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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_467/2022  
 
 
Arrêt du 12 décembre 2022  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, 
Denys et van de Graaf. 
Greffier : M. Fragnière. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Samuel Thétaz, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, 
avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
intimé. 
 
Objet 
Opposition tardive à une ordonnance pénale (désagréments causés par la confrontation à 
un acte d'ordre sexuel, etc.); arbitraire, etc., 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du 
canton de Vaud, Chambre des recours pénale, 
du 16 décembre 2021 (n° 1145 PE19.022053-PBR). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par ordonnance pénale du 7 janvier 2020, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a condamné A.________ pour désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel (art. 198 CP), pour séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et pour exercice d'une activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. c LEI) à une peine privative de liberté de 4 mois, ainsi qu'à une amende de 500 francs. Il a en outre révoqué le sursis octroyé le 25 juin 2018 par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne portant sur une peine pécuniaire de 40 jours-amende, à 30 francs.  
Le Ministère public central a envoyé cette ordonnance pénale à l'Office fédéral de la justice le 9 janvier 2020, en vue de sa notification à A.________ par la voie diplomatique, à son adresse au Kosovo. 
L'Ambassade de Suisse au Kosovo a retourné la requête de notification à l'Office fédéral de la justice le 9 octobre 2020, en indiquant que l'ordonnance pénale du 7 janvier 2020 n'avait pas pu être remise à A.________, dès lors que, selon ses parents, il était retourné en Suisse. Le 19 octobre 2020, l'Office fédéral de la justice a fait parvenir au Ministère public central les documents lui ayant été retournés par l'Ambassade. 
 
A.b. Le 27 septembre 2021, A.________ a formé opposition à l'encontre de l'ordonnance pénale du 7 janvier 2020. Le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a ensuite transmis la procédure au tribunal de police, afin qu'il statue sur l'opposition qu'il estimait tardive.  
 
A.c. Par prononcé du 13 octobre 2021, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a déclaré l'opposition de A.________ irrecevable pour cause de tardiveté et a constaté que l'ordonnance pénale du 7 janvier 2020 était exécutoire.  
 
B.  
Statuant par arrêt du 16 décembre 2021, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours formé par A.________ contre le prononcé du 13 octobre 2021, qu'elle a confirmé. 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 16 décembre 2021. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens que son opposition à l'ordonnance pénale du 7 janvier 2020 est déclarée recevable et que la cause est renvoyée au Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne pour qu'il procède à la fixation des débats. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt du 16 décembre 2021 et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Il sollicite en outre l'assistance judiciaire. 
 
D.  
Invités à se déterminer, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois et le ministère public y ont renoncé en se référant aux considérants de l'arrêt attaqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir violé les art. 87 s. CPP, 29 s. Cst. et 6 par. 1 CEDH en retenant que l'ordonnance pénale du 7 janvier 2020 avait été valablement notifiée et que, partant, son opposition du 27 septembre 2021 était tardive. 
 
1.1. La notification d'une ordonnance pénale fait partir le délai d'opposition de 10 jours prévu à l'art. 354 al. 1 CPP. Le tribunal de première instance statue sur la validité de l'opposition (cf. art. 356 al. 2 CPP), en particulier le respect du délai de 10 jours.  
 
1.1.1. Les formes de notification sont réglées à l'art. 85 CPP. Sauf disposition contraire du CPP, les communications des autorités pénales sont notifiées en la forme écrite (al. 1); les autorités pénales notifient leurs prononcés - dont les ordonnances (cf. art. 80 al. 1 2e phrase CPP) - par lettre signature ou par tout autre mode de communication impliquant un accusé de réception, notamment par l'entremise de la police (art. 85 al. 2 CPP). Est déterminante la prise de connaissance effective de l'envoi par le destinataire. À la prise de connaissance par le destinataire est assimilée la réception par un employé ou toute personne de plus de seize ans vivant dans le même ménage (art. 85 al. 3 CPP) ou le conseil (art. 87 al 3 CPP). Le fait que, dans ces cas, ce n'est pas le destinataire lui-même mais néanmoins un cercle de personnes décrit par la loi qui prend connaissance de la notification est une exception au principe de la prise de connaissance personnelle voulue et expressément réglée par le législateur (ATF 144 IV 57 consid. 2.3.2).  
Toute communication doit être notifiée au domicile, au lieu de résidence habituelle ou au siège du destinataire (art. 87 al. 1 CPP). Les parties et leur conseil qui ont leur domicile, leur résidence habituelle ou leur siège à l'étranger sont tenus de désigner un domicile de notification en Suisse, les instruments internationaux prévoyant la possibilité de notification directe étant réservés (art. 87 al. 2 CPP). 
 
1.1.2. Aux termes de l'art. 85 al. 4 let. a CPP, un prononcé est également réputé notifié lorsque, expédié par lettre signature, il n'a pas été retiré dans les sept jours à compter de la tentative infructueuse de remise du pli, si la personne concernée devait s'attendre à une telle remise. Constituant une exception au principe de la prise de connaissance effective (ATF 144 IV 57 consid. 2.3.2), cette fiction de notification ne peut toutefois intervenir que si la personne concernée a été effectivement avisée de la possibilité de retirer le prononcé, ce qui n'est en particulier pas réalisé lorsque l'envoi est retourné à l'expéditeur avec la mention selon laquelle le destinataire est " introuvable " ou " inconnu " à l'adresse indiquée, voire qu'il est "parti sans laisser d'adresse" (cf. arrêts 6B_1191/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.3; 6B_233/2017 du 12 décembre 2017 consid. 2.3.3; 6B_652/2013 du 26 novembre 2013 consid. 1.4.3; SARARARD ARQUINT, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2e éd., 2014, n° 12 ad art. 85 CPP; STEFAN CHRISTEN, Anwesenheitsrecht im schweizerischen Strafprozessrecht mit einem Exkurs zur Vorladung, Zürcher Studien zum Verfahrensrecht, Bd. 161, Diss. 2009, p. 139 s.).  
 
1.1.3. L'art. 88 al. 1 CPP prévoit que la notification a lieu dans la Feuille officielle désignée par le canton ou la Confédération: lorsque le lieu de séjour du destinataire est inconnu et n'a pas pu être déterminé en dépit des recherches qui peuvent raisonnablement être exigées (let. a); lorsqu'une notification est impossible ou ne serait possible que moyennant des démarches disproportionnées (let. b); lorsqu'une partie ou son conseil n'a pas désigné un domicile de notification en Suisse, alors qu'ils ont leur domicile, leur résidence habituelle ou leur siège à l'étranger (let. c). Selon l'art. 88 al. 4 CPP, les ordonnances de classement et les ordonnances pénales sont réputées notifiées même en l'absence d'une publication.  
La fiction de notification prévue par l'art. 88 al. 4 CPP est problématique au regard des garanties déduites des art. 29 Cst., 29a Cst. et 6 ch. 1 CEDH (arrêts 6B_1061/2019 du 28 mai 2020 consid. 4.1; 6B_164/2018 du 9 avril 2018 consid. 2.2). Selon le mécanisme de l'art. 88 CPP, la fiction de notification n'est ainsi possible que si les conditions exigées par l'al. 1 let. a, b ou c sont réalisées (arrêts 6B_141/2017 du 22 décembre 2017 consid. 2.1; 6B_162/2017 du 1er décembre 2017 consid. 2.1; 6B_421/2016 du 12 janvier 2017 consid. 1.1). Il faut notamment que le lieu de séjour du prévenu n'ait pas pu être déterminé en dépit des recherches pouvant raisonnablement être exigées (cf. art. 88 al. 1 let. a CPP) ou que le prévenu sans domicile en Suisse n'y ait pas désigné de domicile de notification (cf. art. 88 al. 1 let. c CPP). Avant de pouvoir envisager l'application de l'art. 88 al. 4 CPP, le ministère public doit cependant avoir entrepris des démarches approfondies pour localiser le prévenu, cela indépendamment du cas de figure pouvant entrer en considération selon l'art. 88 al. 1 CPP (arrêts 6B_70/2018 du 6 décembre 2018 consid. 1.2; 6B_162/2017 du 1er décembre 2017 consid. 2.1 et 2.3; 6B_141/2017 précité consid. 2.1 et 2.3; 6B_421/2016 du 12 janvier 2017 consid. 1.1). 
 
1.2. La cour cantonale a considéré, en application de l'art. 85 al. 4 let. a CPP, que l'ordonnance pénale du 7 janvier 2020 était réputée valablement notifiée au recourant au plus tard le 19 octobre 2020, lorsque le ministère public s'est vu retourner la demande de notification qui n'avait pas pu être exécutée.  
Entendu par la police le 3 novembre 2019, le recourant avait en effet signé le formulaire " droits et obligations du prévenu ", traduit en albanais, l'informant de l'instruction pénale menée à son encontre. Il devait ainsi s'attendre à recevoir des actes judiciaires en lien avec cette enquête à l'adresse au Kosovo qu'il avait communiquée à la police, lors même qu'il n'avait pas d'adresse en Suisse et qu'il avait l'intention de retourner dans son pays d'origine. Il devait en particulier prendre les dispositions appropriées pour que les décisions relatives à la procédure en cours, en particulier l'ordonnance pénale du 7 janvier 2020, lui parviennent ou pour qu'un représentant désigné par lui en prenne connaissance à l'adresse indiquée. 
Seule une notification par la voie diplomatique était par ailleurs envisageable, dès lors que le recourant avait fourni une adresse au Kosovo et n'avait pas été en mesure de communiquer une adresse en Suisse où il se trouvait en situation irrégulière. Pour le reste, il était atteignable au Kosovo, à l'adresse indiquée, étant relevé qu'il y avait reçu trois factures de frais relatifs à la procédure pénale en question, qu'il avait payées (cf. arrêt attaqué, consid. 2.3 p. 7). 
 
1.3. Le raisonnement de la cour cantonale ne saurait être suivi.  
Pour autant que l'art. 85 al. 4 let. a CPP trouve application s'agissant d'une notification par la voie diplomatique, cette disposition exige que le destinataire soit effectivement avisé de la possibilité de retirer le prononcé. Or, il ne ressort ni de l'arrêt attaqué ni du dossier que le recourant a été informé d'une telle possibilité par les autorités chargées de la notification au Kosovo, lesquelles ont uniquement constaté que l'ordonnance pénale du 7 janvier 2020 n'avait pas pu lui être distribuée au motif qu'il était retourné en Suisse. 
Dans ce contexte, la fiction de notification de l'art. 85 al. 4 let. a CPP n'entre pas en considération (cf. consid. 1.1.2 supra).  
 
1.4. Il reste à examiner si une fiction de notification a pu intervenir selon l'art. 88 al. 4 CPP, ce qui suppose, indépendamment de savoir si l'on se trouve dans un cas de figure visé par l'art. 88 al. 1 CPP, qu'il puisse être établi que le ministère public a accompli toutes les démarches en vue de localiser le recourant (cf. consid. 1.1.3 supra).  
 
1.4.1. A ce propos, il faut relever que, le 29 novembre 2019, le ministère public a téléphoné au recourant afin de savoir s'il pouvait désigner une adresse de notification en Suisse. Ce dernier ayant souhaité être contacté plus tard pour pouvoir discuter en présence d'un ami parlant le français, le ministère public l'a rappelé une seconde fois le jour même, en vain, dès lors que l'intéressé n'a pas répondu (art. 105 al. 2 LTF; procès-verbal des opérations du dossier cantonal, p. 2; cf. prononcé du tribunal de police du 13 octobre 2021, p. 2).  
 
1.4.2. Cela étant, le fait que le recourant n'a pas communiqué une adresse de notification en Suisse, où il séjournait illégalement, voire qu'il aurait fourni une adresse erronée au Kosovo, ne dispensait pas le ministère public de se conformer aux exigences en matière de notification selon les art. 84 ss CPP (cf. art. 113 al. 1 CPP; arrêt 6B_70/2018 précité consid. 1.3.3 et les réf. citées; cf. également en lien avec la notification par publication officielle: arrêt 6B_931/2018 du 9 avril 2019 consid. 1.3).  
Le ministère public ne pouvait ainsi pas se contenter de deux appels téléphoniques passés le 29 novembre 2019 sans l'aide d'un interprète, ni s'en tenir à la démarche entreprise en vue de notifier l'ordonnance pénale au Kosovo, à la dernière adresse connue du recourant, une telle tentative de notification ne suffisant pas à satisfaire les exigences de l'art. 88 al. 4 CPP (cf. arrêt 6B_70/2018 précité consid. 1.4.5 et les réf. citées). 
Aussi, il apparaît qu'au plus tard après l'échec de la notification par la voie diplomatique, le ministère public, informé que le recourant était en Suisse, ne pouvait pas se dispenser de le rechercher, à tout le moins de manière plus approfondie en tentant à nouveau de le joindre téléphoniquement avec l'aide d'un interprète ou en se renseignant auprès des autorités compétentes en matière d'immigration, voire encore auprès des établissements publics qu'il avait l'habitude de fréquenter à Lausanne selon ses déclarations à la police (art. 105 al. 2 LTF; procès-verbal d'audition du 3 novembre 2019, p. 4 s.; cf. sur les recherches nécessaires selon l'art. 88 al. 4 CPP: arrêts 6B_70/2018 précité consid. 1.4.5; 6B_141/2017 du 22 décembre 2017 consid. 2.3; 6B_421/2016 du 12 janvier 2017 consid. 1.3; 6B_652/2013 du 26 novembre 2013 consid. 1.4.3). 
Faute de démarches suffisantes en vue de localiser le prévenu, les conditions ne sont pas réunies afin que l'art. 88 al. 4 CPP puisse trouver application. Partant, l'arrêt attaqué viole le droit fédéral. 
 
1.5. Au vu de ce qui précède, il n'est pas nécessaire d'examiner plus avant si l'art. 88 al. 4 CPP est conciliable avec les art. 29 s. Cst. et 6 par. 1 CEDH (cf. art. 190 Cst.).  
 
2.  
Le recours doit dès lors être admis et l'arrêt attaqué annulé, la cause étant renvoyée à l'autorité cantonale qui se prononcera sur la validité de l'opposition en tenant compte de la connaissance effective par le recourant de l'ordonnance pénale. 
Le recourant, qui obtient gain de cause, ne supportera pas de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et peut prétendre à des dépens à la charge du canton de Vaud (art. 68 al. 1 LTF), ce qui rend sans objet sa requête d'assistance judiciaire. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le canton de Vaud versera en mains de l'avocat du recourant une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale. 
 
 
Lausanne, le 12 décembre 2022 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
Le Greffier : Fragnière