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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_846/2021  
 
 
Arrêt du 11 janvier 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Juge présidant, van de Graaf et Hurni. 
Greffière : Mme Musy. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Agrippino Renda, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
intimé. 
 
Objet 
Ordonnance de classement, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 2 juin 2021 (P/21012/2017 ACPR/359/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par ordonnance du 21 décembre 2020, le Ministère public du canton de Genève a ordonné le classement de la procédure pénale ouverte contre B.________ à la suite de la plainte pénale déposée par A.________ pour lésions corporelles simples et abus d'autorité. A teneur de la plainte, B.________, gendarme, avait violemment giflé A.________ alors qu'elle était au sol, immobilisée, au cours d'une intervention de police ayant eu lieu le 14 juillet 2017 à 04h30 à U.________ (Genève). La Dre C.________ avait établi le même jour un constat médical certifiant que A.________, âgée de quinze ans, présentait une plaie superficielle de l'arcade sourcilière droite de 3 mm environ avec dermabrasion sous-orbitaire, une dermabrasion du coude avec limitation de l'extension et douleurs à la palpation et à la pro-supination, une douleur à la palpation de la face postérieure de l'épaule gauche et une vision monoculaire floue de l'oeil droit. 
 
B.  
Par arrêt du 2 juin 2021, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé par A.________ contre l'ordonnance du 21 décembre 2020. En substance, elle a retenu que dans le cadre de l'intervention de police, A.________ n'avait pas obtempéré aux injonctions qui lui avaient été faites par les gendarmes, de sorte que ceux-ci étaient légitimés à procéder à son interpellation. Alors qu'elle se débattait vigoureusement, le policier B.________ lui avait asséné une gifle de déstabilisation. Une fois au sol, le policer l'avait menottée. Il n'était pas établi que les blessures constatées par documentation médicale aient été la conséquence du coup reçu, le policier ayant constamment allégué avoir porté une seule gifle de sa main droite sur la joue gauche de A.________ et les dermabrasions pouvant tout aussi bien résulter du frottement de la prénommée au sol lorsqu'elle se débattait vigoureusement. 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 2 juin 2021. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens que la cause est renvoyée au ministère public pour instruction complémentaire. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Elle sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire et la désignation de Me Agrippino Renda en qualité de défenseur d'office. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral contrôle d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis. 
 
1.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 146 IV 76 consid. 3.1 p. 82; 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4). En revanche, n'appartiennent pas à cette catégorie les prétentions fondées sur le droit public (ATF 146 IV 76 consid. 3.1 p. 82 s.; 125 IV 161 consid. 2b p. 163). De jurisprudence constante en effet, la partie plaignante n'a pas de prétention civile si, pour les actes reprochés au prévenu, une collectivité publique assume une responsabilité de droit public exclusive de toute action directe contre l'auteur (ATF 146 IV 76 consid. 3.1 p. 82 s.; 138 IV 86 consid. 3.1 p. 88; 133 IV 228 consid. 2.3.3 p. 234).  
En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe à la partie recourante d'alléguer les faits qu'elle considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir. Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou de classement de l'action pénale, la partie plaignante n'a pas nécessairement déjà pris des conclusions civiles. Quand bien même la partie plaignante aurait déjà déclaré des conclusions civiles (cf. art. 119 al. 2 let. b CPP), il n'en reste pas moins que le procureur qui refuse d'entrer en matière ou prononce un classement n'a pas à statuer sur l'aspect civil (cf. art. 320 al. 3 CPP). Dans tous les cas, il incombe par conséquent à la partie plaignante d'expliquer dans son mémoire au Tribunal fédéral quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé. Comme il n'appartient pas à la partie plaignante de se substituer au ministère public ou d'assouvir une soif de vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4). 
 
1.2. La recourante soutient que les violences infligées par le gendarme B.________ au cours de l'intervention de police du 14 juillet 2017, totalement injustifiées, ont causé une importante atteinte à son intégrité physique ainsi qu'un traumatisme psychique. Elle affirme disposer de prétentions civiles en remboursement des frais médicaux qui ne sont pas pris en charge par les assurances-maladies et accident ainsi qu'en paiement d'une indemnité pour tort moral, qu'elle chiffre à 10'000 fr. pour les lésions corporelles dénoncées, et à 5'000 fr. en lien avec l'infraction d'abus d'autorité.  
 
1.3. La recourante n'indique cependant d'aucune manière en quoi pourraient consister d'éventuelles prétentions civiles dirigées contre le policier visé par sa plainte pénale. Il suffit de relever que, conformément à l'art. 2 de la loi [du canton de Genève] sur la responsabilité de l'État et des communes du 24 février 1989 (LREC; RS/GE A 2 40), l'État de Genève et les communes du canton sont tenus de réparer le dommage résultant pour des tiers d'actes illicites commis soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence par leurs fonctionnaires ou agents dans l'accomplissement de leur travail (al. 1); les lésés n'ont aucune action directe envers les fonctionnaires ou agents (al. 2). Le canton de Genève ayant fait usage de la faculté réservée à l'art. 61 al. 1 CO, la recourante ne disposerait, le cas échéant, que d'une prétention de droit public à faire valoir non pas contre l'auteur présumé contre lequel elle a dirigé sa plainte, mais contre l'État. Or des prétentions fondées sur le droit public en raison de la responsabilité d'agents de l'État ne constituent pas des prétentions civiles au sens de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF (cf. consid. 1.1 supra). Cela exclut que la recourante puisse déduire sa qualité pour recourir de cette disposition.  
 
1.4. Nonobstant ce qui précède, la jurisprudence reconnaît aux personnes qui se prétendent victimes de traitements prohibés au sens de l'art. 10 al. 3 Cst., 7 Pacte ONU II, 3 CEDH ou 13 par. 1 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants conclue à New York le 10 décembre 1984 (RS 0.105), d'une part, le droit de porter plainte et, d'autre part, un droit propre à une enquête prompte et impartiale devant aboutir, s'il y a lieu, à la condamnation pénale des responsables (ATF 138 IV 86 consid. 3.1.1 p. 88).  
En l'espèce, la recourante n'invoque aucune violation de ces droits conventionnels. Faute de toute motivation à cet égard (cf. art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF), la recourante ne prétend pas de manière défendable avoir été traitée de façon inhumaine ou dégradante (art. 3 CEDH; cf. ATF 138 IV 86 consid. 3.1.1 p. 88; 131 I 455 consid. 1.2.5 p. 462 et les références citées; arrêt 6B_1120/2017 du 30 juillet 2018 consid. 1.3). Elle ne peut, partant, fonder sa qualité pour recourir sur les dispositions précitées. 
 
1.5. L'hypothèse visée à l'art. 81 al. 1 let. b ch. 6 LTF n'entre par ailleurs pas en considération, la recourante ne soulevant aucun grief quant à son droit de porter plainte.  
 
1.6. Indépendamment des conditions posées par l'art. 81 al. 1 LTF, la partie plaignante est également habilitée à se plaindre d'une violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel, sans toutefois pouvoir faire valoir par ce biais, même indirectement, des moyens qui ne peuvent être séparés du fond (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 5). Elle ne peut ni critiquer l'appréciation des preuves ni faire valoir que la motivation n'est pas correcte d'un point de vue matériel (ATF 136 IV 41 consid. 1.4 p. 44 et les références citées; arrêts 6B_413/2022 du 5 octobre 2022 consid. 4; 6B_1310/2019 du 4 mai 2020 consid. 2).  
En l'espèce, la recourante se plaint du refus de l'autorité précédente d'exiger du ministère public qu'il procède à l'administration des preuves qu'elle avait requises, à savoir l'audition de la Dre C.________ et des personnes qui ont enregistré les procès-verbaux d'audition des policiers ayant participé à l'intervention du 14 juillet 2017, ainsi qu'un transport sur place, à U.________. Or ses développements ne visent qu'à démontrer en quoi ces mesures auraient été nécessaires afin d'établir ses accusations. Tel qu'articulé, le grief n'est ainsi pas distinct du fond de la cause puisqu'il se rapporte à l'application des art. 123 et 312 CP en lien avec le principe "in dubio pro duriore". 
La recourante doit en revanche se voir reconnaître la qualité pour faire valoir devant le Tribunal fédéral la violation de l'art. 318 CPP, tirée d'un défaut de notification de l'avis de prochaine clôture, dans la mesure où ce grief touche ses droits de partie (cf. consid. 2). 
 
2.  
La recourante se plaint d'une violation de l'art. 318 al. 1 CPP au motif qu'aucun avis de prochaine clôture au sens de cette disposition ne lui a jamais été adressé avant le prononcé de l'ordonnance de classement du 21 décembre 2020. Elle avait pourtant formulé des réquisitions de preuves par courriers des 23 avril et 4 décembre 2020, auxquels le ministère public n'avait donné aucune suite. 
 
2.1. Conformément à l'art. 318 CPP, lorsqu'il estime que l'instruction est complète, le ministère public rend une ordonnance pénale ou informe par écrit les parties dont le domicile est connu de la clôture prochaine de l'instruction et leur indique s'il entend rendre une ordonnance de mise en accusation ou une ordonnance de classement. En même temps, il fixe aux parties un délai pour présenter leurs réquisitions de preuves (al. 1). Le ministère public ne peut écarter une réquisition de preuves que si celle-ci exige l'administration de preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité pénale ou déjà suffisamment prouvés en droit. Il rend sa décision par écrit et la motive brièvement. Les réquisitions de preuves écartées peuvent être réitérées dans le cadre des débats (al. 2). Les informations visées à l'al. 1 et les décisions rendues en vertu de l'al. 2 ne sont pas sujettes à recours (al. 3).  
 
2.2. La cour cantonale a constaté que la recourante avait dûment répondu à l'avis de prochaine clôture qui lui avait été signifié par le ministère public le 8 janvier 2019. Elle avait alors sollicité des actes d'enquête, auxquels le ministère public avait en partie fait droit (consid. 2.2). Par ailleurs, il ressort de l'arrêt entrepris que les réquisitions de preuves complémentaires formulées par la recourante à la suite de l'audience du 23 avril 2020 ont été écartées par le ministère public dans son ordonnance du 21 décembre 2020 (En Fait, section B.m. et C., p. 8).  
Le Tribunal fédéral est lié par les constatations cantonales qui précèdent, la recourante ne soulevant aucun grief motivé sous cet angle (cf. art. 97 al. 1 et 106 al. 2 LTF). 
 
2.3. Selon la doctrine, lorsque le ministère public a donné une suite favorable à une requête d'une partie et administré les nouvelles preuves qu'elle proposait, il ne doit pas adresser aux parties un nouvel avis au sens de l'art. 318 CPP. Admettre le contraire reviendrait à donner aux parties la possibilité de prolonger l'instruction à l'infini, par la présentation au compte-gouttes de requêtes de preuves complémentaires. La seule exception est le changement de décision du ministère public, qui peut imposer la notification d'un nouvel avis de prochaine clôture (Grodecki/Cornu, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd. 2019, n° 21 ad art. 318 CPP). Ainsi, lorsque le ministère public annonce un classement (art. 319 CPP) par avis de prochaine clôture puis décide, par exemple après avoir procédé à de nouveaux actes d'instruction, de saisir le tribunal d'un acte d'accusation (art. 324 CPP), il doit notifier un nouvel avis de prochaine clôture en application du principe de la bonne foi (Grodecki/ Cornu, op. cit., n° 7 ad art. 318 CPP; Schmid/Jositsch, Schweizerische Strafprozessordnung [StPO], Praxiskommentar, 3e éd. 2018, n° 7 ad art. 318 CPP; Landshut/Bosshard, in Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung, 3e éd. 2020, n° 7 ad art. 318 CPP; Silvia Steiner, in Basler Kommentar, Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, 2e éd. 2014, n° 5 ad art. 318 CPP).  
 
2.4. Sur le vu de ce qui précède, le ministère public n'avait pas à procéder à la notification d'un nouvel avis de clôture après avoir communiqué celui du 8 janvier 2019, puisque l'administration des preuves conduite dans l'intervalle ne l'a pas amené à modifier sa décision sur le règlement de la procédure.  
Le grief est donc rejeté. 
 
3.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF a contrario). La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires, dont le montant sera fixé en tenant compte de sa situation financière, laquelle n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 11 janvier 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant: Denys 
 
La Greffière : Musy