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Eidgenössisches Versicherungsgericht 
Tribunale federale delle assicurazioni 
Tribunal federal d'assicuranzas 
 
Cour des assurances sociales 
du Tribunal fédéral 
 
Cause 
{T 7} 
H 149/03 
 
Arrêt du 8 mars 2004 
IIe Chambre 
 
Composition 
MM. les Juges Borella, Président, Schön et Frésard. Greffier : M. Wagner 
 
Parties 
Caisse cantonale neuchâteloise de compensation, Faubourg de l'Hôpital 28, 2001 Neuchâtel 1, recourante, 
 
contre 
 
M.________ et N.________ S.________, intimés, représentés par Me Jean-Pierre Huguenin, avocat, passage Max.-Meuron 1, 2001 Neuchâtel 1 
 
Instance précédente 
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel 
 
(Jugement du 1er avril 2003) 
 
Faits: 
A. 
M.________ S.________, né le 30 décembre 1934, a épousé le 6 juillet 1957 J.________ L.________. Il est devenu veuf le 8 août 1999. Par décision du 5 janvier 2000, la Caisse cantonale neuchâteloise de compensation lui a alloué à partir du 1er janvier 2000 une rente de vieillesse de 1'949 fr. par mois. 
Dans une lettre du 5 juin 2001, M.________ S.________ a avisé la caisse qu'un nouveau mariage était probable. Aussi, il demandait de lui faire parvenir la formule de demande de calcul prévisionnel de la rente, afin de connaître le montant de celle-ci en cas de remariage. 
Le 10 juin 2001, M.________ S.________ a produit une demande de calcul prévisionnel de la rente, en indiquant que sa future épouse était N.________ T.________, née le 4 mars 1948, veuve de son état. Il désirait connaître la rente AVS dès son remariage en janvier 2002, ainsi qu'il l'a rappelé à la caisse dans deux écrits ultérieurs datés des 7 juillet et 7 août 2001. 
Dans sa réponse du 14 août 2001, la caisse a informé M.________ S.________ que sa future épouse recevait une rente de veuve d'un montant maximum de 1'648 fr. par mois. Sa rente AVS s'élevait à 1'997 fr. Il totalisait donc un revenu de 3'645 fr. par mois. La caisse indiquait : «En cas de mariage, les deux rentes sont diminuées et plafonnées au maximum de rente pour couple qui s'élève à Frs. 3'090.-- (2 x 1'545.--). Il en résulte donc un manque à gagner de Frs. 555.-- par mois». 
Le 11 janvier 2002, M.________ S.________ et N.________ T.________ née J.________ ont contracté mariage. Le 14 janvier 2002, M.________ S.________ a invité la caisse à verser dès le 1er février 2002 une rente pour couple de 3'090 fr. par mois. 
Par décision du 4 février 2002, la caisse, se référant au changement d'état civil de M.________ S.________, lui a alloué dès le 1er février 2002 une rente mensuelle de vieillesse de 1'664 fr. 
B. 
M.________ et N.________ S.________ ont formé recours contre cette décision devant le Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel, en concluant, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de celle-ci. Ils invitaient la juridiction cantonale à dire que la rente AVS pour couple en faveur de M.________ et N.________ S.________ devait être arrêtée au montant de 3'090 fr. mensuellement dès le 1er février 2002, à titre subsidiaire à renvoyer le dossier de la cause à l'autorité intimée pour nouvelle décision au sens des considérants. Invoquant le droit à la protection de la bonne foi, ils faisaient valoir que dans le cas particulier, le renseignement demandé était d'autant plus important que leur décision de se marier en avait dépendu. 
Dans sa réponse du 9 avril 2002, la Caisse cantonale neuchâteloise de compensation a conclu au rejet du recours. Elle contestait l'existence d'un lien de causalité entre le renseignement erroné communiqué le 14 août 2001 à M.________ S.________ et le mariage des époux S.________ le 11 janvier 2002. 
Par jugement du 1er avril 2003, le Tribunal administratif a admis le recours, annulé la décision attaquée et renvoyé la cause à la Caisse cantonale neuchâteloise de compensation pour nouvelle décision au sens des considérants. Retenant que les conditions du droit à la protection de la bonne foi étaient remplies, il a considéré qu'il incombait à la caisse de procéder au versement de la rente pour couple de 3'090 fr. comme indiqué dans sa lettre du 14 août 2001. 
C. 
La Caisse cantonale neuchâteloise de compensation interjette recours de droit administratif contre ce jugement, en concluant à l'annulation de celui-ci. Elle allègue que la preuve du lien de causalité entre le renseignement erroné communiqué à M.________ S.________ le 14 août 2001 et le mariage des époux S.________ n'est pas établie. 
M.________ et N.________ S.________ concluent, sous suite de dépens, au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales n'a pas déposé d'observations. 
 
Considérant en droit: 
1. 
L'objet de la contestation est la décision de la recourante du 4 février 2002 d'allouer à M.________ S.________, à la suite de son mariage avec N.________ T.________, une rente de vieillesse de 1'664 fr. par mois à partir du 1er février 2002. Dans cette décision, la caisse ne s'est pas prononcée sur le droit de l'assuré à la protection de la bonne foi. Les premiers juges ont étendu la procédure juridictionnelle à cette question. Vu la corrélation qui existe avec l'objet de la contestation et vu la prise de position de la caisse du 9 avril 2002, les conditions pour une extension du procès étaient réunies (ATF 125 V 416 consid. 2a in fine et la référence). 
2. 
Est litigieux le point de savoir si, comme l'ont décidé les premiers juges qui ont retenu que les conditions du droit à la protection de la bonne foi étaient réunies, la recourante a l'obligation de rendre en lieu et place de la décision du 4 février 2002 une nouvelle décision allouant aux époux S.________ une rente de 3'090 fr. par mois, comme indiqué dans sa lettre du 14 août 2001. 
2.1 Le droit à la protection de la bonne foi, déduit de l'art. 4 aCst., est expressément consacré à l'art. 9 Cst. Selon la jurisprudence rendue sous l'ancien droit, qui est toujours valable (ATF 127 I 36 consid. 3a, 126 II 387 consid. 3a; RAMA 2000 n° KV 126 p. 223), il permet au citoyen d'exiger que l'autorité respecte ses promesses et qu'elle évite de se contredire. Ainsi, un renseignement ou une décision erronés peuvent obliger l'administration à consentir à un administré un avantage contraire à la loi, si les conditions cumulatives suivantes sont réunies : 
 
1. il faut que l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées; 
2. qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de sa compétence; 
3. que l'administré n'ait pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu; 
4. qu'il se soit fondé sur celui-ci pour prendre des dispositions qu'il ne saurait modifier sans subir un préjudice; 
5. que la loi n'ait pas changé depuis le moment où le renseignement a été donné (ATF 121 V 66 consid. 2a et les références). 
2.2 Il est constant que N.________ et M.________ S.________, avant leur mariage le 11 janvier 2002, percevaient la première une rente de veuve de 1'648 fr. par mois et le second une rente mensuelle de vieillesse de 1'997 fr., obtenant ainsi un revenu de 3'645 fr. par mois. 
Dans sa lettre du 14 août 2001, adressée à M.________ S.________ et intitulée «Votre rente AVS après changement d'état civil», la caisse a indiqué qu'en cas de mariage, les deux rentes seraient diminuées et plafonnées au maximum de rente pour couple s'élevant à 3'090 fr. (2 x 1'545 fr.) et qu'il en résultait un manque à gagner de 555 fr. par mois. Ainsi que l'a admis la recourante dans une lettre du 8 février 2002 adressée à M.________ S.________, ce renseignement était inexact, l'âge de N.________ S.________ ne lui permettant pas d'obtenir une rente de vieillesse, si bien que seule la propre rente de M.________ S.________ subsistait, diminuée du supplément de veuvage (art. 35bis LAVS). 
Examinant si les conditions du droit à la protection de la bonne foi étaient remplies, les premiers juges ont retenu qu'un renseignement inexact avait été donné, qu'il l'avait été par un organe compétent, relativement à une situation individuelle et concrète. Cela n'est au demeurant pas contesté. 
2.3 Dans sa prise de position du 9 avril 2002, la recourante a nié tout lien de causalité entre le renseignement erroné et le mariage des époux S.________. Les premiers juges ont réfuté cet argument. En effet, étant donné que dans son courrier du 5 juin 2001, M.________ S.________ mentionnait la probabilité d'un nouveau mariage, étant donné également la diminution de ressources importante qui résultait du mariage de N.________ et M.________ S.________, il y avait lieu de considérer que, selon l'expérience générale de la vie, si un renseignement exact avait été donné à M.________ S.________, il n'aurait pas contracté mariage. Dès lors, la juridiction cantonale a retenu que le renseignement erroné avait joué un rôle décisif dans sa décision de contracter mariage. 
2.4 En procédure fédérale, la recourante conteste à nouveau tout lien de causalité. Selon elle, aucun élément concret du dossier ne permet d'affirmer que M.________ et N.________ S.________ ne se seraient pas mariés s'ils avaient su que le montant de la rente de M.________ S.________ ne s'élèverait plus qu'à 1'664 fr. par mois et que le droit de N.________ S.________ à une rente de veuve serait supprimé. Or, c'était à M.________ S.________ de prouver qu'il y avait un lien de causalité entre le renseignement erroné et le fait qu'il avait épousé N.________ S.________, preuve que celui-ci n'a pu apporter. 
2.5 Le droit à la protection de la bonne foi suppose un lien de causalité entre le renseignement obtenu et les dispositions prises par l'administré. Un tel lien existe si l'on peut admettre que celui-ci se serait comporté autrement sans le renseignement donné par l'autorité. En revanche, tout lien de causalité doit être nié si l'on peut admettre que même sans le renseignement obtenu, l'administré aurait pris les mêmes dispositions (Beatrice Weber-Dürler, Vertrauensschutz im öffentlichen Recht, Bâle 1983, p. 102; le même auteur, Falsche Auskünfte von Behörden, in: ZBl 1991 p. 16). En ce qui concerne la preuve du lien de causalité, on ne saurait poser des exigences trop strictes. En effet, à partir du moment où l'administré a demandé des renseignements, il en découle la présomption de fait qu'en cas de réponse négative, celui-ci aurait adopté un autre comportement. Dès lors, la preuve du lien de causalité sera considérée comme donnée s'il apparaît vraisemblable, selon l'expérience générale de la vie, que l'administré se serait comporté autrement sans le renseignement obtenu (ATF 121 V 67 consid. 2b; arrêt non publié A. du 7 mai 2001 [C 27/01]). 
2.6 Les arguments de la recourante, qui entend démontrer que la volonté de se marier était plus forte que les implications financières qui pouvaient en résulter, sont cependant démentis par les faits, tels qu'ils se sont déroulés. Ainsi que l'ont relevé avec raison les premiers juges, M.________ S.________, dans sa lettre du 5 juin 2001, indiquait qu'un nouveau mariage était probable. Ce qu'il demandait, c'est de lui faire parvenir la formule de demande de calcul prévisionnel de la rente, «afin de connaître le montant de (sa) rente en cas de remariage». 
Il en découle la présomption de fait que le montant de la rente en cas de remariage était déterminant en ce qui concerne la probabilité d'un nouveau mariage. La preuve du lien de causalité entre le renseignement erroné obtenu le 14 août 2001 et le mariage de M.________ et N.________ S.________ le 11 janvier 2002 doit ainsi être considérée comme donnée, attendu qu'il apparaît vraisemblable, selon l'expérience générale de la vie et compte tenu de l'importance de la différence entre les montants à considérer, que M.________ S.________ se serait comporté autrement sans le renseignement obtenu, ainsi que l'ont admis à juste titre les premiers juges. 
2.7 En procédure fédérale, la recourante ne conteste, avec raison, pas le caractère préjudiciable du comportement adopté par M.________ et N.________ S.________ à la suite du renseignement erroné. 
Les conditions sont dès lors réunies pour que M.________ et N.________ S.________ soient protégés dans leur bonne foi, ce qui conduit au rejet du recours. 
3. 
Les intimés, qui obtiennent gain de cause, ont droit à une indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Il n'est pas perçu de frais de justice. 
3. 
La Caisse cantonale neuchâteloise de compensation versera aux intimés la somme de 2'000 fr. (y compris la taxe sur la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale. 
4. 
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
Lucerne, le 8 mars 2004 
Au nom du Tribunal fédéral des assurances 
Le Président de la IIe Chambre: Le Greffier: