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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
1B_657/2012  
   
   
 
 
 
 
Arrêt du 8 mars 2013  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Aemisegger, Juge présidant, Merkli, Karlen, Eusebio et Chaix. 
Greffier: M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
X.________,  
représenté par Me Jean-Luc Addor, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Y.________,  
représenté par Me Régis Loretan, avocat, 
Z.________,  
représenté par Me Stefan Disch, avocat, 
intimés, 
 
Office central du Ministère public  
du canton du Valais. 
 
Objet 
procédure pénale; refus de suspendre la procédure, recevabilité du recours cantonal, 
 
recours contre l'ordonnance du Tribunal cantonal 
du canton du Valais, Juge unique de la Chambre pénale, du 23 octobre 2012. 
 
 
 
Faits:  
 
A.  
L'Office central du Ministère public du canton du Valais (ci-après : le Ministère public) mène depuis le 25 juillet 2011, sur plainte de Y.________ et de Z.________, une instruction pénale contre X.________ et A.________ pour dénonciation calomnieuse, voire diffamation ou calomnie (P 1 11 411). Le 25 mai 2012, le Procureur a informé les parties de la clôture prochaine de l'instruction et a indiqué qu'il avait l'intention de rendre une ordonnance de mise en accusation à l'encontre des prévenus pour dénonciation calomnieuse. 
 
 Le 6 septembre 2012, le Ministère public a rejeté la demande de X.________ et A.________ tendant à la suspension de la procédure jusqu'à droit connu sur l'issue de la procédure P 1 10 296 instruite par l'Office régional du Ministère public du Bas-Valais pour violation de la loi fédérale sur le droit d'auteur et pornographie. Cette procédure est dirigée contre A.________, dont l'avocat est X.________. 
Par ordonnance du 23 octobre 2012, la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après : la Chambre pénale) a déclaré irrecevables les recours interjetés par X.________ et A.________ contre cette décision. Suivant la doctrine majoritaire sur cette question, elle a en effet considéré que la décision de refus de suspendre l'instruction n'était pas susceptible d'un recours cantonal fondé sur le code de procédure pénale du 5 octobre 2007 (CPP; RS 312.0). 
 
B.  
Agissant par la voie du recours en matière pénale et du recours constitutionnel subsidiaire, X.________ conclut à l'annulation de l'ordonnance du 23 octobre 2012 et à la suspension de la procédure P 1 11 411 jusqu'à droit connu sur le sort de la procédure P 1 10 296. Il demande l'effet suspensif. 
 
 Z.________ et Y.________, ainsi que le Ministère public concluent à l'irrecevabilité du recours. La cour cantonale a transmis le dossier cantonal sans autre détermination. 
Par ordonnance du 12 novembre 2012, la demande d'effet suspensif a été rejetée. 
 
 
 
Considérant en droit:  
 
1.  
Le recours est dirigé contre une décision d'irrecevabilité prise en dernière instance cantonale; sur le fond, la contestation porte sur le refus de suspendre la procédure pénale. Le recours est dès lors en principe recevable comme recours en matière pénale selon les art. 78 ss LTF
 
1.1. En tant que prévenu et auteur du recours cantonal, le recourant a qualité, selon l'art. 81 al. 1 LTF, pour contester l'arrêt d'irrecevabilité.  
 
1.2. La décision du Ministère public refusant de suspendre la procédure pénale est de nature incidente puisqu'elle ne met pas fin à la procédure pénale (cf. ATF 137 III 522 consid. 1.2 p. 524). En principe, le recours ne serait recevable qu'aux conditions restrictives posées à l'art. 93 LTF. Toutefois, le recours est formé pour déni de justice formel et porte sur la question de l'existence même d'un recours cantonal. Dans un tel cas, le Tribunal fédéral renonce à l'exigence d'un préjudice irréparable (arrêt 1B_432/2011 du 20 septembre 2012 consid. 1, destiné à la publication).  
 
1.3. Le recours en matière pénale est par conséquent recevable, ce qui entraîne l'irrecevabilité du recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 LTF).  
 
2.  
Il appartient au Tribunal fédéral de trancher la question de savoir s'il existe une voie de recours cantonale contre la décision du ministère public de refuser de suspendre la procédure pénale, indépendamment des motifs liés au bien-fondé d'une suspension de la procédure. 
 
2.1. Aux termes de l'art. 314 al. 1 CPP, le ministère public peut suspendre une instruction, notamment dans les cas visés aux lettres a à d de cet alinéa. Le ministère public communique sa décision de suspendre la procédure au prévenu, à la partie plaignante et à la victime (art. 314 al. 4 CPP). Au surplus, la procédure est réglée par les dispositions applicables au classement (art. 314 al. 5 CPP), de sorte que les parties disposent d'un recours dans un délai de dix jours devant l'autorité de recours (art. 322 al. 2 CPP). Ce recours peut être formé pour violation du droit, constatation incomplète ou erronée des faits et inopportunité (art. 393 al. 2 CPP).  
 
 L'art. 315 CPP traite de la reprise de l'instance. Le ministère public reprend d'office une instruction suspendue lorsque le motif de la suspension a disparu (al. 1). La reprise de l'instruction n'est pas sujette à recours (al. 2). 
 
2.2. Dans la décision attaquée, la cour cantonale a procédé à la distinction entre les décisions prononçant la suspension de l'instruction et celles refusant de la prononcer. Dans le premier cas, les parties disposent d'une voie de recours prévue par la loi; pour le plaignant, en particulier, il importe que la procédure avance dans des délais raisonnables; or, cet objectif ne serait pas atteint si le ministère public pouvait - sans possibilité de recours de la partie plaignante - suspendre la cause dans l'attente de l'issue d'une procédure civile, ce qui peut "prendre un certain nombre de mois, voire d'années". S'agissant du refus de suspendre l'instruction, la cour cantonale a estimé que l'absence de voie de recours était justifiée par l'inexistence d'un "droit à la suspension" et par le large pouvoir d'appréciation dont jouit le procureur pour cette question; de plus, le refus de suspendre ne se distinguait pas de la reprise de l'instruction, pour laquelle une voie de recours était précisément exclue.  
 
 Plusieurs auteurs s'expriment dans le même sens. Ils insistent sur le fait qu'il n'existe pas de droit à obtenir la suspension d'une procédure pénale, ce que démontre la rédaction du texte légal sous la forme d'une norme potestative ("Kannvorschrift"); en outre, le large pouvoir d'appréciation de l'autorité de poursuite priverait les parties d'un droit de recours ( Patrick Guidon, Die Beschwerde gemäss Schweizerischer Strafprozessordnung, p. 50 note 341; Nathan Landshut, Kommentar Donatsch/Hansjakob/Lieber, n. 25 ad art. 314; Esther Omlin, Basler Kommentar, n. 8 ad art. 314; Jo Pitteloud, Code de procédure pénale suisse, n. 784 p. 535; Riedo/Fiolka/Niggli, Strafprozessrecht sowie Rechtshilfe in Strafsachen, n. 2342); enfin, la nature de la décision, sur laquelle le ministère public peut en tout temps revenir si les conditions venaient à changer, justifierait l'absence de voie de droit ( Jo Pitteloud, loc. cit.). Quant à Niklaus Schmid, il adopte sans réserve cette opinion dans l'un de ses ouvrages (Handbuch des schweizerischen Strafprozessrechts, n. 1239, note 91), alors que, dans un autre, il considère seulement comme douteuse ("fraglich") l'existence d'une voie de recours contre le refus de suspension (StPO-Praxiskommentar, n. 13 ad art. 314). 
 
 Seul Christian Coquozexprime une opinion contraire. Selon lui, le refus de suspendre une instruction constitue une décision déployant un effet externe, même s'il s'agit d'une abstention; par ailleurs, dans la mesure où l'autorité de recours est également juge de l'opportunité des décisions portées devant elle, l'absence de voie de recours en raison du caractère potestatif de la norme ne semble "pas très convaincante" ( Christian Coquoz, Les recours pendant la procédure préliminaire, RPS 2010 p. 365). 
 
2.3. Pour trancher cette question, il convient de chercher à mieux comprendre le système des voies de recours prévu par le CPP.  
 
2.3.1. A teneur de l'art. 393 al. 1 let. a CPP, le recours est ouvert contre les décisions et les actes de procédure de la police, du ministère public et des autorités pénales compétentes en matière de contraventions. Cependant, les décisions qualifiées de définitives ou de non sujettes à recours par le CPP ne peuvent pas être attaquées par le biais d'un recours (art. 380 en lien avec les art. 379 et 393 CPP). Il découle ainsi de la systématique légale que, sauf exceptions prévues expressément par la loi, toutes les décisions de procédure, qu'elles émanent du ministère public, de la police ou des autorités compétentes en matière de contraventions, sont susceptibles de recours. Le législateur a eu en vue de soumettre de manière générale à recours "tout acte de procédure (...), y compris toute abstention ou toute omission" (Message du Conseil fédéral relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 p. 1296). En d'autres termes, la méthode législative n'est plus celle d'un catalogue énumérant les décisions sujettes à recours, à l'instar de ce que prévoyaient plusieurs anciens codes de procédure cantonaux (cf. Niklaus Oberholzer, Grundzüge des Strafprozessrechts, 3 ème édition 2012, n. 1544), mais consiste à appliquer un principe (universalité des recours) puis à le limiter par des exceptions exhaustivement prévues dans la loi ( Piquerez/Macaluso, Procédure pénale suisse, 3 ème édition 2011, n. 1965).  
 
 La loi soumet toutefois la qualité pour recourir à l'existence d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision litigieuse (art. 382 al. 1 CPP). Cet intérêt doit être actuel et pratique. De cette manière, les tribunaux sont assurés de trancher uniquement des questions concrètes et non de prendre des décisions à caractère théorique (ATF 136 I 274 consid. 1.3 p. 276). Ainsi, une partie qui n'est pas concrètement lésée par la décision ne possède pas la qualité pour recourir et son recours est irrecevable ( NIKLAUS OBERHOLZER, op. cit., n. 1561; PIQUEREZ/MACALUSO, op. cit., n. 1911). 
 
2.3.2. En l'espèce, aucune disposition du code ne qualifie de définitive ou de non sujette à recours la décision de refus de suspendre l'instruction. Rien de tel n'était non plus prévu dans l'avant-projet du CPP (cf. art. 345 AP-CPP). Seul l'art. 315 al. 2 CPP, qui n'existait pas dans l'avant-projet, prévoit que la décision de reprise de l'instruction - que le ministère public doit prononcer d'office lorsque le motif de la suspension a disparu (al. 1) - n'est pas sujette à recours. En revanche, la décision qui refuse de reprendre l'instruction - considérant que les motifs de suspension perdurent - n'est pas visée par l'art. 315 al. 2 CPP: elle est donc sujette à recours, selon le principe général ( Christian Coquoz, op. cit., ibid.; Niklaus Oberholzer, op. cit., n. 1388).  
 
 Il apparaît ainsi que, à défaut d'exclusion expresse du recours pour la décision de refus de suspension, la voie de droit de l'art. 393 al. 1 let. a CPP devrait être ouverte. 
 
2.3.3. Il convient toutefois encore d'examiner la question de la qualité pour recourir contre une décision de refus de suspension de l'instruction.  
Comme on vient de le voir, le législateur a exclu le recours dirigé contre la décision de reprise de l'instruction (art. 315 al. 2 CPP). Dans de telles situations, il a en effet estimé que les personnes qui entendraient recourir pourraient difficilement faire valoir un intérêt digne de protection (FF 2006 p. 1250). De même, est exclu le recours contre l'ordonnance d'ouverture de l'instruction (art. 309 al. 3 3ème phrase CPP) pour les motifs suivants: une telle décision ne lie pas définitivement le ministère public quant à la suite de la procédure ( Niklaus Schmid, StPO-Praxiskommentar, n. 14 ad art. 309); les parties disposent en outre, dans le cadre de la procédure judiciaire qui s'ouvre, de toutes les voies de droit prévues par la loi ( Niklaus Oberholzer, op. cit., n. 1374). Pareillement, les parties sont privées de tout recours contre l'acte d'accusation (art. 324 al. 2 CPP), d'une part, parce que celui-ci est examiné d'office et provisoirement par le tribunal du fond dès sa saisine et, d'autre part, parce qu'il appartient à ce même tribunal de déterminer si les accusations portées contre le prévenu l'ont été à bon droit (FF 2006 p. 1258). 
La situation n'est pas différente lorsque - hypothèse non envisagée expressément par le CPP - le ministère public refuse de suspendre la procédure et conséquemment poursuit l'instruction. Dans ces situations-là, les parties ne subissent aucun préjudice actuel et concret causé par l'acte litigieux. Elles bénéficient de la protection juridique assurée aux étapes ultérieures de la procédure; par ailleurs, le refus de suspendre la procédure ne lie pas définitivement le ministère public, lequel peut revenir en tout temps - au gré de l'évolution de la procédure - sur sa décision. 
 
2.4. En l'espèce, le recourant a requis la suspension de la procédure pénale dirigée contre lui au moment où le Procureur a informé les parties de son intention de clore l'instruction et de rendre contre lui une ordonnance de mise en accusation. Si le refus de suspendre l'instruction constitue une décision susceptible en principe de faire l'objet d'un recours (consid. 2.3.2), il apparaît cependant que la qualité pour recourir doit être déniée à l'intéressé. D'une part, le recourant aura tout loisir de saisir la direction de la procédure, lors de la préparation des débats (art. 329 al. 2 CPP) ou le tribunal, à l'ouverture des débats (art. 339 al. 2 CPP; Max Hauri, Basler Kommentar, n. 10 ad art. 339), de l'opportunité de suspendre la procédure; de même le recourant admet lui-même avoir la possibilité de requérir l'administration de preuves dont il se plaint de l'absence auprès de la direction de la procédure lors de la préparation des débats (art. 331 al. 2 CPP) et auprès du tribunal à l'occasion de l'ouverture des débats (art. 331 al. 2 let. d CPP) ou de la clôture de la procédure probatoire (art. 345 CPP); dans cette mesure, la décision litigieuse n'est pas susceptible de causer un préjudice irréparable, ce qui autorise la limitation des voies de recours (arrêt 1B_569/2011 du 23 décembre 2011 consid. 2, in Pra 2012 p. 464). D'autre part, la recevabilité d'un recours au stade actuel de la procédure contreviendrait ainsi au principe de célérité qui gouverne la procédure pénale (art. 5 CPP). Enfin, puisque la décision du ministère public peut être revue en tout temps, il est douteux que l'intérêt du recourant soit actuel.  
Par conséquent, la cour cantonale, qui a déclaré irrecevable le recours contre la décision de refus de suspendre l'instruction de la présente cause, n'a pas violé le droit fédéral. 
 
3.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Celui-ci versera en outre des dépens aux intimés qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:  
 
1.  
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. 
 
2.  
Le recours en matière pénale est rejeté. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le recourant versera à chacun des intimés une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à l'Office central du Ministère public et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Juge unique de la Chambre pénale. 
 
 
Lausanne, le 8 mars 2013 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant: Aemisegger 
 
Le Greffier: Kurz