Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_617/2023
Arrêt du 8 octobre 2024
I
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Jametti, Présidente, Kiss, Hohl,
Rüedi et May Canellas,
Greffière : Monti.
Participants à la procédure
A.________ SA,
représentée par Me Francesco La Spada, avocat,
défenderesse et recourante,
contre
B.________,
représenté par Me Emma Lidén, avocate,
demandeur et intimé.
Objet
contrat de travail; résiliation abusive,
recours contre l'arrêt rendu le 13 novembre 2023 par la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève (C/7216/2021-2; CAPH/119/2023).
Faits :
A.
A.a. Le 1er juin 2001, la société A.________ SA (ci-après: l'entreprise) a engagé B.________ (ci-après: l'employé), né en 1958, en tant que boulanger.
L'employé travaillait avec une seconde personne au laboratoire de la gare C.________ (GE), lequel a dû fermer ses portes une première fois en 2016 pour cause de réfection de la gare, puis une seconde fois en mars 2020, en raison de la pandémie COVID.
A.b. Après la réouverture du laboratoire de la gare, l'employé y a été réaffecté et s'est plaint du surcroît de travail causé par le fait qu'il était désormais seul. L'entreprise a invoqué une réorganisation, due au fait que ce point de vente, désormais plus petit, accusait une baisse de chiffre d'affaires.
A.c. L'employé a reçu un avertissement le 8 janvier 2019, qu'il a contesté; l'avertissement portait tant sur sa gestion des marchandises que sur son rapport avec des collaboratrices du secteur des ventes. Précédemment, il avait déjà été averti deux fois, en 2010 et 2016, pour avoir mangé de la marchandise sans l'autorisation de son supérieur, respectivement, pour se voir rappeler que le port d'un calot était obligatoire, tout comme une tenue propre quotidienne.
A.d. L'entreprise a licencié l'employé le 27 mai 2020, soit le jour de la réouverture du laboratoire de la gare, pour le 31 août 2020. La lettre de congé remise à cette occasion n'était pas motivée.
Selon un certificat de travail intermédiaire du 3 juillet 2020, l'employé donnait entière satisfaction à l'entreprise, s'acquittant de ses tâches avec sérieux, rigueur et ponctualité; excellent professionnel, il n'était jamais absent de son poste de travail et était apprécié de ses collègues comme de ses supérieurs.
A.e. L'employé s'est opposé à son licenciement, qu'il jugeait abusif, par courrier du 15 août 2020.
L'entreprise a alors invoqué des motifs économiques, le contexte de crise sanitaire la contraignant à fermer son laboratoire de la gare, et le fait qu'elle ne pouvait pas rouvrir avant plusieurs mois; elle a aussi rappelé les trois avertissements qu'elle avait formulés à l'encontre de l'employé.
Retravaillant au laboratoire D.________ à K.________ (GE), auquel il avait été affecté durant la première fermeture du laboratoire de la gare, l'employé a été totalement incapable de travailler pour cause de maladie (dépression majeure) depuis le 26 août 2020.
L'entreprise l'a sommé de reprendre son travail dès le 1
er décembre 2020 pour effectuer le solde de son préavis. Faute pour celui-ci de s'être présenté à cette date, elle l'a enjoint une nouvelle fois, par courrier daté du même jour, de reprendre le travail le 4 décembre au plus tard, sans quoi elle considérerait qu'il avait abandonné son poste; l'employé a cependant produit de nouveaux certificats médicaux, qui ont conduit au versement d'indemnités journalières au-delà du 1
er décembre.
Les rapports de travail ont pris définitivement fin le 28 février 2021. Un certificat final confirme que l'employé donnait entière satisfaction à l'entreprise.
B.
B.a. L'employé a tout d'abord déposé une vaine requête de conciliation le 1
er avril 2021, puis a porté sa demande devant le Tribunal genevois des prud'hommes, le 13 septembre 2021. Il réclamait une indemnité pour licenciement abusif (29'991 fr.), ainsi qu'une indemnité pour tort moral (15'000 fr.), intérêts moratoires en sus.
Le tribunal précité a retenu un congé abusif, en raison notamment d'une disproportion des intérêts en présence, et a astreint l'entreprise à verser à l'employé 15'000 fr. plus intérêts moratoires, soit à payer une indemnité équivalant à trois mois de salaire. En revanche, il a rejeté la demande en tant que l'employé entendait se faire dédommager pour le tort moral prétendument subi.
B.b. Ce jugement a été déféré à la Chambre prud'homale de la Cour de justice du canton de Genève, laquelle, par arrêt du 13 novembre 2023, a confirmé cette décision. Ses motifs seront évoqués dans les considérants du présent arrêt.
C.
L'entreprise A.________ SA interjette un recours en matière civile, par lequel elle prie le Tribunal fédéral de débouter entièrement l'intimé B.________ de sa demande.
Aucun échange d'écritures n'a été ordonné.
Considérant en droit :
1.
Les conditions générales concernant la recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment en ce qui a trait au respect du délai (art. 100 al. 1 LTF en lien avec les art. 45 al. 1 et art. 46 al. 1 let . c LTF), ainsi qu'à la valeur litigieuse, atteignant au moins 15'000 fr. dans ce conflit de droit du travail (art. 74 al. 1 let. a LTF).
Demeure réservée, à ce stade, la recevabilité des griefs en particulier.
2.
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été arrêtés de façon manifestement inexacte - c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst., ATF 140 III 115 consid. 2 - ou en violation du droit défini à l'art. 95 LTF (art. 97 al. 1 LTF et art. 105 al. 2 LTF).
Conformément au principe de l'allégation ancré à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie qui croit discerner un arbitraire dans les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et par le détail en quoi ce vice serait réalisé (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références citées; cf. en outre par ex. arrêt 5A_129/2007 du 28 juin 2007 consid. 1.4
in fine). Si elle aspire à faire compléter cet état de fait, elle doit démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes les faits juridiquement pertinents et les moyens de preuve adéquats, en se conformant aux règles de procédure idoines (ATF 140 III 86 consid. 2). La cour de céans ne saurait prendre en compte des affirmations appellatoires et/ou qui s'écarteraient de la décision attaquée sans satisfaire aux exigences précitées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1; cf. en outre par ex. arrêt 4A_396/2022 du 7 novembre 2023 consid. 2.1, non publié aux ATF 150 III 78).
2.2. Dans le cas présent, la cour de céans ne discerne dans le recours aucune critique valable à l'encontre de l'état de faits retenu dans l'arrêt attaqué, en particulier dans l'énoncé des faits figurant en page 7 du recours; les constatations de l'autorité précédente lient dès lors l'autorité de céans.
3.
3.1. Le Tribunal fédéral applique en principe le droit d'office à l'état de faits constaté dans l'arrêt cantonal (art. 106 al. 1 LTF). Cela ne signifie pas qu'il examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient encore se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traite que des questions soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 115 consid. 2, 86 consid. 2). Il n'est en revanche pas lié par l'argumentation juridique développée par les parties ou par l'autorité précédente; il peut admettre le recours, comme il peut le rejeter, en procédant à une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4; cf. en outre par ex. arrêt précité 4A_396/2022 consid. 2.2, non publié aux ATF 150 III 78).
3.2. Selon l'art. 335 al. 1 CO, le contrat de travail conclu pour une durée indéterminée peut être résilié par chacune des parties. En droit suisse du travail prévaut la liberté de résiliation, de sorte que pour être valable, un congé n'a en principe pas besoin de reposer sur un motif particulier.
Cependant, le droit fondamental de chaque cocontractant de mettre fin à un tel contrat est limité par les dispositions sur la résiliation abusive (art. 336 ss CO; ATF 136 III 513 consid. 2.3; 131 III 535 consid. 4.1).
L' art. 336 al. 1 et 2 CO énumère des cas dans lesquels la résiliation (ordinaire) est abusive. Cette liste n'est pas exhaustive, et un congé abusif peut aussi être admis dans d'autres circonstances, en application de l'art. 2 al. 2 CC (interdiction de l'abus de droit). Il faut, cependant, que ces autres situations soient comparables, par leur gravité, aux cas mentionnés à l'art. 336 CO (ATF 136 III 513 consid. 2.3; 132 III 115 consid. 2.1). Pour résoudre la question juridique d'un éventuel abus de droit, il s'agit d'établir au préalable le motif réel du congé, opération qui relève de l'appréciation des preuves.
3.3. La manière dont le congé est donné peut aussi le faire apparaître abusif. Même lorsque le motif de la résiliation est en soi légitime, celui qui exerce son droit de mettre fin au contrat doit agir avec des égards (ATF 132 III 115 consid. 2.2; cf. par ex. arrêt 4A_485/2016 du 28 avril 2017 consid. 2.2.2). Si l'employeur porte une atteinte grave aux droits de la personnalité du travailleur dans le contexte d'une résiliation, celle-ci sera considérée comme abusive; un comportement simplement inconvenant ne suffit pas (ATF 132 III 115 consid. 2.2 et 2.3; 131 III 535 consid. 4.2 spéc. p. 539).
3.4. S'agissant d'employés proches de l'âge de la retraite et bénéficiant d'une certaine ancienneté dans l'entreprise, les principes suivants se dégagent de la jurisprudence.
3.4.1. Un licenciement n'est pas
per se abusif dès le moment où il frappe un employé âgé et bénéficiant d'une grande ancienneté (arrêts 4A_117/2023 du 15 mai 2023 consid. 3.4.2, 4A_44/2021 du 2 juin 2021 consid. 4.3.2; MAURO MÜLLER, Le licenciement abusif ne peut s'apprécier qu'au cas par cas, spéc. ch. V, traduction française du commentaire
ad arrêt 4A_186/2022,
in iusNet DT-AS, novembre 2022). Encore récemment, le Tribunal fédéral a rappelé que le droit des obligations ne fait pas obligation à l'employeur d'entendre ou d'avertir l'employé avant de lui notifier son licenciement (arrêt précité 4A_117/2023 consid. 3.4.2). Il n'existe donc pas un droit formel à être entendu avant le licenciement, dont la simple violation imprimerait au licenciement ordinaire un caractère abusif (ALIÉNOR DE DARDEL, Vers un droit d'être entendu avant le licenciement en droit privé?
in PJA 2023p. 423 ss, spéc. ch. 6 avant let. B). Le droit privé n'impose pas non plus un devoir général de soumettre un congé au principe de proportionnalité, à savoir de prendre la mesure la plus modérée possible et de ne procéder à une mise à pied qu'en dernier recours (arrêts précités 4A_117/2023 consid. 3.4.2, 4A_44/2021 consid. 4.3.2 et les références).
3.4.2. Cela étant, l'employeur doit faire preuve d'égards particuliers vis-à-vis d'employés proches de l'âge de la retraite, et lui ayant dédié une grande partie de leur carrière (arrêt 4A_384/2014 du 12 novembre 2014 consid. 4 et 5, cité relativement récemment encore dans l'arrêt précité 4A_117/2023 consid. 3.4.2). L'étendue de ces égards s'examine de cas en cas; une règle générale ne peut guère être posée. Les circonstances de l'espèce sont déterminantes, ce qui est systématiquement relevé dans les arrêts les plus récents (voir par ex. arrêts précités 4A_117/2023 consid. 3.4.2
in fine, 4A_44/2021 consid. 4.3.2
in fine). C'est ce manque d'égards qui a fait pencher la balance dans des arrêts opposant des employés âgés de 64 ans, respectivement 62 ans, à leur employeur (arrêt 4A_117/2023 précité; arrêt 4A_307/2022 du 18 janvier 2023 spéc. consid. 4.2). Une bonne partie de la doctrine approuve c ette appréciation au cas par cas (WOLFGANG PORTMANN, Entlassung von älteren Arbeitnehmenden - Änderung der Rechtsprechung?, commentaire
ad arrêt 4A_44/2021,
in DTA 2021 p. 251 s.; CHRISTINE SATTIVA SPRING, Le bouclier de l'âge sous les coups du TF, commentaire du même arrêt,
in Newslettter DroitDuTravail.ch, septembre 2021; voir également le commentaire, toujours sur le même arrêt, fait par FACINCANI/BRUNNER, spéc. let. C Kündigung von älteren Arbeitnehmern mit langer Dienstzeit,
in PJA 2021 p. 1421 bas et ss), même s'il est des auteurs pour regretter que la jurisprudence n'ait pas posé des jalons suffisamment précis (cf. le commentaire de DENIS HUMBERT,
in Revue de l'avocat 2024 spéc. p. 18 point VI).
Il a également été relevé que le congé, dans ces cas-là, pouvait consacrer une disproportion des intérêts en présence, le faisant apparaître comme abusif (ATF 132 III 115 consid. 5.5). Dans ce cadre, des considérations telles que le fait que le congé est sans portée propre pour l'employeur (constellation niée dans l'arrêt 4A_390/2021 du 1
er février 2022 consid. 3, spéc. consid. 3.4) ou, à l'opposé, l'intérêt que présente une restructuration pour l'employeur (arrêt 4A_186/2022 du 22 août 2022consid. 4.3), respectivement le souci de mettre fin à l'engagement d'un employé dont les prestations sont déficientes (arrêt 4A_60/2009 du 3 avril 2009 consid. 3.2), peuvent intervenir.
N'est pas à elle seule déterminante la circonstance - inéluctable - selon laquelle le licenciement entraîne une péjoration de la situation économique du travailleur (arrêts 4A_390/2021 précité consid. 3.1.5; 4A_419/2007 du 29 janvier 2008 consid. 2.7).
3.4.3. Savoir si un congé est abusif est une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement (arrêt 4A_186/2022 du 22 août 2022 consid. 4, arrêt précité 4A_44/2021 consid. 4.3.2, arrêt 4A_126/2020 du 30 oct obre 2020 consid. 3). Cela étant, l'instance cantonale dispose à cet égard d'un certain pouvoir d'appréciation dans lequel il n'intervient pas sans nécessité (voir par ex. arrêt précité 4A_117/2023 consid. 3.4.5). Le Tribunal fédéral ne sanctionne les décisions rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation que lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 130 III 28 consid. 4.1, 213 consid. 3.1; arrêt 4A_404/2014 du 17 décembre 2014 consid. 4.1).
4.
En l'espèce, l'entreprise recourante dénonce, notamment, une violation de la liberté économique (art. 91 al. 1 Cst.,
recte art. 94 al. 1 Cst.), conjuguée au droit de résilier un contrat de travail (art. 336 CO).
4.1. Il ressort des faits souverainement constatés par la cour cantonale que l'employé a été congédié le 27 mai 2020, alors qu'il était âgé de 62 ans et travaillait comme boulanger pour la recourante depuis près de 19 ans. Durant toutes ces années, il s'était acquitté de ses tâches avec sérieux, rigueur et ponctualité; l'entreprise employeuse le qualifiait d'excellent professionnel, jamais absent, et apprécié de ses collègues comme de ses supérieurs.
La cour cantonale a considéré que le congé signifié le 27 mai 2020 était abusif. Ce licenciement était intervenu le jour même où l'employé reprenait le travail, à la fin de la période de chômage technique lié à la pandémie COVID-2019 qui avait obligé l'entreprise à cesser ses activités le 18 mars précédent. Un entretien de licenciement s'était tenu, au cours duquel l'employé s'était vu remettre une lettre qu'il avait été invité à signer. L'employeuse avait invoqué la diminution de la production de la marchandise, liée à la baisse de fréquentation des points de vente, ce qui l'avait conduite à fermer provisoirement le laboratoire de la gare C.________, lequel ne devait pas rouvrir avant plusieurs mois. Ainsi, l'employé s'était trouvé définitivement licencié en raison de la fermeture provisoire du lieu de travail dans lequel il évoluait. Ce alors qu'un nouveau boulanger avait été engagé au début du mois de mars 2020 au laboratoire D.________ en remplacement d'un salarié ayant quitté l'entreprise.
Selon la cour cantonale, l'entreprise employeuse aurait dû discuter avec l'employé intimé de la restructuration provisoire envisagée, et examiner avec lui quelles solutions alternatives s'offraient, lesquelles existaient bel et bien, puisque l'intéressé avait déjà travaillé au laboratoire D.________ en 2016, que les boulangers travaillaient alternativement à l'atelier D.________ et au laboratoire C.________, pouvant être ponctuellement affectés à l'un ou l'autre de ces deux lieux de travail. Elle aurait pu lui montrer un peu d'empathie. Bien au contraire, elle l'avait sèchement congédié.
L'employé intimé avait été à ce point choqué par le procédé qu'il en était tombé malade. Les certificats médicaux produits en procédure révélaient la souffrance psychologique que cette situation avait provoquée, faisant état d'épisodes dépressifs majeurs et de deux hospitalisations en mai et juin 2021, la première pour mise à l'abri d'idéations suicidaires.
Ce manque d'égards s'était confirmé après la notification du licenciement. Alors que l'employé licencié était malade depuis plus de trois mois, l'employeuse l'avait sommé d'effectuer le solde de son préavis au laboratoire D.________, au motif que l'assurance perte de gain avait - dans un premier temps - considéré qu'une reprise de l'activité pouvait être envisagée à une date donnée.
4.2. L'on ne discerne dans le recours aucun moyen propre à ébranler la décision des juges genevois.
Il est clair que ce n'est pas l'âge de l'employé, ni le nombre d'années de travail au service de l'employeuse, qui confèrent
per se au licenciement un caractère abusif. Les juges cantonaux n'en ont d'ailleurs pas décidé autrement. A leurs yeux, c'est la manière dont l'employeuse a signifié ce licenciement qui imprime cette connotation.
Le Tribunal fédéral n'a nulle raison de sanctionner la manière dont les juges précédents ont fait usage du pouvoir d'appréciation qui est le leur. La recourante cite vainement la jurisprudence du Tribunal fédéral, correctement restituée dans l'arrêt entrepris, pour tenter de démontrer que les magistrats genevois auraient perdu de vue la ligne tracée. Lorsqu'un employé dédie un grand nombre d'années à un même employeur et qu'il se trouve aussi proche de l'âge légal de la retraite, l'employeur doit agir avec d'autant plus d'égards. Dans le cas présent, l'employé a été remercié sans autre forme d'explication, comme l'a constaté souverainement la cour cantonale. Quand, ultérieurement, il a cherché à en connaître les motifs, l'employeuse s'est abritée derrière sa décision de fermer le laboratoire de la gare, décision pourtant qualifiée de "provisoire", à l'époque tout au moins, et alors même qu'elle venait d'engager un nouvel employé pour le laboratoire D.________, où l'intimé avait déjà travaillé et où il aurait pu encore le faire, si le laboratoire de la gare devait être fermé quelques temps. Ce
modus procedendi, dépourvu de toute empathie, a valu à l'employé intimé de sombrer dans un état dépressif qualifié de sévère. En dépit de cette situation à laquelle elle n'a accordé aucun crédit ni autre importance, l'employeuse l'a sommé de se présenter au travail au laboratoire D.________ pour y accomplir le solde de son préavis, ajoutant inutilement à sa détresse. En somme, le résultat de la cour d'appel cantonale n'est pas manifestement injuste, et l'on ne discerne pas davantage d'iniquité choquante.
Il ne sert à rien à la recourante de dénoncer une prétendue violation des art. 91 Cst. (
recte art. 94 al. 1 Cst.) et 336 CO pour tenter d'établir une transgression du droit fédéral, en réalité inexistante.
Les griefs de la recourante doivent être rejetés.
5.
En définitive, le recours dans son ensemble ne peut qu'être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Les frais judiciaires sont laissés à la charge de l'entreprise recourante (art. 66 al. 1 phrase 1 LTF), qui ne devra aucune indemnité de dépens à son adverse partie, dès lors que cette dernière n'a pas eu à se déterminer.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, par 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 8 octobre 2024
Au nom de la I
re Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jametti
La Greffière : Monti