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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_211/2023  
 
 
Arrêt du 11 mai 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Merz et Kölz. 
Greffière : Mme Nasel. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Fabien Gillioz, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Détention provisoire, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale 
de recours, du 21 mars 2023 (ACPR/204/2023 - P/2825/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, ressortissant algérien né en 1988, sans titre de séjour en Suisse et sous le coup d'une expulsion judiciaire d'une durée de huit ans prise en 2020, a été placé en détention provisoire par le Tribunal des mesures de contrainte de la République et canton de Genève (Tmc) le 6 février 2023 jusqu'au 4 mai 2023. 
Le 8 mars 2023, le Ministère public de la République et canton de Genève (Ministère public) a rendu un avis de prochaine clôture, annonçant que l'accusation serait engagée contre A.________ exclusivement des chefs de rupture de ban et de consommation illicite de stupéfiants. 
Par ordonnance rendue le 7 mars 2023, le Tmc a refusé de mettre en liberté A.________ en raison des risques de fuite et de réitération qu'il présentait. 
 
B.  
Par arrêt du 21 mars 2023, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (Chambre pénale de recours) a rejeté le recours formé par A.________ contre l'ordonnance précitée et mis les frais de l'instance à sa charge. 
 
C.  
Par acte du 21 avril 2023, A.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 21 mars 2023, par lequel il conclut à sa mise en liberté. Subsidiairement, il demande non seulement sa libération mais également le renvoi de l'affaire à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il sollicite par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire et la désignation de son mandataire en tant que défenseur d'office. 
La Chambre pénale de recours persiste dans sa décision. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Le recourant maintient ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision relative à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP. La détention provisoire du recourant repose actuellement sur la décision du Tmc du 11 avril 2023 qui ordonne la mise en détention pour des motifs de sûreté de A.________ jusqu'au 4 juin 2023, en raison des risques de fuite et de réitération qu'il présente. A titre de motivation, l'ordonnance du Tmc se réfère notamment aux motifs retenus dans l'arrêt attaqué (cf. p. 3 de cette décision); le recourant conserve dès lors un intérêt actuel et pratique à l'examen de ses griefs (art. 81 al. 1 let. b LTF; ATF 139 I 206 consid. 1.2.3; arrêt 1B_79/2023 du 24 février 2023 consid. 1.1). En outre, l'arrêt attaqué en tant que décision incidente peut lui causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile (cf. art. 46 al. 2 et 100 al. 1 LTF; ATF 133 I 270 consid. 1.2.2) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Le recourant ne remet pas en cause l'existence de charges suffisantes à son encontre, respectivement avoir commis l'infraction de rupture de ban (art. 291 CP) et consommé des stupéfiants (art. 19a LStup [RS 812.121]). Il reproche en revanche à l'autorité précédente d'avoir violé le droit fédéral, en particulier les principes posés par la jurisprudence fédérale et européenne en lien avec la Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (Directive sur le retour), en le maintenant en détention alors qu'aucune mesure en vue de son renvoi effectif n'a été prise. 
 
2.1. Une mesure de détention provisoire ou pour des motifs de sûreté n'est compatible avec la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; art. 212 al. 3 et 237 al. 1 CPP). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par un risque de fuite ou par un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces conditions, il doit exister des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité, à l'égard de l'intéressé (art. 221 al. 1 CPP), c'est-à-dire des raisons plausibles de le soupçonner d'avoir commis une infraction.  
 
2.2.  
 
2.2.1. L'art. 291 al. 1 CP permet de punir celui qui aura contrevenu à une décision d'expulsion du territoire de la Confédération ou d'un canton prononcée par une autorité compétente d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.  
 
2.2.2. La Directive sur le retour a été reprise par la Suisse, par arrêté fédéral du 18 juin 2010 (arrêté fédéral portant approbation et mise en oeuvre de l'échange de notes du 30 janvier 2009 entre la Suisse et la Communauté européenne concernant la reprise de la directive CE sur le retour; RS 0.362.380.042; JO L 348 du 24 décembre 2008 p. 98; RO 2010 5925). Les juridictions suisses doivent faire leur possible pour mettre en oeuvre la jurisprudence européenne relative à cette directive (ATF 147 IV 232 consid. 1.2; 143 IV 264 consid. 2.1).  
Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion d'exposer en détail la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) relative à la Directive sur le retour, à laquelle il peut donc être renvoyé (ATF 147 IV 232 consid. 1.4; 143 IV 249 consid. 1.4). La Directive précitée pose le principe de la priorité des mesures de refoulement sur le prononcé d'une peine privative de liberté du ressortissant d'un pays tiers qui est en séjour illégal (ATF 147 IV 232 consid. 1.2; 143 IV 249 consid. 1.5 et 1.9). Un tel genre de peine ne peut entrer en ligne de compte que lorsque toutes les mesures raisonnables pour l'exécution de la décision de retour ont été entreprises (ATF 147 IV 232 consid. 1.2). 
Le Tribunal fédéral a également considéré que les principes dégagés de la jurisprudence de la CJUE, examinés par la cour de céans sous l'angle de l'art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l'intégration (LEI; RS 142.20), devaient être transposés à la rupture de ban au sens de l'art. 291 CP (ATF 147 IV 232 consid. 1.6). 
Se référant à la jurisprudence européenne (arrêt de la CJUE du 6 décembre 2011 C-329/11 Achughbabian, ch. 41), le Tribunal fédéral a jugé que la Directive sur le retour n'était pas applicable aux ressortissants des pays tiers qui avaient commis, outre le séjour irrégulier, un ou plusieurs autres délits (art. 2 al. 2 let. b de la Directive sur le retour) en dehors du droit pénal sur les étrangers (ATF 143 IV 264 consid. 2.4 à 2.6; arrêts 6B_275/2022 du 2 septembre 2022 consid. 1.1.2; 6B_931/2016 du 6 juin 2017 consid. 2.3; 6B_1189/2015 du 13 octobre 2016 consid. 2.1), pour autant toutefois que pris individuellement, ces délits justifient une peine privative de liberté (arrêt 6B_275/2022 du 2 septembre 2022 consid. 1.3.2). Il en va de même en matière de détention provisoire (arrêt 1B_31/2022 du 11 février 2022 consid. 2.1). 
 
2.3. Il ressort de l'arrêt attaqué (cf. p. 2) que selon les précisions obtenues par le Ministère public auprès de l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM), le recourant est démuni de documents d'identité et n'est pas formellement identifié, de sorte qu'aucune décision n'a été prise depuis le prononcé d'expulsion. L'arrêt entrepris précise en outre qu'une demande de soutien en vue d'exécuter l'expulsion du recourant sera présentée au Secrétariat d'Etat aux Migrations. La Chambre pénale de recours relève à cet égard que le recourant ne conteste pas que son identité et sa nationalité ne sont pas formellement établies pour l'autorité d'exécution, respectivement que son casier judiciaire révèle quatre alias. Il ajoute qu'il ne voit pas ce que, depuis le prononcé de l'expulsion, l'OCPM aurait pu et dû tenter auprès de la représentation d'Algérie en Suisse en vue de son renvoi vers un pays tiers au sens de la Directive sur le retour.  
En l'occurrence, le recourant est mis en cause pour avoir intentionnellement persisté à séjourner en Suisse jusqu'à son interpellation en février 2023 alors qu'il fait l'objet d'une décision d'expulsion judiciaire prise en 2020. Il est également mis en cause pour consommation illicite de stupéfiants (cf. art. 19a LStup), soit une infraction qui est passible uniquement de l'amende. Même si le recourant a de nombreux antécédents qui ont justifié son expulsion, aucun élément ni indice n'indique qu'au jour de l'arrêt attaqué, le prénommé aurait réitéré les infractions qu'il a commises antérieurement, respectivement commis d'autres délits, en dehors du droit pénal sur les étrangers, justifiant une peine privative de liberté. Dès lors, dans la mesure où le comportement appréhendé passible d'une peine privative de liberté est en l'espèce uniquement la transgression intentionnelle d'une décision d'expulsion, la Directive sur le retour est en principe applicable. 
Cela étant, il faut examiner quelles mesures ont été entreprises par les autorités pour mettre en oeuvre le renvoi du recourant. Il faut toutefois également tenir compte du comportement de ce dernier, en particulier de sa collaboration aux préparatifs de son départ ou de son obstruction (cf. ATF 119 Ib 423 consid. 4c). 
 
2.4. En l'espèce, il ressort de l'arrêt attaqué que le recourant, qui ne dispose pas de papiers d'identité, a d'ores et déjà employé quatre alias, ce qui révèle que ce dernier adopte un comportement qui rend son renvoi plus difficile. Ces circonstances ne dispensent toutefois pas les autorités compétentes de faire tout leur possible pour expulser le recourant du territoire suisse. Ces considérations valent d'autant plus que la décision d'expulser le recourant a été rendue en 2020. En l'occurrence, l'arrêt attaqué mentionne le fait qu'aucune décision n'a été prise depuis le prononcé d'expulsion, respectivement qu'une demande de soutien en vue d'exécuter l'expulsion du recourant sera présentée au Secrétariat d'Etat aux Migrations. On ne sait toutefois pas si les autorités compétentes ont entrepris précédemment d'autres démarches au sens où l'entend la Directive sur le retour, en particulier si l'Ambassade d'Algérie a été contactée en vue d'organiser le renvoi du recourant, respectivement si elle n'a pas collaboré. Faute d'éléments de faits suffisants dans l'arrêt entrepris sur ce point, le Tribunal fédéral n'est pas en mesure de se prononcer sur une éventuelle violation de dite Directive.  
Il convient dès lors d'admettre et de renvoyer la cause à la Chambre pénale de recours afin que cette dernière vérifie, sans délai, si de telles mesures en vue du renvoi du recourant ont été mises en oeuvre par les autorités compétentes. Dans le cas contraire, le recourant ne pourra plus être détenu au sens des art. 212 ss CPP. L'autorité précédente statuera, le cas échéant, à nouveau sur la question des frais. Il est encore précisé qu'il n'appartient pas au Tribunal fédéral d'examiner à ce stade si les conditions d'une détention administrative selon la LEI sont en l'espèce réunies, étant relevé que l'art. 124a LEI, dont se prévaut le Ministère public dans ses observations, n'est pas pertinent en l'espèce, la présente cause n'ayant pas pour objet une décision d'expulsion, respectivement son exécution. 
 
3.  
Le recours est en conséquence admis. L'arrêt entrepris est annulé et la cause est renvoyée à la Chambre pénale de recours afin qu'elle statue à brève échéance dans le sens du considérant précité. Dans l'attente de cette nouvelle décision, le recourant restera en détention, dès lors que le maintien en détention reste fondé sur le risque de fuite qu'il présente et qu'il ne conteste pas. La demande de mise en liberté immédiate doit donc être rejetée à ce stade. 
Le recourant, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat a droit à des dépens, à la charge du canton de Genève (art. 68 al. 2 LTF). Sa requête d'assistance judiciaire est ainsi sans objet. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève pour nouvelle décision au sens des considérants. 
 
2.  
La demande de mise en liberté immédiate est rejetée. 
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.  
Le canton de Genève versera au recourant la somme de 2'000 fr. à titre de dépens. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 11 mai 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Nasel