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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4C.94/2007 /ech 
 
Arrêt du 12 septembre 2007 
Ire Cour de droit civil 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch et Kolly. 
Greffière: Mme Cornaz. 
 
Parties 
X.________ SA, 
défenderesse et recourante, représentée par 
Me Christian Favre, 
 
contre 
 
Y.________, 
demandeur et intimé, représenté par Me Yves Hofstetter. 
 
Objet 
contrat de travail; résiliation; salaire, 
 
recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois du 6 décembre 2006. 
 
Faits : 
A. 
En 1970, Y.________ a commencé à travailler pour le groupe X.________ (ci-après: X.________), dont il est devenu directeur en 1995. 
 
Suite à une restructuration entraînée par la création d'une holding, Y.________ a occupé une nouvelle fonction dès le 1er décembre 2002. 
 
Le 17 décembre 2002, l'employeuse, se référant à divers entretiens, a soumis à son collaborateur un nouveau contrat de travail, qui contenait en particulier deux clauses libellées comme suit: 
 
« 5. Clause de résiliation 
La résiliation du présent contrat pourra intervenir après préavis écrit donné, par l'une ou l'autre des parties, par lettre recommandée 6 mois à l'avance pour la fin d'un mois. 
Si, sans faute grave de votre part, votre contrat était résilié par la Société ou qu'elle vous mette à la retraite anticipée, une indemnité vous serait versée. Elle correspondrait à votre salaire mensuel (CPE comprise) multiplié par le nombre d'années passées au service de la Société ou de ses filiales. Cette indemnité s'applique sans dégressivité pour une résiliation intervenant durant les 6 premiers mois, soit jusqu'au 31 mai 2003. Dès cette date, cette indemnité, au maximum de 24 mois, sera dégressive à raison de 1/24e par mois pour s'éteindre le 01.06.2005. Elle sera calculée à compter de la date de communication de la résiliation du contrat ou de la décision de mise en retraite anticipée, dans le cas où les rapports de service sont rompus avant le 01.06.2005. 
 
6. Clause de non-concurrence 
Au cas où, pour quelque raison que ce soit, les rapports de service se terminaient avant leur échéance normale (31.01.2008), vous vous interdiriez pendant un an à dater de votre départ, d'apporter votre collaboration à une entreprise directement ou indirectement concurrente, et ceci quelle que soit la forme de cette collaboration, si elle concerne une entreprise opérant en Suisse ou en Europe ayant des activités présentant des analogies avec l'une des activités de la Société. 
En contrepartie de cette interdiction, la Société vous versera une indemnité spéciale égale à votre rémunération annuelle (CPE comprise). Cette indemnité ne sera pas cumulable avec celle mentionnée sous le chiffre 5 ci-dessus ». 
 
Le 6 mars 2003, X.________ a écrit ce qui suit à Y.________: 
 
« En complément à votre contrat de travail du 17 décembre 2002 et en réponse à votre question adressée au soussigné de gauche, nous vous confirmons que nous ne renoncerons en aucun cas à la clause 6 de votre contrat et à sa contrepartie financière. » 
 
Le 13 mars 2003, Y.________ a signé pour accord le contrat de travail du 17 décembre 2002. 
 
Le 30 juin 2003, l'employé a annoncé à son employeuse son intention de prendre une retraite anticipée au 30 juin 2004, décision motivée notamment par la maladie de son épouse. 
 
Au mois de mars 2004, Y.________ a sollicité de X.________ le paiement de l'indemnité pour non-concurrence, conformément à la clause 6 du contrat. 
B. 
Le 15 décembre 2004, Y.________ a saisi la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois d'une demande tendant au paiement par X.________ de la somme de 350'485 fr. sous déduction de 113'536 fr., avec intérêt à 5 % l'an dès le 30 juin 2004, à savoir au versement de l'indemnité pour non-concurrence correspondant au montant du salaire annuel touché en 2003 moins l'« indemnité de départ » correspondant à quatre mois de salaire versée par X.________ à titre transactionnel le 30 juin 2004. 
 
Par jugement du 6 décembre 2006, la Cour civile a condamné X.________ à payer à Y.________ la somme de 236'949 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 30 juin 2004. Interprétant le contrat en application du principe de la confiance, elle est parvenue à la conclusion que la clause 6 de non-concurrence s'appliquait notamment en cas de prise de retraite anticipée. 
C. 
X.________ (la défenderesse) interjette le présent recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut principalement à la réforme du jugement attaqué en ce sens qu'elle n'est pas la débitrice de son adverse partie de quelque montant que ce soit, subsidiairement à l'annulation dudit jugement et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants, avec suite de frais et dépens. 
Y.________ (le demandeur) propose le rejet du recours, sous suite de dépens. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006, 1242). L'acte attaqué ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132 al. 1 LTF). 
2. 
2.1 Exercé par la défenderesse, qui a succombé dans ses conclusions libératoires, et dirigé contre une décision finale rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme soumis à l'examen du Tribunal fédéral est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 32 et 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ). 
2.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). En revanche, il ne permet pas de se plaindre de la violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ), ni de la violation du droit cantonal (art. 55 al. 1 let. c OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c p. 252). Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ). Dans la mesure où une partie présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2 p. 106, 136 consid. 1.4). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est pas ouvert pour remettre en cause l'appréciation des preuves et les constatations de fait qui en découlent (ATF 130 III 136 consid. 1.4; 129 III 618 consid. 3). 
3. 
En premier lieu, la défenderesse soutient que l'attitude du demandeur relève de l'abus de droit au sens de l'art. 2 CC. En substance, elle reproche à son ancien collaborateur de ne pas l'avoir informée, lors des négociations contractuelles de l'hiver 2002-2003, de sa décision déjà arrêtée de prendre sa retraite anticipée, lui cachant ainsi un élément essentiel que la bonne foi et la loyauté en affaire lui commandaient d'après elle de révéler. 
3.1 Selon l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. L'existence d'un abus de droit se détermine selon les circonstances concrètes du cas, en s'inspirant des diverses catégories mises en évidence par la jurisprudence et la doctrine (ATF 129 III 493 consid. 5.1 p. 497). L'adjectif « manifeste » indique qu'il convient de se montrer restrictif dans l'admission de l'abus de droit (arrêt 4C.385/2001 du 8 mai 2002, consid. 5b non publié aux ATF 128 III 284, reproduit in Pra 2002 n. 134 p. 729; arrêt 4C.225/2001 du 16 novembre 2001, reproduit in SJ 2002 I p. 405, consid. 2b p. 408 s.). Les cas typiques sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement ou l'attitude contradictoire (cf. ATF 129 III 493 consid. 5.1 p. 497 et les arrêts cités). La règle prohibant l'abus de droit autorise certes le juge à corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste. Cependant, son application doit demeurer restrictive et se concilier avec la finalité, telle que le législateur l'a voulue, de la norme matérielle applicable au cas concret (cf. ATF 115 IV 167 consid. 4b p. 172; 107 Ia 206 consid. 3b p. 211). 
3.2 Bien que ne citant pas l'art. 2 al. 2 CC, la cour cantonale a considéré que le demandeur s'était assuré que la défenderesse ne renoncerait en aucun cas à l'interdiction de faire concurrence et à sa contrepartie financière, certes en s'abstenant d'évoquer expressément le cas de figure d'une prise de retraite anticipée et en renonçant, après avoir consulté avocat, à proposer une formule évoquant la fin des rapports de service avant le 1er juin 2005, qui eût peut-être davantage éveillé l'attention de la défenderesse; toutefois, le demandeur n'avait pas à mentionner expressément un événement - une retraite anticipée - qui était prévu dans la réglementation interne de la défenderesse et que les parties avaient évoqué dans une autre clause du contrat; invitée à confirmer qu'elle ne renoncerait « en aucun cas » à la prohibition de concurrence et à l'indemnité, la défenderesse ne pouvait méconnaître le caractère très général et contraignant d'une telle formulation; cas échéant, il incombait aux personnes habilitées à engager la défenderesse de se renseigner sur la portée juridique des formules très générales utilisées. 
 
Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique et ne peut qu'être approuvé. Le demandeur ne saurait en effet se voir reprocher d'avoir négocié son contrat au plus près de ses intérêts, ce d'autant plus qu'il avait pour cocontractant une société dont les organes sont supposés rompus aux affaires et qui avaient de surcroît également la possibilité de consulter avocat. En définitive, on ne décèle donc pas trace, sur la base des faits contenus dans le jugement attaqué, d'un abus de droit de la part du demandeur. 
4. 
La défenderesse s'en prend également à l'interprétation faite par la cour cantonale de la clause litigieuse. 
4.1 Face à un litige sur l'interprétation d'une clause contractuelle, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties (interprétation subjective; cf. ATF 131 III 606 consid. 4.1 p. 611). Si cette volonté ne peut être établie en fait, le juge interprétera les déclarations et les comportements des parties selon le principe de la confiance, en recherchant comment une déclaration ou une attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances; il s'agit d'une question de droit (interprétation objective). Le principe de la confiance permet d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à la volonté intime de l'intéressée. L'application du principe de la confiance est une question de droit que le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme, peut examiner librement. Pour trancher cette question de droit, il faut cependant se fonder sur le contenu de la manifestation de volonté et sur les circonstances, lesquelles relèvent du fait. Les circonstances déterminantes sont celles qui ont précédé ou accompagné la manifestation de volonté, à l'exclusion des événements postérieurs (ATF 133 III 61 consid. 2.2.1 et les arrêts cités). 
 
Le sens d'un texte, apparemment clair, n'est pas forcément déterminant, de sorte que l'interprétation purement littérale est prohibée. Même si la teneur d'une clause contractuelle paraît limpide à première vue, il peut résulter d'autres conditions du contrat, du but poursuivi par les parties ou d'autres circonstances que le texte de ladite clause ne restitue pas exactement le sens de l'accord conclu. Il n'y a cependant pas lieu de s'écarter du sens littéral du texte adopté par les cocontractants lorsqu'il n'existe aucune raison sérieuse de penser qu'il ne correspond pas à leur volonté (ATF 133 III 61 consid. 2.2.1 et les arrêts cités). 
4.2 En l'espèce, la cour cantonale a constaté que la volonté réelle et commune des parties n'avait pas été établie, de sorte qu'il s'agissait d'interpréter la clause 6 du contrat de travail en application du principe de la confiance. Cela étant, elle a considéré en substance que, littéralement, l'expression « pour quelque raison que ce soit » visait tout motif de cessation des rapports de travail, soit notamment une prise de retraite anticipée; cette interprétation était confortée par le fait qu'à son alinéa 2, la clause litigieuse excluait de cumuler l'indemnité pour non-concurrence avec l'indemnité du chiffre 5, laquelle était notamment due en cas de mise à la retraite anticipée, ce qui démontrait que les parties avaient envisagé l'hypothèse d'une résiliation par ce motif; aucun élément ne conduisait à s'écarter de cette interprétation littérale, en particulier pas la comparaison avec la situation prévalant en cas de départ à la retraite ordinaire, qui s'en distinguait par plusieurs aspects, ni le financement, par la défenderesse, de la retraite du demandeur; la défenderesse devait donc se laisser opposer l'interprétation littérale de la clause 6, quand bien même l'octroi d'une indemnité pour non-concurrence en cas de prise de retraite anticipée irait à l'encontre de sa volonté intime. 
 
Quoi qu'en dise la défenderesse, dont l'argumentation ne résiste pas à l'examen, l'interprétation faite par la cour cantonale, à laquelle on peut pour le surplus renvoyer dans son intégralité, est pertinente et ne consacre aucune méconnaissance des principes applicables en matière d'interprétation des contrats. Par conséquent, le recours doit être rejeté. 
5. 
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge de la défenderesse, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Un émolument judiciaire de 6'000 fr. est mis à la charge de la défenderesse. 
3. 
La défenderesse versera au demandeur une indemnité de 7'000 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des par-ties et à la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois. 
Lausanne, le 12 septembre 2007 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: