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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4P.78/2006 
 
Arrêt du 9 juin 2006 
Ire Cour civile 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Corboz, président, Klett et Favre. 
Greffier: M. Carruzzo. 
 
Parties 
A.________ SA, en liquidation concordataire, 
recourante, représentée par Me Michel Ducrot, 
 
contre 
 
Etat du Valais, intimé, représenté par Me Jean-Marc Gaist, 
Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais, avenue Mathieu-Schiner 1, 1950 Sion 2. 
 
Objet 
art. 9 et 29 al. 2 Cst.; procédure civile valaisanne; appréciation des preuves; droit d'être entendu, 
 
recours de droit public contre le jugement rendu le 
2 février 2006 par la Cour civile II du Tribunal cantonal 
du canton du Valais. 
 
Faits: 
A. 
Dans le cadre de la construction de l'autoroute cantonale, l'Etat du Valais a confié la réalisation du viaduc des Iles Falcon, à Sierre, à A.________ SA, à Genève. Le contrat d'entreprise, conclu le 1er octobre 1996, prévoyait le paiement des prestations d'entrepreneur dans un délai de 60 jours. 
A.a Pour l'exécution du contrat d'entreprise, A.________ SA avait besoin d'acier d'armature. Elle a approché cinq marchands de fer qui ont constitué un consortium (ci-après: le consortium). Le 6 novembre 1996, les associés ont confirmé à A.________ SA la commande de la marchandise en précisant que le paiement devrait intervenir à 90 jours net (avec 6% d'intérêts de retard dès l'échéance) et en indiquant, au titre de la "garantie de paiement", que l'entrepreneur général consentait à ce que le paiement des factures échues soit effectué directement par le maître d'oeuvre. A.________ SA n'a pas contesté cette confirmation. 
A.b Avant de conclure le contrat, les marchands de fer avaient appris que A.________ SA connaissait des difficultés financières. Afin de se prémunir contre les éventuelles conséquences de celles-ci, ils ont pris contact avec l'Etat du Valais. Une séance a eu lieu le 29 janvier 1997. Conscients de l'impossibilité d'obtenir une hypothèque légale sur un bien du domaine public, les représentants du consortium ont d'abord proposé que l'Etat du Valais paie directement leurs factures; cette proposition n'a pas été acceptée en raison des complications administratives qu'elle entraînait pour l'Etat. La possibilité a ensuite été envisagée de limiter les paiements directs aux fournisseurs au seul cas où A.________ SA ne paierait pas. Pour écarter le risque que le maître de l'ouvrage payât deux fois la même prestation, il était prévu que l'Etat du Valais retiendrait le dernier paiement à A.________ SA si les factures des marchands de fer n'étaient pas payées à l'échéance, cette solution pouvant être envisagée dès lors que les factures de l'entreprise générale devaient être payées dans les 60 jours par l'Etat du Valais, tandis que celles des marchands de fer devaient être acquittées dans les 90 jours par l'entreprise générale. 
A.c L'accord verbal passé le 29 janvier 1997 entre l'Etat du Valais et le consortium des marchands de fer a été confirmé le même jour par une lettre que l'un de ceux-ci a adressée à l'Etat du Valais et dont il a remis une copie aux autres membres du consortium ainsi qu'à A.________ SA. Ni cette dernière ni les autres intéressés n'en ont contesté le contenu. Sous chiffre 13.1 de leur contrat du 18 février 1997, les marchands de fer et A.________ SA ont inséré une clause libellée en ces termes: 
"Dès l'échéance des 90 jours, l'entrepreneur [A.________ SA] donne son accord pour que le fournisseur [le consortium des marchands de fer] en avise le maître de l'ouvrage [l'Etat du Valais] et lui demande de constituer des provisions". 
A.d Le 20 mars 1998, A.________ SA s'est octroyée un sursis concordataire jusqu'au 18 septembre 1998, terme prolongé jusqu'au 18 juin 1999. A la date du sursis, cette société devait 263'546 fr. 35 aux marchands de fer, soit 132'281 fr. 55 et 127'386 fr. 70 selon décompte du 31 juillet 1998, ainsi que 3'878 fr. 10 pour des factures antérieures de l'un d'entre eux. De son côté, l'entreprise générale était créancière de l'Etat du Valais à hauteur de 505'504 fr. 40. 
A.e Par décision du Conseil d'Etat du 25 novembre 1998, l'Etat du Valais a accepté de verser la somme de 127'386 fr. 70 aux marchands de fer. Cette somme et le montant d'une facture en souffrance, soit un total de 131'264 fr. 80, ont été payés le 23 mai 1999. Par jugement du 13 décembre 2001 du Tribunal cantonal valaisan, l'Etat du Valais a été condamné à verser en sus au consortium 132'281 fr. 55, avec intérêts à 5% l'an dès le 24 juillet 1998, 2'500 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 3 septembre 1999, et 5'430 fr. 
A.f Le 6 décembre 2002, A.________ SA en liquidation concordataire a ouvert action contre l'Etat du Valais en concluant au paiement de 505'504 fr. 40 avec intérêts à 5% l'an dès le 1er mai 1998. Le défendeur n'a contesté la créance de la demanderesse ni dans son principe ni quant à son montant; il a cependant invoqué la compensation avec des contre-créances pour conclure au rejet de la demande. 
B. 
Par jugement du 2 février 2006, la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais a condamné le défendeur à verser à la demanderesse la somme de 505'504 fr. 40, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er mai 1998, sous déduction de 131'264 fr. 80, avec intérêts à 5% l'an dès le 23 mai 1999, de 132'281 fr. 55, avec intérêts à 5% l'an dès le 24 juillet 1998, et de 5'430 fr. Les juges cantonaux ont reconnu au défendeur le droit d'invoquer la compensation sur la base de la convention conclue par lui avec le consortium, telle qu'elle résultait de la lettre de confirmation du 29 janvier 1997 et de la clause 13.1 du contrat du 18 février 1997, ainsi que de la confirmation de commande du 6 novembre 1996 adressée à la demanderesse. Selon ladite convention, le défendeur devait procéder à des retenues sur les créances de la demanderesse à son endroit pour pouvoir payer directement les marchands de fer en cas de défaillance de cette dernière. Il s'agissait, en droit, d'une reprise cumulative de dette, d'où résultait également la possibilité d'invoquer la compensation. Selon la cour cantonale, l'intervention du défendeur était subordonnée à trois conditions, à savoir l'existence d'une créance échue des fournisseurs d'acier contre l'entrepreneur général, l'existence d'une créance de celui-ci contre le défendeur et la possibilité pour ce dernier d'éteindre ses dettes envers la demanderesse par compensation à hauteur des montants retenus au profit des marchands de fer; ces conditions étaient réalisées à l'égard du montant de 131'264 fr. 80 versé le 23 mai 1999 par le défendeur à ceux-ci de même que pour le montant de 132'281 fr. 55. 
C. 
Parallèlement à un recours en réforme, la demanderesse a déposé un recours de droit public, pour violation des art. 9 et 29 al. 2 Cst., en vue d'obtenir l'annulation du jugement précité. Elle conteste la conclusion du Tribunal cantonal selon laquelle un accord avait été passé lors de la séance du 29 janvier 1997, en vertu duquel le défendeur (en tant que reprenant), en cas de défaillance de l'entrepreneur général (débiteur principal), s'engageait à payer les membres du consortium (créanciers). A son avis, cette conclusion découlerait d'une application arbitraire de l'art. 66 al. 1 du Code de procédure civile du canton du Valais (CPC val.), d'une appréciation arbitraire des preuves et de la violation de l'obligation de motiver imposée par l'art. 213 al. 1 let. c et d CPC val. 
D. 
L'intimé propose le rejet du recours. La cour cantonale a renoncé, pour sa part, à formuler des observations et déclaré se référer aux motifs énoncés dans son jugement. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
L'art. 90 al. 1 let. b OJ exige que l'acte de recours contienne un exposé des faits essentiels et un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques tenus pour violés, précisant en quoi consiste la violation. Le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel soulevés et suffisamment motivés (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262 et les arrêts cités). De jurisprudence constante, la motivation doit figurer dans l'acte de recours même; cette exigence vaut aussi pour la réponse au recours (ATF 115 Ia 27 consid. 4a p. 30). Dès lors, il ne sera pas tenu compte des renvois, faits par l'intimé dans sa réponse au recours, aux arguments développés par lui dans sa réponse au recours en réforme connexe. 
2. 
La recourante se plaint d'une violation de l'art. 29 al. 2 Cst. et d'une application arbitraire de l'art. 213 al. 1 let. c et d CPC val. Elle soutient que la motivation du jugement attaqué ne satisfait pas aux exigences fixées par cette dernière disposition, qui vont au-delà de celles posées par le droit constitutionnel fédéral. 
2.1 Selon l'art. 213 al. 1 let. c et d CPC val., le jugement doit contenir les conclusions des parties et l'exposé des faits ainsi que les considérants. Ces exigences vont au-delà du standard minimum de la Constitution fédérale. Le tribunal ne peut ainsi se contenter de mentionner brièvement les motifs conformément à ce qui découle de l'art. 29 al. 2 Cst. (cf. ATF 126 I 97 consid. 2b et les arrêts cités). Il doit, tout d'abord, constater les faits, ce qui implique d'indiquer pour quelles raisons il retient un fait plutôt qu'un autre lorsqu'il y a contestation. Ensuite, le juge est tenu d'énoncer les principes juridiques et les conséquences qu'il en tire (arrêt 4P.293/2000 du 18 avril 2001, consid. 3a). La recourante estime que le Tribunal cantonal valaisan a méconnu ces principes en motivant son jugement, versant par là même dans l'arbitraire (sur le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral à l'égard du grief en question, cf. ATF 127 III 193 consid. 3 et les arrêts cités). 
2.2 Dans un premier temps, le Tribunal cantonal a constaté les faits (p. 4-13). Il a ensuite procédé à leur appréciation juridique (p. 14-23). A cet égard et s'agissant plus particulièrement de la créance opposée en compensation par l'intimé, les juges valaisans ont exposé, de manière générale, les principes régissant l'interprétation des contrats et les règles de droit impératives entrant en ligne de compte (consid. 8) avant d'appliquer ces principes et ces règles aux circonstances de fait retenues par eux pour en tirer la conclusion juridique qui s'imposait à leurs yeux (consid. 9-11). La recourante ne prétend pas que la motivation du jugement entrepris ne satisferait tout simplement pas, dans son ensemble, aux exigences de l'art. 213 al. 1 CPC val. Elle reproche bien plutôt aux juges cantonaux d'avoir omis arbitrairement d'indiquer de manière expresse pour quelle raison ils ne retenaient pas les déclarations des témoins et autres moyens de preuve recueillis dans la procédure ayant opposé le consortium des marchands de fer à l'Etat du Valais (procédure close par le jugement susmentionné du 13 décembre 2001), où il n'était question que d'un engagement moral pris par ce dernier, et pour quel motif ils avaient écarté son argument relatif à l'incompétence des représentants de l'Etat pour souscrire l'engagement litigieux. 
2.3 Le Tribunal cantonal constate en premier lieu, d'une manière générale, que, lorsque la volonté intime et concordante des parties ne peut être établie, l'interprétation des déclarations de volonté émises par celles-ci doit se faire selon le principe de la confiance. Appliquant ce principe in concreto pour dégager le sens de la convention liant le consortium des marchands de fer et l'intimé, il expose ensuite que les membres de ce consortium pouvaient raisonnablement inférer du but de la convention, de la confirmation de commande non contestée du 6 novembre 1996, des discussions du 29 janvier 1997 et de l'acceptation tacite de la clause 13.1 du contrat du 18 février 1997 qu'en cas de défaillance de la recourante, l'intimé s'engageait (et était autorisé) à retenir ses paiements à l'entrepreneur général et à éteindre avec les montants retenus les créances échues des membres du consortium contre la recourante. Ce faisant, les juges cantonaux ont déduit de l'application du principe de la confiance aux faits pertinents de la cause l'existence d'un engagement de caractère juridique - et pas uniquement moral - valablement pris par l'intimé envers les marchands de fer associés. 
2.4 La recourante ne démontre pas en quoi l'art. 213 al. 1 CPC val. exigerait non seulement que, dans le cadre de l'appréciation des preuves, le juge indique les motifs qui l'ont poussé à accorder la préférence à tels éléments de fait plutôt qu'à tels autres, mais commanderait, de surcroît, qu'il prenne position sur chaque argument juridique avancé par une partie. Comme les considérants de droit du jugement attaqué révèlent pourquoi le Tribunal cantonal a écarté l'argumentation de la recourante, le moyen pris de la violation arbitraire de la disposition citée est dénué de fondement. L'acte de recours ne fait pas davantage ressortir une éventuelle violation des exigences minimales posées par l'art. 29 al. 2 Cst. en ce qui concerne la motivation d'une décision. Par conséquent, le grief tiré de la violation du droit d'être entendu ne peut qu'être rejeté, si tant est qu'il soit recevable. 
3. 
Selon l'art. 66 al. 1 CPC val., les parties doivent exposer au juge l'état de fait concernant le litige. Sous réserve de la maxime d'office, seuls les faits allégués en procédure sont pris en compte. 
3.1 La recourante se plaint de l'application prétendument arbitraire de cette disposition. Elle relève que l'intimé n'a jamais allégué dans le procès qu'un accord oral avait été conclu entre les marchands de fer et lui, mais qu'il a soutenu, au contraire, n'avoir donné aucune garantie de paiement à ceux-ci. Elle souligne, par ailleurs, que l'intimé n'a jamais allégué que son intervention était soumise à trois conditions. 
3.2 Sur la base de ses constatations de fait, le Tribunal cantonal a jugé que les marchands de fer pouvaient déduire de bonne foi du comportement et des déclarations des représentants de l'intimé que celui-ci avait pris un engagement juridique d'un certain contenu en leur faveur. En raisonnant ainsi, la cour cantonale n'a pas introduit sua sponte des faits dans la procédure, mais s'est bornée à appliquer le droit aux faits constatés par elle (cf. ATF 130 III 417 consid. 3.2 p. 425 et les arrêts cités). Elle n'a pas méconnu l'art. 66 al. 1 CPC val., et encore moins arbitrairement, lorsque, pour interpréter les manifestations de volonté, telles que les marchands de fer pouvaient les comprendre de bonne foi eu égard au comportement adopté et aux déclarations faites par les représentants de l'intimé, elle s'est écartée de l'interprétation juridique que les parties en avaient faite dans la procédure cantonale. Le grief d'application arbitraire de l'art. 66 al. 1 CPC val. tombe, dès lors, à faux. 
4. 
La recourante reproche enfin aux juges valaisans d'avoir apprécié arbitrairement les preuves. A cet égard, elle part de l'idée que le Tribunal cantonal s'est fondé sur la réelle et commune intention des parties pour conclure à l'existence d'un contrat entre les marchands de fer et l'intimé de même que pour déterminer le contenu de ce contrat. Cette prémisse est erronée, comme on l'a déjà relevé. La cour a bien plutôt interprété le comportement et les déclarations des représentants de l'intimé selon le principe de la confiance. Ce principe permet d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 130 III 417 consid. 3.2 et les arrêts cités). Aussi la cour cantonale n'a-t-elle pas versé dans l'arbitraire en ne tenant pas compte des preuves relatives à la volonté intime de l'intimé, resp. à celle des représentants de cette partie. Il n'est pas arbitraire de ne pas prendre en considération des faits qui ne sont pas pertinents pour résoudre le problème juridique litigieux. Le moyen pris de l'appréciation arbitraire des preuves est, dès lors, infondé. 
5. 
Il y a lieu, partant, de rejeter le recours dans la mesure où il est recevable. Dans ces conditions, la recourante devra payer les frais de la procédure fédérale (art. 156 al. 1 OJ). L'intimé, représenté par un avocat, a déposé une réponse au recours, concluant au rejet de celui-ci, de sorte qu'il a droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ). Cependant, comme cette réponse ne consiste, pour l'essentiel, que dans le renvoi inadmissible à celle qui a été déposée dans la procédure du recours en réforme connexe, l'indemnité à laquelle il peut prétendre de ce chef sera réduite au minimum. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 6'500 fr. est mis à la charge de la recourante. 
3. 
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 5'000 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais. 
Lausanne, le 9 juin 2006 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: