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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1C_46/2019  
 
 
Arrêt du 7 novembre 2019  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président, 
Fonjallaz et Muschietti. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________ et B.A.________, recourants, 
 
contre  
 
1. B.________, 
2. C.________et D.________, 
représentés par Me Philippe Prost, avocat, intimés, 
 
Municipalité de Crans-près-Céligny, rue du Grand-Pré 25, case postale 24, 1299 Crans-près-Céligny, représentée par Me Benoît Bovay, avocat, 
Direction générale de l'environnement du canton de Vaud (DGE-DIRNA), p.a. Unité du Service juridique, rue Caroline 11, 1014 Lausanne, 
Etablissement d'assurance contre l'incendie et les éléments naturels du canton de Vaud (ECA), avenue Général-Guisan 56, 1009 Pully. 
 
Objet 
Permis de construire, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 7 décembre 2018 (AC.2018.0203). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Au mois d'avril 2016, D.________ et C.________ (propriétaires) ont mis à l'enquête un projet de construction, par B.________ (constructeurs), d'une villa familiale avec couvert à voiture sur la parcelle n° 106 de la commune de Crans-près-Céligny. Selon le plan d'affectation communal de 1982, la parcelle est colloquée pour partie en zone du Bourg et pour partie en zone de verdure. Le projet a fait l'objet de l'opposition, notamment, de A.A.________ et B.A.________, propriétaires de la parcelle voisine n° 792. Par décision du 19 juillet 2016, la Municipalité a levé l'opposition et le permis de construire a été délivré le 5 septembre 2016. Les opposants ont saisi la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (CDAP) d'un recours contre le permis de construire, puis d'un recours contre une décision de constatation de la nature forestière prise le 4 mai 2017 par la Direction générale de l'environnement du canton de Vaud (DGE). Par arrêt du 12 février 2018, la CDAP a admis le recours et a annulé l'autorisation de construire, considérant que l'accès à la parcelle ne reposait pas sur un titre juridique suffisant. La CDAP a confirmé en revanche l'emplacement de la limite entre la zone du Bourg et la zone de verdure ainsi que la décision de constatation de la nature forestière. Les autres griefs, relatifs notamment aux dangers naturels, à l'esthétique et à la surface constructible, ont également été rejetés. 
Le 30 mai 2018, la Municipalité a accordé un nouveau permis de construire, après déplacement de l'assiette de la servitude d'accès. A.A.________ et B.A.________ ont derechef saisi la CDAP qui, par arrêt du 7 décembre 2018, a rejeté le recours. Le nouveau permis (rectifié le 30 août 2018) pouvait être délivré sans nouvelle enquête publique. Les recourants ne soulevaient aucun grief en rapport avec la nouvelle planification adoptée en juin 2017 et approuvée par l'autorité cantonale en décembre 2017. Les griefs relatifs à l'arrêt du 12 février 2018 ont été écartés, de même que ceux qui concernaient la modification de la servitude d'accès. 
 
B.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.A.________ et B.A.________ demandent au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt cantonal en ce sens que leur recours est admis et que la décision municipale est annulée, sous suite de frais et de dépens. Subsidiairement, ils concluent au renvoi de la cause à la CDAP pour nouvelle décision au sens des considérants. Ils demandent l'effet suspensif, qui a été accordé par ordonnance du 26 février 2019. 
La cour cantonale se réfère à son arrêt, sans observations. Les intimés concluent à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. La commune de Crans-près-Céligny conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. L'Etablissement cantonal d'assurance contre l'incendie et les éléments naturels - ECA - relève que l'autorisation spéciale qu'il a délivrée en cours de procédure ne fait pas l'objet du recours. 
Dans leurs observations du 9 avril 2019, les recourants présentent une nouvelle argumentation censée pallier les imprécisions de leur écriture initiale. Ils persistent dans leurs conclusions, tout comme les autres parties à la procédure. Les recourants ont encore déposé une écriture spontanée le 1er juin 2019. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. 
 
1.1. Les recourants, en tant que propriétaires directement voisins du projet litigieux, ont qualité pour agir (art. 89 al. 1 LTF). Les conclusions du recours restent dans le cadre du litige et sont en soi recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF.  
 
1.2. La motivation du recours doit satisfaire aux exigences de l'art. 42 al. 2 LTF. Les recourants doivent ainsi exposer en quoi l'acte attaqué viole le droit. Lorsqu'ils entendent soulever des griefs d'ordre constitutionnel (en particulier lorsqu'ils se plaignent d'arbitraire), l'art. 106 al. 2 LTF pose des exigences plus strictes encore; les griefs de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 141 I 36 consid. 1.3 p. 41). Les recourants ne peuvent par ailleurs pallier une motivation insuffisante de leur recours en la complétant à l'occasion de leurs écritures ultérieures. Un tel mode de procéder permettrait de contourner les règles strictes sur les délais de recours (ATF 143 II 283 consid. 1). Les arguments nouveaux figurant dans la réplique du 9 avril 2019 ou dans l'écriture spontanée du 1er juin 2019 sont ainsi irrecevables.  
 
2.   
Les recourants se plaignent de l'établissement inexact des faits au sens de l'art. 97 al. 1 LTF. Ils relèvent que la décision municipale du 19 juillet 2016 lève leur opposition, mais n'octroie pas le permis de construire; celui-ci n'a été accordé que le 5 septembre suivant, sans toutefois leur être notifié. L'autorisation spéciale de l'ECA n'aurait été délivrée qu'après l'octroi du permis de construire et la Direction générale de l'environnement du canton de Vaud (DGE) n'aurait pas formellement accordé l'autorisation spéciale nécessaire. La décision de constatation de la nature forestière aurait elle aussi été rendue postérieurement au permis de construire, dans le cadre de la nouvelle planification. L'arrêt cantonal aurait dû mentionner et tenir compte de ces différents éléments. 
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3 p. 156). Le recourant ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 142 II 355 consid. 6 p. 358). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, le recourant doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées, sans s'en tenir à des critiques appellatoires.  
 
2.2. Les deux décisions successives de la Municipalité (levée d'opposition le 19 juillet 2016 et octroi du permis le 5 septembre suivant) sont dûment mentionnées dans l'arrêt attaqué (faits, lettre B et C). Le fait que le permis n'a pas été notifié aux recourants n'est certes pas expressément relevé, mais il était dénué de pertinence puisqu'il concerne le premier permis, annulé par arrêt du 12 janvier 2018; les recourants avaient d'ailleurs pu agir contre le rejet préalable de leur opposition en faisant valoir dans ce cadre l'ensemble de leurs arguments. Il ressort de l'arrêt cantonal (et ce fait n'est pas contesté) que le nouveau permis, du 30 mai 2018 - rectifié le 6 août suivant sur un aspect formel -, a bien été notifié aux recourants. La délivrance des autorisations spéciales après l'octroi du premier permis (mais avant l'octroi du second) est elle aussi sans pertinence et la prise de position de la DGE est dûment rappelée dans l'arrêt attaqué (consid. 3). Quant aux circonstances de la constatation de la nature forestière dans le cadre de la modification du PGA, les recourants n'indiquent pas en quoi elles seraient pertinentes, l'arrêt attaqué précisant que les recourants ne faisaient valoir aucun argument en rapport avec la nouvelle planification.  
S'agissant des conséquences juridiques que les recourants entendent tirer des éléments précités, elles ne relèvent évidemment pas du fait et n'ont pas à être traitées dans le cadre de ce grief, qui doit être écarté. 
 
3.   
Se plaignant d'arbitraire et d'une violation du principe de la bonne foi, les recourants estiment que le premier arrêt de la CDAP annulant les décisions municipales aurait mis un terme à la procédure, sans comporter de renvoi à l'instance inférieure. Dans un tel cas, il s'imposait de recommencer la procédure dès le début et la Municipalité ne pouvait délivrer directement le nouveau permis de construire. Les recourants relèvent que la modification apportée au projet concernait l'équipement, et comportait une modification de plan par le géomètre. L'art. 72b RLATC prévoit une mise à l'enquête pour les modifications de minime importance, pour autant que le permis de construire ne soit pas, comme en l'espèce, annulé. Le nouveau permis ne pouvait se référer à la synthèse CAMAC du 26 mai 2016 puisqu'aucune autorisation spéciale n'y figurait alors. 
Invoquant également leur droit d'être entendus, les recourants estiment que le Tribunal cantonal aurait indûment refusé de revenir sur les griefs traités dans son premier arrêt, considéré comme une décision de renvoi contre lequel les recourants auraient renoncé à recourir auprès du Tribunal fédéral. 
 
3.1. Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Par conséquent, si celle-ci ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation cantonale en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 318 consid. 5.4 p. 327; 141 III 564 consid. 4.1 p. 566; 138 I 305 consid. 4.3 p. 319). Dans ce contexte, la partie recourante est soumise aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF.  
 
3.2. Exposant la teneur du droit cantonal relatif à la mise à l'enquête, la cour cantonale rappelle qu'en principe, lorsqu'un permis de construire est annulé par l'autorité de recours, il y a lieu de reprendre la procédure dès le début et de soumettre le nouveau projet à une nouvelle enquête publique; elle mentionne toutefois certaines exceptions à ce principe, notamment lorsque des modifications de peu d'importance permettent de rendre le projet conforme à la réglementation ou lorsque ces modifications n'engendrent pas d'atteinte supplémentaire pour le voisinage.  
En l'occurrence, la demande de permis de construire n'a pas été retirée et les plans de construction n'ont pas été modifiés, dans la mesure où seule une modification de l'assiette de la servitude a été exigée. Cette interprétation est conforme en particulier aux art. 111 et 117 de la loi vaudoise sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC) relatifs à la dispense d'enquête publique et aux modifications de minime importance. La cour cantonale a considéré que l'art. 72b RLATC (qui permet une enquête complémentaire, sans toutefois l'exiger) se rapportait aux modifications plus importantes mais qui ne modifiaient pas sensiblement le projet. On ne voit pas en quoi une telle interprétation des dispositions cantonales serait insoutenable dès lors que la modification, si elle a trait à l'équipement, n'implique qu'une modification de nature juridique et aucun changement matériel dans le projet. La cour cantonale n'a pas non plus méconnu la nature de l'arrêt du 12 janvier 2018; certes, celui-ci ne comportait pas de renvoi explicite à la commune, mais l'annulation des décisions municipales avait pour conséquence de replacer l'autorité communale dans la situation existante avant qu'elle ne statue, ce qui lui permettait de décider si elle entendait procéder ou non à une nouvelle enquête publique. L'arrêt du 12 janvier 2018 précise d'ailleurs clairement (consid. 7c in fine) que "lorsque les démarches nécessaires auront été effectuées de manière à ce que l'accès soit juridiquement garanti, le permis de construire pourra être délivré". Vu les circonstances particulières de la présente cause, il n'y a aucun arbitraire à y voir un renvoi à l'autorité communale. 
L'on ne saurait non plus faire grief à la cour cantonale d'avoir renvoyé à son précédent arrêt en ce qui concerne les griefs qui y avaient déjà été traités. Un tel renvoi constitue une motivation suffisante (ATF 114 Ia 281 consid. 4c p. 285) et les recourants pourraient reprendre leur argumentation à ce propos dans leur recours au Tribunal fédéral, puisqu'ils n'avaient pas de raison de recourir contre le premier arrêt qui, tout en rejetant certains griefs, leur avait donné gain de cause en annulant le premier permis de construire. 
Quant à l'absence des autorisations spéciales dans la synthèse CAMAC, elle découle du fait que ces autorisations ont été délivrées après coup. Cela n'enlève rien au caractère complet du dossier, en tout cas au moment où le second permis a été accordé. La DGE a été interpelée et a finalement considéré qu'une autorisation spéciale fondée sur la LEaux n'était pas nécessaire à ce stade, une autorisation spéciale pouvant encore être délivrée moyennant l'imposition de charge et conditions. 
 
3.3. Les recourants reprennent les griefs invoqués dans la précédente procédure. Ils expliquent que la municipalité avait entrepris des démarches afin de préciser la limite entre la zone de Bourg et la zone de verdure, en raison d'une imprécision qui résultait de la numérisation du PGA de 1982; elle aurait refusé de donner suite aux requêtes des recourants sans les informer des expertises réalisées. Les recourants se seraient plaints d'un déni de justice à ce sujet, grief que la cour cantonale aurait omis d'examiner dans son arrêt du 12 janvier 2018. Les recourants se plaignent aussi de la durée de la procédure devant le Tribunal cantonal.  
Les recourants seraient certes recevables à reprendre les griefs concernant la fixation de la limite traversant la parcelle n° 106, griefs rejetés dans le premier arrêt cantonal (cf. supra consid. 3.2). En revanche, les recourants n'ont plus d'intérêt actuel à dénoncer un grief de déni de justice formel prétendument commis à un stade antérieur puisque la commune s'est prononcée sur la question à tout le moins lors de l'octroi des permis de construire, et que les recourants ont pu recourir sur le fond à ce sujet, tant à l'occasion de la présente cause que dans le cadre de leur recours contre le nouveau PGA (cf. arrêt connexe 1C_45/2019). Cela étant, les griefs matériels relatifs à la fixation de la limite de zones et à la constatation de la nature forestière ne sont soulevés qu'en réplique, raison pour laquelle ils sont irrecevables (consid. 1.2 ci-dessus). 
 
4.   
Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge des recourants qui succombent. Il n'est pas alloué de dépens à l'autorité communale, celle-ci ayant agi dans le cadre de ses attributions officielles (art. 68 al. 3 LTF). En revanche, les intimés propriétaires et constructeurs, qui ont procédé avec l'aide d'un mandataire professionnel et obtiennent gain de cause, ont droit à une indemnité de dépens à la charge des recourants (art. 68 al. 2 LTF); celle-ci est fixée selon le règlement applicable, indépendamment de la production d'une note de frais. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge des recourants. 
 
3.   
Une indemnité de dépens de 4'000 est allouée aux intimés D.________, C.________, B.________, à la charge solidaire des recourants. Il n'est pas alloué d'autres dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Municipalité de Crans-près-Céligny, à la Direction générale de l'environnement du canton de Vaud (DGE-DIRNA), à l'Etablissement d'assurance contre l'incendie et les éléments naturels du canton de Vaud (ECA) et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public. 
 
 
Lausanne, le 7 novembre 2019 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Chaix 
 
Le Greffier : Kurz