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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_112/2022  
 
 
Arrêt du 10 novembre 2022  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux 
Denys, Juge présidant, Muschietti et Hurni. 
Greffier : M. Tinguely. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Clara Poglia, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
1. Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
2. B.________, 
3. Hoirie C.________, 
représentés par Me Giorgio Campá, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Levée de séquestre; créance compensatrice; droit 
de compensation; droit d'être entendu, etc., 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale 
de recours, du 22 décembre 2021 
(P/24473/2015 ACPR/911/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par jugement du 9 février 2018, rendu dans une procédure pénale dirigée contre D.________, le Tribunal correctionnel de la République et canton de Genève a notamment prononcé, en faveur de l'État de Genève:  
 
- des créances compensatrices de 532'262 USD, de 1'667'228 EUR et de 79'500 GBP à l'encontre de B.________ et de 17'300'000 USD à l'encontre de E.________ Inc., ordonnant, en vue de leur exécution, le maintien du séquestre portant sur le compte du premier nommé ouvert auprès de la banque A.________ SA; 
- des créances compensatrices de 693'151 USD, de 1'085'500 EUR et de 79'500 GBP à l'encontre de C.________ et de 25'800'000 USD à l'encontre de F.________ Inc., ordonnant, en vue de leur exécution, le maintien du séquestre portant sur le compte du premier nommé ouvert auprès de la banque A.________ SA à concurrence de 28'000'000 fr., le séquestre étant levé pour le surplus. 
Le Tribunal correctionnel a par ailleurs alloué à A.________ SA, partie plaignante, les quatre créances compensatrices précitées, jusqu'à concurrence du dommage que D.________ lui avait causé, soit 92'484'773 USD, 31'186'105 EUR et 352'460 GBP. 
 
A.b. Par arrêt du 26 juin 2019, statuant sur divers appels et appels joints formés contre le jugement du 9 février 2018, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise l'a confirmé quant aux points du dispositif exposés ci-avant.  
 
A.c. Statuant par arrêt du 19 février 2020, rendu dans les causes 6B_1000/2019, 6B_1001/2019, 6B_1002/2019 et 6B_1008/2019, le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé notamment par B.________, E.________ Inc., C.________ et F.________ Inc. contre l'arrêt du 26 juin 2019 (cause 6B_1002/2019).  
Par arrêt du 24 avril 2020, le Tribunal fédéral a rejeté la demande de révision que notamment B.________, E.________ Inc., C.________ et F.________ Inc. avaient déposée relativement à l'arrêt du 19 février 2020. 
 
B.  
 
B.a. Parallèlement, le 10 juillet 2019, A.________ SA a informé B.________ et C.________ qu'elle compensait ses quatre créances avec les avoirs en liquidités figurant sur leurs comptes. Ces compensations seraient exécutées ultérieurement, les relations en question étant en l'état bloquées.  
 
B.b. Le 1er mai 2020, A.________ SA a requis du ministère public qu'il lève les deux séquestres litigieux pour permettre l'exécution des compensations évoquées ci-avant, respectivement qu'il l'autorise à vendre de gré à gré les titres déposés sur le compte de B.________ - ceux-ci étant grevés d'un droit de gage prévu par les conditions générales de la banque - et ordonne la levée du séquestre sur le produit de cette vente.  
Par ordonnance du 4 mai 2020, le ministère public a levé les deux séquestres maintenus par le tribunal correctionnel en vue de garantir l'exécution des quatre créances compensatrices allouées à A.________ SA. 
 
B.c. Le 13 mai 2020, B.________, E.________ Inc., C.________ et F.________ Inc., agissant conjointement, ont saisi la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise d'un recours contre l'ordonnance du 4 mai 2020.  
Le 15 mai 2020, le Président de la Chambre pénale de recours a accordé l'effet suspensif au recours et maintenu, jusqu'à droit jugé, les deux séquestres litigieux. 
Par arrêt du 22 décembre 2021, la Chambre pénale de recours a admis le recours, dans la mesure où il était recevable. Elle a constaté en substance la nullité de l'ordonnance attaquée, en tant qu'elle avait été rendue par le ministère public, autorité qui n'était pas compétente ratione materiae pour lever les séquestres litigieux.  
 
C.  
A.________ SA forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 22 décembre 2021. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens que l'ordonnance du 4 mai 2020 est confirmée. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La recourante invoque une violation de l'art. 382 al. 1 CPP. Elle soutient que les intimés ne disposaient pas de la qualité pour recourir contre l'ordonnance du ministère public du 4 mai 2020 prononçant la levée du séquestre de leurs comptes, faute de pouvoir se prévaloir d'un intérêt juridiquement protégé. 
 
1.1. On relèvera d'abord que, pour sa part, la recourante paraît à première vue disposer d'un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée au Tribunal fédéral (art. 81 al. 1 let. b LTF), dans la mesure où elle soutient que cette décision, qui empêche la levée du séquestre, influe sur son droit de compenser. Il n'y a toutefois pas matière à examiner plus avant la question, vu le sort du recours.  
 
1.2. Au reste, s'agissant du grief développé par la recourante quant à l'absence de qualité pour recourir des intimés au plan cantonal, il y a effectivement lieu de se référer à l'art. 382 al. 1 CPP. Selon cette disposition, elle est reconnue à toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision.  
Il existe un intérêt juridiquement protégé lorsque le recourant est touché directement et immédiatement dans ses droits propres, ce qui n'est pas le cas lorsqu'il est touché par un simple effet réflexe. L'intérêt juridiquement protégé se distingue de l'intérêt digne de protection, qui n'est pas nécessairement un intérêt juridique, mais peut être un intérêt de fait. Dans le cadre des voies de droit instituées par le CPP, un simple intérêt de fait ne suffit pas à conférer la qualité pour recourir. Le recourant doit ainsi établir que la décision attaquée viole une règle de droit qui a pour but de protéger ses intérêts et qu'il peut en conséquence en déduire un droit subjectif. La violation d'un intérêt relevant d'un autre sujet de droit est insuffisante pour créer la qualité pour recourir (ATF 145 IV 161 consid. 3.1). Une partie qui n'est pas concrètement lésée par la décision ne possède donc pas la qualité pour recourir et son recours est irrecevable (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1). 
Par ailleurs, le recourant doit avoir un intérêt actuel et pratique au recours (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1), respectivement à l'examen des griefs soulevés (arrêt 1B_550/2021 du 13 janvier 2022 consid. 3.2). Il n'est renoncé exceptionnellement à cette condition que si la contestation peut se reproduire en tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, si sa nature ne permet pas de la soumettre à une autorité judiciaire avant qu'elle ne perde son actualité et s'il existe un intérêt public suffisamment important à la solution des questions litigieuses en raison de leur portée de principe (ATF 146 II 335 consid. 1.3; 142 I 135 consid. 1.3.1; arrêt 1B_233/2022 du 4 octobre 2022 consid. 2.1). 
 
1.2.1. La notion de partie visée à l'art. 382 CPP doit être comprise au sens des art. 104 et 105 CPP (ATF 146 IV 76 consid. 2.2.2; 139 IV 78 consid. 3.1). Selon l'art. 105 al. 1 let. f CPP, participent à la procédure les tiers touchés par des actes de procédure. Lorsque des participants à la procédure visés à l'al. 1 sont directement touchés dans leurs droits, la qualité de partie leur est reconnue dans la mesure nécessaire à la sauvegarde de leurs intérêts (art. 105 al. 2 CPP). Pour que le participant à la procédure se voie reconnaître la qualité de partie en application de l'art. 105 al. 2 CPP, il faut que l'atteinte à ses droits soit directe, immédiate et personnelle, une atteinte de fait ou indirecte étant insuffisante. L'atteinte est par exemple directe lorsqu'elle entraîne une violation des droits fondamentaux ou des libertés fondamentales, en particulier lorsque des mesures de contrainte sont ordonnées (ATF 145 IV 161 consid. 3.1; 143 IV 40 consid. 3.6; 137 IV 280 consid. 2.2.1).  
 
1.3. En l'espèce, en tant que le recours avait été formé par les sociétés E.________ Inc. et F.________ Inc., la cour cantonale a jugé que celles-là ne pouvaient pas se prévaloir d'un intérêt juridique propre concernant le sort des comptes bancaires séquestrés, à défaut d'en être les titulaires, respectivement de disposer d'un droit, réel ou personnel, sur les valeurs qui y étaient déposées (cf. arrêt attaqué, consid. 2.2.2 p. 6).  
En revanche, l'intimé B.________, qui était quant à lui titulaire de l'une des deux relations objet d'un séquestre, était habilité à contester la compétence ratione materiae du ministère public pour ordonner la levée du séquestre et disposait partant d'un intérêt juridique propre au recours, au sens de l'art. 382 al. 1 CPP (cf. arrêt attaqué, consid. 2.2.3 p. 7).  
 
1.4. L'appréciation de la cour cantonale doit être suivie, au bénéfice des explications suivantes.  
 
Il apparaît en effet que, dans la mesure où l'intimé B.________ contestait principalement la compétence matérielle du ministère public pour rendre l'ordonnance litigieuse, il pouvait déduire de l'art. 30 al. 1 Cst. un droit à voir la cause jugée par une autorité judiciaire dont la compétence ratione materiaeest établie par la loi (cf. ATF 129 V 196 consid. 4.1; FRANÇOIS BOHNET, Commentaire romand, Constitution fédérale, Préambule - art. 80 Cst., 2021, n° 43 ad art. 30 Cst.). Il est ainsi admis qu'à l'instar des parties proprement dites, les parties accessoires à une procédure judiciaire bénéficient également des garanties de l'art. 30 Cst. Tel est notamment le cas des autres participants à la procédure pénale (art. 105 al. 1 CPP), lorsqu'ils sont touchés dans leurs droits (art. 105 al. 2 CPP; BOHNET, op. cit., n° 9 ad art. 30 Cst.; GIOVANNI BIAGGINI, Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft, 2e éd., 2017, n° 2 ad art. 30 Cst.).  
Certes, dans la mesure où, par ordonnance du 4 mai 2020, le ministère public avait levé le séquestre du compte ouvert au nom de l'intimé, cette ordonnance avait débouché sur une issue a priori favorable à ce dernier. Pour autant, alors que le compte de l'intimé, ouvert dans les livres de la recourante, faisait jusqu'alors l'objet d'un séquestre, soit d'une mesure de blocage par essence provisoire ordonnée en l'occurrence en garantie de l'exécution de créances compensatrices (art. 71 al. 3 CP), la levée de cette mesure pourrait avoir pour effet d'attribuer les avoirs en cause d'une manière définitive à la recourante, celle-ci ayant dans l'intervalle invoqué la compensation (art. 120 ss CO) avec les créances compensatrices qui lui avaient été allouées par jugement. Il faut admettre dans un tel contexte que l'intimé précité pouvait se prévaloir d'un intérêt actuel et pratique à l'annulation de l'ordonnance du 4 mai 2020, respectivement au constat de sa nullité.  
La cour cantonale n'a donc pas violé le droit fédéral en estimant que l'intimé B.________ disposait d'un intérêt juridiquement protégé (art. 382 al. 1 CPP) à contester l'ordonnance du ministère public du 4 mai 2020. 
 
1.5. Pour le surplus, dès lors que le recours cantonal était recevable en tant qu'il avait été formé par l'intimé B.________, il n'y a pas matière à examiner si les héritiers du titulaire du second compte séquestré (soit feu C.________, décédé le 16 février 2021), s'étaient valablement substitués à ce dernier, aspect du litige que la cour cantonale a également laissé indécis (cf. arrêt attaqué, consid. 2.2.4 p. 7).  
Cela est d'autant moins nécessaire que les quatre recourants (B.________, E.________ Inc., C.________ et F.________ Inc.) avaient agi de manière conjointe dans le cadre d'un seul et même acte de recours, développant ainsi les mêmes griefs. 
 
2.  
Invoquant une violation de l'art. 71 al. 3 et 73 al. 1 let. c CP, la recourante soutient que le ministère public était en l'espèce compétent pour ordonner la levée du séquestre de son compte bancaire, de sorte que l'ordonnance du ministère public du 4 mai 2020 ne saurait être considérée comme nulle. 
 
2.1. Selon la jurisprudence constante, la nullité absolue ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement décelables et pour autant que sa constatation ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit (ATF 147 IV 93 consid. 1.4.4; 147 III 226 consid. 3.1.2; 146 I 172 consid. 7.6; 145 IV 197 consid. 1.3.2; 145 III 436 consid. 4; 144 IV 362 consid. 1.4.3; 138 II 501 consid. 3.1; 138 III 49 consid. 4.4.3; 137 I 273 consid. 3.1; arrêts 6B_1325/2021 du 27 septembre 2022 consid. 6.1, destiné à la publication; 6B_684/2021 du 22 juin 2022 consid. 1.4.2, destiné à la publication; 6B_192/2021 du 27 septembre 2021 consid. 2.2; 6B_692/2017 du 13 avril 2018 consid. 2).  
Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire. L'illégalité d'une décision ne constitue pas par principe un motif de nullité; elle doit au contraire être invoquée dans le cadre des voies ordinaires de recours (ATF 130 II 249 consid. 2.4; arrêts 6B_192/2021 précité consid. 2.2; 6B_667/2017 du 15 décembre 2017 consid. 3.1). Entrent avant tout en considération comme motifs de nullité l'incompétence fonctionnelle et matérielle de l'autorité appelée à statuer, ainsi qu'une erreur manifeste de procédure (ATF 145 IV 197 consid. 1.3.2; 143 III 495 consid. 2.2; 138 II 501 consid. 3.1; arrêt 6B_667/2017 précité consid. 3.1). La décision d'une autorité fonctionnellement et matériellement incompétente pour statuer est affectée d'un vice grave, qui constitue en principe un motif de nullité, à moins que l'autorité ayant statué ne dispose d'un pouvoir décisionnel général dans le domaine concerné (ATF 137 III 217 consid. 2.4.3; 127 II 32 consid. 3g; arrêts 6B_1325/2021 précité consid. 6.1, destiné à la publication; 6B_684/2021 précité consid. 1.4.2, destiné à la publication; 6B_120/2018 du 31 juillet 2018 consid. 2.2). 
 
2.2.  
 
2.2.1. Conformément à l'art. 71 al. 1 CP, lorsque les valeurs patrimoniales à confisquer ne sont plus disponibles, le juge ordonne leur remplacement par une créance compensatrice de l'État d'un montant équivalent; elle ne peut être prononcée contre un tiers que dans la mesure où les conditions prévues à l'art. 70 al. 2 CP ne sont pas réalisées.  
L'art. 73 al. 1 let. c CP dispose que si un crime ou un délit a causé à une personne un dommage qui n'est couvert par aucune assurance et s'il y a lieu de craindre que l'auteur ne réparera pas le dommage ou le tort moral, le juge alloue au lésé, à sa demande, jusqu'à concurrence des dommages-intérêts ou de la réparation morale fixés par un jugement ou par une transaction, les créances compensatrices. Le juge ne peut ordonner cette mesure que si le lésé cède à l'État une part correspondante de sa créance (art. 73 al. 2 CP). 
 
2.2.2. Aux termes de l'art. 71 al. 3 CP, l'autorité d'instruction peut placer sous séquestre, en vue de l'exécution d'une créance compensatrice, des valeurs patrimoniales appartenant à la personne concernée; le séquestre ne crée pas de droit de préférence en faveur de l'État lors de l'exécution forcée de la créance compensatrice.  
Selon la jurisprudence, l'exécution d'une créance compensatrice, à savoir en particulier la poursuite de celle-ci, la réalisation des biens séquestrés et la distribution des deniers, doit être effectuée conformément aux prescriptions de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP; RS 281.1) par les autorités compétentes en vertu de cette loi. Cela est déduit de l'art. 71 al. 3, 2ème phrase, CP, qui dispose que le séquestre ne crée pas de droit de préférence en faveur de l'État, excluant ainsi l'application de la réserve prévue par l'art. 44 LP en faveur des droits pénal et fiscal concernant la réalisation d'objets confisqués (ATF 142 III 174 consid. 3.1.2; 141 IV 260 consid. 3.2; arrêts 6B_1362/2020 du 20 juin 2022 consid. 23.5.4; 6B_439/2019 du 12 septembre 2019 consid. 2.3.2; 1B_114/2015 du 1er juillet 2015 consid. 4.4.1; 1B_300/2013 du 14 avril 2014 consid. 5.3.1; LAURA JACQUEMOUD-ROSSARI, La créance compensatrice: état des lieux de la jurisprudence, in: SJ 2019 II p. 281, spéc. p. 298 s.). 
Destiné à garantir l'exécution de la créance compensatrice, le séquestre prévu par l'art. 71 al. 3 CP subsiste ainsi après l'entrée en force du jugement au fond et jusqu'à son remplacement par une mesure du droit des poursuites (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 et les références citées). En revanche, à défaut d'un droit préférentiel de l'État, les biens et valeurs séquestrés ne peuvent pas servir directement à l'extinction d'une créance compensatrice (arrêts 6B_1362/2020 précité consid. 23.5.4; 6B_439/2019 précité consid. 2.4.4). 
 
2.2.3. Le principe de la compensation prévu à l'art. 120 CO est une institution reconnue pour être générale, mais qui peut être exclue par le législateur (ATF 144 IV 212 consid. 2.2; 139 IV 243 consid. 5.1). Les dispositions des art. 120 ss CO sur la compensation sont applicables en droit public, en cas de silence de celui-ci et sous réserve d'incompatibilité (ATF 144 IV 212 consid. 2.2; arrêt 6B_138/2019 du 6 août 2019 consid. 4.4.2).  
 
2.3. La recourante fait valoir qu'en l'espèce, les créances compensatrices qui lui avaient été allouées par jugement avaient été éteintes après qu'elle avait invoqué la compensation de ses créances par celles que les intimés disposaient à son égard relativement aux biens et valeurs déposés sur les comptes séquestrés, ouverts en ses livres. Ainsi, selon la recourante, dès lors qu'il n'y avait en d'autres termes pas matière à exécution forcée des créances compensatrices, le ministère public était compétent pour lever les séquestres qu'il avait lui-même ordonnés en cours de procédure, sans qu'il était en l'occurrence nécessaire de procéder en vertu de la LP. Elle soutient d'ailleurs à ce propos que la LP n'exclut pas le recouvrement par voie de compensation.  
 
2.3.1. Les développements de la recourante ne permettent toutefois pas d'établir que la compensation avait été valablement invoquée, cela lors même qu'en l'espèce, les biens et valeurs placés sur les comptes bancaires des intimés avaient été mis sous main de justice dans le cadre d'une procédure pénale et que les parties s'étaient dans ce contexte vu signifier une restriction au pouvoir d'en disposer.  
A la suite de la cour cantonale, il est de surcroît observé que, selon la volonté claire du législateur, la collectivité publique ne doit jouir d'aucun privilège sur les biens et valeurs séquestrés par rapport aux éventuels autres créanciers du débiteur saisi. Pour s'en assurer, les effets des séquestres fondés sur l'art. 71 al. 3 CP doivent ainsi être maintenus jusqu'au moment où des mesures de droit des poursuites prennent le relais, ce qui impose à l'État d'agir par la voie de l'exécution forcée pour recouvrer ses créances. Le fait que les débiteurs sont en l'occurrence domiciliés à l'étranger n'y fait pas obstacle, la collectivité publique pouvant initier une poursuite au lieu de situation de l'objet séquestré (cf. art. 52 al. 1 LP; arrêt attaqué, consid. 3.5 p. 9 s.). 
En outre, comme l'a également relevé la cour cantonale, lorsque les créances compensatrices de l'État sont allouées au lésé (art. 73 al. 1 let. c CP), ce dernier ne saurait se voir accorder davantage de droits que n'en dispose le cédant, l'allocataire cessionnaire étant ainsi tenu, pour obtenir l'exécution des créances compensatrices, de procéder comme le ferait l'État, c'est-à-dire sans pouvoir se prévaloir de droit préférentiel à l'égard des autres créanciers (cf. arrêt attaqué, ibidem).  
 
2.3.2. C'est par ailleurs en vain que la recourante se prévaut que l'on se trouve dans une situation analogue à celle décrite par l'art. 442 al. 4 CPP, disposition qui prévoit la faculté pour les autorités pénales de compenser les frais de procédure avec les indemnités accordées à la partie débitrice dans la même procédure pénale et avec des valeurs séquestrées.  
Certes, la jurisprudence reconnaît que l'autorité pénale peut prononcer la compensation, fondée sur l'art. 120 ss CO, à l'égard d'autres créances que celles portant sur des frais de procédure, telle qu'une créance compensatrice (cf. arrêt 6B_138/2019 précité consid. 4.4.3). Cela suppose néanmoins que la compensation concerne des créances et des dettes issues de la même procédure pénale (cf. ibidem). Or, tel n'est pas précisément le cas en l'espèce, les créances des intimés, que la recourante entend faire valoir en compensation avec ses créances compensatrices, n'ont pas à proprement parler de lien avec la procédure pénale, mais résultent de rapports de droit privé préexistants entre les parties. Aussi, il est rappelé qu'en l'occurrence les valeurs séquestrées litigieuses n'ont pas été confisquées au sens de l'art. 70 CP, mais uniquement saisies en garantie à titre de l'art. 71 al. 3 CP.  
 
2.3.3. Cela étant relevé, le ministère public n'était pas habilité à lever les séquestres litigieux, ainsi que l'a constaté la cour cantonale.  
Il appartient ainsi à la recourante de recouvrer les créances compensatrices par la voie de l'exécution forcée, seul moyen permettant de garantir qu'elle ne jouira d'aucun droit préférentiel par rapport à d'autres créanciers, tel que l'État de Genève, qui pourrait également initier une poursuite pour recouvrer les frais afférents à la procédure d'appel (cf. arrêt attaqué, consid. 3.5 p. 10). 
 
2.4. La cour cantonale pouvait en outre valablement constater la nullité de l'ordonnance de levée de séquestre attaquée, celle-ci étant affectée d'un vice grave en tant qu'elle avait été rendue par une autorité matériellement incompétente. Un tel constat ne met en l'occurrence pas en danger la sécurité du droit, étant précisé que les séquestres n'ont pas été effectivement levés, compte tenu de l'effet suspensif accordé au recours cantonal.  
 
3.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. La recourante, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 10 novembre 2022 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
Le Greffier : Tinguely