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[AZA 0/2] 
 
4P.64/2001 
 
Ie COUR CIVILE 
**************************** 
 
11 juin 2001 
 
Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz, 
Mme Klett, Mme Rottenberg Liatowitsch et M. Nyffeler, juges. 
Greffier: M. Carruzzo. 
 
__________ 
 
Statuant sur le recours de droit public 
formé par 
A.________, représenté par Me Roberto Dallafior, avocat à Zurich, 
 
contre 
la sentence arbitrale rendue le 2 février 2001 par le Tribunal Arbitral du Sport dans la cause qui oppose le recourant à l'Union des Associations Européennes de Football (UEFA), à Nyon, représentée par Me Yvan Cherpillod, avocat à Lausanne; 
 
(arbitrage international; ordre public) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- Lors du championnat d'Europe de football organisé par l'Union des Associations Européennes de Football (ci-après: l'UEFA) - qui a son siège à Nyon (VD) - en l'an 2000, un match a opposé, en demi-finale, l'équipe de France à celle du Portugal, le 28 juin 2000, à Bruxelles. 
 
A la 116ème minute de jeu, l'arbitre siffla un penalty à l'encontre du Portugal, ce qui provoqua de véhémentes protestations de la part de certains joueurs de cette équipe. 
 
La France marqua un but en tirant le penalty, ce qui porta à son comble l'excitation de certains joueurs portugais. 
 
L'arbitre affirme que le joueur portugais A.________, l'a agressé en l'empoignant par le bras et en le griffant. Il a produit un certificat médical, daté du 29 juin 2000, faisant état d'un hématome de trois centimètres sur le bras gauche et de trois traces de lésions épidermiques dues à des ongles. Les témoignages recueillis et le film du match n'ont pas permis de prouver ce geste agressif. Il a cependant été retenu, conformément aux déclarations de A.________, que ce dernier avait poursuivi l'arbitre plus d'une fois, allant même jusqu'à le toucher, tenant absolument à lui parler. 
 
B.- Lors de sa séance du 2 juillet 2000 à Rotterdam, l'Instance de contrôle et de discipline de l'UEFA prononça la suspension de A.________ pour une durée de neuf mois pour tous les matchs de compétition de l'UEFA, lui reprochant des voies de fait sur l'arbitre. 
 
Saisie d'un appel de A.________ et de son employeur, l'Instance d'appel de l'UEFA, par décision du 4 août 2000, confirma la sanction disciplinaire prononcée contre A.________. 
 
Le litige fut porté devant le Tribunal Arbitral du Sport, ayant son siège à Lausanne. Par sentence du 2 février 2001, le Tribunal Arbitral du Sport a conclu, sur la base des déclarations de A.________ lui-même, que ce joueur avait importuné l'arbitre, mais qu'il n'était pas prouvé qu'il se soit livré sur lui à des voies de fait. Tirant les conséquences de ce changement de qualification, il a réduit la durée de la suspension. Ainsi, A.________ a été suspendu pour tous les matchs de compétition organisés par l'UEFA pour une durée de six mois, soit jusqu'au 31 décembre 2000. 
 
C.- A.________ a formé un recours de droit public au Tribunal fédéral. Soutenant que la sentence arbitrale est contraire à l'ordre public, il conclut à l'annulation de la décision attaquée. 
 
L'UEFA conclut à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet, du recours. 
 
Le Tribunal Arbitral du Sport a renoncé à formuler des observations. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- a) Selon l'art. 85 let. c OJ, le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une sentence arbitrale aux conditions des art. 190 ss LDIP (RS 291). 
Il convient donc d'examiner en premier lieu si les conditions prévues par ces dispositions sont réunies. 
Comme le siège du Tribunal Arbitral du Sport se trouve en Suisse et que l'une des parties au moins (en l'occurrence, le recourant) n'avait, au moment de la conclusion de la convention d'arbitrage, ni son domicile, ni sa résidence habituelle en Suisse, les art. 190 ss LDIP sont applicables (art. 176 al. 1 LDIP), étant observé que les parties n'en ont pas exclu l'application par écrit en choisissant d'appliquer exclusivement les règles de la procédure cantonale en matière d'arbitrage (art. 176 al. 2 LDIP). 
 
Le recours au Tribunal fédéral prévu par l'art. 191 al. 1 LDIP est ici ouvert, puisque les parties n'ont pas choisi, en lieu et place, le recours à l'autorité cantonale (art. 191 al. 2 LDIP). Comme l'une des parties (l'UEFA) a son siège en Suisse, le recours contre la sentence du Tribunal Arbitral du Sport ne pouvait pas être exclu conventionnellement (art. 192 LDIP). 
 
Le recours ne peut être formé que pour l'un des motifs énumérés de manière exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP (ATF 119 II 380 consid. 3c p. 383). 
 
La sentence attaquée étant une décision finale, le recours est ouvert pour tous les motifs prévus par l'art. 190 al. 2 LDIP (art. 190 al. 3 LDIP a contrario). 
 
b) Ayant ainsi constaté que le recours est ouvert, le Tribunal fédéral doit encore examiner si les règles de procédure ont été respectées. 
 
Pour le recours en matière d'arbitrage international, la procédure devant le Tribunal fédéral est régie par les dispositions de la loi fédérale d'organisation judiciaire relatives au recours de droit public (art. 191 al. 1 2ème phrase LDIP). 
 
Le recours est dirigé contre une décision individuelle qui concerne personnellement le recourant (cf. art. 88 OJ). La jurisprudence a cependant déduit de l'art. 88 OJ l'exigence d'un intérêt pratique actuel (ATF 127 III 41 consid. 2b et les arrêts cités). 
 
 
L'existence d'un intérêt à recourir est d'ailleurs requise pour l'exercice de toute voie de droit (ATF 126 III 198 consid. 2b p. 201; 120 II 5 consid. 2a). 
 
En l'espèce, le recourant a été suspendu jusqu'au 31 décembre 2000, de sorte que cette mesure a déjà déployé ses effets, étant rappelé que le recours de droit public n'a pas d'effet suspensif et qu'aucune mesure provisionnelle n'a été sollicitée ni accordée (cf. art. 94 OJ). Le recourant n'établit pas qu'il aurait été effectivement empêché de participer à un match organisé par l'UEFA pendant la période de suspension. On ne parvient donc pas à discerner quel pourrait être encore l'intérêt pratique du recours. 
 
Le Tribunal fédéral renonce exceptionnellement à l'exigence d'un intérêt pratique actuel lorsque le recourant soulève une question de principe susceptible de se reproduire dans les mêmes termes, sans que le Tribunal fédéral ne soit jamais en mesure de statuer en temps utile (ATF 125 I 394 consid. 4b p. 397; 124 I 231 consid. 1b; 123 II 285 consid. 4c p. 287; 121 I 42 consid. 3, 279 consid. 1). 
 
 
Le recourant ne soulève cependant que des griefs étroitement liés au déroulement des faits, de sorte qu'il n'y a pas lieu de renoncer à l'exigence d'un intérêt pratique actuel. 
 
Le recours est donc irrecevable. 
 
2.- a) Même si l'on entrait en matière sur le fond, on ne voit pas comment le recours pourrait être admis. 
 
b) Dès lors que les règles de procédure sont celles du recours de droit public (art. 191 al. 1 2ème phrase LDIP), la partie recourante doit invoquer ses griefs conformément aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 117 II 604 consid. 3 p. 606). Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs admissibles qui ont été invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (cf. ATF 126 III 524 consid. 1c, 534 consid. 1b; 125 I 492 consid. 1b). Le recourant devait donc indiquer quelles hypothèses de l'art. 190 al. 2 LDIP étaient à ses yeux réalisées et, en partant de la sentence attaquée, montrer de façon circonstanciée en quoi consisterait la violation du principe invoqué (cf. ATF 110 Ia 1 consid. 2a); ce n'est qu'à ces conditions qu'il est possible d'entrer en matière. 
 
c) En l'espèce, le recourant n'invoque que l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, c'est-à-dire qu'il soutient que la sentence est incompatible avec l'ordre public. 
 
 
Savoir si le recourant est parvenu ou non à démontrer une contrariété avec l'ordre public est une question de fond, et non pas - comme semble le penser l'intimée - une question de recevabilité. 
 
Dès lors que seul l'art. 190 al. 2 let. e LDIP est invoqué, il n'y a pas lieu d'examiner si le tribunal arbitral a été régulièrement composé (art. 190 al. 2 let. a LDIP), s'il était compétent pour connaître du différend (art. 190 al. 2 let. b LDIP) ou si le droit d'être entendu en procédure contradictoire a été respecté (art. 190 al. 2 let. d LDIP). 
 
d) De façon générale, la réserve de l'ordre public doit permettre de ne pas apporter de protection à des situations qui heurtent de manière choquante les principes les plus essentiels de l'ordre juridique, tel qu'il est conçu en Suisse (ATF 126 III 534 consid. 2c; 125 III 443 consid. 3d). 
 
On distingue un ordre public matériel et un ordre public procédural (ATF 126 III 249 consid. 3a). 
 
Une sentence est contraire à l'ordre public matériel lorsqu'elle viole des principes juridiques fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs reconnu; au nombre de ces principes figurent, notamment, la fidélité contractuelle, le respect des règles de la bonne foi, l'interdiction de l'abus de droit, la prohibition des mesures discriminatoires ou spoliatrices, ainsi que la protection des personnes civilement incapables (ATF 120 II 155 consid. 6a et les arrêts cités). 
 
L'ordre public procédural garantit aux parties le droit à un jugement indépendant sur les conclusions et l'état de fait soumis au tribunal d'une manière conforme au droit de procédure applicable; il y a violation de l'ordre public procédural lorsque des principes fondamentaux et généralement reconnus ont été violés, ce qui conduit à une contradiction insupportable avec le sentiment de la justice, de telle sorte que la décision apparaît incompatible avec les valeurs reconnues dans un Etat de droit (cf. ATF 126 III 249 consid. 3b et les références). Au nombre de ces garanties figure le droit à un procès équitable (ATF 126 III 327 consid. 2b et les arrêts cités). 
 
Pour qu'il y ait contrariété avec l'ordre public, il ne suffit pas que les preuves aient été manifestement mal appréciées (ATF 121 III 331 consid. 3a) ou qu'une règle de droit ait été clairement violée (ATF 116 II 634 consid. 4a). 
Seule une violation d'un principe fondamental peut entraîner l'annulation de la sentence attaquée. 
 
aa) Le recourant reproche au Tribunal Arbitral du Sport d'avoir considéré que l'art. 6 par. 1 CEDH ne s'appliquait pas, à strictement parler, devant lui. 
 
L'art. 6 par. 1 CEDH garantit à toute personne le droit à ce qu'une cause civile ou pénale (au sens de la convention) puisse être portée devant un tribunal "établi par la loi", auquel certaines exigences sont imposées. 
 
Il est communément admis que les parties peuvent valablement renoncer au droit de saisir le tribunal "établi par la loi" et préférer soumettre un différend patrimonial à des arbitres (Miehsler/Vogler, Internationaler Kommentar zur Europäischen Menschenrechtskonvention, n. 280 ad art. 6). 
 
En l'espèce, le recourant, qui n'a pas invoqué l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, ne conteste pas avoir accepté de soumettre le différend à des arbitres, de sorte qu'il a valablement renoncé au droit de saisir le tribunal étatique prévu par l'art. 6 par. 1 CEDH. Son grief est ainsi dépourvu de tout fondement. L'art. 6 par. 1 CEDH ne se rapporte pas à la procédure devant un tribunal arbitral (ATF 112 Ia 166 consid. 3a); savoir si le tribunal arbitral a violé des principes essentiels de procédure est une autre question (cf. ATF 117 Ia 166 consid. 5a). 
 
 
Il semble que le recourant veuille plutôt se plaindre d'une violation du droit d'être entendu, mais il n'a pas invoqué l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, de sorte qu'il n'est pas possible d'entrer en matière. Au demeurant, on ne voit pas en quoi son droit d'être entendu n'aurait pas été respecté devant le Tribunal Arbitral du Sport. En tout cas, ce grief n'est pas motivé d'une manière répondant aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ
 
Il est vrai que le Tribunal Arbitral du Sport a constaté une violation du droit d'être entendu par une instance de l'UEFA, mais il a estimé que celle-ci avait été réparée devant l'instance supérieure disposant d'un pouvoir de libre examen. Cette opinion est conforme à la jurisprudence existant en Suisse (ATF 126 V 130 consid. 2b; 124 V 180 consid. 4a, 389 consid. 5a; 114 Ia 307 consid. 4a), de sorte qu'elle ne viole en rien l'ordre public. 
 
 
Le recourant se réfère à l'art. 29 Cst. , mais il n'apparaît pas que cette référence ait une portée distincte; en tout cas, le grief n'est pas formulé d'une manière répondant aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ
 
bb) Le recourant propose sa propre interprétation du règlement établi par l'UEFA. 
 
Ce grief n'a rien à voir avec l'ordre public. 
 
Le règlement prévoit, en cas de conduite inconvenante ou lorsque l'arbitre a été importuné, une suspension d'un match de compétition, respectivement de deux matchs, ou une suspension pour une durée indéterminée. Il n'est pas arbitraire de penser que les deux termes de l'alternative sont indépendants l'un de l'autre et que l'autorité disciplinaire peut infliger une suspension pour la durée qu'elle juge appropriée à la faute. En tout cas, cette interprétation ne viole en rien l'ordre public. 
 
Savoir si la durée de suspension est ou non trop longue compte tenu des circonstances du cas d'espèce est une question d'appréciation, qui ne relève pas de l'ordre public. 
Comme le recourant n'a pas établi qu'il ait été empêché concrètement de disputer un seul match organisé par l'UEFA, on ne voit pas en quoi la durée de la suspension pourrait être qualifiée de contraire à l'ordre public. 
 
cc) Le recourant invoque l'art. 3 CEDH, qui prohibela torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants. 
 
Qu'une association sportive ne veuille pas conclure, pendant une durée de six mois, avec un joueur professionnel qui a violé les règles applicables ne constitue en rien une torture ou un traitement inhumain ou dégradant. Ce grief est manifestement téméraire. Pour les raisons déjà évoquées, on ne voit pas que la suspension prononcée, par ses effets, puisse apparaître comme contraire à l'ordre public. 
 
dd) Le recourant invoque les art. 27 Cst. et 8 CEDH. 
 
Il n'a cependant pas fait l'objet d'une mesure étatique, de sorte que ces dispositions ne sont en principe pas applicables. Au demeurant, on ne voit pas qu'un refus de contracter temporaire, dans les circonstances d'espèce, mette en danger l'existence économique du recourant. Sous cet angle également, on ne discerne aucune contrariété avec l'ordre public. 
 
ee) Avec une argumentation confuse, le recourant semble mettre en doute l'indépendance et l'impartialité du Tribunal Arbitral du Sport. 
 
Il a déjà été jugé que le Tribunal Arbitral du Sport offrait des garanties d'indépendance suffisantes lorsque - comme c'est le cas en l'espèce - le Comité International Olympique (CIO) n'est pas partie au litige (ATF 119 II 270 consid. 3b p. 279). Le recourant ne présente aucun argument nouveau à cet égard et il n'y a pas lieu d'y revenir. 
 
Le recourant semble mettre en cause l'impartialité du Tribunal Arbitral du Sport en faisant valoir qu'il a émis des considérations de prévention générale. En matière de sanctions, il est conforme aux principes admis en droit suisse de prendre en considération des préoccupations de prévention générale, pour autant que la sanction n'apparaisse pas disproportionnée en regard de la faute (cf. ATF 118 IV 14 consid. 2 p. 16, 21 consid. 2b p. 25, 342 consid. 2g p. 350). 
Sous cet angle également, il n'y a pas de contrariété avec l'ordre public. Savoir si la sanction est appropriée à la faute est une question d'appréciation qui ne saurait être revue ici, dès lors que la mesure n'apparaît en rien contraire à l'ordre public. Les autres arguments mettant en cause l'impartialité du Tribunal Arbitral du Sport sont fondés au moins partiellement sur des faits non établis, qui ne peuvent être retenus ici. En tout cas, le recourant n'a pas prouvé des faits conduisant à conclure à la partialité. 
 
3.- Les frais et dépens doivent être mis à la charge du recourant qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Déclare le recours irrecevable; 
 
2. Met un émolument judiciaire de 5000 fr. à la charge du recourant; 
 
3. Dit que le recourant versera à l'intimée une indemnité de 5000 fr. à titre de dépens; 
 
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et au Tribunal Arbitral du Sport. 
 
_________ 
Lausanne, le 11 juin 2001ECH 
 
Au nom de la Ie Cour civile 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
Le Greffier,