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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1097/2022  
 
 
Arrêt du 7 mars 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Denys, Juge présidant, Koch S., Hurni Ch. 
Greffière : Mme Thalmann. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________ SA en liquidation, 
lui-même représenté par Me Gilles Monnier, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
1. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
2. B.________, 
représenté par Me Alain Vogel, avocat, Etude BVHLegal, 
intimés. 
 
Objet 
Ordonnance de classement (gestion déloyale, etc.), prescription 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 15 juin 2022 
(n° 431 PE12.011885-ARS). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 25 juin 2002, B.________ a été nommé PDG (président directeur général) de C.A.________ SA, société anonyme de droit français active dans le commerce de xxx, dont le siège se trouvait à U.________ et qui contrôlait diverses filiales formant le groupe A.________. Le 5 mars 2003, le conseil d'administration de C.A.________ SA a décidé de créer une filiale en Suisse. C'est ainsi qu'a été fondée, le 4 avril 2003, A.A.________ SA, société anonyme de droit suisse ayant son siège à V.________, dont deux cent quarante-huit actions sur deux cent cinquante étaient détenues directement par C.A.________ SA, une à titre fiduciaire par un employé de C.A.________ SA et une à titre fiduciaire par B.________. Cette filiale suisse avait pour but le commerce et la transformation de produits de toute nature pour le compte du groupe A.________ ainsi que le développement des réseaux du groupe A.________ dans le monde entier, à l'exception de la France.  
Le 12 juillet 2007, B.________ a démissionné de ses fonctions de PDG de C.A.________ SA et d'administrateur-président délégué de A.A.________ SA. 
Le 16 janvier 2009, le Président du Tribunal d'arrondissement de Lausanne a prononcé la faillite de A.A.________ SA. 
 
A.b. Par actes des 25 juin 2012, 19 juillet 2012, 29 juillet 2016 et 5 septembre 2016, A.A.________ SA en liquidation, agissant par l'administrateur spécial de sa faillite, D.________, a porté plainte contre B.________ pour escroquerie, gestion déloyale, abus de confiance et toute autre infraction que l'instruction révélerait.  
 
B.  
 
B.a. Par ordonnance du 11 avril 2018, le Ministère public central a, notamment, rejeté les réquisitions de preuve présentées par A.A.________ SA en liquidation dans le délai de prochaine clôture et a ordonné le classement de la procédure dirigée contre B.________.  
 
B.b. Par arrêt du 14 janvier 2019, entré en force, la Chambre des recours pénale du canton de Vaud a partiellement admis le recours de A.A.________ SA en liquidation dans la mesure où il était recevable, annulé l'ordonnance de classement du 11 avril 2018 et renvoyé la cause au Ministère public central pour qu'il complète l'instruction dans le sens des considérants, puis, le complément d'instruction terminé, qu'il apprécie à nouveau s'il y avait lieu de classer la procédure ou de mettre B.________ en accusation.  
 
C.  
 
C.a. Par ordonnance du 25 novembre 2021, le Ministère public central a prononcé le classement de la procédure pénale dirigée contre B.________, a dit qu'il n'y avait pas lieu d'allouer au prévenu d'indemnité au sens de l'art. 429 CPP et a laissé les frais de procédure à la charge de l'État.  
 
C.b. Par arrêt du 15 juin 2022, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours formé par A.A.________ SA en liquidation et a confirmé l'ordonnance du 25 novembre 2021. Les frais d'arrêt, par 5'390 fr., ont été mis à la charge de A.A.________ SA en liquidation.  
 
D.  
Par acte daté du 14 septembre 2022 A.A.________ SA en liquidation forme un recours en matière pénale, subsidiairement un recours constitutionnel subsidiaire, au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 15 juin 2022. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens que principalement l'ordonnance de classement du 25 novembre 2021 est annulée et la cause est renvoyée au ministère public pour nouvelle décision dans le sens des considérants et, subsidiairement, l'ordonnance de classement est réformée en ce sens qu'un acte d'accusation est délivré à l'encontre de B.________ du chef de gestion déloyale, abus de confiance et escroquerie et toutes infractions que justice dira. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Très subsidiairement, elle conclut à ce qu'un déni de justice soit constaté, aux termes duquel A.A.________ SA en liquidation "a été indûment privée, notamment par la violation du principe de célérité, de son droit de porter la cause devant le Tribunal régulièrement constitué à cet effet". 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La recourante forme également un recours constitutionnel subsidiaire. L'arrêt attaqué, qui est final, a été rendu dans une cause de droit pénal. Il peut donc faire l'objet d'un recours en matière pénale (art. 78 ss LTF), qui permet notamment de se plaindre de toute violation du droit fédéral, y compris des droits constitutionnels (art. 95 let. a LTF). Par conséquent, le recours constitutionnel subsidiaire est exclu (art. 113 LTF a contrario; arrêt 6B_766/2018 du 28 septembre 2018 consid. 1.1).  
 
2.  
 
2.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent des prétentions civiles celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 146 IV 76 consid. 3.1; 141 IV 1 consid. 1.1). En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe à la partie recourante d'alléguer les faits qu'elle considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir. Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou de classement de l'action pénale, la partie plaignante n'a pas nécessairement déjà pris des conclusions civiles. Quand bien même la partie plaignante aurait déjà déclaré des conclusions civiles (cf. art. 119 al. 2 let. b CPP), il n'en reste pas moins que le procureur qui refuse d'entrer en matière ou prononce un classement n'a pas à statuer sur l'aspect civil (cf. art. 320 al. 3 CPP). Dans tous les cas, il incombe par conséquent à la partie plaignante d'expliquer dans son mémoire au Tribunal fédéral quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé. Comme il n'appartient pas à la partie plaignante de se substituer au ministère public ou d'assouvir une soif de vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 141 IV 1 consid. 1.1).  
 
2.2. En l'espèce, la partie plaignante recourante a chiffré ses prétentions civiles à 1'237'806 fr. 75 au titre du dommage directement causé par les actes incriminés. Elle expose que ces prétentions représenteraient la rémunération prélevée par l'intimé entre juillet 2004 et juillet 2007 alors qu'il n'en avait pas le droit. Elle démontre, dans cette mesure, à satisfaction de droit avoir qualité pour recourir en application de l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF. Cela étant, au vu de ce qui suit ( infra consid. 3), il apparaît que la recourante ne dispose plus d'un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (cf. arrêts 6B_707/2019 du 29 novembre 2019 consid. 2.3; 6B_479/2018 du 19 juillet 2019 consid. 2.1).  
 
3.  
Selon l'art. 81 al. 1 let. b LTF, a qualité pour recourir en matière pénale toute personne ayant un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision attaquée. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un intérêt juridiquement protégé à l'examen matériel de la décision cantonale de dernière instance disparaît lorsqu'il n'est plus possible de procéder à une modification sur le plan pénal, en l'absence de jugement mettant fin à la prescription de l'action pénale (arrêts 6B_967/2022 du 21 février 2023 consid. 1; 6B_479/2018 du 19 juillet 2019 consid 2.1; 6B_927/2015 du 2 mai 2016 consid. 1 avec référence). La survenance de la prescription de l'action pénale doit être prise en compte d'office à chaque stade de la procédure (ATF 139 IV 62 consid. 1; 129 IV 49 consid. 5.4; 116 IV 80 consid. 2a). C'est pourquoi, ainsi que pour des raisons d'économie de procédure, il convient d'examiner au préalable si la prescription de l'action publique est acquise pour les infractions reprochées à l'intimé et si une condamnation est d'emblée exclue pour cette raison. 
 
3.1. L'abus de confiance (art. 138 ch. 1 CP) est sanctionné par une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou une peine pécuniaire.  
L'escroquerie (art. 146 al. 1 CP) est également sanctionnée par une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou une peine pécuniaire. 
La gestion déloyale (art. 158 CP) est sanctionnée par une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire. 
 
3.2. L'action pénale relative aux infractions d'abus de confiance et d'escroquerie se prescrivait par quinze ans selon le droit applicable du 1er juillet 2004 au 31 juillet 2007 (cf. art. 70 al. 1 let. b aCP et 97 al. 1 let. b aCP). L'action pénale relative à l'infraction de gestion déloyale se prescrit par sept ans selon le droit applicable au moment des faits (cf. art. 70 al. 1 let. c aCP et 97 al. 1 let. c aCP).  
 
3.3. Il résulte de ce qui précède que l'art. 97 CP dans sa version actuelle est moins favorable à l'auteur que l'art. 97 aCP, dans la mesure où l'action pénale se prescrit par dix ans si la peine maximale encourue est une peine privative de liberté de trois ans, ce qui est le cas de l'infraction de gestion déloyale. En vertu du principe de la lex mitior (cf. art. 2 al. 2 et 389 CP; ATF 134 IV 82 consid. 6.2; arrêt 6B_476/2019 du 29 mai 2019 consid. 3.1.1), c'est donc l'ancien droit qui est applicable aux faits survenus entre 2004 et 2007. L'action pénale se prescrivait ainsi, s'agissant de l'abus de confiance et de l'escroquerie, par quinze ans et, s'agissant de la gestion déloyale, par sept ans.  
 
3.4. Le point de départ du délai de prescription est régi par l'art. 98 CP, lequel est resté inchangé (cf. ATF 142 IV 276 consid. 5.1; arrêt 6B_476/2019 précité consid. 3.1.1). La prescription court du jour où l'auteur a exercé son activité coupable (let. a), du jour où le dernier acte a été commis, si cette activité s'est exercée à plusieurs reprises (let. b) ou du jour où les agissements coupables ont cessé, s'ils ont eu une certaine durée (let. c).  
 
3.5. En l'espèce, l'arrêt attaqué retient que les rémunérations litigieuses ont été versées par A.A.________ SA de juillet 2004 à juillet 2007, date du début de la prescription pénale. Elle est au vu de ce qui précède atteinte à ce jour s'agissant des trois infractions en cause, étant précisé que la prescription de l'action pénale n'a pas été interrompue par les ordonnances de classement du 11 avril 2018ou du 25 novembre 2021, qui ne sont pas un "jugement de première instance" au sens de l'art. 97 al. 3 CP (inchangé; cf. arrêts 6B_967/2022 précité consid. 1; 6B_565/2019 du 12 juin 2019 consid. 3.2 et 6B_614/2015 du 14 mars 2016 consid. 2.2). Ainsi, en cas de renvoi de la cause à l'instance précédente, celle-ci ne pourrait que constater que la prescription est acquise.  
Il découle de ce qui précède que la recourante ne dispose pas d'un intérêt juridique actuel à la contestation de l'arrêt attaqué, une condamnation de l'intimé pour abus de confiance, escroquerie ou gestion déloyale étant exclue en raison de la prescription de l'action pénale. Il n'y a par conséquent pas lieu d'entrer en matière sur le recours dans la mesure où la recourante demande l'annulation de la décision de l'instance précédente et le renvoi de la procédure à l'autorité de première instance. 
 
4.  
 
4.1. Indépendamment de l'absence de qualité pour recourir sur le fond, la partie recourante est aussi habilitée à se plaindre d'une violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel, sans toutefois pouvoir faire valoir par ce biais, même indirectement, des moyens qui ne peuvent être séparés du fond (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 et les références citées). L'intérêt juridiquement protégé au sens de l'art. 81 al. 1 let. b LTF résulte dans ce cas du droit de participer à la procédure (cf. arrêt 6B_967/2022 du 21 février 2023 consid. 2).  
 
4.2. La recourante se plaint subsidiairement d'un déni de justice formel. Elle soutient que, dans l'hypothèse où la prescription serait effectivement constatée, elle aurait été privée d'un jugement, soit d'une procédure judiciaire en bonne et due forme en violation des art. 29 et 30 Cst.  
La recourante reproche essentiellement aux autorités cantonales d'avoir rendu une nouvelle ordonnance de classement plus de quatre ans après celle annulée à la suite de l'arrêt du 14 janvier 2019. Ce faisant, elle ne fait pas valoir de moyen qui peut être séparé du fond, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur ce point. Il en va de même en tant qu'elle invoque l'interdiction de l'arbitraire. 
Pour le surplus, la recourante se contente de mentionner qu'elle aurait attiré l'attention des autorités cantonales sur "l'enjeu de la prescription" dans plusieurs courriers, sans toutefois démontrer en quoi les autorités cantonales auraient violé le principe de la célérité ou commis un déni de justice (art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF). 
Il s'ensuit que le grief de la recourante est irrecevable. 
 
5.  
L'hypothèse visée à l'art. 81 al. 1 let. b ch. 6 LTF n'entre pas en considération, dès lors que la recourante ne soulève aucun grief concernant spécifiquement son droit de porter plainte. 
 
6.  
Compte tenu de ce qui précède, le recours doit être déclaré irrecevable. La recourante, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale. 
 
 
Lausanne, le 7 mars 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant : Denys 
 
La Greffière : Thalmann