubert, avocat. 
 
Objet 
Allocation d'aide extraordinaire destinée aux 
entreprises touchées par les mesures contre 
l'épidémie du Covid-19, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de 
la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2ème section, du 9 août 2022 (ATA/794/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
La société anonyme A.________ SA qui a son siège à U.________, a pour but l'exploitation de cafés, restaurants et commerces de produits alimentaires. Elle a pour administrateur B.________. Elle exploite un restaurant à l'enseigne «C.________» à U.________. 
 
B.  
Le 23 juillet 2021, la société A.________ SA a formé auprès du Département du développement économique, devenu depuis lors le Département de l'économie et de l'emploi de la République et canton de Genève (ci-après: le Département cantonal), une demande d'aide financière pour cas de rigueur, en raison des pertes engendrées par l'épidémie de Covid-19. 
Par décision du 10 septembre 2021, la Conseillère d'Etat en charge du Département cantonal a rejeté cette demande, au motif que la société A.________ SA n'avait pas établi qu'elle ne figurait pas sur la liste des entreprises en infraction à la législation en matière de lutte contre le travail au noir. 
A la suite de la contestation de cette décision par la société intéressée, la Conseillère d'Etat en charge du Département cantonal a confirmé le rejet de la demande d'aide financière par décision du 24 janvier 2022. 
Par arrêt du 9 août 2022, la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a rejeté le recours interjeté par la société A.________ SA contre la décision précitée du 24 janvier 2022. 
 
C.  
La société A.________ SA dépose un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt du 9 août 2022 de la Cour de justice et de la décision du 24 janvier 2022 de la Conseillère d'Etat en charge du Département cantonal, ainsi qu'au renvoi de la cause au Département cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
La Cour de justice s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Département cantonal se détermine et conclut au rejet du recours. La recourante dépose des observations et persiste dans ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 IV 453 consid. 1). Toutefois, conformément à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, lorsque les conditions de recevabilité ne ressortent pas à l'évidence de l'arrêt attaqué ou du dossier de la cause, la partie recourante doit exposer en quoi celles-ci sont réunies, en particulier en quoi l'arrêt attaqué est une décision pouvant faire l'objet d'un recours en matière de droit public, sous peine d'irrecevabilité (ATF 133 II 353 consid. 1 et les références citées). 
 
1.1. L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF) rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). Portant sur l'octroi d'aides financières de l'Etat en lien avec l'épidémie de Covid-19, il s'agit d'une cause de droit public (art. 82 let. a LTF). Le recours en matière de droit public est donc en principe ouvert. Toutefois, un tel recours n'est pas recevable contre les décisions concernant des subventions auxquelles la législation ne donne pas droit (art. 83 let. k LTF).  
 
1.2. La République et canton de Genève a mis en place différentes aides financières en faveur des entreprises en lien avec l'épidémie de Covid-19: certaines reprennent les conditions de l'ordonnance fédérale du 25 novembre 2020 concernant les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises en lien avec l'épidémie de Covid-19 (Ordonnance Covid-19 cas de rigueur 2020, OMCR 20; RS 951.262) et pour lesquelles le canton bénéfice d'une participation financière de la Confédération au sens de cette ordonnance; d'autres, purement cantonales, ne bénéficient pas du soutien financier de la Confédération, faute pour les entreprises concernées de remplir les critères de l'OMCR 20.  
Le Tribunal fédéral a déjà jugé que ces aides financières, fondées sur la loi genevoise 12'938 du 30 avril 2021 relative aux aides financières extraordinaires de l'Etat destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l'épidémie de coronavirus pour l'année 2021 (LAFE/GE-2021), comme cela est le cas en l'espèce, étaient des subventions au sens de l'art. 83 let. k LTF. Il a également retenu que les aides financières cantonales reposant sur les art. 9 et 10 LAFE/GE-2021 étaient des subventions auxquelles la législation ne donnait aucun droit (cf. arrêt 2C_711/2022 du 9 décembre 2022 consid. 1.2 ss). 
 
1.3. Par ailleurs, le Tribunal fédéral a jugé que ni l'art. 12 de la loi fédérale du 25 septembre 2020 sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l'épidémie de Covid-19 (Loi Covid-19; RS 818.102), qui fixe les principes régissant les aides financières pour cas de rigueur versées par la Confédération, ni l'OMCR 20, qui met en oeuvre ces principes, n'ouvraient un droit à l'octroi des aides financières concernées, ces textes ne faisant que fixer les conditions minimales pour que la Confédération participe financièrement aux programmes de soutien aux entreprises mis en place par les cantons (cf. arrêt 2C_8/2022 du 28 septembre 2022 consid. 1.3.4).  
 
1.4. En l'espèce, le point de savoir si la législation concernant les aides complémentaires donne droit aux subventions en cause n'est pas évident. Aucun élément ressortant de l'arrêt attaqué, des écritures de la recourante ou des déterminations du Département cantonal déposées devant la Cour de céans ne permettent de trancher cette question qui nécessite une analyse détaillée des dispositions cantonales applicables, dispositions que le Tribunal fédéral n'examine pas librement (cf. art. 95 LTF). Il incombait donc à la recourante d'exposer en quoi le motif d'exclusion de l'art. 83 let. k LTF n'entrait pas en considération en l'espèce (art. 42 al. 2 LTF; arrêt 2C_631/2022 du 8 novembre 2022 consid. 1.3), ce qu'elle ne fait pas.  
 
1.5. Partant, le Tribunal fédéral n'étant pas en mesure d'examiner si le recours échappe à la clause d'irrecevabilité de l'art. 83 let. k LTF, faute de motivation suffisante, la voie du recours en matière de droit public est exclue.  
 
2.  
Il convient dès lors d'examiner si le recours déposé devant le Tribunal fédéral remplit les conditions de recevabilité du recours constitutionnel subsidiaire, quand bien même la recourante n'a formé qu'un recours en matière de droit public. En effet, l'intitulé erroné de l'écriture ne nuit pas à son auteur, pour autant que les conditions de recevabilité du recours qui aurait dû être interjeté soient réunies (ATF 133 II 396 consid. 3.1). 
 
2.1. Selon l'art. 115 LTF, a qualité pour former un recours constitutionnel subsidiaire quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a) et a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (let. b). L'intérêt juridiquement protégé requis par l'art. 115 let. b LTF peut être fondé sur le droit cantonal ou fédéral ou directement sur un droit fondamental particulier (cf. ATF 140 I 285 consid. 1.2; 135 I 265 consid. 1.3; arrêts 2C_401/2022 du 2 novembre 2022 consid. 2.1; 2C_200/2017 du 14 juillet 2017 consid. 1.2.3).  
 
2.2. En l'espèce, comme on vient de le voir, la recourante ne démontre pas disposer d'un droit à l'octroi de la subvention litigieuse (cf. supra consid. 1.4), alors qu'il lui incombait d'alléguer les éléments propres à fonder sa qualité pour recourir (cf. art. 42 al. 1 et 2 LTF; ATF 141 IV 1 consid. 1.1). La recourante ne peut dès lors pas déduire un intérêt juridiquement protégé au sens de l'art. 115 let. b LTF des dispositions légales applicables en l'espèce en matière de subventions.  
 
2.3. L'art. 49 al. 1 Cst., invoqué par la recourante, qui fixe le principe de la primauté du droit fédéral, peut cependant fonder, en matière de subventions, un intérêt juridiquement protégé ouvrant la voie du recours constitutionnel subsidiaire (cf. arrêt 2C_8/2022 du 28 septembre 2022 consid. 2.2). Ainsi, le grief de violation de l'art. 49 Cst. formulé par la recourante est recevable dans son principe, sous l'angle de l'art. 115 let. b LTF.  
 
2.3.1. En vertu de l'art. 106 al. 2 LTF, applicable par renvoi de l'art. 117 LTF, les griefs relatifs à la violation de droits constitutionnels doivent être invoqués et motivés par la partie recourante, à savoir expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée, en précisant en quoi consiste la violation (cf. ATF 145 I 121 consid. 2.1).  
 
2.3.2. Selon l'art. 49 al. 1 Cst., le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui est contraire. Ce principe constitutionnel de la primauté du droit fédéral fait obstacle à l'adoption ou à l'application de règles cantonales qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l'esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu'elles mettent en oeuvre, ou qui empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de façon exhaustive (ATF 146 II 309 consid. 4.1 et les références). Cependant, quand bien même la législation fédérale est considérée comme exhaustive dans un domaine donné, une loi cantonale peut subsister dans le même domaine, en particulier si elle poursuit un autre but que celui recherché par le droit fédéral. Le principe de la force dérogatoire n'est pas non plus violé dans la mesure où la loi cantonale vient renforcer l'efficacité de la réglementation fédérale (ATF 133 I 110 consid. 4.1). En outre, même si, en raison du caractère exhaustif de la législation fédérale, le canton ne peut plus légiférer dans une matière, il n'est pas toujours privé de toute possibilité d'action. Ce n'est que lorsque la législation fédérale exclut toute réglementation dans un domaine particulier que le canton perd toute compétence pour adopter des dispositions complétives, quand bien même celles-ci ne contrediraient pas le droit fédéral ou seraient même en accord avec celui-ci (ATF 143 I 403 consid. 7.1; 143 I 109 consid. 4.2.2 et les références).  
 
2.3.3. En l'espèce, la recourante fait valoir qu'en adoptant la loi fédérale du 17 juin 2005 concernant des mesures en matière de lutte contre le travail au noir (LTN; RS 822.41), la Confédération a exhaustivement traité cette problématique. Elle en déduit que l'art. 5 let. c LAFE/GE-2021, en vertu duquel une entreprise ne doit pas figurer sur les listes d'entreprises ayant contrevenu à la législation visant à lutter contre le travail au noir pour être éligibles aux aides financières, serait contraire à l'art. 49 al. 1 Cst. A l'appui de sa critique, la recourante n'explique cependant pas de manière circonstanciée en quoi le principe de la primauté du droit fédéral découlant de cette disposition serait applicable en l'espèce, alors que la LAFE/GE-2021 vise manifestement un autre but que la LTN et que la jurisprudence précédemment citée ne prévoit pas l'application de ce principe dans ces circonstances. Son argumentation ne respecte dès lors pas les exigences minimales de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF. En conséquence, il ne sera pas entré en matière sur ce grief.  
 
2.4. Même s'il n'a pas qualité pour agir au fond, le recourant peut se plaindre par la voie du recours constitutionnel subsidiaire de la violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel, pour autant qu'il ne s'agisse pas de moyens ne pouvant être séparés du fond (" Star-Praxis "; cf. ATF 141 IV 1 consid. 1.1; 137 II 305 consid. 2; arrêt 2D_32/2022 du 25 novembre 2022 consid. 2.2). La possibilité d'invoquer des garanties procédurales ne saurait permettre en effet de remettre en cause, même de façon indirecte, la décision sur le fond (ATF 141 IV 1 consid. 1.1; 138 IV 78 consid. 1.3; 129 I 217 consid. 1.4). Seuls les griefs de nature formelle qui sont séparés de l'examen de la cause au fond peuvent donc être présentés. En revanche, les griefs qui reviennent de facto à critiquer la décision attaquée sur le plan matériel sont exclus. La partie recourante ne peut ainsi ni critiquer l'appréciation des preuves, ni faire valoir que la motivation n'est pas correcte d'un point de vue matériel (cf. ATF 137 II 305 consid. 2; arrêt 2D_32/2022 du 25 novembre 2022 consid. 2.2 et les autres références).  
 
2.4.1. Dans son mémoire, la recourante fait valoir que, dans l'arrêt attaqué, la Cour de justice se serait rendue coupable de formalisme excessif (art. 29 al. 1 Cst.) et de violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.) en n'examinant pas le grief de violation du principe d'interdiction du formalisme excessif soulevé devant elle. Tant le principe de l'interdiction du formalisme excessif que le droit d'être entendu sont des garanties procédurales de nature formelle dont le Tribunal fédéral est susceptible d'examiner la violation dans le cadre d'un recours constitutionnel subsidiaire lorsque la partie recourante n'a pas la qualité pour recourir au fond, pour autant que cet examen ne conduise pas à examiner l'arrêt attaqué sur le plan matériel (cf. supra consid. 2.4).  
 
2.4.2. Il y a formalisme excessif, constitutif d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst., lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi et complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 145 I 201 consid. 4.2.1; 142 IV 299 consid. 1.3.2; 142 I 10 consid. 2.4.2; 135 I 6 consid. 2.1). En tant que l'interdiction du formalisme excessif sanctionne un comportement répréhensible de l'autorité dans ses relations avec le justiciable, elle poursuit le même but que le principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 et 9 Cst.; ATF 145 I 201 consid. 4.2.1).  
 
2.4.3. En l'espèce, la recourante fait valoir qu'en appliquant de manière stricte l'art. 5 let. c LAFE/GE-2021 et en refusant sur cette base de reconnaître qu'elle était éligible aux aides financières litigieuses, la Cour de justice se serait rendue coupable de formalisme excessif. La recourante ne s'en prend ainsi pas à l'application stricte d'une règle de procédure, mais d'une disposition de droit matériel cantonal. C'est donc à tort que la recourante invoque une violation du principe de l'interdiction du formalisme excessif. Partant, ce grief, qui relève en réalité du droit de fond et non du droit de procédure, est irrecevable sous l'angle de la Star-praxis (cf. supra consid. 2.4).  
 
2.4.4. S'agissant de son grief de violation du droit d'être entendu, la recourante reproche à la Cour de justice de ne pas avoir traité le grief de violation du principe de l'interdiction du formalisme soulevé devant elle, dans lequel elle se plaignait d'une stricte application de l'art. 5 let. c LAFE/GE (p. 12 s du recours déposé devant la Cour de justice). Dans ce contexte, c'est également à tort que la recourante invoque une violation du principe de l'interdiction du formalisme excessif en lien avec une disposition de droit matériel. Il apparaît ainsi que, pour trancher le bien-fondé de la critique de violation du droit d'être entendu formulé devant l'autorité de céans, il est nécessaire d'examiner si, dans l'arrêt attaqué, la Cour de justice examine au moins brièvement la manière dont l'art. 5 let. c LAFE/GE, disposition de droit matériel, doit être appliqué (cf. ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 et les arrêts cités). Une telle analyse est indissociable du fond de la cause. En conséquence, le grief de violation du droit d'être entendu formulé par la recourante est également irrecevable.  
 
2.5. Partant, traité comme un recours constitutionnel subsidiaire, le recours n'est pas non plus recevable.  
 
3.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours est irrecevable. 
Les frais judiciaires, réduits, sont mis à la charge de la recourante qui succombe (cf. art. 66 al. 1 et al. 5 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 francs, sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au mandataire du Département de l'économie et de l'emploi de la République et canton de Genève, ainsi qu'à la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 7 mars 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : A. Wiedler