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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
2A.277/2004 /dxc 
 
Arrêt du 10 février 2005 
IIe Cour de droit public 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Merkli, Président, 
Betschart, Wurzburger, Müller et Yersin. 
Greffier: M. Vianin. 
 
Parties 
A.________ et B.________, 
recourants, 
représentés par Me Stefan Grundmann, avocat, 
 
contre 
 
Service des contributions, Service juridique, 
rue de la Justice 2, 2800 Delémont, 
Steuerverwaltung des Kantons Basel-Landschaft, Rheinstrasse 33, Postfach, 4410 Liestal, 
Chambre administrative du Tribunal cantonal du canton du Jura, Le Château, case postale 24, 2900 Porrentruy 2. 
 
Objet 
domicile fiscal; double imposition, 
recours de droit administratif contre l'arrêt de la Chambre administrative du Tribunal cantonal du canton du Jura du 24 mars 2004. 
 
Faits: 
A. 
Les époux A.________ et B.________, nés respectivement en 1932 et 1935, sont retraités. En 1994, ils ont acquis une maison à X.________ (JU). Ils se sont annoncés au contrôle des habitants de cette commune le 1er mai 1995. Avec effet au 31 décembre 1997, ils ont annoncé leur départ pour Y.________ (BL), où ils séjournent régulièrement auprès de leur fille. Ils ont cependant continué à résider également dans leur maison de X.________. 
B. 
Par décision du 27 septembre 2000, le Service des contributions du canton du Jura (ci-après: le Service des contributions) a déclaré les époux A.________ et B.________ personnellement assujettis à l'impôt dans le canton du Jura pour l'année 2001. Par décision sur réclamation du 19 octobre 2001, le Service des contributions a confirmé l'assujettissement à partir de l'année 2001. La Commission cantonale des recours du canton du Jura a fait de même le 10 février 2003. 
 
Le 24 mars 2004, le Tribunal cantonal du canton du Jura a rejeté le recours dirigé contre cette décision et confirmé celle-ci. 
C. 
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________ et B.________ demandent au Tribunal fédéral principalement d'annuler cet arrêt et de retourner le dossier à l'autorité intimée, en l'enjoignant de constater que le canton du Jura n'est pas compétent pour les imposer; à titre subsidiaire, ils demandent au Tribunal de céans de dire où se trouve leur domicile fiscal principal et, cas échéant, dans quelle mesure ils y sont assujettis à l'impôt, d'annuler toute taxation entrée en force qui se trouverait en contradiction avec ce prononcé et d'ordonner que les montants d'impôt acquittés sur la base de celle-ci leur soient remboursés, le tout sous suite de frais et dépens. 
 
L'autorité intimée et le Service des contributions concluent au rejet du recours, tandis que le Service des contributions du canton de Bâle-Campagne propose de l'admettre. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
La décision attaquée étant rédigée en français, le présent arrêt est rendu dans la même langue (art. 37 al. 3 OJ). 
2. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 130 II 388 consid. 1 p. 389, 321 consid. 1 p. 324 et la jurisprudence citée). 
2.1 Lorsqu'une personne conteste son assujettissement à l'impôt dans un canton, ce dernier doit, en règle générale, prendre une décision préjudicielle sur l'assujettissement avant de poursuivre la procédure de taxation. La décision fixe le domicile fiscal du contribuable; elle peut être attaquée directement auprès du Tribunal fédéral par la voie du recours de droit public, sans qu'il soit nécessaire d'épuiser les instances cantonales de recours (cf. art. 86 al. 2 OJ; cf. également ATF 125 I 54 consid. 1a p. 55 et les arrêts cités). En matière de recours pour conflit de compétence entre cantons - notamment en cas de recours pour double imposition -, le délai de recours de trente jours ne court qu'après que les deux cantons ont pris des décisions pouvant être l'objet d'un recours de droit public (art. 89 al. 3 OJ). Cette disposition permet de s'en prendre aux taxations du « premier » canton, même si celles-ci sont déjà entrées en force (Peter Locher, Einführung in das interkantonale Steuerrecht, 2ème éd., Berne 2003, p. 167; Walter Ryser/Bernard Rolli, Précis de droit fiscal suisse, 4ème éd., Berne 2002, p. 146). 
 
La loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID, RS 642.14), entrée en vigueur le 1er janvier 2001, a ouvert la voie du recours de droit administratif contre les décisions cantonales de dernière instance qui portent sur une matière réglée dans ses titres 2 à 5 et 6, chapitre 1 (art. 73). Certains auteurs considèrent que ce recours devrait se substituer largement au recours de droit public - qui est subsidiaire - dans les affaires de double imposition intercantonale (cf. p. ex. Ernst Höhn/Peter Mäusli, Interkantonales Steuerrecht, 4ème éd., Berne/Stuttgart/Vienne 2000, p. 564 ss; Thomas Meister, Rechtsmittelsystem der Steuerharmonisierung. Der Rechtsschutz nach StHG und DBG, th. St-Gall 1994, p. 228 ss, 299). 
 
Dans les cas où les décisions en cause n'ont pas - toutes - été prises en dernière instance cantonale et pour autant qu'il n'y ait pas lieu - par exception - de se prononcer également sur des éléments de la taxation elle-même, seul le recours de droit public entre en ligne de compte (Danielle Yersin, Harmonisation fiscale: La dernière ligne droite, Archives 69 p. 328). Cela vaut d'autant plus lorsque, comme en l'espèce, les recourants ne soutiennent pas que la notion de domicile selon le droit de l'un ou de l'autre des cantons ne serait pas conforme à l'art. 3 de la loi sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes, mais se plaignent exclusivement d'une violation des règles de conflit tendant à éviter la double imposition. Ainsi, les recourants auraient dû procéder par la voie du recours de droit public. Le fait que leur recours soit appelé « recours de droit administratif » n'empêche pas qu'il soit recevable comme recours de droit public, car l'intitulé erroné du mémoire ne saurait nuire aux recourants, pour autant que cette écriture remplisse les conditions formelles de la voie de droit qui est ouverte (ATF 126 II 506 consid. 1b p. 509; 124 I 223 consid. 1a p. 224 et les arrêts cités). 
2.2 En vertu de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte de recours doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation. 
 
En l'occurrence, les recourants dénoncent la violation des règles de droit fédéral sur la détermination du domicile fiscal principal, en se prévalant du principe de l'interdiction de la double imposition, tel qu'il est consacré à l'art. 127 al. 3 Cst. Ainsi, le recours satisfait aux exigences de motivation posées par la disposition précitée. 
2.3 Au surplus, déposé en temps utile contre une décision qui touche les recourants dans leurs intérêts juridiquement protégés, le présent recours est recevable au regard des art. 84 ss OJ
2.4 Saisi d'un recours en matière de double imposition intercantonale, le Tribunal fédéral dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit (arrêt 2P.289/2000 du 8 janvier 2002, RDAF 2001 II 506, Archives 71 p. 416, RF 57/2002 p. 184, StE 2002 A 24.32 no 6 consid. 1c; Locher, op. cit., p. 159 et les références citées; Martin Arnold, Der steuerrechtliche Wohnsitz natürlicher Personen im interkantonalen Verhältnis nach der neueren bundesgerichtlichen Rechtsprechung, in: Archives 68 p. 449 ss, p. 488). 
3. 
Le principe de l'interdiction de la double imposition déduit de la Constitution fédérale (cf. art. 46 al. 2 aCst. et 127 al. 3 1ère phrase Cst.) s'oppose à ce qu'un contribuable soit concrètement soumis, par deux ou plusieurs cantons, sur le même objet, pendant la même période, à des impôts analogues (double imposition effective) ou à ce qu'un canton excède les limites de sa souveraineté fiscale et, violant des règles de conflit jurisprudentielles, prétende prélever un impôt dont la perception est de la seule compétence d'un autre canton (double imposition virtuelle; cf. ATF 125 I 54 consid. 1b p. 55/56, 458 consid. 2a p. 466/467 et l'arrêt cité). 
 
Ces conditions sont réalisées en l'espèce, dans la mesure où les recourants, assujettis dans le canton du Jura dès l'année 2001, estiment que ce canton outrepasse sa souveraineté fiscale au détriment du canton de Bâle-Campagne. Il appartient donc au Tribunal fédéral de déterminer quel est le canton compétent pour leur imposition dès l'année 2001. 
4. 
4.1 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l'interdiction de la double imposition intercantonale (cf. art. 127 al. 3 1ère phrase Cst. et art. 46 al. 2 aCst.), l'imposition du revenu et de la fortune mobilière d'une personne revient au canton où cette personne a son domicile fiscal. Par domicile fiscal, on entend en principe le domicile civil, c'est-à-dire le lieu où la personne réside avec l'intention de s'y établir durablement (cf. art. 23 al. 1 CC), ou le lieu où se situe le centre de ses intérêts. Le domicile politique ne joue, dans ce contexte, aucun rôle décisif: le dépôt des papiers et l'exercice des droits politiques ne constituent, au même titre que les autres relations de la personne assujettie à l'impôt, que des indices propres à déterminer le domicile fiscal. Le lieu où la personne assujettie a le centre de ses intérêts personnels se détermine en fonction de l'ensemble des circonstances objectives, et non en fonction des déclarations de cette personne; dans cette mesure, il n'est pas possible de choisir librement un domicile fiscal (ATF 125 I 458 consid. 2b p. 467 et les arrêts cités). 
 
Ces considérations demeurent valables sous l'empire de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes, qui, à son art. 3 al. 2, contient une définition analogue du domicile de la personne physique, laquelle correspond également à celle de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD, RS 642.11; cf. art. 3 al. 2). 
4.2 Si une personne séjourne alternativement à deux endroits, son domicile fiscal se trouve au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites (ATF 125 I 458 consid. 2d p. 467 et les arrêts cités). 
 
Exceptionnellement, la jurisprudence a admis l'existence d'un domicile alternant, c'est-à-dire de deux domiciles fiscaux d'importance égale, lorsqu'un contribuable a des liens d'égale intensité avec les deux lieux où il séjourne. Tel est le cas lorsque le contribuable transfère à intervalles réguliers son domicile d'un lieu dans un autre puis à nouveau au premier endroit, de telle manière qu'en additionnant ces périodes, la durée de la résidence à chacun des deux endroits soit à peu près équivalente sur une année. L'existence d'un domicile alternant entraîne en principe le partage de la souveraineté fiscale entre les deux cantons concernés, les facteurs fiscaux étant répartis par moitié (ATF 100 Ia 242 consid. 2b p. 243; arrêt 2P.201/1996 du 4 décembre 1998, Pra 1999 no 87 p. 484, consid. 2b; Höhn/Mäusli, op. cit., § 7 n. 44 s. et la jurisprudence citée). 
5. 
Dans le cas particulier, les recourants sont propriétaires de leur maison de X.________ depuis environ dix ans. Il s'agit d'une maison individuelle sise sur une parcelle de 344 m2 et qui comporte cinq pièces. 
 
Les recourants affirment passer chaque semaine au moins trois jours (et nuits) auprès de leur fille et de leur petit-fils, à Y.________. Celle-ci loue un appartement de deux pièces et demie qui comprend en plus deux mansardes sous le toit. Depuis 1997, les recourants occupent les deux mansardes. Selon la décision attaquée, ils sous-loueraient cette partie de l'appartement à leur fille pour un loyer de 300 fr. par mois. Ce montant n'aurait pas été déclaré au fisc bâlois. Par ailleurs, les recourants iraient fréquemment rendre visite à la famille de leur fils, à Z.________. 
 
Les recourants font valoir qu'ils ont tous leurs contacts sociaux (activités associatives: sport, jass; rencontres avec des amis) durant leurs séjours à Y.________. C'est de là aussi qu'ils se rendraient chez le médecin et chez le physiothérapeute. 
 
Les conditions d'habitation à X.________ et à Y.________ ne sont pas comparables. Dans cette dernière localité, ils ne disposent que d'un pied-à-terre chez leur fille, de dimensions plutôt modestes et plus ou moins précaire. Qu'ils offrent un défraiement à leur fille n'y change rien. A X.________, au contraire, ils sont propriétaires d'une maison offrant toutes les commodités et où ils sont véritablement chez eux. La différence marquée existant entre les deux « cadres de vie » donne à penser que c'est là que se trouve le centre de leurs intérêts personnels. S'agissant de la durée du séjour, ils affirment passer environ la moitié de la semaine à X.________ et l'autre moitié à Y.________ ou, parfois également, à Z.________, ce qui diminue la durée du séjour à Y.________. De plus, quoiqu'ils en disent, il est probable que les recourants ont noué des contacts aussi à X.________, ne serait-ce qu'avec la voisine qui prend soin de leur maison et de leur jardin durant leurs absences. Il convient aussi de relever que les visites ne se font pas à sens unique: non seulement les recourants vont trouver leurs enfants et petits enfants à Y.________ et Z.________, mais aussi ceux-ci passent des week-ends et des vacances dans la maison de X.________. 
 
Au vu de ce qui précède, il y a lieu d'admettre que le centre des intérêts personnels et, partant, le domicile fiscal principal des recourants se trouvent à X.________, sans qu'il soit besoin de trancher la controverse portant sur la consommation d'eau. Compte tenu de la différence des conditions d'habitation, un domicile alternant n'entre pas en considération. Il en va ici différemment du cas tranché par l'arrêt 2P.201/1996, précité, où la contribuable partageait son temps entre sa maison de Soleure et son appartement de 3 pièces et demie à Zurich. 
6. 
Les recourants évoquent l'éventualité que le droit du canton du Jura de les imposer soit périmé. La question n'a pas à être examinée, du moment que l'exception de péremption ne peut pas être soulevée par le contribuable, mais seulement par le canton concurrent (Locher, op. cit., p. 172 s. et la jurisprudence citée). Or, dans sa détermination du 23 juillet 2004, le Service juridique du canton de Bâle-Campagne n'excipe pas de la péremption. 
7. 
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours en tant qu'il est dirigé contre la décision d'assujettissement dans le canton du Jura. Partant, l'assujettissement à l'impôt des recourants dans ce canton à partir de 2001 est confirmé. 
 
Dans ces conditions, le canton de Bâle-Campagne ne saurait assujettir à l'impôt les recourants. Il ressort du dossier que ceux-ci ont été taxés de manière définitive en tout cas pour l'année 2002. Par conséquent, il convient d'annuler cette taxation, le recours étant admis en tant qu'il est dirigé contre cette décision du canton de Bâle-Campagne. 
 
Sur le fond, les recourants ont conclu à ce qu'il soit constaté que leur domicile fiscal principal se trouve à Y.________, de sorte qu'ils succombent et doivent supporter les frais de justice, à l'instar du canton de Bâle-Campagne (art. 156 al. 1 en relation avec les art. 153 et 153a OJ). Il convient de mettre ceux-ci pour moitié à la charge des recourants et pour l'autre moitié à la charge du canton de Bâle-Campagne. Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (cf. art. 159 al. 2 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté en tant qu'il est dirigé contre la décision du Tribunal administratif du canton du Jura du 24 mars 2004, laquelle est confirmée. Partant, il est constaté que les recourants ont leur domicile fiscal principal à partir de l'année 2001 dans le canton du Jura. 
2. 
Le recours est admis en tant qu'il est dirigé contre la décision de taxation du Service des contributions du canton de Bâle-Campagne du 25 novembre 2003. Partant, cette décision est annulée. 
3. 
L'émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis pour moitié à la charge des recourants et pour l'autre moitié à la charge du canton de Bâle-Campagne. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, au Service des contributions et au Tribunal cantonal du canton du Jura, ainsi qu'au Service des contributions du canton de Bâle-Campagne. 
Lausanne, le 10 février 2005 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: