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[AZA 0] 
 
1A.281/1999 
 
Ie COUR DE DROIT PUBLIC 
********************************************** 
 
11 février 2000 
 
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président, 
Féraud et Jacot-Guillarmod. Greffier: M. Kurz. 
 
___________ 
 
Statuant sur le recours de droit administratif 
formé par 
la société A.________, représentée par Me Jean-Philippe Rochat, avocat à Lausanne, 
 
contre 
les ordonnances rendues le 12 août 1998 et le 2 novembre 1999 par le Ministère public de la Confédération; 
 
(entraide judiciaire à l'Italie) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- Le 16 septembre 1996, le Parquet de la République du Tribunal de La Spezia a adressé à la Suisse une demande d'entraide judiciaire pour les besoins d'une instruction pénale dirigée contre P.________, J.________ et autres, pour des actes de corruption, de recel et de blanchiment, au préjudice notamment de l'entreprise publique Ferrovie dello Stato. La Banque X.________ à Genève, aurait été utilisée pour recueillir le produit de ces agissements. 
 
Le 15 juillet 1998, le Parquet de Perugia, auquel l'instruction avait été transférée, a présenté une demande complémentaire qui expose dans le détail les différentes opérations suspectes reprochées aux accusés. Sont requis de nombreux renseignements bancaires, en particulier l'identification du compte n° xxx détenu auprès de l'UBS de Lausanne par la société A.________, sur lequel sont parvenus, le 7 février 1991, 2'185'000 fr. en faveur de C.________, en provenance d'une banque de Lugano. Ce montant se rapporterait à un pot-de-vin de 6 millions de francs versé à C.________ par T.________ pour l'obtention d'un contrat d'entreprise avec E.________ (commission rogatoire complémentaire, p. 27). 
 
B.- Le 12 août 1998, le Ministère public de la Confédération (MPC), chargé de l'exécution de cette procédure d'entraide, est entré en matière. L'UBS de Lausanne était invitée à produire les documents d'ouverture et les extraits du compte, ainsi que les justificatifs et notes internes. La banque était aussi priée d'avertir ses clients de cette décision. 
 
C.- Par ordonnance de clôture du 2 novembre 1999, le MPC a décidé de transmettre au Parquet de Perugia les documents relatifs au compte n° xxx, en considérant que ces documents pouvaient être "d'un grand intérêt pour la procédure pénale italienne". Cette décision a été notifiée à l'UBS avec l'obligation d'informer son client, celui-ci n'ayant pas élu domicile en Suisse. 
 
Par télécopie du 1er décembre 1999, l'avocat de A.________ informa le MPC que sa cliente avait élu domicile en son étude le 26 novembre 1999. Il demandait une notification des décisions rendues, notamment l'ordonnance de clôture du 2 novembre 1999. Le MPC a fait suite à cette demande tout en précisant, par télécopie du 6 décembre 1999, que le délai de recours avait commencé à courir dès le moment où le titulaire du compte avait été informé par la banque, soit par courrier recommandé du 8 novembre 1999. 
 
D.- Par acte du 9 décembre 1999, A.________ forme un recours de droit administratif contre les décisions d'entrée en matière et de clôture du MPC. Elle demande préalablement la restitution du délai de recours, en ce sens que ce délai n'a commencé à courir que le 3 décembre 1999, et la possibilité de compléter son mémoire. Au fond, elle requiert l'annulation des décisions du MPC et le renvoi de la cause à l'autorité intimée pour nouvelle décision, dans le respect du principe de la proportionnalité. 
 
Le MPC conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la police se rallie aux déterminations du MPC. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- Le recours de droit administratif est formé contre une décision de clôture rendue par l'autorité fédérale d'exécution, ainsi que contre la décision d'entrée en matière (art. 80g de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale - EIMP, RS 351. 1). La recourante, titulaire du compte concerné, a qualité pour agir (art. 80h let. b EIMP et 9a let. a OEIMP). 
 
a) La recourante estime que les décisions du MPC ne lui ont pas été régulièrement notifiées. Ayant fait savoir le 1er décembre 1999 qu'elle était représentée par un avocat en Suisse, elle avait droit à une notification formelle à cette adresse. Même si elle avait déjà été informée par la banque des décisions du MPC, elle avait annoncé son élection de domicile avant l'échéance du premier délai de recours, ce qui obligeait l'autorité à procéder à une notification formelle. Contrainte de recourir dans un bref délai, la recourante demande de pouvoir compléter son recours. 
 
b) Selon l'art. 80m EIMP, l'autorité d'exécution notifie ses décisions à l'ayant droit domicilié en Suisse, ou qui a élu domicile en Suisse (al. 1 let. a et b). Le droit à la notification s'éteint lorsque la décision de clôture de la procédure d'entraide est exécutoire. Selon l'art. 9 OEIMP, la partie qui habite à l'étranger ou son mandataire doit désigner un domicile de notification en Suisse. A défaut, la notification peut être omise. 
 
aa) Selon la jurisprudence relative à l'art. 80k EIMP, le délai de recours commence à courir, même en l'absence d'une notification formelle, lorsque l'intéressé a eu effectivement connaissance de la décision contestée, par exemple lorsque sa banque l'informe des mesures prises à son encontre. Cette solution, certes rigoureuse, s'impose au regard de l'intérêt à une exécution rapide des décisions d'entraide judiciaire; elle tend à prévenir les abus en empêchant que les intéressés spéculent sur les communications qui leur sont faites, en décidant de ne réagir qu'à leur convenance (ATF 124 II 124 consid. 2d/dd p. 129). Contrairement à ce que soutient la recourante, cette pratique a été confirmée après l'entrée en vigueur du nouveau droit. 
 
bb) Le droit à la notification n'a d'autre objectif que d'assurer aux personnes habilitées à recourir une connaissance effective des décisions prises durant la procédure d'entraide. L'art. 80m EIMP permet ainsi à l'intéressé de se constituer un domicile en Suisse et d'exiger une notification lorsqu'il n'a pas, par un autre moyen, déjà pris connaissance de la décision attaquée. Lorsqu'en revanche il a été informé par sa banque, les dispositions précitées ne lui confèrent aucun droit à une notification formelle. Admettre le contraire conduirait immanquablement à des abus, puisque cela permettrait aux intéressés d'intervenir après avoir été informés par la banque, et d'obtenir ainsi un nouveau délai de recours. Une telle solution apparaîtrait contraire aux principes de célérité et d'économie qui doivent prévaloir dans le domaine de la procédure d'entraide (art. 17a EIMP; ATF 124 II 124 consid. 2d/dd p. 130). 
 
cc) En l'espèce, la recourante ne conteste pas avoir été informée de la décision de clôture par pli recommandé de l'UBS du 8 novembre 1999 adressé à la société Y.________, dépositaire de son courrier bancaire. Cette société a reçu cette communication le lendemain. On peut d'ailleurs se demander si cette adresse ne doit pas être considérée comme un domicile de notification, au sens de l'art. 80m al. 1 let. b EIMP. De toute façon, la recourante ne conteste pas avoir ainsi pris effectivement connaissance de la décision attaquée. Cela suffisait pour faire courir le délai de recours, et n'imposait pas à l'autorité une nouvelle notification après la constitution d'un domicile en Suisse. 
 
Cela étant, le recours a été déposé dans le délai de trente jours prévu à l'art. 80k EIMP. Si la recourante a tardé à mandater un avocat en Suisse, cela ne saurait constituer un motif de prolongation (s'agissant d'un délai fixé par la loi, cf. art. 33 al. 1 OJ); il ne saurait par ailleurs y avoir restitution du délai, puisque celui-ci a été observé et que la recourante ne fait pas valoir d'empêchement non fautif (art. 35 al. 1 OJ). La recourante ne pourrait enfin être autorisée à compléter son mémoire de recours qu'à la faveur d'un deuxième échange d'écritures au sens de l'art. 110 al. 4 OJ. Les conditions n'en sont pas réalisées en l'espèce car la réponse de l'autorité ne contient pas de nouveaux arguments sur lesquels la recourante devrait pouvoir s'exprimer. Les conclusions préalables de la recourante doivent ainsi être écartées. 
 
2.- Sur le fond, la recourante se plaint d'une violation du principe de la proportionnalité. Les documents, transmis en bloc et indistinctement par le MPC, seraient selon elle inutiles à l'enquête menée en Italie. L'autorité requérante ne s'intéresserait qu'à un versement déterminé de 2'185'000 fr. Seul le relevé de compte du 28 mars 1991, qui mentionne ce versement, serait pertinent, à l'exclusion des autres documents qui ne se rapportent qu'à des placements fiduciaires ou à d'autres opérations sans rapport avec les faits décrits dans la demande. Le MPC aurait aussi omis de protéger les tiers dont le nom apparaît sur les documents bancaires. 
 
a) Le principe de la proportionnalité empêche d'une part l'Etat requérant de demander des mesures inutiles à son enquête et, d'autre part, l'autorité d'exécution d'aller au-delà de la mission qui lui est confiée (ATF 121 II 241 consid. 3a). Saisi d'un recours contre une décision de clôture, le juge de l'entraide doit se borner à examiner si les renseignements à transmettre présentent prima facie un rapport avec les faits motivant la demande d'entraide. Il ne doit exclure de la transmission que les documents n'ayant manifestement aucune utilité possible pour les enquêteurs étrangers (examen limité à l'utilité "potentielle", ATF 122 II 367 consid. 2c p. 371). 
 
b) En l'espèce, il n'est pas contesté que le compte de la recourante est bien de ceux qui intéressent l'autorité requérante, puisqu'il est expressément visé dans la commission rogatoire. La production de toute la documentation bancaire ne va pas au-delà de l'entraide requise, car le Parquet de Perugia demande la saisie de la documentation bancaire complète des comptes dont, notamment, C.________ aurait pu disposer (p. 23 de la demande). Cette requête n'apparaît pas disproportionnée car, même si les investigations sont fondées sur l'existence d'un versement déterminé, déjà connu des enquêteurs étrangers, l'autorité requérante désire savoir ce qu'il est advenu de ces fonds par la suite, et s'assurer qu'aucune autre opération suspecte n'a pu affecter le compte litigieux. Le principe de la proportionnalité est par conséquent respecté. 
 
3.- Le recours de droit administratif doit donc être rejeté. Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument judiciaire est mis à la charge de la recourante, qui succombe. 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Rejette la demande de restitution de délai. 
 
2. Rejette le recours. 
 
3. Met à la charge de la recourante un émolument judiciaire de 5000 fr. 
 
4. Communique le présent arrêt en copie au mandataire de la recourante, au Ministère public de la Confédération et à l'Office fédéral de la police (B 103792). 
 
___________ 
 
Lausanne, le 11 février 2000 
KUR/col 
 
Au nom de la Ie Cour de droit public 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
Le Greffier,